2. La faiblesse de la gouvernance économique de la zone euro
Les éléments essentiels du pacte de stabilité étant inscrits dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui ne peut être modifié qu'à l'unanimité, on peut se demander s'il est réformable.
Le 25 mars 2010, les chefs d'Etat et de Gouvernement de la zone euro ont toutefois adopté une déclaration dans laquelle ils s'engagent « à promouvoir une forte coordination des politiques économiques en Europe », considérant « que le Conseil européen doit renforcer le gouvernement économique de l'Union européenne » et proposant « de renforcer son rôle dans la coordination macroéconomique et la définition d'une stratégie de croissance européenne ».
Estimant que « la surveillance des risques économiques et budgétaires et les instruments de leur prévention, y compris la procédure pour déficit excessif, doivent être renforcés », ils ont demandé « au Président du Conseil européen d'établir, en coopération avec la Commission, un groupe de travail avec les États membres, la présidence tournante et la BCE pour présenter au Conseil, avant la fin de l'année, les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif, en explorant toutes les options pour renforcer le cadre juridique ».
Cette prise de conscience est salutaire. Elle doit cependant s'accompagner d'une clarification institutionnelle. C'est au sein de l'Eurogroupe que doivent se mettre en place les mécanismes de contrôle et de prévention des risques économiques et des déséquilibres budgétaires , avec deux volets : la surveillance mutuelle et la définition des sanctions applicables aux Etats qui s'affranchissent de la discipline collective.
Cette clarification est d'autant plus indispensable que la crise que nous vivons aura pour effet de dissocier pour une période encore plus longue le périmètre de la zone euro et celui de l'Union à vingt-sept.
3. La nécessité pour les Etats de mener dès à présent une politique résolue et crédible de réduction de leur déficit primaire
Comme on l'a indiqué ci-avant, la Grèce n'est pas le seul Etat de la zone euro dont la politique budgétaire actuelle n'est pas soutenable à long terme.
Les Etats dont le déficit actuel est le moins soutenable (cf. tableau page 34 du présent rapport) doivent mener dès à présent une politique résolue de réduction de leur déficit primaire. Dans le cas contraire, ils ne seraient pas capables de faire face à une éventuelle augmentation des taux d'intérêt.
Dans le cas de la France, la charge d'intérêts représente déjà 3 points de PIB. Avec un taux d'intérêt moyen de 5 % une dette de 160 points de PIB en 2030 porterait ce montant à 8 points de PIB, ce qui est déjà très élevé, et si les taux d'intérêt augmentaient alors brusquement pour atteindre 10 %, cette charge serait de 16 points de PIB. On conçoit qu'avec une charge d'intérêts aussi élevée, la France serait contrainte de renoncer à des pans entiers de ses politiques publiques, et serait condamnée à un déclin économique, scientifique et militaire qu'il lui serait très difficile de compenser ensuite.
Les Etats concernés doivent non seulement réduire résolument leur déficit primaire, mais aussi convaincre dès à présent les marchés que c'est ce qu'ils vont faire. Dans le cas contraire, une augmentation à moyen terme de leurs taux d'intérêt ne serait pas à exclure. De telles anticipations auto-réalisatrices doivent absolument être évitées. Si cela se produisait, la situation des finances publiques serait bien plus dégradée en 2030 que ce que suggère le tableau précité. Dans le cas de la France, si le taux d'intérêt apparent de sa dette publique passait dès à présent à 10 %, à solde primaire inchangé son déficit total et sa dette publique deviendraient supérieurs à respectivement 35 points de PIB et 350 points de PIB, ce qui serait bien entendu insupportable (et ce que les marchés empêcheraient en tout état de cause).
La France bénéficie de la confiance des marchés, qui lui prêtent à très long terme à des taux historiquement bas. Les appréciations des agences de notation rejoignent ce constat 39 ( * ) . Mais il importe que la France se dote dès à présent d'une règle crédible qui permette de confirmer le caractère soutenable de ses finances publiques, car les marchés ne se paieront pas éternellement de mots.
* 39 Sur ce point, se reporter au compte-rendu de l'audition par la commission des finances, le 3 février 2010, de Mme Carol Sirou, présidente de Standard & Poor's pour la France, MM. Pierre Cailleteau, managing director, Arnaud Mares, senior vice-president du groupe d'analyse risque souverain de Moody's France, et M. Eric Paget-Blanc, head of supranational ratings de FitchRatings France.