CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
L'intitulé de ce chapitre, qui visait initialement aussi les dispositions relatives à l'adoption a été restreint à celles relatives au nom de famille, par amendement du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, par coordination avec la création d'un chapitre I er bis spécialement dédié à ces dispositions.
Article 2 A (nouveau) (art. 225-1 [nouveau] du code civil) - Possibilité d'usage, par l'un des époux, du nom de l'autre époux
Cet article additionnel a été introduit dans le texte de la commission par l'adoption d'un amendement de notre collègue Cécile Cukierman.
Il crée un nouvel article 225-1 dans le code civil qui dispose que « chacun des époux peut porter, à titre d'usage, le nom de l'autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l'ordre qu'il choisit. »
Jusqu'à présent, les règles qui gouvernent le nom d'usage entre époux, n'étaient évoquées qu'incidemment à l'occasion des textes sur le divorce (article 264) et la séparation de corps (article. 300).
Cependant, si ces règles n'étaient pas explicitement consacrées au sein des dispositions du code civil relatives au mariage, en pratique, elles s'appliquaient déjà pour partie.
En effet, le paragraphe 674 de l'instruction générale de l'état civil (IGREC) prévoit que si le mariage ne modifie pas le patronyme de chaque époux, qui lui est indéfectible 113 ( * ) , il acquiert le droit d'user du nom de son conjoint. Mais, ce texte opère une distinction entre le mari et la femme. Le mari peut user du nom de sa femme mais uniquement par adjonction au sien, alors que l'épouse peut choisir d'user du nom de son mari par substitution ou adjonction au sien.
Cette disposition de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen est donc bienvenue. Elle permet, d'une part, de consacrer explicitement les règles relatives à l'usage par un époux du nom de l'autre époux et, d'autre part, de mettre fin à la distinction opérée entre mari et femme, qui ne peut logiquement s'appliquer aux couples de personnes de même sexe, et qui ne se justifie plus pour les couples de personnes de sexe différent.
Votre commission a adopté l'article additionnel 2 A ainsi rédigé .
Article 2 (art. 311-21, 311-23, 357 et 357-1 du code civil) - Dévolution du nom de famille en cas de filiation légalement établie et d'adoption plénière
Cet article tire les conséquences, pour l'attribution du nom de famille, de l'ouverture de l'adoption plénière aux époux de même sexe, en prévoyant, que par défaut, ou en cas de désaccord, le nom attribué à l'enfant est composé des deux noms des parents, dans l'ordre alphabétique. À l'initiative de Madame la députée Corinne Narassiguin, il étend cette règle aux autres filiations légalement établies.
1. Les règles de dévolution du nom de famille
Il y a dix ans, les règles de dévolution du nom de famille ont été profondément modifiées par deux lois successives, du 4 mars 2002 114 ( * ) et du 18 juin 2003 115 ( * ) . L'expression « nom de famille » a remplacé celle de « nom patronymique » et une plus grande liberté a été donnée aux parents pour choisir le nom de leurs enfants.
En cas de filiation légalement établie 116 ( * ) , l'article 311-21 du code civil ouvre aux parents le choix suivant : soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille pour chacun d'eux. Les parents font connaître à l'officier d'état civil leur décision, par déclaration conjointe.
Par défaut, s'ils ont omis d'effectuer une déclaration conjointe, ou s'ils n'ont pu s'accorder, l'enfant prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l'égard de l'un et de l'autre.
La dévolution subsidiaire du nom du parent à l'égard duquel la filiation est établie en premier lieu vise à préserver la possibilité, pour la mère, en procédant à une reconnaissance prénatale, de transmettre son nom à l'enfant, même en cas de désaccord avec le père. Introduite par la loi précitée du 18 juin 2003, en correction de celle du 4 mars 2002, elle était motivée par le souci de rééquilibrer en faveur de la mère les règles de dévolution du nom de famille. En effet, une fois la filiation établie à l'égard des deux parents au jour de la déclaration de naissance, l'absence de déclaration conjointe de nom de famille profitait au père, qui pouvait transmettre son nom.
La seconde règle de dévolution subsidiaire, en cas de filiation établie concomitamment, constitue la dernière traduction juridique de la faveur traditionnelle dont bénéficie le nom paternel.
Une fois le nom de famille choisi, il s'impose à tous les enfants du couple à venir, afin de garantir l'unité de la fratrie.
Lorsque l'enfant n'a sa filiation établie qu'à l'égard d'un seul parent, il en prend le nom. Ceci n'interdit toutefois pas, s'il est reconnu ensuite par son deuxième parent, que ces père et mère choisissent soit le nom de l'autre parent, soit leurs deux noms accolés, sous la réserve du nom éventuel de la fratrie. En l'absence d'accord entre eux, l'enfant conserve son nom d'origine 117 ( * ) .
Une règle générale s'impose absolument, pour éviter des noms triples ou quadruples : si chacun des parents décide de transmettre son nom, celui qui possède un double nom ne peut transmettre qu'un des deux, à sa discrétion.
En cas d'adoption plénière par deux époux , les mêmes règles s'appliquent, puisque l'article 357 du code civil renvoie expressément à l'article 311-21 du même code. C'est aussi le cas pour l'adoption de l'enfant du conjoint 118 ( * ) . Toutefois, il convient de souligner la spécificité de la procédure dans ce cas : le jugement d'adoption mentionne le nom de famille de l'enfant 119 ( * ) . Les époux sont donc conduits, dans le cours du procès d'adoption, à faire connaître au juge leur décision sur ce point, soit qu'ils établissent une déclaration commune, soit qu'ils s'en remettent à la règle subsidiaire.
Une règle particulière doit être signalée, celle de la « dation de nom » : le mari ou la femme qui adopte seul un autre enfant que celui de son conjoint, peut demander au tribunal que l'adopté reçoive, comme nom de famille, celui de son conjoint, substitué ou accolé au sien. L'accord de l'intéressé est nécessaire. S'il est décédé ou dans l'impossibilité d'exprimer sa volonté, le tribunal apprécie l'opportunité de la demande après avoir le cas échéant consulté les proches du défunt.
2. Le projet de loi initial et la modification adoptée par les députés
En l'absence de décision commune des conjoints, l'enfant adopté reçoit, par application de la règle subsidiaire, le nom du père adoptif. Cette disposition n'aurait pu, par principe, s'appliquer au cas d'époux de même sexe.
Le Gouvernement a donc prévu dans le projet de loi initial de substituer à cette règle subsidiaire, une autre règle : par défaut, l'enfant prendrait le premier nom de famille de chacun des époux, accolés dans l'ordre alphabétique.
Le présent article supprimait aussi, dès cette première rédaction, la faculté offerte à l'adoptant marié qui adopte seul, d'attribuer à l'enfant le nom de son conjoint. La Chancellerie justifie cette suppression par la désuétude de la procédure de dation de nom, qui n'est plus mise en oeuvre aujourd'hui.
L'article 2 intègre ces modifications en procédant à une réécriture complète de l'article 357 du code civil, qui reprend, sauf pour la règle subsidiaire, les principales dispositions du régime général.
Cette réécriture complète met fin au régime transitoire dont bénéficiaient jusqu'alors les enfants nés avant le 1 er janvier 2005, qui continuaient de relever des règles antérieures à la loi du 4 mars 2002. Ceci permettra de garantir l'unité de la fratrie, puisque les parents pourront choisir un nom de famille commun pour tous les enfants nés avant ou après cette date. Une telle situation est susceptible de correspondre à celle des familles homoparentales déjà existantes, qui établiront par l'adoption le second lien de filiation jusque là manquant, ce qui justifie la fin de ce régime transitoire.
Par coordination, s'agissant des adoptions internationales, le renvoi de l'article 357-1 du code civil à l'article 311-21 du même code est supprimé au profit d'un renvoi à l'article 357 120 ( * ) . La référence à cet article est par ailleurs introduite, par coordination aussi, aux articles 311-21 et 311-23.
Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale n'avait proposé que des modifications d'ordre rédactionnel. Mais, avec son avis favorable, la commission des lois a adopté un amendement de Mme la députée Corinne Narassiguin et plusieurs de ses collègues, qui a étendu aux filiations non-adoptives la suppression de la préférence donnée, par défaut, au nom du père.
Cet amendement était motivé par une double préoccupation :
- garantir l'égalité, dans la dévolution du nom de famille, entre les enfants adoptés et les enfants naturels, en les soumettant au même régime ;
- mettre fin au privilège donné au nom du père, et garantir ainsi une complète égalité entre les sexes pour la transmission du nom.
La rédaction retenue fait disparaître par conséquent, à l'article 311-21 du code civil, toute référence à l'attribution du nom de famille du parent à l'égard duquel la filiation a été établie en premier lieu. Cette règle était censée rééquilibrer, en faveur de la mère, ce privilège. Les députés ayant fait le choix d'un dispositif qui interdit à l'un des sexes de prévaloir sur l'autre, la disposition en cause n'avait plus lieu d'être.
La solution ainsi préconisée par les députés correspond sensiblement à celle retenue initialement par l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi précitée du 4 mars 2002. À l'époque, le Sénat avait obtenu le rétablissement de la priorité donnée par défaut au nom paternel.
Ce nouveau dispositif a donné lieu, dans le cadre du présent texte, à un débat nourri en séance publique, autour des mêmes arguments que dix ans plus tôt : pour les uns, l'égalité entre les enfants et entre les pères et mères ; pour les autres, l'usage, la simplicité, la tradition et la nécessité d'équilibrer socialement les filiations paternelles, plus incertaines, et les filiations maternelles, irréfutables.
La garde des sceaux, Mme Christine Taubira, tout en défendant l'objectif d'égalité porté par l'amendement, a reconnu combien le sujet était sensible, et, attentive aux inquiétudes qu'il suscitait, a émis le voeu qu'il puisse être retravaillé et précisé au cours de la navette parlementaire.
3. La position de votre commission
L'exigence d'égalité entre les sexes et le souci de ne pas traiter différemment les enfants adoptés des autres enfants dans l'attribution de leur nom de famille, sont deux raisons puissantes au soutien de la rédaction retenue par les députés, qui pourraient justifier de remettre en cause un usage ancien, maintenu en 2002 et 2003.
En 2004, la Cour européenne des droits de l'homme a ainsi jugé contraire aux articles 8 (droit au respect de sa vie privée et familiale) et 14 (prohibant toute discrimination fondée sur le sexe) de la convention européenne des droits de l'homme, la disposition du droit civil turc qui imposait aux femmes mariées comme nom de famille, celui de leur époux 121 ( * ) .
Elle a constaté qu'un « consensus se dessin[ait] au sein des États contractants du Conseil de l'Europe quant au choix du nom de famille des époux sur un pied d'égalité ». Examinant la question « de savoir si l'unité de la famille doit être manifestée par un nom de famille commun et, en cas de désaccord entre les époux sur celui-ci, si le patronyme d'un époux peut être imposé à l'autre », elle a observé sur ce point que, « selon la pratique des États contractants, il est parfaitement concevable que l'unité de la famille soit préservée et consolidée lorsqu'un couple marié choisit de ne pas porter un nom de famille commun » et en a conclu que « l'objectif de traduire l'unité de la famille par un nom de famille commun ne saurait justifier la différence de traitement fondée sur le sexe ».
Même si cette jurisprudence ne porte que sur le nom commun des époux, et non sur le nom de famille donné aux enfants 122 ( * ) , et si elle ne sanctionne que la primauté donnée au mari en cas de désaccord entre les époux, elle signale un mouvement général en Europe, de suppression des privilèges du patronyme masculin et d'égalité entre les père et mère.
Votre commission prend la mesure de ce mouvement comme de la nécessité de faire progresser l'égalité entre les hommes et les femmes pour la dévolution aux enfants du nom de famille.
Toutefois, elle constate que la solution proposée par les députés suscite des interrogations légitimes.
La première a trait à l'effet concret d'une telle règle subsidiaire.
En privilégiant l'ordre alphabétique, elle introduit un biais de sélection des noms de famille : si, comme aujourd'hui, l'absence de déclaration conjointe prédomine, à la deuxième génération, l'enfant qui aura reçu ce double nom transmettra le premier, qui a l'avantage dans l'ordre alphabétique. Au fil des générations, les noms de famille désavantagés dans l'ordre alphabétique disparaîtraient au profit de ceux mieux placés, en tête d'alphabet 123 ( * ) .
Plus généralement, au cours des auditions, plusieurs intervenants, se sont fait l'écho des inquiétudes soulevées par la nouvelle règle subsidiaire.
M. François Fondard, président de l'union nationale des associations familiales a ainsi rejeté la modification introduite par les députés : « Le projet de loi prévoyait que les enfants adoptés prendraient les noms de leurs deux parents, dans l'ordre alphabétique ; afin d'éviter une rupture entre filiation biologique et filiation adoptive, l'Assemblée nationale vient d'étendre ce changement à toutes les familles. Cette transformation majeure n'a fait l'objet d'aucune étude préalable et n'a pas sa place dans ce texte ; nous demandons au Sénat de revenir sur ce point ».
Le docteur Pierre Levy-Soussan, a dénoncé les conséquences, pour tous les couples, d'une modification introduite, à l'origine, pour les seuls parents de même sexe : « on voit bien la difficulté quand on aborde la question des noms propres : pour s'en sortir, on propose de juxtaposer les deux noms pour tout le monde. Pour nous, psychiatres, c'est une aberration. La transmission du nom du père est une manière, pour le père, de compenser le lien charnel de l'enfant avec sa mère. Si on donne le choix au couple, qui choisira ? ».
Votre commission relève, dans le même temps, qu'en dépit des lois de 2002 et 2003, la transmission du nom du père aux enfants demeure un usage ancré dans les familles.
Dans de nombreux cas, notamment lorsqu'ils sont mariés et que la filiation paternelle est présumée, les parents s'abstiennent de toute déclaration conjointe, marquant ainsi implicitement leur accord avec la règle subsidiaire d'attribution du patronyme aux enfants.
Le ministère de la justice 124 ( * ) a ainsi indiqué à votre rapporteur que, sur les 826 786 naissances enregistrées en France en 2011, seulement 143 582 (soit 17 % du total) faisaient l'objet d'une déclaration conjointe des deux parents : la règle subsidiaire est la règle majoritaire, puisqu'elle s'applique dans plus de 80 % des cas, au bénéfice, principalement, du patronyme masculin 125 ( * ) .
Par ailleurs, lorsque les parents s'entendent pour une déclaration conjointe, dans plus de 60 % des cas (88 379), ils choisissent alors comme nom de famille celui du père.
Ainsi, les parents, dans la très grande majorité des cas, choisissent volontairement ou s'accommodent sans difficulté de la transmission à l'enfant du seul nom du père : au total, 685 140 enfants ont pris le nom de leur père, soit près de 83 % des enfants nés en 2011.
Les chiffres observés en 2012 confirment ces proportions, plus nettes encore dans le cas des adoptions plénières : le service central d'état civil indique ainsi qu'au 19 décembre 2012, sur 2502 adoptions plénières transcrites sur ses registres, et alors même que les adoptants doivent se prononcer sur le nom de famille dans le cadre du jugement d'adoption, seulement 161 enfants adoptés portent un double nom, soit à peine 6,5 %.
Peut-on raisonnablement regarder cette tendance comme illégitime, et exclure qu'elle réponde au voeu tacite de conserver un usage ancien ?
Si la loi peut utilement devancer les moeurs, en ouvrant de nouvelles perspectives, elle s'honore aussi à respecter des habitudes consacrées, confiant plus sûrement à la liberté de chacun le soin de les faire progresser.
Enfin, le dispositif adopté par les députés est le seul, de tout le projet de loi, qui modifierait sensiblement le droit applicable aux couples hétérosexuels.
Une solution médiane pourrait être envisagée qui concilierait l'exigence légitime d'égalité et les pratiques observées, sans modifier sensiblement le droit applicable aux familles par le sang.
Elle consisterait à distinguer, dans la règle subsidiaire, le défaut de déclaration conjointe, du désaccord entre les parents .
Un tel désaccord paraît par hypothèse exclu, dans le cas d'une adoption plénière conjointe, puisque l'engagement des deux époux pour l'adoption ne serait pas compatible avec un conflit sur le nom de famille. D'ailleurs, il serait alors au pouvoir du juge prononçant l'adoption de trancher pour une solution plutôt qu'une autre.
Contrairement à ce qui peut advenir dans le cas de filiations biologiques, l'inertie des époux adoptants est nécessairement volontaire et ne saurait résulter d'un manque d'information, puisque le juge aura exigé des intéressés qu'ils se prononcent sur la question au cours du procès d'adoption.
La solution retenue par l'Assemblée nationale pour l'adoption plénière peut donc être conservée, la règle subsidiaire n'ayant pas vocation à régir la plus grande part des situations.
En revanche, tel ne serait pas le cas des filiations légalement établies.
En effet, des désaccords sont susceptibles d'apparaître dans le cas d'une filiation biologique, entre les parents séparés au moment de la naissance ou en conflit ouvert.
Il n'est alors pas souhaitable que le père puisse, par son désaccord, imposer son nom, pour l'enfant, à la mère : le signalement à l'officier d'état civil, par l'un des parents dès avant la naissance ou jusqu'à sa déclaration 126 ( * ) , d'un désaccord entre eux deux sur le nom de famille, l'obligerait alors à attribuer à l'enfant leurs deux noms accolés selon l'ordre alphabétique 127 ( * ) .
Tel n'est plus le cas, lorsque l'absence de déclaration conjointe résulte d'une inertie de la part des parents : on peut alors légitimement présumer qu'ils s'en remettent à l'usage traditionnel, et souhaitent que l'enfant reçoive le nom du père. La règle actuelle pourrait persister dans ce cas.
À l'initiative de votre rapporteur votre commission a adopté un amendement , mettant en oeuvre, pour la filiation biologique uniquement, la règle subsidiaire ainsi proposée.
Elle a par ailleurs rétabli la possibilité, qui profite généralement à la mère, pour le premier parent ayant reconnu l'enfant, de lui donner par priorité son propre nom en l'absence de choix conjoint. Toutefois, cette éventualité cèderait en cas de désaccord exprimé par l'autre parent.
L'adoption de cet amendement ne remet pas en cause l'exigence légitime d'égalité dans la dévolution du nom de famille : il garantit au contraire que l'un des sexes ne puisse imposer sa décision à l'autre. Votre rapporteur engage par ailleurs le Gouvernement à veiller à ce que les parents reçoivent une information pleine et entière, afin qu'ils décident en toute conscience du nom que recevra leur enfant.
Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .
Article 3 (art. 361 et 363 du code civil) - Dévolution du nom de famille en cas d'adoption simple
Cet article adapte les règles organisant la dévolution du nom de famille en cas d'adoption simple, à la situation des adoptants de même sexe et supprime toute discrimination en faveur de l'un ou l'autre sexe : à défaut d'accord entre les époux adoptants, l'adopté verrait adjoint à son nom, en seconde position, le premier de leurs noms selon l'ordre alphabétique.
1. Le droit en vigueur : l'adaptation des règles générales de dévolution du nom famille au principe d'adjonction du nom des adoptants, spécificité de l'adoption simple
L'adoption simple ne rompt pas la filiation antérieure : les règles de dévolution du nom de famille en portent la marque, puisqu'elles prévoient qu'en principe l'adopté conserve son nom de famille d'origine, auquel est ajouté celui des adoptants. La Cour de cassation rappelle toutefois que l'adopté majeur doit consentir à cette adjonction 128 ( * ) .
Deux cas particuliers sont distingués : l'adoption simple par une personne seule ou l'adoption conjointe.
Dans le premier cas, lorsque l'adoptant ou l'adopté portent un double nom de famille, le nouveau nom de l'adopté résulte de l'adjonction du nom de l'adoptant à son propre nom, dans la limite d'un nom pour chacun. Le choix appartient à l'adoptant, sous réserve du consentement de l'adopté, s'il est âgé de plus de treize ans. À défaut de choix ou en cas de désaccord, le nom conféré à l'adopté résulte de l'adjonction du premier nom de l'adoptant au premier nom de l'adopté.
Lorsque l'intéressé est adopté par deux époux, le nom adjoint est, à leur demande, soit celui du mari, soit celui de la femme, dans la limite d'un nom pour chacun d'eux, et, à défaut d'accord, le premier nom du mari.
Si l'adopté porte un double nom de famille, les adoptants décident du nom conservé par l'intéressé, qui doit cependant y consentir s'il a plus de treize ans. En cas de désaccord ou à défaut de choix, le nom des adoptants retenu est ajouté au premier nom de l'adopté.
En principe, le nom de l'adoptant suit celui de l'adopté, mais la Cour de cassation reconnaît au juge la possibilité de modifier cet ordre 129 ( * ) .
Le tribunal peut, à la demande de l'adoptant, substituer son nom à celui de l'adopté. Cette demande peut être formée postérieurement à l'adoption. En cas d'adoption conjointe, les époux choisissent soit le nom du mari, soit celui de la femme, soit leurs noms accolés dans l'ordre choisi par eux et dans la limite d'un seul nom pour chacun. L'adopté de plus de treize ans doit consentir à cette substitution du nom de famille.
2. Le projet de loi initial et la modification adoptée par les députés
En dehors de la spécificité de l'adjonction du nom de l'adoptant, l'adoption simple ne se distingue pas de l'adoption plénière pour la dévolution du nom de famille : le principe est le nom choisi conjointement par les époux, et la règle subsidiaire, à défaut de choix, la prévalence du nom masculin.
Cette règle subsidiaire était par nature incompatible avec l'adoption par deux époux de même sexe. Le présent article, qui procède à une réécriture complète de l'article 363 du code civil 130 ( * ) , la supprime au profit d'une règle par défaut prévue, à l'article précédent, pour l'adoption plénière : le nom adjoint à celui de l'adopté serait le premier nom des deux adoptants dans l'ordre alphabétique.
Il apporte aussi quelques précisions, sur la possibilité pour les adoptants de choisir l'ordre d'adjonction des noms ainsi que la faculté, pour le tribunal, de décider qu'en cas d'adoption de l'enfant du conjoint, celui-ci conserverait son nom d'origine. Il rappelle aussi que l'adopté majeur doit consentir à l'adjonction du nom de l'adoptant, et que celui âgé de plus de treize ans doit consentir au choix des adoptants sur les noms - sinon, la règle subsidiaire s'applique.
Le présent article procède par ailleurs à une coordination nécessaire du renvoi prévu à l'article 361 du code civil, vers l'article 357, compte tenu de la nouvelle rédaction qui lui est apportée à l'article 2.
Le texte adopté par les députés a conservé la rédaction initiale du texte, sous réserve de quelques amendements rédactionnels du rapporteur.
3. La position de votre commission
Conformément à la position qu'elle a adoptée pour l'article 2, votre commission a conservé la nouvelle règle subsidiaire mise en place par l'article 3 en matière d'adoption simple.
En effet, l'accord est la règle en la matière, puisque les parents d'origine doivent consentir à l'adoption et que la question du nom de famille est examinée lors du jugement d'adoption.
Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .
* 113 L'article 1 er de la loi du 6 fructidor an II prévoit que « aucun citoyen ne pourra porter de nom ou de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre ».
* 114 Loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille.
* 115 Loi n° 2003-516 du 18 juin 2003 relative à la dévolution du nom de famille.
* 116 L'expression s'entend de toutes les filiations biologiques établies par reconnaissance ou déclaration, ainsi que de celles établies par possession d'état.
* 117 Art. 311-23 du code civil.
* 118 Le deuxième alinéa de l'article 356 du code civil dispose en effet que si l'adoption de l'enfant du conjoint laisse subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et de sa famille, elle produit, pour le surplus, les effets d'une adoption par deux époux, ce qui recouvre, en particulier, les règles relatives à la dévolution du nom de famille. Telle est notamment l'interprétation retenue par la circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l'état civil relatifs à la naissance et à la filiation précitée (§ 344).
* 119 Art. 354, 3 e alinéa.
* 120 Le renvoi est complet, à l'exception de la disposition permettant au tribunal prononçant l'adoption de modifier, à la demande de l'adoptant, les prénoms de l'enfant. En effet, elle n'a pas vocation à jouer dans le cadre d'une adoption prononcée à l'étranger, seule la déclaration à l'officier d'état civil du nom de famille étant pertinente en la matière.
* 121 CEDH, 16 novembre 2004, Ünal Tekeli c/ Turquie , req. n° 29865/96.
* 122 Le droit français, modifié en 2002 pour tenir compte de cette exigence, ne tombe par conséquent pas sous le coup de cette jurisprudence, puisqu'il conserve à chaque époux le droit de porter son propre nom de famille. Celui qui le souhaite peut se faire désigner par le nom de son conjoint, mais il ne s'agit là que d'un nom d'usage, sans conséquence sur le véritable nom légal de l'intéressé.
* 123 Il serait possible de remédier à cette situation en prévoyant de tirer au sort l'ordre alphabétique ou contralphabétique de l'apposition de noms des deux parents. Un amendement de M. le député Jean-Marc Germain, déposé en séance publique à l'Assemblée nationale a ainsi proposé que l'ordre alphabétique soit retenu les jours pairs, l'ordre inverse les jours impairs. La commission des lois, comme le Gouvernement ont rendu un avis défavorable sur cet amendement, qui rendait trop complexe le dispositif.
* 124 Sur la base des données recueillies et traitées par l'Insee.
* 125 Une part des absences de déclaration conjointe correspond, par définition, aux situations où la filiation de l'enfant n'est établie qu'à l'égard d'un de ses parents, en l'occurrence, le plus souvent, sa mère.
* 126 La signification du désaccord pourrait ainsi être anticipée par le parent qui craindrait sinon de ne pouvoir donner son nom à l'enfant.
* 127 Ce faisant, la suppression de la mention selon laquelle, l'enfant prend le nom du parent à l'égard duquel sa filiation a été établie la première, peut être conservée : cette disposition avait jusqu' à aujourd'hui vocation à contrer la prévalence donnée au nom du père en cas de désaccord. La règle d'égalité ainsi consacrée la rend inutile.
* 128 Cour de cassation, QPC, 8 juillet 2010, n°12135. La Cour de cassation considère en effet que le dernier alinéa de l'article 61-3 du code civil, qui dispose que « l'établissement ou la modification du lien de filiation n'emporte cependant le changement du nom de famille des enfants majeurs que sous réserve de leur consentement », s'applique à l'adoption simple.
* 129 Cour de cassation, 1 ère chambre civile, 6 octobre 2010 qui dispose que l'article 363 du code civil « n'exclut pas la possibilité pour le juge de décider que le nom d'origine de l'adopté suivra celui de l'adoptant ».
* 130 Comme pour l'adoption plénière examinée à l'article précédent, la réécriture complète de l'article 363 met fin au régime transitoire dont bénéficiaient les enfants nés avant le 1 er janvier 2005( cf. supra ).