II. LES ETATS GARANTS EN DERNIER RESSORT DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL
Comme indiqué précédemment, la condition nécessaire du réamorçage du crédit, et donc de la continuité de l'économie, est le rétablissement de la confiance des prêteurs.
Or, dans les circonstances présentes , où la défaillance d'établissements financiers de premier plan apparaît possible et où la crédibilité des agences de notation en tant que juges de la capacité de remboursement des emprunteurs a été amoindrie, seuls les Etats inspirent pleinement confiance . Ce seul élément rend leur action indispensable.
Dans un premier temps, les Etats doivent intervenir comme « pompiers », c'est-à-dire qu'ils doivent se montrer rapides et efficaces afin d'enrayer le processus d'effondrement du système financier. Le présent projet de loi a pour objet de traduire cette action urgente, pour ce qui concerne la République.
Votre rapporteur général estime qu'elle doit respecter deux principes :
- d'une part, elle doit être coordonnée avec nos partenaires et donc respecter les principes définis avec eux, sous peine d'être inefficace ;
- d'autre part, elle doit préserver les intérêts des contribuables et ne pas apparaître comme un « cadeau » fait aux « riches » en des temps difficiles, sous peine d'être inacceptable par nos concitoyens.
Enfin, même s'il ne peut s'agir de la priorité chronologique, l'action des Etats ne saurait se limiter à ce rôle de pompier. Il leur appartiendra de définir très vite de nouvelles « règles du jeu » afin d'éviter que demain ne couvent de nouveaux incendies.
A. DES RÉACTIONS NATIONALES D'ABORD EN ORDRE DISPERSÉ
1. Des réponses différentes à des situations différentes : typologie des réponses des pouvoirs publics à la crise
Dans un premier temps, face à l'urgence, les Etats ont cédé à la tentation du « chacun pour soi » et la coordination des efforts n'a pu se faire.
Certes, les pays se trouvaient dans une situation objectivement différente selon les causes de la crise chez eux. Ainsi, les Etats-Unis doivent faire face à de graves doutes sur la solidité du bilan de leurs banques. Si de telles interrogations ont également pu affecter certains établissements européens de crédit, leur situation n'est pas comparable puisque, en Europe, la crise est provoquée, pour l'essentiel, par une crise de confiance sur le marché interbancaire.
C'est pourquoi les premières mesures nationales n'ont pas toujours été prises après consultation des partenaires. Lesdites mesures peuvent être classées selon la typologie suivante :
1) des mesures de court terme pour freiner la baisse des marchés : il s'agit principalement des interdictions portant sur certaines ventes à découvert , en particulier celles dont le dénouement requiert d'emprunter les titres. Leur portée se révèle cependant réduite car elles peuvent être assez aisément contournées ;
2) des mesures de court et moyen termes de stabilisation du système bancaire, parmi lesquelles :
- « l'élagage » par le cantonnement et la reprise des actifs les plus risqués. Tel est l'esprit du plan de sauvetage élaboré aux Etats-Unis par M. Henry Paulson, secrétaire au Trésor ;
- la « propriété en dernier ressort » par la souscription en capital aboutissant pafois à une nationalisation immédiate ou différée d'opérateurs. De telles mesures ont été prise aux Etats-Unis (pour l'assureur AIG et les agences de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac), au Royaume-Uni (pour les banques Northern Rock et Bradford & Bingley), ou encore en Europe continentale (dans le cas de Fortis et de Dexia) ;
- le « filet de sécurité » pour les déposants , par un relèvement unilatéral du plafond de garantie des dépôts et comptes d'épargne. Ainsi, le Conseil ECOFIN de Luxembourg du 7 octobre 2008 a-t-il apporté davantage de coordination en convenant que tous les Etats membres de l'Union européennes « fourniraient, pour une période initiale d'un an au moins, une garantie pour les dépôts des particuliers d'un montant minimal de 50.000 euros, en prenant acte de ce que de nombreux Etats membres ont décidé de porter ce minimum à 100.000 euros ». Plusieurs Etats européens ont adapté la garantie de dépôt en vigueur dans leur pays à la suite de ce Conseil, ce qu'illustre le tableau ci-dessous ;
- la garantie des emprunts interbancaires (par exemple les emprunts de Dexia, garantis jusqu'au 31 octobre 2008 par les gouvernements français, belge et luxembourgeois, ou encore la garantie du gouvernement britannique au crédit de ses banques pour un montant de 250 milliards de livres sterling) ;
- l'octroi de liquidités (à l'exemple de la banque allemande Hypo Real Estate, dont le prêt initial par l'Etat et un consortium de banques, de 35 milliards d'euros, dût être porté à 50 milliards d'euros, la banque ayant initialement sous-estimé ses besoins de liquidités) ;
3) enfin les consolidations sectorielles à l'initiative des banques pour étendre leur base de dépôts et de refinancement.
Garantie des dépôts dans plusieurs pays
européens
avant et après le Conseil ECOFIN du 7 octobre
2008
(en euros)
Avant |
Après |
|
Allemagne, Grèce, Irlande (*) |
20.000 |
Illimitée |
Autriche, Belgique, Espagne |
20.000 |
100.000 |
Danemark |
40.000 |
Illimitée |
France |
70.000 |
70.000 |
Italie |
103.291 |
103.291 |
Pays-Bas |
38.000 |
100.000 |
Royaume-Uni |
44.000 |
64.000 |
(*) Irlande : garantie illimitée pendant 2 ans non seulement des dépôts bancaires, comme les autres pays, mais aussi des dettes dans les 6 grandes banques du pays.
Source : Crédit agricole
2. Des actions trop peu lisibles pour dissiper la défiance des marchés
L'ensemble de ces actions n'a pas rassuré les acteurs du monde financier, ce qu'illustre la baisse historique des marchés d'actions dans la semaine du 6 au 10 octobre 2008.
S'il est difficile de porter un regard objectif sur des événements aussi récents, il semble :
- d'une part, que ces mouvements en tout sens pouvaient manquer de lisibilité et de cohérence pour les acteurs de marché ;
- d'autre part, qu'ils ne répondaient que partiellement aux problèmes de liquidité des établissements bancaires, ce qui a pu, parfois, contraindre certains d'entre eux à céder des participations, même à perte, afin de faire face à leurs échéances, alimentant ainsi la spirale baissière ;
- enfin, que ces mouvements disparates pouvaient s'entrechoquer les uns les autres, ce qu'illustrent, par exemple, les tensions entre l'Irlande et le Royaume-Uni, ce dernier pays invoquant la déstabilisation de ses banques du fait de l'octroi unilatéral par l'Irlande d'une garantie des créances de ses banques nationales.