Article 19 (art. L. 1153-1, L. 1153-2 et L. 1153-6 du code du travail ; art. 222-33  du code pénal ; art. 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983  portant droits et obligations des fonctionnaires) Harmonisation des définitions du harcèlement sexuel

Le présent article tend à aligner sur le droit communautaire la définition pénale du harcèlement sexuel.

Après avoir fait l'objet de plusieurs modifications législatives tendant à en élargir le champ, l'infraction de harcèlement sexuel est désormais définie en droit pénal, en droit du travail et en droit de la fonction publique comme « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle », le code du travail et la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précisant en outre que l'obtention des faveurs peut être effectuée au profit du harceleur mais également d'un tiers.

L'article 222-33 du code pénal punit le harcèlement sexuel d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. L'article L. 1155-2 du code du travail punit quant à lui ces faits d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, ces peines pouvant en outre être assorties d'une peine complémentaire d'affichage ou de publication de la décision de condamnation.

Par ailleurs, l'article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que des sanctions disciplinaires peuvent être prises à l'encontre de tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder à des agissements de harcèlement sexuel.

La définition du harcèlement sexuel, - délit introduit en droit français à l'occasion de l'adoption du nouveau code pénal -, a fait l'objet, depuis 1992, de quatre modifications successives :

- le nouveau code pénal a tout d'abord introduit l'infraction de harcèlement sexuel à l'article 222-33, en le définissant comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions » (loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes) ;

- puis, la loi n° 92-1179 du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail a défini la notion de harcèlement sexuel en droit du travail comme « les agissements de harcèlement d'un employeur, de son représentant ou de toute personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers » ;

- la loi n° 98-468 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs a harmonisé ces deux définitions en modifiant l'article 222-33 du code pénal afin de viser « le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions », les peines encourues demeurant identiques (la peine d'amende encourue passant le 1 er janvier 2002 de 100 000 francs à 15 000 euros d'amende) ;

- enfin, la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 relative à la modernisation sociale a élargi le champ de l'article 222-33 du code pénal en supprimant toute référence à l'abus d'autorité et en faisant disparaître les termes d'ordres, menaces, contraintes et pressions graves.

Cette loi a par ailleurs introduit en droit pénal l'infraction de harcèlement moral, que l'article 222-33-2 du code pénal définit comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Le harcèlement moral est également puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

La définition du harcèlement sexuel en droit pénal et en droit du travail coexiste, depuis l'adoption de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, avec la définition de la notion de discrimination visée à l'article 1 er de cette loi, laquelle inclut notamment le harcèlement sexuel défini comme « tout agissement à connotation sexuelle, [subi] par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». Cette définition reprend les termes de l'article 2 de la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail 51 ( * ) . Lors de l'examen de la loi du 27 mai 2008 précitée, notre collègue Muguette Dini, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le Sénat, s'était inquiétée du risque d'insécurité juridique que pourrait susciter, du fait de son imprécision, une telle définition 52 ( * ) .

Préoccupés par la coexistence, en droit français, de plusieurs définitions du harcèlement sexuel aux contours parfois imprécis, les députés ont souhaité harmoniser l'ensemble de ces dispositions en reprenant, dans l'ensemble des textes consacrés au harcèlement sexuel, la définition retenue par le droit communautaire et transposée en droit interne par la loi du 27 mai 2008 précitée.

L'article 19 de la proposition tend à cet effet à modifier les dispositions du code du travail, du code pénal et de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Ces textes définiraient désormais le harcèlement sexuel comme « tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, humiliant ou offensant ».

En outre, l'infraction de harcèlement sexuel serait désormais explicitement caractérisée dès la commission d'un seul acte .

En revanche, les peines encourues demeureraient inchangées.

Votre commission ne partage pas pleinement les inquiétudes des députés.

En effet, la coexistence de différentes définitions du harcèlement sexuel en droit français ne paraît pas incompatible avec nos engagements communautaires. Pour votre commission, il importe en effet de distinguer :

- la répression du harcèlement sexuel , qui fait désormais l'objet d'une définition harmonisée, d'une part ;

- la définition de la notion de discrimination , d'autre part, qui inclut notamment, conformément au droit communautaire, les agissements à connotation sexuelle ayant pour objet de porter atteinte à la dignité d'une personne ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Toutefois, si la directive 76/207/CEE précitée demande aux Etats-membres d'encourager les employeurs et les personnes responsables de l'accès à la formation professionnelle à prendre les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, elle ne leur impose pas, en revanche, de prévoir des sanctions pénales pour réprimer de tels comportements 53 ( * ) .

En outre, l'introduction de cette définition en droit pénal ne paraît pas conforme au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines 54 ( * ) . En effet, la définition du harcèlement sexuel proposée par l'article 19 procède d'une appréhension essentiellement subjective de la notion de harcèlement sexuel (l'agissement pourrait avoir uniquement « pour effet », indépendamment de toute intention malveillante de l'auteur, de créer un environnement que la victime ressentirait comme intimidant, hostile, humiliant ou offensant), sans que l'élément moral de l'infraction ne soit explicité.

Au demeurant, les magistrats entendus par votre rapporteur ont estimé que le droit positif était satisfaisant et permettait d'assurer une répression adéquate des faits de harcèlement sexuel.

Votre commission n'a donc pas souhaité retenir les modifications proposées par les députés.

En revanche, l'attention de votre rapporteur a été attirée sur les distorsions du droit positif en matière de peines encourues pour des faits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral.

Comme le relève la Cour de cassation dans son rapport annuel pour 2009, le harcèlement sexuel « est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 222-33 du code pénal et d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende par l'article 1153-1 du code du travail. [Le harcèlement moral] est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 222-33-2 du code pénal et d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende par l'article 1152-1 du code du travail. Même si ce décalage n'entraîne pas de difficultés pratiques particulières, les faits étant poursuivis sous leur qualification pénale la plus haute, la cohérence des textes rendrait nécessaire que les mêmes peines d'amende soient prévues par le code pénal et par le code du travail. Par ailleurs, l'affichage et la publication de la décision sont fréquemment prononcés à tort par les juges en matière de harcèlement moral. Or, ces peines complémentaires ne sont pas prévues par les articles 222-33-2, 222-44 et 222-45 du code pénal. Ces erreurs conduisent à penser que de telles peines, fréquemment prévues en matière de droit pénal du travail, seraient adaptées dans ce domaine du harcèlement moral au travail » 55 ( * ) .

Suivant ces préconisations, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur tendant, d'une part, à modifier les peines prévues par le code du travail en matière de harcèlement sexuel et de harcèlement moral afin de les aligner sur celles retenues par le code pénal, et, d'autre part, à prévoir que la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision pourrait être encourue en cas de condamnation sur le fondement des dispositions du code pénal réprimant le harcèlement sexuel et le harcèlement moral 56 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 19 ainsi modifié .


* 51 Telle que modifiée par la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002.

* 52 Rapport n° 273 (2007-2008) de Mme Muguette Dini, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 2 avril 2008, dans lequel cette dernière relève : « le souci de la sécurité juridique amène également à s'interroger sur l'incertitude de la définition implicite du harcèlement sexuel issue du droit communautaire : on peut légitimement s'inquiéter de l'étendue des comportements qui pourront être considérés par le juge comme « un agissement à connotation sexuelle [...] créant un environnement intimidant [...] ». ».

* 53 Il convient néanmoins de souligner que le droit pénal réprime les discriminations fondées sur le sexe (articles 225-1 et suivants du code pénal).

* 54 Le Conseil constitutionnel déduit de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen « la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire » (CC, décision n° 80-127 DC des 19-20 janvier 1981).

* 55 Cour de cassation, rapport annuel 2009, page 29.

* 56 L'article L. 1155-2 permet à la juridiction de prononcer cette peine complémentaire lorsque la condamnation se fonde sur les dispositions du code du travail réprimant le harcèlement sexuel ou moral.

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