C. LES INCONNUES POUR L'ÉCONOMIE RÉELLE EN 2009

Par ses symptômes, la crise actuelle n'est pas sans rappeler les funestes enchaînements de la crise de 1929 ou de la crise japonaise des années 90. A défaut du retour de la confiance sur les marchés financiers et interbancaires, le renchérissement et la contraction du crédit peuvent en effet aboutir à une situation de « credit crunch » et entraîner des conséquences néfastes pour l'économie réelle : atonie des investissements, réduction des coûts et restructurations des entreprises, stagnation ou baisse du pouvoir d'achat, chômage et diminution du commerce international. La situation actuelle présente toutefois de nombreuses différences avec celle de 1929 , en premier lieu du fait de la réactivité des Etats.

Il est cependant encore trop tôt pour prévoir l'impact que pourrait avoir en France la crise bancaire et financière. Cet impact dépendra en particulier de la capacité à répondre à la crise de confiance actuelle pesant sur les marchés. Les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) évoquent l'hypothèse d'une croissance économique pour la France proche de zéro , mais dépendent encore de paramètres qui ne sont pas tous encore connus aujourd'hui.

1. Le ralentissement économique constaté pour 2008 est antérieur à la crise financière

Les prévisions de croissance économique pour 2008 ont été constamment revues à la baisse depuis le début de l'exercice, et ce indépendamment de la crise financière. La croissance économique française a, en effet, été marquée par la hausse importante des prix du pétrole, la hausse du cours de l'euro, ainsi que par une croissance des Etats-Unis plus faible que prévu.

Les fourchettes de prévisions du consensus s'établissaient, au début du mois de septembre 2008, avant la brusque aggravation de la crise financière, entre 0,9 % (COE-Rexecode et Société générale en particulier) et 1,5 % (HSBC France), avec une moyenne de 1,1 %. Au cours de l'exercice 2008, l'évolution du consensus pour la zone euro a évolué à la baisse de façon continue, avant même que la crise financière fasse véritablement sentir ses effets.

Evolution des prévisions économiques pour l'exercice 2008

Sept. 2007

Oct. 2007

Nov. 2007

Déc. 2008

Janv. 2008

Fév.
2008

Mars 2008

Avril 2008

Mai 2008

Juin 2008

Juil.
2008

Août 2008

Sept. 2008

France (consensus)

2,1

1,9

1,9

1,8

1,7

1,6

1,6

1,5

1,5

1,7

1,6

1,5

1,1

France (gouvernement)

2,25

2,25

2,25

2,25

2,25

2,00

1,85

1,85

1,85

1,85

1,00

1,00

1,00

Zone euro

2,2

2

2

1,9

1,8

1,6

1,5

1,5

1,5

1,7

1,6

1,5

1,3

Etats-Unis (consensus)

2,4

2,4

2,3

2,1

2

1,6

1,4

1,3

1,3

1,5

1,5

1,6

1,8

Source : consensus Forecast, déclarations du gouvernement, projet de loi de finances pour 2009

A ce stade, la prévision d'une croissance de l'ordre de 1 % en 2008 n'a pas été modifiée par l'Insee , qui dans sa note de conjoncture du 3 octobre 2008, évaluait la croissance pour 2008 à encore 0,9 % , malgré une croissance de trimestre à trimestre globalement nulle, voire négative (avec, respectivement, une croissance de 0,4 %, - 0,3 %, - 0,1 % et - 0,1 % aux 1 er , 2 e , 3 e et 4 e trimestres).

Il convient en effet de rappeler que la croissance du PIB une année donnée est exprimée en « moyenne annuelle » : le taux de croissance d'une année donnée est calculé en fonction du rapport entre le PIB total de l'année n et le PIB total de l'année n-1. Dès lors, si la croissance de trimestre à trimestre est positive l'année n-1, et nulle l'année n, la croissance du PIB de l'année n est considérée comme positive 3 ( * ) .

Or la croissance trimestrielle a été positive en 2007 et l'acquis de croissance en 2008 est de l'ordre de 0,8 % .

2. Un manque réel de visibilité pour l'exercice 2009

Pour l'année 2009, les dernières prévisions disponibles, établies au début du mois de septembre 2008, s'établissent, au sein du consensus, entre 0,6 % (Oddo Securities) et 1,6 % (Total). Le projet de loi de finances pour 2009 a été construit sur une hypothèse de 1 % de croissance. Ces prévisions n'ont pas encore tiré toutes les conséquences de la crise financière. Le FMI prévoit désormais une croissance de 0,2 % en France en 2009.

Faute de visibilité, on ne peut à ce stade formuler que des hypothèses sur l'évolution de la croissance.

a) Prendre en compte l'acquis de croissance 2008

Bien que la prévision de croissance pour 2009, exprimée en moyenne annuelle, soit analogue à la prévision de croissance pour 2008, elle suppose une croissance de trimestre à trimestre significative pour compenser l'acquis de croissance nul voire négatif issu de 2008.

Cette croissance de trimestre à trimestre devrait être en 2009 de l'ordre de 0,4 % ou 0,5 %, pour que la croissance en moyenne annuelle soit bien de 1 % en 2009.

b) Pétrole, euro, taux d'intérêt : des facteurs de soutien en 2009 ?

L'évolution du prix du pétrole, du taux de change de l'euro, et des taux d'intérêt constituent des facteurs susceptibles de soutenir la croissance en 2009.

Ainsi, un euro vaut, au 13 octobre 2008, 1,36 dollar, et le prix du baril de Brent est repassé sous la barre des 90 dollars (80 dollars au 13 octobre 2008).

On rappelle que, selon les estimations usuelles, la première année :

- un prix du pétrole inférieur de 10 dollars aux prévisions ou une baisse des taux d'intérêt (courts et longs) de 100 points de base (ou une croissance de l'économie des Etats-Unis supérieure de 1 point) augmentent la croissance du PIB de la zone euro et de la France d'environ 0,25 point ;

- une dépréciation de l'euro contre toutes les monnaies de 10 % augmente la croissance du PIB de la zone euro de 0,5 point.

Il n'est pas possible d'additionner les impacts des différents phénomènes. Mais ces facteurs de soutien de l'économie pourraient jouer un rôle stabilisateur, alors même qu'ils pourraient être paradoxalement la conséquence d'un ralentissement important de l'économie mondiale, en particulier européenne.

* 3 Le PIB de l'année n-1 peut être considéré comme un « escalier » constitué de quatre « marches », et celui de l'année n comme un palier. Le « palier » étant plus élevé que la moyenne des quatre marches, puisqu'il est au niveau de la 4 e marche, il y a nécessairement croissance du PIB en moyenne annuelle. Les économistes appellent « acquis de croissance » la croissance en moyenne annuelle qui serait enregistrée une année donnée, dans l'hypothèse où la croissance trimestrielle serait nulle.

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