TITRE II - DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ENSEMBLE DES RÉGIMES
CHAPITRE IER - Age d'ouverture du droit

Article 5 (art. L. 161-17-2 nouveau du code de la sécurité sociale) Relèvement de l'âge légal d'ouverture du droit à une pension

Objet : Cet article prévoit le relèvement progressif de deux années de l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite.

I - Les dispositions initiales du projet de loi

1. Le départ en retraite à soixante ans

L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite est fixé, sous réserve d'exceptions, à soixante ans depuis l'ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982 relative à l'abaissement de l'âge de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles. Dès avant cette date, un grand nombre d'assurés pouvait partir en retraite à soixante ans, mais en vertu de dispositifs spécifiques.

L'abaissement généralisé de l'âge d'ouverture du droit à pension de soixante-cinq à soixante ans a été conçu comme un élément essentiel de progrès social, comme en témoigne le rapport au Président de la République précédant l'ordonnance du 26 mars 1982 :

« L'abaissement à soixante ans de l'âge de la retraite est une aspiration sociale ancienne qui n'a pas reçu jusqu'à présent une réponse satisfaisante. Certes, le service à soixante ans d'une pension calculée au taux prévu à soixante-cinq ans a été accordé à quelques catégories d'assurés : inaptes au travail, anciens déportés et internés, anciens combattants et prisonniers de guerre, travailleurs manuels et ouvrières mères de famille, femmes justifiant de 37,5 années d'assurance dans le régime général et celui des salariés agricoles. Mais il ne s'agit là que de mesures partielles destinées à compenser la condition particulière du travail féminin et l'usure prématurée due au labeur ou à des circonstances difficiles.

« Parallèlement et à défaut d'une volonté politique de réaliser pleinement l'abaissement de l'âge de la retraite, des mesures conventionnelles temporairement reconduites et destinées à remédier aux conséquences de la crise économique ont permis à certains salariés de démissionner de leur emploi à partir de soixante ans en bénéficiant jusqu'à la liquidation de leur pension d'une « garantie de ressources ». Dans d'autres cas, où le retrait de l'activité est la conséquence d'une privation involontaire de l'emploi, le maintien d'une « garantie de ressources » par licenciement d'un montant équivalent a été prévu.

« Ni ces retraites anticipées, ni ces « préretraites » souhaitées ou subies qui ne garantissent aucun droit durable à ceux qui sont susceptibles d'en bénéficier, ne concernent la totalité des salariés. Elles ne peuvent tenir lieu du véritable droit au repos que les travailleurs sont fondés à revendiquer en contrepartie des services rendus à la collectivité à l'issue d'une durée de carrière normale.

« L'abaissement de l'âge de la retraite constituera donc une étape significative de la politique de progrès social mise en oeuvre par le Gouvernement ».

L'abaissement à soixante ans de l'âge d'ouverture du droit à pension a été accompagné du maintien à soixante-cinq ans de l'âge permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein.

Aujourd'hui, une grande majorité des salariés liquide sa pension de retraite dès l'âge de soixante ans : en 2009, 60 % environ des attributions de pensions de droit direct à la Cnav concernaient des salariés âgés de soixante ans.

Effectifs des nouveaux retraités de l'année 2009 au régime général selon l'âge de liquidation et le genre

Age à la liquidation

Hommes

Femmes

Ensemble

Moins de 60 ans

5,8 %

2 %

3,8 %

60 ans

60,2 %

60,7 %

60,5%

Entre 61 et 64 ans

17,8 %

11,9 %

14,7 %

65 ans

12,6 %

22 %

17,6 %

66 ans et plus

3,6 %

3,4 %

3,5 %

Total

100 %

100 %

100 %

Source : Flux exhaustif de prestataires du régime général en 2009

Répartition des 642 000 nouveaux retraités de l'année 2009 selon le genre et l'âge exact à la liquidation

Source : Flux exhaustif de prestataires du régime général en 2009

2. Le dispositif proposé

L'article 5 du projet de loi propose de relever de soixante à soixante-deux ans l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite.

Actuellement, l'âge de soixante ans est fixé par décret pour les salariés du régime général et des régimes alignés et par la loi pour les fonctionnaires. Le projet de loi, dans un souci d'harmonisation, tend à donner valeur législative à l'âge d'ouverture des droits pour l'ensemble des assurés .

En conséquence, l'article 5 insère un article L. 161-17-2 parmi les dispositions du code de la sécurité sociale communes aux régimes de base pour prévoir que l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite est porté à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1 er janvier 1956.

Cet âge sera fixé par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite de soixante-deux ans pour les assurés nés avant le 1 er janvier 1956.

Le tableau suivant récapitule l'évolution à venir de l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite pour les différentes générations concernées :

Date de naissance

Age de départ avant la réforme

Date de départ avant la réforme

Décalage de l'âge de départ

Age de départ après la réforme

Date de départ après la réforme

1 er juillet 1951

60 ans

1 er juillet 2011

4 mois

60 ans et 4 mois

1 er novembre 2011

1 er janvier 1952

60 ans

1 er janvier 2012

8 mois

60 ans et 8 mois

1 er septembre 2012

1 er janvier 1953

60 ans

1 er janvier 2013

1 an

61 ans

1 er janvier 2014

1 er janvier 1954

60 ans

1 er janvier 2014

1 an et 4 mois

61 ans et 4 mois

1 er mai 2015

1 er janvier 1955

60 ans

1 er janvier 2015

1 an et 8 mois

61 ans et 8 mois

1 er septembre 2016

1 er janvier 1956

60 ans

1 er janvier 2016

2 ans

62 ans

1 er janvier 2018

Générations suivantes

60 ans

2 ans

62 ans

Cette mesure s'applique, pour le secteur privé, aux assurés du régime général, du régime des salariés agricoles, du régime des professions artisanales, industrielles et commerciales, du régime des professions libérales et du régime des avocats, ainsi que du régime des ministres du culte. Elle concernera également l'ensemble des fonctionnaires dont l'âge d'ouverture des droits est actuellement fixé à soixante ans.

En revanche, le relèvement de l'âge d'ouverture ne sera pas directement applicable dans les régimes complémentaires de retraite qui obéissent à des règles propres. Il est cependant vraisemblable que les règles applicables dans ces régimes seront alignées sur celles qui prévalent dans les régimes de base.

D'après l'étude d'impact du projet de loi, peu détaillée sur ce point, « pour l'ensemble des régimes, le report de l'âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans (à raison de quatre mois par an à compter du 1 er juillet 2011), le décalage au même rythme de l'âge automatique d'obtention d'une pension complète de soixante-cinq à soixante-sept ans et la poursuite de l'allongement de la durée de cotisation selon le principe fixé par la loi du 21 août 2003 jusqu'en 2020, se traduiront par une économie de près de 2 milliards d'euros en 2011 et d'environ 20 milliards d'euros en 2020. Cette mesure comblerait ainsi près de la moitié du besoin de financement, tous régimes de retraite confondus, en 2020.

« Sur le seul champ du régime général de retraite, la mesure aurait un impact positif sur le solde de la Cnav de plus d'un milliard d'euros dès 2012 et de près de 10 milliards d'euros en 2020. »

L'étude d'impact précise également que le nombre de retraités au régime général serait minoré de 423 000 environ en 2015, de 900 000 en 2020 et de plus d'un million à compter de 2030.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels.

III - Le texte adopté par la commission

Le relèvement de l'âge effectif de départ en retraite fait partie des éléments essentiels permettant de rétablir l'équilibre financier du système de retraite.

Dès 1991, le Livre blanc sur les retraites écartait dans l'immédiat l'hypothèse d'un relèvement de l'âge légal de départ en retraite tout en n'excluant pas cette perspective pour l'avenir : «  (...) l'arrivée à l'âge de la retraite de générations entrées plus tardivement dans la vie active et dont les conditions de travail auront été bien meilleures que celles de leurs aînés, l'amélioration de la situation du marché du travail et la tendance à la diminution de la population active à partir de 2005, l'allongement de la période de perception de la retraite liée à l'allongement de l'espérance de vie pourraient conduire à une remontée progressive de l'âge effectif de cessation d'activité autorisant à plus long terme un réexamen de l'âge minimum de départ à la retraite » 50 ( * ) .

La principale réserve que suscite la perspective d'un relèvement de l'âge d'ouverture du droit à la retraite concerne le taux d'emploi des seniors, qui demeure en France l'un des plus bas des pays développés. Tandis que certains estiment que le relèvement de l'âge d'ouverture du droit à la retraite ne peut conduire qu'à une hausse du chômage compte tenu du niveau actuel d'emploi des seniors, d'autres font observer que l'âge légal de départ en retraite est l'un des leviers essentiels à activer pour améliorer le taux d'emploi des seniors. Lors de son audition par la Mecss, Jean-Olivier Hairault, professeur à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, a « insisté sur le fait que l'âge de la retraite influence mécaniquement le taux d'emploi des seniors car il agit directement sur la génération qui précède, c'est-à-dire les quinquagénaires en France. Du fait de la fixation à soixante ans du départ à la retraite, l'âge social diffère sensiblement, en France, de l'âge biologique : on y est plus vieux à cinquante-huit ans qu'ailleurs en Europe » 51 ( * ) .

De fait, certaines études confirment l'influence de l'âge légal de départ à la retraite sur le taux d'emploi des seniors. A l'échelle internationale, on observe aussi que plus l'horizon anticipé avant le départ à la retraite est long, plus le taux d'emploi des cinquante-cinq/cinquante-neuf ans est proche de celui des âges inférieurs. Un premier groupe de pays (Belgique, France, Italie, Pays-Bas) présente des taux d'emploi de cette tranche d'âge particulièrement faibles alors que l'âge de départ à la retraite y est bas. A l'opposé, c'est bien le groupe de pays ayant un âge de départ à la retraite plus élevé qui enregistre des taux d'emploi des cinquante-cinq/cinquante-neuf ans parmi les plus élevés.

Par conséquent, le report de l'âge légal de la retraite est susceptible, en allongeant l'horizon de la vie professionnelle, de modifier les comportements d'offre et de demande de travail et par là-même, d'augmenter le taux d'emploi pour les individus proches de la retraite.

Dans ces conditions, la Mecss, dans son rapport sur le rendez-vous 2010 pour les retraites, a estimé possible de procéder à un relèvement de l'âge légal de liquidation des droits.

Elle a cependant souhaité qu'une telle évolution s'accompagne d'une politique ambitieuse en faveur de l'emploi des seniors et d'une prise en compte de la pénibilité de certains travaux. Elle a en outre recommandé que le dispositif de cessation anticipée d'activité pour carrières longues introduit par la loi de 2003 soit conservé et étendu aux salariés de soixante ans dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Compte tenu de la prise en compte de ces orientations dans le projet de loi, la commission est favorable au relèvement progressif de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Elle considère qu'un suivi régulier de l'évolution du taux d'emploi des seniors devra être réalisé par le comité de pilotage des régimes des retraites et le Cor, afin de s'assurer que la mise en oeuvre de cette mesure n'a pas pour effet de transférer les charges assumées par les régimes de retraite vers l'assurance chômage.

Sous cette réserve, la commission a adopté cet article sans modification.


* 50 Livre blanc sur les retraites, La documentation française, p. 144.

* 51 Rapport de la Mecss n° 461 (2009.2010), « Retraites 2010 : régler l'urgence, refonder l'avenir » présenté par Christiane Demontès et Dominique Leclerc, tome 2, p. 49.

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