TITRE IV - DISPOSITIONS VISANT À METTRE EN oeUVRE L'OBJECTIF CONSTITUTIONNEL DE PARITÉ
CHAPITRE IER - DISPOSITIONS RELATIVES AU FINANCEMENT DES PARTIS ET GROUPEMENTS POLITIQUES ET AUX CANDIDATURES POUR LES SCRUTINS NATIONAUX

Article 18 (art. 9 et 9-1 de la loi n°88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) - Modalités de calcul de la minoration de la première fraction d'aide publique aux partis politiques

Le présent article prévoit d'augmenter le montant de la modulation financière possible à l'égard des partis ou groupements politiques au regard de leur respect ou non de la présentation en nombre égal de candidats de sexe différent ainsi que des modalités de rattachement des candidats à ces partis ou groupements politiques pour le calcul de cette modulation.

En premier lieu, le II du présent article augmente le taux de minoration qui s'applique au montant de l'aide publique versée aux partis ou groupements politiques en application de l'article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988.

Cette loi a en effet instauré un mode de financement des formations politiques essentiellement public en contrepartie tant de l'interdiction faite aux personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques eux-mêmes, d'effectuer un don ou de conférer un avantage en nature aux partis ou groupements politiques que de la limitation de ces dons et avantages en nature provenant des personnes physiques. L'aide publique se décompose en deux fractions dont la première est ouverte aux partis ou groupements politiques ayant obtenu une certaine audience lors des élections législatives générales, ce qui exige, en métropole ou à l'étranger, la réunion d'au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ou, pour les circonscriptions outre-mer qui connaissent un régime plus favorable, lorsque le ou les candidats présentés dans ces circonscriptions ont obtenu au moins 1 % de suffrages exprimés.

Pour les partis ou groupements éligibles, le montant de cette première fraction est calculé à due proportion du nombre de suffrages obtenus au premier tour des élections législatives lors du renouvellement général, ce calcul valant pour la durée totale de la législature.

La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 a prévu à l'article 9-1 de la même loi une modulation sur le montant qui devrait être versé par l'État en application des règles précitées, en fonction du respect par les partis ou groupements politiques des règles de parité lors de la présentation des candidats aux élections législatives générales. Ainsi, une fois le montant calculé, ce dernier peut se voir réduit dès que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % du nombre total des candidats rattachés à un parti ou groupement politique. Cette minoration est proportionnelle à l'écart constaté : le montant est diminué d'un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart. Fixé à la moitié par la loi du 6 juin 2000, ce coefficient de diminution a été augmenté à son niveau actuel de trois quart par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007.

La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin a suggéré, dans son rapport de 2012, de rendre plus dissuasive cette modulation en augmentant la modulation automatique qui s'attache au constat d'un écart de candidats de chaque sexe supérieur à 2 %.

Le présent article poursuit cet objectif mais propose de relever ce pourcentage à 150 % , ce qui équivaut à un doublement du niveau actuel et un triplement du niveau d'origine. Ainsi, un parti politique qui présenterait parmi ses candidats moins d'un tiers de candidats d'un même sexe ne bénéficierait plus d'aide publique de la première fraction, ce qui serait toutefois sans incidence sur son droit à bénéficier de la seconde fraction d'aide 57 ( * ) s'il remplit les conditions 58 ( * ) .

Il paraît à votre rapporteur que ce pourcentage de 150 % constitue une option maximale , une augmentation au-delà pouvant compromettre le financement public qui assure l'essentiel des ressources de certaines partis politiques au risque de porter atteinte à l'objectif constitutionnel d'expression pluraliste des opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

En outre, il serait précisé à l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 que la minoration de l'aide publique pour la première fraction ne peut excéder le montant total auquel a droit le parti ou le groupement politique. A défaut de cette précision, le parti ou groupement politique pourrait se voir réclamer le versement d'une somme dès lors que la minoration de l'aide dépasse le montant de l'aide elle-même, ce qui aurait pour effet de transformer cette modulation de l'aide en une sanction. Or, le juge constitutionnel a écarté un grief tiré du principe de nécessité des peines posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 au motif que cette modulation, au vu de ces caractéristiques, ne constituait pas une sanction 59 ( * ) . Cette précaution est donc utile pour garantir la parfaite constitutionnalité de la disposition.

Parallèlement, le I du présent article modifie les règles de rattachement des candidats aux partis ou groupements politiques pour le calcul de la minoration de la première fraction d'aide publique. Cette disposition est directement liée avec la précédente dans la mesure où le périmètre des candidats présentés par un parti ou groupement politique conditionne l'écart finalement constaté et donc le montant de la minoration.

Actuellement, ce rattachement repose sur le libre choix du candidat sans faculté d'opposition du parti auquel le candidat se rattache. Comme le relève la jurisprudence administrative, l'administration ne peut rectifier cette déclaration au regard des circonstances, cette déclaration ayant « un caractère exclusif et irrévocable » 60 ( * ) . Ce rattachement subi par le parti politique peut être particulièrement injuste lorsqu'un candidat « dissident », non officiellement soutenu par son part politique voire se présentant contre le candidat « officiel » de ce parti, se rattache à ce même parti politique. Le calcul de l'écart entre la représentation respective de chaque sexe parmi les candidats est donc faussé car entrent en compte dans le calcul de la minoration des candidats qui ne sont pas volontairement présentés par la formation politique.

Il est donc prévu, dans la rédaction retenue par le Gouvernement, de renverser ce principe en permettant la présentation du candidat par le parti politique lui-même, la notion de présentation existant d'ores et déjà à l'article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988.

Si cette disposition poursuit un objectif partagé par votre commission et qui correspond à une précision souhaitée par notre collègue Alain Richard à plusieurs reprises au cours des travaux de votre commission, le mécanisme retenu peut soulever une nouvelle difficulté en permettant aux partis ou groupements politiques de dresser eux-mêmes la liste des candidats qui entrent en compte pour le calcul de la minoration d'aide publique qui s'appliquerait à eux. Ils pourraient ainsi être tentés d'écarter formellement de la liste de présentation certains candidats - bien qu'ils bénéficient du soutien politique de leur parti - pour échapper à la minoration de l'aide publique en adressant à l'administration une liste présentant une égale représentation des hommes et des femmes.

En outre, le renvoi au décret pour fixer non pas les modalités mais les conditions de cette présentation habilitent le pouvoir règlementaire sur un point déterminant dans le calcul même de la minoration financière subie par les partis ou groupements politiques. Or, le législateur est compétent en ce domaine au titre de l'article 1 er de la Constitution- s'agissant de favoriser l'égal accès des hommes et des femmes à l'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives - et sur le fondement de l'article 4 de la Constitution qui confère au législateur le soin de fixer les conditions dans lesquelles les partis ou groupements politiques le soin de mettre en oeuvre ce principe de parité.

En conséquence, adoptant un amendement de son rapporteur, votre commission a souhaité résoudre cette double difficulté en apportant une mesure correctrice au cadre légal actuel. Si les candidats seraient toujours libres de déclarer un rattachement à un parti ou groupement politique, la formation politique disposerait en retour d'une faculté de s'opposer à ce rattachement en prouvant sur la base de critères objectifs qu'elle n'a pas souhaité le présenter. En effet, l'investiture conférée par un parti politique, qui n'est au demeurant pas un acte obligatoire, est une procédure interne à ce parti et n'a, de ce fait, pas une valeur juridique opposable à l'État ou pouvant servir en lui-même de critère définitif pour distinguer les candidats présentés ou non par le parti politique.

En revanche, il est possible de permettre à l'administration d'apprécier le faisceau d'indices que lui apporterait le parti politique pour écarter un candidat comme n'étant pas présenté par ce parti. Ces éléments objectifs seraient, outre la décision d'investiture elle-même, l'impression ou non du logo du parti sur les bulletins de vote, le versement ou non d'une aide financière du parti en cause pour la campagne électorale ou encore la présence d'un autre candidat investi, selon les procédures internes au parti, au sein de la même circonscription.

Il serait alors renvoyé au décret seulement pour fixer les modalités de cette opposition et non les motifs de cette opposition, réservant ainsi pleinement la compétence du législateur.

Enfin, par l'adoption de ce même amendement, votre commission a intégré, au sein de cet article, la mention qui figurait initialement à l'article 24 du projet de loi et prévoyant l'entrée en vigueur du présent article à compter du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale, soit aux élections législatives de 2017.

Votre commission a adopté l'article 18 ainsi modifié .


* 57 En application de l'article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, la seconde fraction de l'aide publique est accordée aux partis ou groupements politiques en fonction du nombre de parlementaires qui déclarent s'y rattacher.

* 58 Le présent article prévoit donc de viser, pour définir les partis politiques bénéficiant de la seconde fraction d'aide publique, ceux « éligibles » à la première fraction d'aide publique et non ceux « bénéficiaires » comme actuellement.

* 59 CC, 30 mai 2000, n° 2000-429 DC.

* 60 CE, 28 juillet 2000, n° 214774.

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