Article 28 (Section 5 [nouvelle] du chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement) - Cadre juridique pour l'expérimentation du captage et du stockage de CO2
Commentaire : cet article établit un cadre juridique pour les opérations pilotes de captage et de stockage de CO 2 .
I. Le droit en vigueur
A. La technologie de captage et de stockage du CO 2
Pour obtenir une réduction de 50 % des émissions de CO 2 dans le monde d'ici 2050, les émissions des pays développés devront être réduites de 30 % d'ici 2020. Cet objectif ne peut être atteint sur le seul fondement d'une amélioration de l'efficacité énergétique ou d'un recours accru aux énergies renouvelables. La mise en oeuvre des technologies de captage et de stockage du CO 2 constitue la troisième voie pour parvenir à la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Il existe actuellement trois technologies, encore expérimentales, de captage du CO 2 émis lors de la combustion d'une énergie fossile :
- le procédé précombustion traite le combustible en le gazéifiant et en le séparant essentiellement en CO 2 et hydrogène ;
- le procédé postcombustion permet de séparer le CO 2 des autres gaz grâce à un filtre chimique, placé dans la fumée issue de la combustion ;
- l'oxycombustion utilise l'hydrogène à la place de l'air lors de la combustion de la matière première afin de produire un gaz composé essentiellement de vapeur d'eau et de CO 2 .
Après son captage, le CO 2 peut ensuite être transporté par gazoduc ou par bateau vers un site de stockage en couche géologique profonde. Trois formations géologiques sont propices à cette fin : les gisements de pétrole et de gaz naturel, les formations salines profondes, les veines de charbon inexploitables. L'ordre de grandeur de la durée de stockage est celui du millénaire.
B. Le cadre juridique européen
L'un des quatre textes constituant le « paquet climat-énergie » qui a été approuvé par le Conseil européen le 12 décembre 2008 était une proposition de directive relative au stockage géologique du CO 2 . Cette directive, publiée dans sa version définitive le 26 mars 2009, tend à établir un cadre législatif pour les activités de stockage géologique du CO 2 , afin de gérer les risques environnementaux liés à cette technologie, tout en supprimant les barrières réglementaires à son développement.
La sélection et l'exploration des sites de stockage
Le stockage géologique, qui a pour objectif le confinement permanent du CO 2 , est autorisé dans les zones économiques exclusives et sur les plateaux continentaux des Etats membres, le stockage dans la colonne d'eau, c'est-à-dire la masse d'eau comprise verticalement entre la surface et les sédiments du fond, étant interdit. Pour être sélectionné comme zone de stockage, un site ne doit pas présenter de risque de fuite ni d'incidence notable sur l'environnement et la santé.
Les Etats sont compétents pour déterminer les zones de stockage, ainsi que les conditions d'utilisation des sites et les dispositions régissant l'exploitation. Les permis d'exploitation sont délivrés pour un volume limité de CO 2 et pour une durée maximale de deux ans, renouvelable une fois, le titulaire du permis étant seul habilité à exploiter le site.
Les autorisations de stockage
L'exploitation d'un site est soumise à autorisation de l'Etat membre. Les demandes doivent être adressées à l'autorité compétente de l'Etat concerné et doivent contenir certaines informations : identité de l'exploitant, preuve de sa compétence technique, caractérisation du site de stockage, plan de surveillance, mesures correctives et conditions de fermeture. Une garantie financière doit également être apportée par l'exploitant, afin d'assurer que les obligations liées à l'exploitation et à la fermeture du site seront bien respectées.
Après vérification, l'autorité compétente transmet à la Commission européenne les projets de permis de stockage. La Commission dispose de quatre mois pour émettre un avis que l'autorité devra prendre en compte dans sa décision finale.
Toute modification dans l'exploitation susceptible d'avoir des effets sensibles sur l'environnement est soumise à l'obtention d'une nouvelle autorisation. L'Etat peut toujours retirer le permis en cas de survenance ou de risque d'irrégularités notables ou de fuites, ou en cas de non respect des conditions liées au permis.
Les obligations liées à l'exploitation et à la fermeture des sites de stockage
L'exploitant est tenu de surveiller les installations d'injection, le complexe de stockage et, éventuellement, le milieu environnant, conformément au plan de surveillance approuvé par l'autorité compétente. La surveillance a notamment pour but de comparer le comportement réel du CO 2 à sa modélisation préalable, et de détecter les fuites et les effets sur l'environnement et la population. Le plan de surveillance est mis à jour au moins tous les cinq ans.
Au moins une fois par an, l'exploitant communique à l'autorité compétente certaines informations parmi lesquelles les résultats de la surveillance du site de stockage, les quantités et les caractéristiques des flux de CO 2 , et la preuve du maintien de la garantie financière. De son côté, l'autorité compétente doit faire procéder à des inspections régulières, au moins une fois par an, ou ponctuelles, par exemple en cas de fuite constatée, des sites de stockage. Le rapport résultant de chaque inspection est transmis à l'exploitant et rendu public.
En cas d'irrégularité notable ou de fuite importante, l'exploitant doit immédiatement en informer l'autorité compétente et prendre les mesures correctrices nécessaires. Cette dernière peut imposer des mesures supplémentaires et, en cas d'inaction de l'exploitant, procéder elle-même aux mesures correctrices aux frais de celui-ci.
La fermeture du site a lieu si l'exploitant le demande ou en cas de retrait de permis par l'autorité compétente. Après la fermeture, la responsabilité du site reste du ressort de l'exploitant, y compris en ce qui concerne le scellement du site et le démontage des installations d'injection. Une fois qu'il est démontré que le CO 2 stocké restera parfaitement et indéfiniment confiné, la responsabilité est transférée à l'Etat.
II. Le dispositif du projet de loi
L'article 28 du projet de loi introduit dans le chapitre IX, intitulé « Effet de serre », du titre II du livre II du code de l'environnement, une section 5 intitulée « Opérations pilotes de stockage du dioxyde de carbone ».
Régime d'autorisation
Les articles L. 229-27 à L. 229-29 définissent le régime d'autorisation applicable aux « opérations pilotes de recherche et de développement de formations géologiques apte au stockage de flux composés majoritairement de dioxyde de carbone, notamment issus du captage des émissions d'installations classées pour la protection de l'environnement, ainsi que les essais d'injection et de stockage de ces flux » .
Ces opérations pilotes doivent respecter les mêmes intérêts que les mines et les installations classées. Elles font l'objet d'une autorisation délivrée par arrêté des autorités administratives compétentes selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat, après réalisation de l'étude de dangers prévue par l'article L. 512-1 du code de l'environnement, ainsi que de l'enquête publique prévue par l'article L. 123-1 du même code.
Tout transfert ou cession de l'autorisation doit être préalablement autorisé par les autorités qui l'ont accordée.
Garanties financières
L'article L. 229-30 prévoit que l'exploitant doit constituer des garanties financières destinées à assurer la surveillance du site et le maintien en sécurité des installations, les interventions éventuelles en cas d'accident avant ou après la fermeture, et la remise en état après fermeture.
Un décret en Conseil d'Etat détermine la nature des garanties, les règles de fixation et d'actualisation de leur montant en tenant compte du coût des opérations de stockage. Ces garanties ne couvrent pas les indemnisations dues par l'exploitant aux tiers qui pourraient subir un préjudice du fait d'une pollution ou d'un accident causés par les opérations de stockage.
Contenu de l'autorisation
Les articles L. 229-32 et L. 229-33 précisent le contenu de l'autorisation. L'acte d'autorisation détermine le périmètre du stockage et les formations géologiques concernées. Il fixe la durée des essais d'injection et la masse maximum du CO 2 injecté, dans la limite de cinq ans et de 500 000 tonnes.
L'autorisation confère à son titulaire le droit d'effectuer les travaux nécessaires aux recherches de formation géologiques aptes à recevoir des flux de CO 2 et de procéder aux essais d'injection et de stockage.
Les travaux de forage des puits d'injection et de constructions des installations superficielles nécessaires ne peuvent être entrepris par l'exploitant que s'il est propriétaire du sol, ou avec le consentement de celui-ci. A défaut de ce consentement, le titulaire de l'exploitation peut bénéficier, sous réserve de déclaration d'utilité publique, des servitudes prévues aux articles 71 et 71-2 du code minier, qui ouvrent au profit du propriétaire du sol un droit à être indemnisé.
Surveillance de l'installation
Les articles L. 229-34 et L. 229-35 déterminent le régime de surveillance de l'installation de stockage de CO 2 . Celle-ci est soumise à la surveillance du préfet, sous l'autorité des ministres chargés des installations classées et des mines. Le titulaire de l'autorisation doit fournir chaque année un bilan d'exploitation aux ministres, qui peuvent prescrire, à ses frais, toute étude complémentaire et toute mesure destinées à assurer la protection des intérêts que doivent respecter les installations classées et les mines.
Le préfet du département concerné à titre principal par l'opération de stockage institue un comité local d'information et de concertation, en application de l'article L. 125-2 du code de l'environnement.
Arrêt de l'exploitation
L'article L. 229-36 prévoit qu'à la fin des opérations, le titulaire de l'autorisation adresse aux ministres chargés des installations classées et des mines une déclaration d'arrêt des essais d'injection et de stockage. Ces derniers peuvent prescrire toutes études et travaux complémentaires, ainsi que des mesures de surveillance pendant une période déterminée. Ils donnent acte de la réalisation des mesures prescrites au titulaire de l'autorisation.
A compter du donné acte, la responsabilité de la surveillance des installations de stockage et de prévention des risques peut être transférée à l'Etat dans les conditions prévues par l'article 93 du code minier.
Infractions
Les articles L. 229-38 à L. 229-40 du code de l'environnement déterminent le régime des pénalités applicables aux infractions aux dispositions précédentes, qui sont recherchées et constatées par les agents habilités dans les conditions prévues par l'article 140 du code minier.
Selon leur gravité, ces infractions pénales sont punies d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 euros, ou d'une peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros. Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables pénalement de ces infractions dans les conditions prévues par l'article L. 121-2 du code pénal.
III. La position de votre commission
Votre commission se félicite de la mise en place d'un cadre légal pour les opérations pilotes de captage, transport et stockage de CO 2 . Cette technologie d'avenir pourrait apporter une contribution appréciable à la lutte contre le réchauffement climatique.
Votre commission a adopté cet article sans modification. |