Article 17 (articles L. 312-8 et L. 312-9 du code de la consommation) - Liberté de choix de l'assurance emprunteur des crédits immobiliers
Commentaire : le présent article supprime la possibilité pour les banques, dans le cadre des crédits immobiliers, d'imposer à leurs clients d'adhérer à des contrats d'assurance de groupe souscrits pour leur compte afin de garantir leurs emprunts.
I. Le droit en vigueur
Assurer son crédit immobilier n'est pas une obligation légale . Toutefois, compte tenu des risques liés à la durée des opérations (avec des remboursements des prêts pouvant être étalés jusqu'à vingt ou trente ans), les établissements de crédit subordonnent l'octroi de crédit immobilier à une assurance qui couvre au moins les risques de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie, d'incapacité ou d'invalidité, et parfois de perte d'emploi.
Le principe de l'interdiction de la vente liée, qui s'apparente à une pratique commerciale illicite, est posé par l'article L. 122-1 du code de la consommation, et précisé pour les établissements financiers par le 1. du I de l'article L. 312-1-2 du code monétaire et financier qui dispose qu'« est interdite la vente ou offre de produits ou de prestations de services groupés sauf lorsque les produits ou prestations de services inclus dans l'offre groupée peuvent être achetés individuellement ou lorsqu'ils sont indissociables ».
Toutefois, l'assurance des crédits immobiliers échappe à cette règle protectrice pour les consommateurs. En effet, l'article L. 312-9 du code de la consommation autorise le prêteur à « exiger de l'emprunteur » qu'il adhère au contrat d'assurance collective négociée pour lui, et la pratique des établissements de crédit consiste effectivement le plus souvent à imposer à leurs clients l'adhésion à un tel contrat. Aujourd'hui, plus de huit emprunts immobiliers sur dix sont conclus dans le cadre de l'assurance de groupe .
Pourtant, il existe un autre système, la délégation d'assurance , qui permet à l'emprunteur de souscrire avec l'assureur de son choix un contrat d'assurance offrant des garanties équivalentes au contrat de groupe de l'établissement prêteur, le bénéfice de l'assurance étant cédé au prêteur pour garantir son prêt. Ce système a tendance à se développer.
Représentant généralement entre 0,30 % et 0,40 % du montant emprunté, l'assurance du crédit immobilier a un coût non négligeable, pouvant représenter jusqu'à 10 % du coût total du crédit souscrit . Les emprunteurs qui présentent un risque faible, en particulier les jeunes emprunteurs, ont donc intérêt à rechercher des solutions d'assurance en dehors de l'assurance de groupe afin de faire baisser dans des proportions sensibles le niveau des primes d'assurance exigées et, partant, à réduire la charge globale de leur acquisition. L'assurance est donc un des éléments du jeu concurrentiel entre établissements financiers destiné à attirer des emprunteurs au titre du crédit immobilier.
Le marché de l'assurance des crédits immobiliers aux particuliers en France En France, 8,35 millions de ménages , soit 31,3 % du total, détiennent aujourd'hui un crédit immobilier . L'encours des crédits représente près de 700 milliards d'euros . Près de 2 millions de crédits immobiliers ont été accordés aux particuliers en 2008 , dont 1,3 million pour l'acquisition de logements (le reste concernant le financement de travaux sur des logements existants), pour un montant d'encours de 140 milliards d'euros . Le taux de couverture des crédits immobiliers par une assurance est proche de 100 %. L'assurance des crédits immobiliers et professionnels représente 6,7 milliards d'euros de primes, dont 85 %, soit 5,6 milliards, dans le cadre de contrats d'assurance de groupe . Sources : Minefe et Observatoire des crédits aux ménages |
II. Le texte du Gouvernement
Un dispositif favorisant l'information des souscripteurs d'un contrat de prêt immobilier sur leurs doits en matière de police d'assurance avait été voté, à l'initiative du Sénat, lors de la discussion de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (dite « loi Chatel ») : les mentions légales obligatoires de l'offre de contrat immobilier avaient été enrichies d'un avertissement destiné à informer l'emprunteur de son droit à souscrire une assurance équivalente à celle proposée par le prêteur , lorsque ce dernier n'exigeait pas l'adhésion à un contrat d'assurance collective.
Le projet de loi va plus loin et poursuit l'objectif d'une plus grande concurrence au bénéfice des consommateurs en supprimant désormais la possibilité pour les prêteurs d'imposer l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe . Au premier trimestre 2008, le ministre de l'économie, des finances, de l'industrie et de l'emploi, Mme Christine Lagarde, avait en effet engagé, avec les fédérations professionnelles de la banque et de l'assurance et les associations de consommateurs, une réflexion sur la réforme de l'assurance emprunteur qui a abouti, de manière assez consensuelle, au dispositif ici proposé.
En outre, les professionnels du secteur de la distribution du crédit immobilier se sont engagés à remettre aux consommateurs à partir de 2010 une fiche de conseil et d'information sur l'assurance emprunteur , permettant de mieux l'informer et de comparer les offres, dont le contenu sera élaboré au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). A l'instar de ce que prévoit l'article 2 du présent projet de loi en matière de publicité pour les crédits à la consommation, le coût de l'assurance des crédits immobiliers devra y être exprimé en euros par mois .
La rédaction du nouveau dispositif s'inspire de la convention AERAS ( S'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé ) conclue le 6 juillet 2006 par les banques, les assurances, les associations de malades et de consommateurs et l'Etat, qui a pour but de faciliter l'accès au crédit des personnes dont l'état de santé dégradé bloque la capacité à assurer leurs crédits immobiliers et donc à les conclure. Les banques se sont en effet engagées dans ce cadre à accepter les contrats individuels d'assurance décès ou invalidité dès lors que ces derniers « présentent un niveau de garantie équivalent au contrat group e ». Elles se sont également engagées « à ne pas imposer leur contrat groupe au candidat emprunteur dans les cas où le contrat groupe ne leur permet pas d'apporter une réponse satisfaisante à un candidat » et « à assurer des conditions d'emprunt identiques quelle que soit la solution assurantielle retenue ».
Cette réforme n'aura probablement pas pour effet de faire disparaître l'assurance de groupe au profit de la délégation d'assurance, car la première des deux formules conserve des atouts importants :
- des formalités simples , avec un seul interlocuteur pour l'emprunteur et un contrat de crédit ainsi qu'un contrat d'assurance de ce crédit conclus en même temps ;
- des frais de gestion moins élevés que pour les délégations d'assurance, car la convention d'assurance est conclue une fois pour tous les bénéficiaires ;
- l'impossibilité pour l'assureur d'imposer, sauf accord de l'emprunteur, des modifications à la définition des risques garantis ou aux modalités de la mise en jeu de l'assurance.
L'introduction de davantage de concurrence sur le marché de l'assurance emprunteur devrait cependant forcer les établissements financiers à adapter leur offre pour qu'elle reste attractive, sans totalement faire disparaître la mutualisation des risques entre les clients.
III. Le texte de la commission spéciale
Le I. de l'article 17 maintient l'obligation, introduite par la loi Chatel et figurant au 4° bis de l'article L. 312-8 du code de la consommation, de mentionner, dans l'offre de contrat de crédit immobilier que le prêteur est tenu d'adresser par écrit à l'emprunteur éventuel, la possibilité pour ce dernier de souscrire une assurance de son choix. Simplement, l'exception à cette obligation qui était prévue lorsque le prêteur imposait concomitamment à l'emprunteur l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe disparaît puisque le prêteur ne dispose plus de cette faculté d'imposer son choix.
Le II. modifie l'article L. 311-9 du code de la consommation afin d'abroger ce droit à lier contrat de crédit immobilier et contrat d'assurance de ce crédit. Il précise que le prêteur ne pourra pas refuser un contrat d'assurance emprunteur librement négocié par l'emprunteur auprès de l'assureur de son choix, dès lors que ce contrat présenterait un « niveau de garantie équivalent » au contrat d'assurance de groupe proposé.
L'appréciation du niveau de garantie offert relèvera de l'établissement prêteur, agissant sous le contrôle du juge.
Votre commission spéciale n'a apporté à cet article, à l'objectif duquel elle souscrit pleinement, que de mineures précisions formelles.
Votre commission spéciale a adopté cet article avec des modifications formelles . |