TITRE V BIS - MESURES RELATIVES À L'EMPLOI DES SENIORS

Article 32 (art. L. 5133-11 nouveau du code du travail) Aide à l'embauche des seniors

Objet : Cet article vise à créer une aide à l'embauche des demandeurs d'emploi âgés de cinquante-cinq ans et plus.

I - Les dispositions initiales du projet de loi

Cet article, qui introduit un nouvel article L. 5133-11 dans le code du travail, tend à compléter les aides à l'insertion, à l'accès et au retour à l'emploi pour favoriser l'embauche des seniors.

Les employeurs éligibles

Seront éligibles les employeurs entrant dans le champ de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale qui constitue, depuis la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, l'allègement général de cotisations de sécurité sociale patronales, dit « allègement Fillon ».

Le champ d'application est donc très vaste ; il n'exclut que les particuliers employeurs et les régimes spéciaux de l'Etat, des magistrats et des militaires. La formulation retenue devrait permettre d'inclure les employeurs du secteur agricole, car l'article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime leur étend l'application de « l'allègement Fillon ».

Les employeurs perçoivent l'aide « sur leur demande » et l'exposé des motifs du projet précise que la procédure pourrait être déclarative, avec une simple attestation sur l'honneur.

Les embauches concernées

L'embauche doit concerner un demandeur d'emploi âgé de cinquante-cinq ans ou plus, recruté en contrat à durée indéterminé ou à durée déterminée d'au moins six mois .

Il n'y a pas de condition de durée minimale de recherche d'emploi , la seule obligation étant que la personne recrutée soit inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi de Pôle emploi.

Les modalités de l'aide

Selon l'étude d'impact, l'aide sera gérée par Pôle emploi, dans le cadre d'une convention avec l'Etat.

Elle sera due pour une durée déterminée et représentera une fraction du salaire brut versé chaque mois à la personne recrutée, dans la limite du plafond de la sécurité sociale (2 885 euros par mois en 2010) ; la durée et la fraction de salaire seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'étude d'impact donne des indications sur les intentions du Gouvernement : la durée serait de douze mois et l'aide représenterait 14 % du salaire brut quel que soit le niveau de salaire (dans le cadre du plafond mentionné précédemment). Au total, le coût budgétaire est estimé à 55 millions d'euros avec une hypothèse de 35 000 bénéficiaires.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Outre l'adoption d'un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a prévu que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, avant le 31 décembre 2012, pour établir un bilan détaillé de la mise en oeuvre de la mesure.

III - Le texte adopté par la commission

Comme l'a relevé la Mecss 96 ( * ) , les questions de retraite et d'emploi des seniors sont intrinsèquement liées et doivent évoluer ensemble.

La France affiche certes de mauvaises performances en matière d'emploi des seniors mais le constat doit être affiné, car une grande partie de l'écart avec les autres pays provient de la classe d'âge soixante-soixante-quatre ans en raison de la fixation à soixante ans de l'âge légal de départ à la retraite. Dans la classe d'âge cinquante-cinq - cinquante-neuf ans, la France se situe dans la moyenne européenne, bien qu'en-dessous de l'Allemagne ou du Royaume-Uni .

Taux d'emploi en 2009

55 à 64 ans

55 à 59 ans

60 à 64 ans

France

38,9 %

58,4 %

17,0 %

Allemagne

56,2 %

70,2 %

38,7 %

Royaume-Uni

57,5 %

70,6 %

44,9 %

Espagne

44,1 %

54,9 %

32,6 %

Moyenne Union européenne (27 Etats membres)

46,0 %

60,0 %

30,4 %

Source : Dares Analyses, juin 2010, n°39

Ce moindre taux d'emploi de la classe d'âge cinquante-cinq-cinquante-neuf ans par rapport à l'Allemagne résulte notamment d'une longue politique d'incitation au retrait d'activité , mise en place pour lutter à court terme contre le chômage.

Cette approche du marché du travail, parfois considérée comme malthusienne, a sensiblement évolué depuis une petite dizaine d'années et a notamment été marquée, en 2006, par l'adoption du plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors sous l'impulsion de Gérard Larcher, alors ministre du travail.

Depuis, de nombreuses mesures ont été prises pour amplifier cette nouvelle politique et diffuser de nouvelles représentations socioculturelles dans les entreprises et dans la société en général : campagnes de communication, augmentation de la surcote pour prolongation d'activité, libéralisation du cumul emploi-retraite, recul de l'âge de mise à la retraite d'office, taxation des préretraites et interruption de leur financement public, extinction de la contribution Delalande, disparition programmée de la dispense de recherche d'emploi, création de la retraite progressive pour faciliter le temps partiel à l'approche de la retraite... Enfin, les entreprises ont été contraintes de conclure ou adopter, avant le 1 er janvier 2010, un accord ou un plan d'action en faveur de l'emploi des seniors, sous peine de pénalité : lors de son audition devant votre commission, le 15 septembre 2010, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a annoncé que « douze millions de salariés sont ainsi couverts par quatre-vingts accords de branche et trente-trois mille neuf cents accords d'entreprise, moins de deux cent cinquante d'entre elles ayant préféré payer la pénalité ».

Les premiers résultats de ces mesures sont encourageants , puisque le taux d'emploi des cinquante-cinq - cinquante-neuf ans est passé de 55,2 % en 2005 à 58,4 % en 2009, soit une progression de plus de trois points. Selon la Dares 97 ( * ) , la progression du taux d'activité « sous-jacent » des cinquante-cinq - soixante-quatre ans, c'est-à-dire après neutralisation des effets démographiques, s'est accélérée de 2008 à 2009, malgré la récession : 1,6 point de plus que la moyenne annuelle 2003-2008.

La commission soutient en conséquence la création d'une aide à l'embauche des seniors, qui se situe dans le prolongement des mesures lancées depuis quelques années.

Elle se félicite également de ses modalités d'application :

- l'aide sera limitée aux demandeurs d'emploi de plus de cinquante-cinq ans, sans minimum de durée d'inscription à Pôle emploi, recrutés en CDI ou CDD de plus de six mois ;

- les formalités pour l'employeur seront réduites. Le décret d'application devra cependant fixer de manière satisfaisante les contrôles envisagés et l'obligation pour l'employeur d'être en règle vis-à-vis de ses obligations fiscales ;

- sa gestion sera assurée par Pôle emploi, ce qui devrait en renforcer l'efficacité.

Toutefois, à l'initiative de son rapporteur, la commission a apporté deux précisions à cet article :

- la première pour combler un oubli, en précisant explicitement que cette aide est financée par l'Etat ;

- la seconde pour supprimer la mention, à son sens prématurée, d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'application de cette mesure. Il va de soi que ce dernier pourra procéder aux contrôles nécessaires dans le cadre de ses compétences constitutionnelles, lors de l'examen des prochains projets de lois de finances, par des contrôles budgétaires, des auditions ou la création de missions d'information.

En conséquence, la commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 32 bis A (nouveau) (art. L 351-15 du code de la sécurité sociale) Pérennisation du dispositif de la retraite progressive

Objet : Cet article additionnel, inséré à l'initiative du rapporteur, vise à pérenniser la retraite progressive qui permet de cumuler provisoirement sa pension et une rémunération correspondant à un travail à temps partiel.

Le dispositif de la retraite progressive permet de cumuler provisoirement une fraction de sa pension de retraite et une rémunération à temps partiel. Aujourd'hui, il faut avoir atteint l'âge légal de départ en retraite, justifier de 150 trimestres d'assurance au minimum et exercer son activité à titre exclusif.

Cette mesure est très peu utilisée aujourd'hui par les salariés. Selon les informations transmises au rapporteur par la Cnav, 2 531 personnes en ont bénéficié depuis le 1 er juillet 2006, date de l'entrée en vigueur des modifications apportées par loi de 2003 de réforme des retraites. Le montant mensuel moyen brut servi s'élève à 618,55 euros.

Pourtant, c'est l'une des mesures pertinentes pour accompagner l'assuré dans le passage entre la vie professionnelle et la retraite ; elle est d'ailleurs cohérente avec le dispositif du tutorat que le Gouvernement souhaite développer.

Une des raisons de son relatif insuccès tient en ce que le décret d'application a une durée limitée dans le temps, ce qui entraîne naturellement une insécurité juridique.

Afin de la lever, cet article additionnel vise à relever au niveau législatif la condition de durée d'assurance qui existe actuellement dans le décret d'application. Cela devrait être de nature à rassurer les salariés sur la pérennité du dispositif.

Il tend également à supprimer la condition inutilement restrictive, celle de devoir exercer son activité à titre exclusif, et il prévoit une information du salarié sur la possibilité qui lui est offerte de cotiser sur un équivalent temps plein, en cas de travail à temps partiel.

En tout état de cause, cette mesure est toujours soumise à l'acceptation du temps partiel par l'employeur.

Avec l'avis favorable du Gouvernement, la commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.

Article 32 bis B (nouveau) (art. L 5423-19 du code du travail) Prorogation du versement de l'allocation équivalent retraite aux bénéficiaires actuels jusqu'à l'âge légal de leur départ en retraite

Objet : Cet article additionnel, inséré à l'initiative du rapporteur, tend à permettre aux personnes éligibles à l'allocation équivalent retraite (AER) jusqu'au 31 décembre 2010 de continuer d'en bénéficier jusqu'à l'âge de leur départ en retraite.

L'allocation équivalent retraite (AER) a pour objectif de se substituer aux allocations de chômage pour les personnes proches de la retraite et en fin de droits. Elle doit s'éteindre au 31 décembre 2010, mais ses bénéficiaires à cette date continueront de la percevoir jusqu'à ne plus en remplir les conditions. Or, l'une de ces conditions est d'être âgé de moins de soixante ans, car cette allocation est servie aux assurés qui remplissent les conditions d'ouverture des droits à une pension de vieillesse à taux plein mais qui n'ont pas atteint l'âge de la liquider.

Le projet de loi relevant progressivement dès 2011 l'âge légal de départ en retraite, il est nécessaire de prévoir que les allocataires de l'AER puisse bénéficier de l'allocation, non pas jusqu'à soixante ans, mais jusqu'à l'âge de leur départ en retraite.

Lors des débats en commission, Eric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, a apporté son soutien à cette mesure.

Estimant qu'il est indispensable de protéger les chômeurs en fin de droits proches de la retraite des effets du relèvement progressif de l'âge légal de liquidation des droits à pension, la commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé .


* 96 « Retraites 2010 : régler l'urgence, refonder l'avenir », rapport d'information n° 461 (2009-2010), fait au nom de la Mecss par Christiane Demontès et Dominique Leclerc.

* 97 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, in Dares analyses, juin 2010, n°39.

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