Article 3 (art. L. 161-17 du code de la sécurité sociale) Amélioration du droit à l'information des assurés

Objet : Cet article vise à renforcer l'information dispensée aux assurés en matière de retraite d'une part, en prévoyant de leur fournir une information générale sur le système de retraite dès leur première acquisition de droits à la retraite, d'autre part, en créant un entretien personnalisé à partir de l'âge de quarante-cinq ans.

I - Les dispositions initiales du projet de loi

1. La création du droit à l'information par la loi du 21 août 2003

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a instauré le droit à l'information individuelle des assurés sur leur future retraite, dont les objectifs sont de trois ordres :

- éviter aux assurés des pertes de droits, en les informant suffisamment en amont pour leur permettre de vérifier et, le cas échéant, de rectifier les informations détenues par leurs régimes de retraite ;

- informer les assurés de leurs droits connus des régimes, soit une vision rétrospective de leur carrière ;

- informer les assurés des droits qu'ils sont susceptibles d'acquérir, soit une vision prospective de leurs futurs droits à retraite.

La multiplicité des régimes de retraite explique en effet que, contrairement à certains pays ayant mis en oeuvre une information systématique de leurs assurés concernant les droits à la retraite, la France ne dispose pas d'une gestion centralisée des données de carrière et de retraite. La difficulté consiste donc à fournir une information complète et lisible, chaque régime de retraite ayant son propre mode de calcul des droits et son propre système d'information.

L'article 10 de la loi de 2003 a créé deux dispositifs, codifiés à l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, destinés à améliorer l'information des assurés sur leur retraite :

- l'envoi, à la demande de l'assuré, d'un relevé de situation individuelle l'informant de l'ensemble des droits qu'il a acquis auprès des régimes de retraite légalement obligatoires, et notamment le nombre de trimestres d'assurance accomplis. A partir de l'âge de trente-cinq ans, ce relevé est automatiquement envoyé tous les cinq ans ;

- l'envoi à l'assuré, à partir de cinquante-cinq ans, c'est-à-dire à l'approche de l'âge de la retraite, d'une estimation indicative globale du montant de la pension qu'il sera susceptible de percevoir lors de son départ à la retraite, au regard des droits qu'il a acquis dans l'ensemble des régimes de base et complémentaire. Après cinquante-cinq ans, ce document est envoyé tous les cinq ans, jusqu'à l'âge de départ à la retraite de l'assuré.

Afin d'assurer la mise en oeuvre du droit à l'information, l'article 10 de la loi de 2003 a institué un groupement d'intérêt public, le Gip Info retraite. Composé de l'ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires (de base et complémentaires), ainsi que des services de l'Etat chargé des pensions - soit trente-six membres au total -, le Gip est chargé de coordonner l'action des régimes et de définir des solutions techniques, fonctionnelles et organisationnelles portant notamment sur les échanges de données entre ses membres et sur les deux types de document d'information envoyés aux assurés.

2. La montée en charge progressive du droit à l'information

L'installation du Gip Info Retraite a permis de concrétiser progressivement le droit à l'information :

- une première étape, de 2004 à 2005, a consisté à préciser le mode de fonctionnement du Gip, à définir les documents destinés aux assurés et les échanges de données entre les systèmes d'information ;

- une deuxième étape a été entreprise en 2006 pour mettre en relation les systèmes d'information des régimes et construire les outils communs indispensables ;

- une troisième étape, qui s'est tenue en 2007, a permis de lancer la première campagne d'information auprès des générations 1957 (pour le relevé de situation individuelle) et 1949 (pour l'estimation individuelle globale).

Chaque année est l'occasion d'une nouvelle campagne d'information. Ainsi, en 2009, 4,2 millions d'assurés de cinq générations ont reçu un courrier d'information, dont 1,5 million d'estimations indicatives globales et 2,7 millions de relevés de situation individuelle.

A terme, chaque assuré recevra tous les cinq ans (sans qu'il n'ait à entreprendre de démarche particulière), à partir de ses trente-cinq ans, un courrier commun de ses organismes de retraite obligatoire, récapitulant l'ensemble de ses droits et comportant, à partir de cinquante-cinq ans, une estimation du montant de sa future retraite.

Il faut enfin préciser que le conseil d'administration du Gip Info Retraite a pris la décision de ne pas envoyer, cette année, d'estimation individuelle globale aux assurés de la génération 1955, au motif que le présent projet de loi modifiait un certain nombre de paramètres de calcul des pensions de retraite. Ce document leur sera néanmoins envoyé au deuxième trimestre 2011 et tiendra alors compte du nouveau cadre législatif.

3. Le renforcement du droit à l'information proposé par le texte

Malgré les progrès très sensibles accomplis ces dernières années 35 ( * ) , la grande complexité du système de retraite français rend indispensable la poursuite du développement du droit à l'information des assurés. Comme l'indique l'exposé des motifs, « pouvoir anticiper le montant de sa future pension est un élément déterminant de la confiance dans le système de retraite et permet de faire des choix, pendant la carrière, susceptibles d'avoir un effet positif pour la retraite » .

C'est pourquoi, le présent article comporte trois mesures destinées à améliorer la visibilité des assurés sur leurs droits à la retraite.

Une information générale sur le système de retraite dès l'acquisition des premiers droits

L'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale est complété afin de prévoir que l'assuré, dans un délai déterminé suivant la première année au cours de laquelle il a validé au moins une période d'assurance dans un des régimes de retraite légalement obligatoires - c'est-à-dire dès qu'il a acquis ses premiers droits à la retraite -, bénéficie d'une information générale sur le système de retraite par répartition. Cette information porte notamment sur les règles d'acquisition de droits à pension et l'incidence sur ces derniers des évènements susceptibles d'affecter sa carrière. Il est précisé que les conditions d'application de cette mesure seront définies par décret.

L'étude d'impact évalue le nombre annuel de primo-cotisants concernés par ce dispositif à 900 000 et indique que la diffusion d'une information générale sur le système de retraite ne devrait pas poser de problème technique pour le Gip Info Retraite, dans la mesure où celui-ci coordonne déjà l'envoi de documents à plus de quatre millions de cotisants. Le président du Gip Info Retraite a confirmé cette information à votre rapporteur.

Un point d'étape retraite à quarante-cinq ans

L'article 3 complète le même article L. 161-17 pour créer, selon l'expression utilisée dans l'exposé des motifs, un « point d'étape retraite » .

A leur demande et à un âge fixé par décret, les assurés bénéficient d'un entretien sur les droits qu'ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires et sur les perspectives d'évolution de ces droits.

Le Gouvernement a indiqué, dans l'exposé des motifs, que ce point d'étape aura lieu à quarante-cinq ans et qu'il permettra aux assurés de « recevoir, outre un relevé de leurs droits à la retraite, toute information sur les droits qu'ils se sont constitués et sur les perspectives d'évolution de ces droits en fonction notamment de leurs choix de carrière » .

L'étude d'impact précise que l'information délivrée aux assurés lors de l'entretien portera en particulier sur « les garanties dont ils bénéficient en termes de calcul de pension, sur les avantages respectifs des différents dispositifs d'incitation à la prolongation d'activité ainsi que sur les dispositifs leur permettant d'améliorer le montant futur de leur retraite » .

Le point d'étape retraite est susceptible de concerner environ 900 000 personnes par an mais, s'agissant d'un entretien qui sera organisé sur demande, les effectifs concernés dépendront des comportements des assurés qu'il est difficile à évaluer a priori.

La mise en ligne du relevé de situation individuelle

Le présent article complète enfin le même article L. 161-17 pour prévoir qu'à la demande de l'assuré, les régimes de retraite communiquent le relevé de situation individuelle par voie électronique.

Cette disposition ne fait qu'entériner, au niveau législatif, un projet sur lequel travaillent les services du Gip Info Retraite depuis plusieurs mois. La communication du relevé de situation individuelle par voie électronique devrait être opérationnelle à partir de juin 2011.

Les dispositions du présent article entreront en vigueur le 1 er juillet 2011, conformément à ce que prévoit l'article 33 du texte.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au présent article.

Elle a tout d'abord précisé que les assurés bénéficient d'une information générale sur le système de retraite « au terme de la première année » au cours de laquelle ils ont validé leurs premiers droits à la retraite, alors que la commission des affaires sociales s'était prononcée, en juillet dernier, pour un délai de deux ans.

Elle a également tenu à ce que les assurés soient informés des conséquences sur la constitution de leurs droits à la retraite des « modalités d'exercice » de leur activité (par exemple, exercice d'une activité à temps partiel).

Elle a ensuite estimé que la possibilité, pour l'assuré, de demander un «point d'étape retraite » doit être offerte non pas à l'âge de quarante-cinq ans mais à partir de cet âge, puis tous les cinq ans.

Elle a ajouté que l'entretien portera, outre sur les droits que les assurés se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires - ce que prévoyait le texte initial -, sur « les conditions de départ à la retraite de l'entreprise » et « les possibilités de cumuler un emploi et une retraite » .

Enfin, cet entretien permettra aux assurés d'être informés des droits acquis  notamment au titre des périodes d'études ou de formation, de chômage, de travail pénible, d'emploi à temps partiel, de maladie, d'accident du travail ou de maladie professionnelle et de congé maternité. Une information sera également délivrée sur les différents dispositifs d'incitation à la prolongation d'activité, ainsi que sur ceux permettant aux assurés d'améliorer le montant de leur future pension de retraite.

Par ailleurs, elle a reporté l'entrée en vigueur des dispositions du présent article au 1 er juillet 2012, conformément à l'amendement adopté à l'article 33 du projet de loi.

III - Le texte adopté par la commission

Votre commission, dans la continuité des recommandations formulées par la Mecss 36 ( * ) , estime tout d'abord indispensable d'approfondir le droit à l'information créé par la loi de 2003, et qui s'est traduit par la création du Gip Info Retraite, dont l'activité monte progressivement en puissance.

Dans le contexte de morcellement des régimes de retraite et de grande complexité des règles de calcul des droits à pension, il est en effet essentiel que les assurés puissent mieux connaître leurs droits, mesurer l'incidence sur leur future pension de certains choix de carrière et préparer leur retraite. Le renforcement de l'information qui leur est délivrée conditionne, pour partie, le rétablissement de leur confiance dans le système de retraite.

Les trois mesures contenues dans le présent article vont dans le bon sens puisqu'elles ont pour objectif d'améliorer la connaissance par les assurés du système de retraite et de leurs droits à pension.

En ce qui concerne l'information générale aux primo-cotisants, votre commission a, à l'initiative de son rapporteur, adopté un amendement qui rétablit le délai de deux ans initialement prévu pour la diffusion d'une information générale sur le système de retraite, et prévoit que celle-ci est envoyée dès lors que l'assuré justifie d'une durée d'assurance d'au moins deux trimestres consécutifs.

En effet, cette information est particulièrement pertinente pour des jeunes qui entrent réellement dans la vie active et non, par exemple, pour les assurés étudiants qui travaillent l'été, mais qui ne débutent pas de vie professionnelle en tant que telle ;

Votre commission soutient également la démarche consistant à améliorer l'information individuelle via la possibilité, pour l'assuré, de demander à sa caisse un entretien à partir de quarante-cinq ans, puis tous les cinq ans.

Elle tient cependant à se faire l'écho de plusieurs inquiétudes formulées par les caisses à propos de cette deuxième mesure.

Une première interrogation porte sur la nature même de l'entretien : celui-ci a-t-il vocation à être physique ou téléphonique ? Dans la première hypothèse, on peut craindre que la mise en oeuvre de ce nouveau droit se traduise par une augmentation des frais de gestion pour les caisses ; dans la seconde, les assurés risquent d'être mécontents de se voir proposer un simple entretien par téléphone.

Par ailleurs, certaines caisses - en particulier celles des fonctionnaires (CNRACL, SRE) - ne sont pas dotées de relais locaux suffisants pour organiser des entretiens individuels physiques. Dès lors, il est préférable de leur laisser une certaine marge de manoeuvre afin qu'elles puissent mettre en oeuvre ce dispositif en fonction des moyens financiers et humains dont elles disposent.

Selon les estimations de la CNRACL, la mise en place par le régime d'un entretien physique d'une heure pour les assurés nécessiterait 130 équivalents temps plein pour 70 000 entretiens par an, ce qui n'est guère réaliste. Une solution alternative consisterait à s'appuyer sur les employeurs pour assurer l'entretien individuel, étant entendu que la caisse apporterait tout le soutien technique nécessaire à la préparation de celui-ci. Il n'est, en effet, pas anormal que les employeurs publics participent à l'organisation de ce nouveau dispositif, dans la mesure où, dans les régimes de la fonction publique, ceux-ci jouent le rôle d'interface entre les assurés et les caisses, ce qui n'est pas le cas dans le régime général.

S'agissant du service des retraites de l'Etat (SRE), l'entretien individuel ne peut être que téléphonique, faute de relais locaux.

Pour sa part, l'Agirc-Arrco a estimé que les centres d'information et d'accueil des salariés (Cicas), qui constituent une sorte de guichet unique pour la retraite complémentaire, pourraient utilement participer à l'organisation des « points d'étape retraite ».

En revanche, cette nouvelle mesure ne devrait pas poser de problème technique à la Cnav. Avec son réseau de trois cents agences retraite, son service téléphonique qui permet la mise en relation avec un conseiller retraite et les « diagnostics personnalisés » prévus par la convention d'objectifs et de gestion, la caisse sera, selon ses termes, « présente pour répondre à ce nouveau défi » .

La deuxième interrogation a trait au contenu de l'entretien. S'agit-il simplement d'informer les assurés sur leurs droits et l'évolution de ceux-ci, ou aussi de les conseiller de faire tel choix de carrière plutôt que tel autre, de souscrire à un produit d'épargne retraite, afin d'augmenter le montant de leur future pension ? L'activité de conseil conduirait les caisses à jouer un tout autre rôle et accroîtrait considérablement leur responsabilité. D'une part, elles seraient supposées pouvoir renseigner leurs assurés sur tous les dispositifs existants en matière d'épargne retraite, sur les possibilités de surcotisation ou de rachat d'années d'études, sur les conséquences d'un passage à temps partiel, ce qui suppose une grande maîtrise des règles en vigueur ; d'autre part, elles pourraient se voir accusées, par les assurés, d'avoir délivré une information erronée ou un mauvais conseil.

S'agissant de cet entretien, votre commission a, à l'initiative de son rapporteur, adopté deux amendements :

- le premier simplifie la rédaction des dispositions relatives au contenu de ce « point d'étape retraite ». Ainsi, il n'est pas utile de prévoir que l'entretien pourra avoir lieu tous les cinq ans, dans la mesure où celui-ci relève du libre choix de l'assuré et que le code de la sécurité sociale lui permet déjà de demander, à tout moment, des informations relatives à sa propre situation au régime dont il relève ;

- le second prévoit que, lors de l'entretien individuel, l'assuré se voit communiquer des simulations du montant potentiel de sa future pension, selon qu'il décide de partir en retraite à l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite ou à l'âge du taux plein. Ces simulations sont réalisées à législation constante et sur la base d'hypothèses économiques et d'évolution salariale fixées chaque année par le Gip Info Retraite.

En effet, malgré les progrès accomplis ces dernières années en matière d'information des assurés sur la retraite, ces derniers ne disposent pas à un stade précoce de leur carrière de projections relatives au montant de leur future pension.

Or, il importe que les assurés soient sensibilisés relativement tôt sur le montant futur de leur retraite afin qu'ils puissent mesurer l'incidence de certains choix de carrière sur leur pension.

Ainsi, en Allemagne, les assurés reçoivent, dès l'âge de vingt-sept ans, un document d'information contenant des simulations du montant mensuel de leur future pension de retraite, lesquelles sont calculées sur la base de trois hypothèses de progression salariale différentes.

En ce qui concerne la communication du relevé de situation individuelle par voie électronique à la demande de l'assuré, cette disposition constitue la reconnaissance par la loi d'un projet du Gip Info Retraite déjà bien avancé puisqu'il sera opérationnel au printemps 2011.

Enfin, toujours à l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement qui propose, qu'à l'occasion de l'envoi de l'estimation indicative globale, l'assuré soit informé des dispositifs de cumul emploi-retraite, de retraite progressive et de surcotisation en cas d'emploi exercé à temps partiel.

Il est en effet important que l'assuré, à l'approche de l'âge de la retraite, soit informé des dispositifs d'incitation à la prolongation d'activité professionnelle et des dispositifs lui permettant d'améliorer le montant futur de sa pension de retraite.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.


* 35 Le taux de satisfaction des assurés est de 85 % et le taux d'erreur, principalement dû à des informations erronées concernant l'état civil des assurés, varie entre 2 % et 3 %.

* « Retraites 2010 : régler l'urgence, refonder l'avenir », rapport d'information n° 461 (2009-2010), fait au nom de la Mecss par Christiane Demontès et Dominique Leclerc.

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