Article 11 Formation des intervenants auprès des femmes victimes de violences (dispositions déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par l'Assemblée nationale)
Le présent article tendait à rendre obligatoire la délivrance d'une formation initiale et continue, en partie commune aux différentes professions et institutions, en matière de prévention et de prise en charge des violences faites aux femmes, aux médecins, personnels médicaux et paramédicaux, travailleurs sociaux, magistrats, personnels de l'Education nationale, personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs et aux personnels de la police et de la gendarmerie.
Ces dispositions, qui font écho à l'article 4 de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau, lequel proposait qu'une telle formation soit également dispensée aux avocats, ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par la commission spéciale de l'Assemblée nationale et ne figurent de ce fait plus dans le texte de la proposition de loi adoptée par les députés.
Votre commission, qui relève que l'existence et les modalités de ces formations peuvent probablement être mises en oeuvre par voie réglementaire sans nécessiter l'intervention du législateur, souligne l'importance de telles formations pour améliorer la détection, le signalement et la prise en charge des victimes de violences conjugales.
Le rapport du Gouvernement au Parlement prévu à l'article 10 bis B de la présente proposition de loi permettra de l'éclairer sur les efforts réalisés par les pouvoirs publics en cette matière.
Article 12 (art. 222-14 et 222-48-1 du code pénal) Incrimination des violences habituelles commises au sein du couple
Le présent article tend à incriminer les violences habituelles commises au sein du couple et à préciser les modalités de condamnation des auteurs de telles violences à une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire.
1 - Incrimination des violences habituelles commises au sein du couple
A l'heure actuelle, l'article 222-14 du code pénal réprime de façon spécifique les violences commises de façon habituelle sur un mineur de quinze ans ou sur une personne vulnérable, en prévoyant que les peines encourues sont portées à :
- trente ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné la mort de la victime ;
- vingt ans de réclusion criminelle lorsqu'elles ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
- dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende lorsqu'elles ont entraîné une incapacité totale de travail (ITT) pendant plus de huit jours ;
- cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende lorsqu'elles n'ont pas entraîné une ITT pendant plus de huit jours.
Le I de cet article tend à étendre le champ de ces dispositions aux violences habituelles commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou par le partenaire lié à celle-ci par un PACS.
Ces dispositions seraient également applicables lorsque les violences habituelles sont commises par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un PACS, dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime.
Aujourd'hui, le fait que les violences aient été commises par le conjoint, par le concubin ou par le partenaire de la victime lié à cette dernière par un PACS est considéré comme une circonstance aggravante des violences réprimées par le code pénal, portant de ce fait les peines encourues à : - vingt ans de réclusion criminelle en cas de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8 du code pénal) ; - quinze ans de réclusion criminelle en cas de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10 du code pénal) ; - cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende en cas de violences ayant entraîné une ITT pendant plus de huit jours (article 222-12 du code pénal) ; - trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende en cas de violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune ITT (article 222-13 du code pénal). Le I de l'article 12 de la proposition de loi permettrait d'élever ces peines lorsque les violences sont commises de façon habituelle sur la victime. |
Votre commission approuve ces dispositions qui reprennent celles de l'article 1 er de la proposition de loi de notre collègue Roland Courteau et qui paraissent adaptées à la répression des violences commises au sein du couple, lesquelles ont le plus souvent un caractère continu et habituel.
2 - Règles applicables en matière de condamnation à un suivi socio-judiciaire
A l'heure actuelle, conformément aux dispositions de l'article 222-48-1 du code pénal, en matière correctionnelle, les personnes reconnues coupables de violences habituelles à l'encontre d'un mineur de quinze ans (ou d'une personne vulnérable si celle-ci est la compagne ou le compagnon de l'auteur des faits) doivent être obligatoirement condamnées à un suivi socio-judiciaire , sauf en cas de condamnation à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve ou en cas de décision contraire du tribunal correctionnel. En matière criminelle, la cour d'assises délibère de façon spécifique sur le prononcé du suivi socio-judiciaire.
Un tel dispositif n'a toutefois pas été étendu par les députés pour les violences habituelles commises à l'encontre de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire au sein d'un PACS.
Les députés mettent en effet en avant des difficultés pratiques liées au manque de médecins coordonnateurs, qui sont systématiquement désignés dès lors qu'une injonction de soins est prononcée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. Ainsi que le relève le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale 37 ( * ) , « une enquête de l'ANJAP conduite en 2008 a montré que les mesures d'injonction de soins ne pouvaient être correctement suivies dans plus de la moitié des tribunaux [du fait du manque de médecins coordonnateurs] . C'est ainsi que dans les quatre départements de la région Ile-de-France, les juges ne peuvent faire appel qu'à une vingtaine de médecins coordonnateurs, ce qui n'autorise la mise en oeuvre que d'environ 400 mesures de suivi socio-judiciaire. C'est pourquoi la mission d'évaluation [de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la prise en charge sanitaire, psychologique et psychiatrique des personnes majeures placées sous main de justice] 38 ( * ) a considéré que, dans un souci d'efficacité, il convenait de revenir sur le caractère systématique du suivi socio-judiciaire dans le cas des violences qui ont été évoquées, pour permettre justement que celui-ci puisse être opérationnellement mis en place, à la demande du juge, quand il est effectivement nécessaire. Le juge aura donc toujours la possibilité d'y recourir, en le réservant aux cas pour lesquels il le considère indispensable ».
Votre commission estime également qu'en matière de violences conjugales, il est pertinent de laisser au juge la liberté de prononcer, au vu des circonstances de l'espèce, une peine complémentaire de suivi socio-judiciaire à l'encontre de l'auteur des faits lorsqu'une telle mesure paraît nécessaire.
Votre commission a adopté l'article 12 sans modification .
* 37 Commission spéciale, rapport n° 2293 de M. Guy Geoffroy, février 2010.
* 38 Assemblée nationale, rapport n° 1811 de M. Etienne Blanc, juillet 2009.