II. AUDITIONS
Audition de M. Alain LECANU, secrétaire général « Emploi » de la confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC) (mardi 8 juillet 2009
Réunie le mardi 8 juillet 2008 , sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a entendu M. Alain Lecanu, secrétaire général « Emploi » de la confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC) , sur le projet de loi n° 448 (2007-2008) adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
M. Alain Lecanu, secrétaire général « Emploi » de la CFE-CGC, a rappelé que la CFE CGC n'a pas signé la position commune pour deux raisons : d'une part, parce que la position arrêtée ne permet pas d'assurer la représentation des quatre millions de salariés des petites et moyennes entreprises ; d'autre part, parce qu'il risque d'en résulter une dégradation du climat social, chaque syndicat étant incité à prendre des positions radicales pour se démarquer de ses concurrents lors des élections professionnelles.
Sur l'article 2 du texte qui prend en compte la spécificité de la CFE CGC, il a regretté que cette disposition soit présentée, dans la position commune, comme une mesure ayant vocation à s'appliquer seulement pendant une période transitoire. Ceci explique que la CFE-CGC ait entamé des discussions permettant un rapprochement avec l'union nationale des syndicats autonomes (Unsa), dans l'objectif de constituer un nouveau pôle syndical. Ces deux syndicats présentent l'intérêt d'être complémentaires, l'Unsa regroupant majoritairement des salariés du secteur public et la CFE-CGC, des cadres du secteur privé. Leur fusion pourrait être consacrée lors d'un congrès fondateur organisé à la fin de 2009. En l'absence de ce rapprochement, les critères de représentativité définis dans le projet de loi risquent d'entraîner la disparition de sections syndicales CFE CGC dans certaines entreprises.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître l'appréciation portée par la CFE-CGC sur la deuxième partie du texte, consacrée à la réforme du droit de la durée du travail.
M. Alain Lecanu s'est inquiété des conséquences de certaines dispositions du texte, notamment de celles consacrées aux conventions de forfait en jours. Le plafond de deux cent dix-huit jours de travail dans l'année, applicable jusqu'à présent, à ces conventions de forfait, permettait aux salariés de disposer d'un temps de récupération suffisant pour compenser la grande amplitude de leurs horaires de travail. La CFE-CGC a d'ailleurs déposé deux recours auprès du Conseil de l'Europe pour contester cette amplitude horaire. Or, le projet de loi porte ce plafond à deux cent trente-cinq jours, ce qui permettra de faire travailler les salariés tous les jours de l'année, à l'exception des samedis et dimanches, des cinq semaines de congés payés et du 1 er mai, sans apporter de garantie pour les autres jours chômés comme le 14 juillet, le 1 er janvier ou le 25 décembre. De surcroît, ce nouveau plafond ne vaut qu'en l'absence d'accord de branche ou d'entreprise, pour l'augmenter encore, et ne constitue donc pas une limite maximale.
En outre, les jours supplémentaires de travail accomplis par les salariés en forfait jours ne seront rémunérés qu'à un taux majoré de 10 %, alors que le taux applicable actuellement aux heures supplémentaires est de 25 %, ce qui représente une véritable discrimination.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFE-CGC sur les amendements adoptés par l'Assemblée nationale.
M. Alain Lecanu a reconnu que la fixation d'un plafond à deux cent trente-cinq jours constitue un progrès par rapport à la situation précédente, dans laquelle aucun plafond n'était fixé. Il a néanmoins souhaité que ce forfait maximal soit ramené à deux cent dix-huit jours.
M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé si la CFE-CGC approuve les dispositions du projet de loi relatives aux conditions de financement du dialogue social.
M. Alain Lecanu a fait observer que le texte clarifie les obligations des organisations syndicales en matière de certification des comptes. Ceci ne devrait occasionner aucune difficulté pour la CFE-CGC, qui fait preuve en la matière d'une extrême rigueur.
Il a ensuite indiqué que la CFE-CGC est très favorable à l'application de l'accord UPA du 12 décembre 2001. Cet accord permettra aux dirigeants ou aux salariés des PME de suivre des formations grâce aux ressources dégagées pour financer leur remplacement durant cette période.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFE-CGC sur l'augmentation du contingent annuel d'heures supplémentaires.
M. Alain Lecanu a fait valoir que cette augmentation relève plus d'une mesure d'affichage que de la volonté d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés, les dernières statistiques montrant que la plupart des entreprises n'ont en réalité pas atteint le contingent fixé à deux cent vingt heures annuelles.
Mme Catherine Procaccia a demandé s'il ne serait pas opportun de limiter à deux le nombre de mandats consécutifs pouvant être accomplis par les élus du personnel, mesure que l'on justifie par la nécessité de les conserver en contact avec la réalité quotidienne des salariés. Par ailleurs, elle a souhaité savoir si la fixation à deux cent trente-cinq jours du plafond applicable aux salariés en forfait jours remettra en cause les conventions collectives de branche ou d'entreprise qui déterminent le nombre de jours fériés chômés. Enfin, elle s'est demandé si les entreprises voudront renégocier leurs accords relatifs au temps de travail, alors qu'elles recherchent une certaine paix sociale.
M. Alain Lecanu a rappelé que les représentants de la CFE-CGC ne peuvent assurer plus de trois mandats consécutifs. Il s'est dit plus réservé sur la limitation du nombre de mandats accomplis par un délégué syndical, étant donné la difficulté que peuvent avoir les organisations à trouver un successeur compétent.
Mme Catherine Procaccia a également demandé s'il ne serait pas opportun de limiter le cumul des fonctions, un même salarié pouvant actuellement être à la fois délégué du personnel, délégué syndical ou encore conseiller prud'homal.
M. Alain Lecanu a indiqué qu'il existe déjà dans la loi des incompatibilités limitant les situations de cumul. Non hostile sur le principe à une certaine rotation des représentants syndicaux, il a fait valoir que celle-ci n'était possible que dans le cadre de grandes entreprises telles qu'EDF, qui ont d'ailleurs retenu ce mode d'organisation dans l'accord syndical qu'elles ont signé.
Mme Annie David a demandé s'il n'aurait pas été préférable de mesurer la représentativité des organisations syndicales en fonction de leur score aux élections prud'homales, puisque cela permettrait de mieux prendre en compte les demandeurs d'emploi et les salariés des plus petites entreprises. Evoquant l'article 5 du projet de loi, elle a souhaité obtenir des précisions sur le rôle et les modalités d'élection du nouveau représentant de la section syndicale. Elle a fait observer que certaines organisations syndicales, considérées comme non représentatives, comme la fédération syndicale unitaire (FSU), souhaitent néanmoins participer aux négociations nationales interprofessionnelles. Sur la question du temps de travail, elle a déploré que la priorité soit accordée à la négociation dans l'entreprise et estimé que le texte remet en cause les horaires collectifs de travail.
M. Alain Lecanu s'est dit défavorable au choix des élections prud'homales pour définir la représentativité des organisations syndicales, craignant que cet enjeu ne détourne de leur objet les débats qui ont lieu durant cette période. En revanche, il s'est dit ouvert à l'idée d'organiser une élection de représentativité qui aurait seulement pour but de mesurer l'audience des syndicats.
La CFE-CGC avait proposé la création d'une fonction de conseiller syndical, qui serait extérieur à l'entreprise, mais qui pourrait toutefois négocier des accords. Il s'agirait en quelque sorte d'un délégué syndical « mutualisé » entre plusieurs entreprises. A cette solution a cependant été préférée celle de la création de la fonction de représentant de la section syndicale.
Au sujet de l'ouverture des négociations interprofessionnelles à d'autres organisations, il a souligné que la FSU est un syndicat implanté dans le secteur public, alors que les négociations interprofessionnelles concernent le secteur privé.
M. Alain Lecanu a regretté que le projet de loi donne la priorité à la négociation d'entreprise au détriment de l'accord de branche. Pour la question des heures supplémentaires, il serait souhaitable que les salariés qui les accomplissent soient volontaires et que ceux qui les refusent ne puissent être licenciés pour ce motif.
On s'oriente effectivement vers la disparition des horaires collectifs de travail et la généralisation de négociations de gré à gré. Les cadres sont attachés au plafond de deux cent dix-huit jours pour les conventions de forfait en jours, car il leur permet de concilier vie professionnelle et familiale. Certains seraient prêts à travailler plus pour augmenter leur pouvoir d'achat, mais ils estiment insuffisante la majoration de 10% prévue par la loi
Mme Catherine Procaccia a souhaité savoir si le projet de loi modifie la disposition introduite par la loi en faveur des petites et moyennes entreprises du 2 août 2005, qui avait étendu les conventions de forfait en jours à des salariés non-cadres bénéficiant d'une certaine autonomie dans l'organisation de leur temps de travail..
M. Alain Gournac, rapporteur, a précisé que le projet de loi ne modifie pas le champ d'application de la convention de forfait en jours et que l'Assemblée nationale a subordonné la conclusion d'une convention de forfait à un accord écrit du salarié.
Audition de MM. Patrick BERNASCONI, président de la fédération nationale des travaux publics, membre du bureau, Dominique TELLIER, directeur des relations sociales, et Guillaume RESSOT, directeur-adjoint chargé des affaires publiques, du mouvement des entreprises de France (Medef) (mardi 8 juillet 2008)
Réunie le mardi 8 juillet 2008 , sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a ensuite entendu MM. Patrick Bernasconi, président de la fédération nationale des travaux publics, membre du bureau, Dominique Tellier, directeur des relations sociales, et Guillaume Ressot, directeur-adjoint chargé des affaires publiques, du mouvement des entreprises de France (Medef) , sur le projet de loi n° 448 (2007-2008) adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
M. Patrick Bernasconi, président de la fédération nationale des travaux publics, membre du bureau, a indiqué que le Medef, lors de la négociation de la position commune du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement et le financement du dialogue social, a souhaité que la fixation d'un seuil de représentativité des organisations syndicales ne soit pas exclusive d'autres critères tels que le niveau des adhésions et le montant des cotisations encaissées par un syndicat. La détermination du niveau du seuil est liée à la configuration du paysage syndical souhaité, le Medef se prononçant en faveur de seuils élevés susceptibles de favoriser la constitution de syndicats forts, légitimes et responsables. Les conditions de validité des accords collectifs de travail au niveau de l'entreprise sont aussi importantes en raison du rôle central de l'entreprise dans la croissance économique et en matière de négociation sociale. Le Medef a souhaité, dans cette optique, que ces accords soient majoritaires, de telle sorte que puisse cesser le traditionnel jeu de rôles où les accords sont toujours signés par les mêmes syndicats, les autres adoptant systématiquement une attitude d'opposition tout en engrangeant le bénéfice des stipulations mises en place. Les accords devront, dans un premier temps, être désormais signés par un ou plusieurs syndicats ayant globalement, dans le champ de l'accord, une audience électorale d'au moins 30 %. La majorité exigée passera à 50 % dans une seconde étape.
M. Dominique Tellier, directeur des relations sociales du Medef, a précisé que ces évolutions traduisent l'ambition d'inciter les syndicats à passer de la culture du « droit d'opposition » à une culture de « l'engagement ».
M. Patrick Bernasconi a estimé que la position commune du 9 avril 2008 est porteuse d'effets très positifs à terme. Dès son adoption, l'Unsa et la CGC ont engagé des conversations pour préparer la recomposition prévisible du paysage syndical. La CFDT et la CGT ont aussi fait le pari du renforcement du paysage syndical.
Telle est la raison pour laquelle le Medef regrette que la question de l'aménagement du temps de travail soit posée à l'occasion de la transposition de l'accord dans la loi, même si les dispositions retenues par le Gouvernement répondent, sur le fond, à ses attentes. Le traitement simultané de deux dossiers de nature très différente a mis en effet l'organisation patronale en porte-à-faux vis-à-vis des signataires syndicaux de la position commune du 9 avril.
M. Alain Gournac, rapporteur, a observé à cet égard que le Premier ministre a explicitement demandé aux partenaires sociaux, à plusieurs reprises, de progresser sur la question du temps de travail parallèlement à l'avancée des négociations sur le représentativité. Au bout d'un délai raisonnable, le législateur doit prendre ses responsabilités.
Il a ensuite demandé si la partie commune de la position consacrée à la démocratie sociale a été correctement transposée dans le projet de loi et si les organisations signataires ont été associées à cette transposition.
M. Patrick Bernasconi a estimé que la position commune a été bien traduite dans le projet de loi. Quelques points soulèvent pourtant des difficultés. Il s'agit notamment du problème de la représentativité patronale, qui ne doit pas être abordée dans ce cadre, et du financement du dialogue social, qui porte en germe la création de nouveaux prélèvements obligatoires obérant la compétitivité des entreprises françaises. Au demeurant, il ne faut pas « fonctionnariser » les organisations syndicales en leur garantissant des subsides indépendamment de leur capacité à assurer authentiquement la représentation de leurs mandants. Enfin, d'autres sources de financement que les subsides publics doivent être privilégiées. Or le projet de loi prévoit qu'une contribution assise sur la masse salariale permettra de financer le dialogue social dès lors qu'un accord collectif le stipulera ainsi. A défaut de supprimer cette disposition, il faudrait subordonner la création des contributions à la conclusion d'accords majoritaires interprofessionnels.
M. Dominique Tellier a critiqué par ailleurs la disposition permettant au Gouvernement de reconnaître la représentativité d'un syndicat pendant un délai de cinq ans sur la base des critères actuels, estimant cette possibilité contradictoire avec les objectifs de la position commune, qui favorise le regroupement syndical pour renforcer la représentation de salariés.
M. Alain Gournac, rapporteur, a ensuite demandé comment il serait possible de prendre en compte les salariés des entreprises de moins de onze salariés, qui n'organisent pas d'élections professionnelles, pour fixer la liste des organisations syndicales représentatives.
M. Patrick Bernasconi a indiqué que 75 % des salariés entrent aujourd'hui dans le champ des élections professionnelles et que la position commune prévoit la mise en place d'un groupe de travail chargé d'étudier les moyens de favoriser le dialogue social dans les très petites entreprises. Il pourrait présenter des propositions à l'horizon de juin 2009 et il faut laisser aux partenaires sociaux le temps d'y travailler.
A une interrogation de M. Alain Gournac, rapporteur, sur la réaction du Medef à l'annonce par le Premier ministre de l'élaboration prochaine d'une « charte du dialogue social », M. Patrick Bernasconi a répondu que ce document pourrait contribuer à mieux garantir le respect par l'État des initiatives des partenaires sociaux quand ceux-ci sont parvenus à élaborer un accord.
M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé ensuite si le Medef accepterait que l'assouplissement des règles concernant la durée du travail ait pour contrepartie une diminution des allègements de charges sociales, sensiblement augmentées à l'occasion du passage aux trente-cinq heures.
M. Patrick Bernasconi a observé que les allègements de charges, qui restaurent un peu la compétitivité des entreprises françaises face aux pays où les prélèvements obligatoires sont moins importants, doivent être maintenus alors que la concurrence internationale s'accélère et que la conjoncture économique se dégrade.
M. Dominique Tellier a rappelé de son côté que le passage de trente-neuf à trente-cinq heures n'a pas entraîné de baisse des salaires. Les allègements ont compensé en partie l'augmentation du coût moyen du travail qui en a découlé. Par ailleurs, les augmentations de durée de travail consécutives à l'entrée en application de la loi seront accompagnées d'une hausse des salaires. Dès lors, il n'y a pas de raison de supprimer les allègements.
Il a aussi regretté que l'Assemblée nationale ait prévu de permettre au « représentant de la section syndicale », qui n'est pas délégué syndical faute de représentativité de la section, de signer des accords dans les entreprises de plus de deux cents salariés, alors que la position commune réserve aux organisations représentatives cette capacité. Il serait plus admissible à cet égard, dans la logique de la position commune, de permettre aux syndicats représentatifs au niveau de la branche de mandater quelqu'un pour négocier dans les entreprises de plus de deux cents salariés quand un procès-verbal de carence a été dressé.
Mme Catherine Procaccia a demandé pourquoi le Medef a renoncé à sa proposition initiale d'établir la représentativité des syndicats en fonction d'un critère de pourcentage des salariés de l'entreprise. Elle a souhaité savoir par ailleurs quelle mesure permettrait d'aller plus loin dans la modernisation du dialogue social, et si le Medef estime représenter les artisans et les professions libérales.
M. Dominique Tellier a indiqué que pour mesurer la représentativité, il aurait été souhaitable de préférer le nombre d'adhérents à l'audience, mais que les syndicats n'ont pas souhaité retenir ce critère. En ce qui concerne le dialogue social, le Medef continue de privilégier la négociation par rapport à la loi. A cet égard, la proposition du Premier ministre sur la charte du dialogue social tire la leçon du problème posé par l'article 17 de la position commune.
M. Patrick Bernasconi a enfin rappelé que la position commune du 9 avril 2008 a été signée par la CGPME et par le Medef, et que l'UPA est globalement en accord avec les autres organisations patronales, sauf en ce qui concerne le financement du dialogue social.
Audition de M. René VALLADON et Mme Marie-Alice MEDEUF-ANDRIEU, secrétaires confédéraux de force ouvrière (FO) (mercredi 9 juillet 2008)
Réunie le mercredi 9 juillet 2008 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l' audition de M. René Valladon et Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaires confédéraux de force ouvrière (FO), sur le projet de loi n° 448 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
Rappelant que FO n'a pas souscrit à la position commune sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme du 9 avril 2008, M. René Valladon, secrétaire confédéral de FO, a confirmé l'opposition fondamentale de ce syndicat au texte. Sur le plan des principes, celui-ci est porteur de conséquences inquiétantes pour le modèle social républicain. Jusqu'ici, en effet, l'articulation entre des mesures législatives protectrices et les résultats de la négociation collective a permis d'assurer un minimum d'égalité de droits et de solidarité entre les salariés. Grâce au principe de faveur et à l'extension des conventions collectives, les travailleurs ont pu bénéficier des dispositions sociales les plus favorables, le code du travail constituant une sorte de socle minimum pour les droits sociaux. Or, la position commune du 9 avril 2008 remet en cause cet édifice.
A son sens, il vaut mieux, comme cela a été le cas jusqu'à aujourd'hui, favoriser la signature d'accords minoritaires améliorant la situation des salariés, plutôt que la conclusion d'accords majoritaires servant à déroger aux dispositions du code du travail et aux conventions de branche, dans un sens potentiellement défavorable au monde du travail.
Il a contesté la notion même de démocratie sociale, au motif que l'entreprise est avant tout le lieu où s'exerce le lien de subordination du salarié à son employeur. Lorsqu'un accord national est conclu, les organisations signataires peuvent certes demander aux pouvoirs publics de respecter le compromis qui a été élaboré, mais le rôle des élus de la Nation ne saurait se limiter à entériner les accords sans pouvoir les amender, sauf à devenir de simples greffiers des résultats de la négociation collective. Par ailleurs, si l'équilibre de la négociation est rompu, les organisations syndicales sont libres de retirer leur signature et de le faire savoir.
M. René Valladon a ensuite déploré l'inégalité de traitement entre les parties à la négociation : la représentativité des organisations syndicales a été abordée, mais pas celle des organisations patronales. Or, la conclusion d'accords de branche, dans le secteur des transports par exemple, se trouve aujourd'hui bloquée du fait de dissensions au sein de la partie patronale, qui conduisent à s'interroger sur la représentativité de certaines organisations. Pendant la négociation, le Medef ne semblait pas, au départ, hostile à ce que le sujet de la représentativité patronale soit abordé dans les prochaines années. Pourtant l'amendement proposé à l'Assemblée nationale sur ce point a finalement été rejeté.
Il a rappelé qu'il a fallu attendre 1968 pour que les organisations syndicales puissent désigner librement leurs délégués syndicaux, soit trente-deux ans après la création, à l'initiative de Léon Blum et Léon Jouhaux, des délégués d'atelier, devenus ensuite délégués du personnel. Or, les dispositions de l'article 4 du projet de loi sont préoccupantes : le texte sur lequel le Sénat sera amené à se prononcer prévoit qu'un salarié ne peut être désigné comme délégué syndical que s'il a recueilli 10 % au moins des suffrages exprimés au premier tour des élections du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. Mais que se passe-t-il si tous les salariés remplissant cette condition ont quitté l'entreprise ? Il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école puisque 4,5 millions de salariés changent de poste chaque année et le projet de loi ne prévoit rien pour traiter ce cas de figure.
S'agissant du décompte des suffrages exprimés lors des élections professionnelles, il s'est inquiété des possibilités de « double vote », car les salariés des sous-traitants peuvent voter aussi bien dans leur entreprise d'origine que dans celle où ils interviennent.
En définitive, même si quelques amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont permis d'améliorer, à la marge et sur le plan technique, les dispositions du projet de loi, il ne saurait naturellement recueillir l'assentiment de FO.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir si FO est favorable à un rapprochement, voire une fusion, entre certaines organisations syndicales.
M. René Valladon a répondu que, contrairement aux partis politiques où le rôle des commissions d'investiture est déterminant, les accords au sommet passés entre responsables syndicaux sont dépourvus d'effectivité s'ils ne sont pas validés par les acteurs de terrain et par les salariés eux-mêmes. Même si FO verra probablement sa position renforcée par l'instauration des seuils élevés de représentativité, elle ne cherche pas à promouvoir un rapprochement à caractère artificiel avec d'autres acteurs du paysage syndical.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la position de FO sur la possibilité donnée aux élus du personnel de négocier un accord collectif dans les entreprises de moins de deux cents salariés.
M. René Valladon a estimé que cette disposition, issue de la position commune du 9 avril 2008, constitue pour ainsi dire un « troc d'appareils » entre les organisations syndicales signataires. Mais elle conduit aussi à se résigner à l'absence d'implantation syndicale dans les petites entreprises, ce qui risque de leur être préjudiciable.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir si le fait que le Gouvernement ait introduit un volet consacré au temps de travail dans le projet de loi, modifiera l'attitude de FO lors des prochaines négociations interprofessionnelles, portant par exemple sur la formation professionnelle ou sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
M. René Valladon a rappelé que cette organisation s'est opposée à deux reprises à ce que la négociation ayant abouti à la signature de la position commune du 9 avril 2008 intègre dans son champ le sujet du temps de travail. Pour autant, le texte qui a été signé comprend des éléments abordant cette question, et il ne faut donc pas s'étonner que le Gouvernement en ait profité pour intégrer au projet de loi son titre II. En dépit de ce désaccord fondamental, FO ne refusera pas de négocier à l'avenir, mais son niveau d'exigence à l'égard des autres parties prenantes en sera très certainement modifié.
Il a ensuite déploré les conditions dans lesquelles a été adoptée la position commune du 9 avril 2008 : l'objectif initial était d'aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI) et ce n'est qu'à la dernière minute qu'a été conclue, de façon d'ailleurs assez déloyale, une position commune entre quelques organisations syndicales. Or, l'opposition de trois syndicats sur cinq permet de faire obstacle à la validité d'un ANI, ce qui n'est pas le cas avec une position commune.
Mme Catherine Procaccia a demandé pourquoi la question de la représentativité patronale n'a pas été abordée et si FO compte demander au Gouvernement d'engager une négociation à ce sujet au cours de l'année 2009. Elle a également souhaité connaître sa position sur la disposition prévoyant de porter à deux cent trente-cinq jours le plafond du forfait jours pour les cadres.
M. René Valladon a rappelé que jusqu'ici, les critères de représentativité ont été définis par le pouvoir politique, les organisations syndicales s'interdisant généralement de se prononcer sur ceux applicables aux employeurs et vice-versa. Pour autant, il serait effectivement normal, ne serait-ce que par souci de parallélisme des formes, que les nouveaux principes posés par le projet de loi s'appliquent à la partie patronale.
En ce qui concerne la modification du plafond applicable au forfait jours, il a fait part de la vive inquiétude que lui inspirent les répercussions potentielles de cette mesure dans le monde du travail. Nombreux sont les salariés, en effet, qui ne comptent ni leur temps, ni leur peine et qui ont besoin des jours de RTT pour pouvoir se reposer. Si cette soupape de sécurité venait à disparaître, le stress et la pénibilité au travail ne pourraient que s'en trouver renforcés.
M. Alain Vasselle a indiqué avoir été interpellé à ce sujet, à l'occasion d'un débat organisé récemment par la chaîne Public Sénat, par un inspecteur du travail, membre du parti socialiste, qui soutient que les salariés qui accomplissent des heures supplémentaires seront désormais rémunérés à un taux majoré de 10 %, au lieu de 25 % actuellement. Il lui semble que certains procèdent à des amalgames et à des raccourcis sur ces questions sensibles et très techniques : il importe donc de faire toute la lumière sur ce sujet, pour éviter que ne se répandent, dans l'opinion publique, des rumeurs infondées.
Mme Marie-Alice Medeuf-Andrieu, secrétaire confédérale de FO, a précisé qu'un accord d'entreprise peut effectivement prévoir de ramener à 10 % la majoration de la rémunération correspondant aux heures supplémentaires. Le taux de majoration appliqué à la rémunération des jours de travail supplémentaires accomplis par des salariés en forfait jours sera négocié de gré à gré entre l'employeur et les salariés, ce qui ouvre une possibilité de chantage utilisable par la partie patronale à l'encontre de personnels quasiment dépourvus de moyens pour faire valoir leurs intérêts. Le nouveau plafond de deux cent trente-cinq jours aboutira à limiter les périodes de congés à cinq semaines dans l'année. Il sera donc de facto mis fin aux jours de RTT, alors que les salariés pourront parallèlement être amenés à travailler jusqu'à treize heures par jour.
Le plafond actuel de deux cent dix-huit jours maximum apparaît naturellement plus favorable et plus protecteur. Il oblige aussi l'employeur à accorder un temps de récupération à son personnel. Au total, ce nouveau forfait de deux cent trente-cinq jours constitue une énorme régression sociale. FO était initialement favorable à la fixation par voie législative d'un nombre maximum de jours de travail afin de donner un minimum de garanties aux salariés. Mais les dispositions de l'amendement qui a été adopté à l'Assemblée nationale s'inscrivent à l'opposé de cet objectif, d'autant plus qu'un accord d'entreprise pourra permettre à un employeur de porter ce plafond à deux cent quatre-vingt-deux jours par an.
Après avoir fait observer que beaucoup de salariés travaillent dans de petites entreprises où les élections professionnelles ne sont pas organisées, Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est demandé s'il n'aurait pas été préférable de faire référence aux résultats des élections prud'homales pour apprécier la représentativité des syndicats.
M. René Valladon a répondu que FO a formulé certaines réserves sur le système consistant à prendre en compte le résultat des élections des délégués du personnel et aux comités d'entreprise, pour les agréger par branches et ensuite au niveau national. Il aurait été effectivement intéressant de s'appuyer sur les élections prud'homales, d'autant plus que le mouvement syndical est par définition le plus utile dans les entreprises ou les secteurs où il est le moins bien représenté. Le Medef s'est opposé à cette solution en raison du faible taux de participation des employeurs à ce scrutin et par crainte que le vote des particuliers employeurs lui soit peu favorable.
Mme Annie David a indiqué avoir été sensible à un argument évoqué par le représentant de la CGC lors de son audition, qui a expliqué que le scrutin prud'homal changerait de nature si on l'utilisait comme référence pour apprécier la représentativité syndicale. L'enjeu de l'élection n'est plus le même selon qu'il s'agit de désigner des juges ou de déterminer la représentativité d'organisations syndicales au niveau national. Puis elle a souhaité connaître la position de FO sur la possibilité ouverte aux syndicats de désigner des délégués de sites intervenant dans plusieurs entreprises de moins de onze salariés.
M. René Valladon a estimé que ce système de délégués de sites, qui existe déjà, ne fonctionne pas, notamment parce que les personnes désignées par les organisations syndicales ont à intervenir dans des entités relevant de différentes branches professionnelles. Il s'est ensuite félicité de ce que l'organisation des élections prud'homales, qui a parfois eu lieu dans le passé dans des conditions dignes d'une « république bananière », ait été notablement améliorée. En ce qui concerne la question de la représentativité syndicale, FO avait préconisé un système mixte associant à parts égales le résultat des élections prud'homales et celui des élections dans les comités d'entreprise.
Audition de M. Philippe LOUIS, trésorier confédéral de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) (mercredi 9 juillet 2008)
Réunie le mercredi 9 juillet 2008 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a ensuite procédé à l' audition de M. Philippe Louis, trésorier confédéral de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), sur le projet de loi n° 448 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
M. Philippe Louis, trésorier confédéral de la CFTC, a indiqué que cette organisation n'avait pas signé la position commune du 9 avril car celle-ci s'était finalement concentrée sur la question de la représentativité en renvoyant à des groupes de travail les questions essentielles de la réconciliation entre les salariés et l'entreprise ou des moyens de renforcer la syndicalisation.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFTC sur les nouveaux critères de la représentativité.
M. Philippe Louis a estimé que la présomption irréfragable de représentativité dont bénéficient les cinq grandes centrales syndicales depuis 1966 était devenue trop contestable pour inspirer la confiance des salariés. La CFTC s'est donc déclarée ouverte à une négociation sur ce thème. Les critères retenus par le projet de loi paraissent adaptés sauf en ce qui concerne la question de l'audience renforcée par la fixation d'un seuil. Il faudrait, à son sens, garantir une pondération entre les différents critères qui ne privilégie pas la seule audience car le seuil de 10 % est de nature à faire disparaître les organisations syndicales les plus petites sans augmenter le nombre d'adhérents des plus grandes.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la position de la CFTC sur la possibilité ouverte aux représentants du personnel de négocier certains accords dans l'entreprise.
M. Philippe Louis a souligné qu'il s'agit, pour la CFTC, du point le plus important car il touche à la qualité du dialogue social. La fin du monopole syndical de négociation dans l'entreprise est inquiétante car l'organisation syndicale forme et conseille les délégués syndicaux et leur procure une ouverture sur le monde extérieur, ce qui est un atout pour la négociation des accords collectifs. La négociation avec les représentants du personnel refermera l'entreprise sur elle-même, ce qui risque d'être défavorable aux salariés. Un élu du personnel qui aura recueilli un faible nombre de voix pourra signer des accords ce qui n'encouragera pas l'implantation syndicale.
M. Alain Gournac, rapporteur, s'est interrogé sur les modalités de financement du dialogue social prévues à l'article 8 du projet de loi.
M. Philippe Louis a précisé que le financement du dialogue social dans la branche est essentiel et qu'il faut lui trouver des ressources. Dans les entreprises, le dialogue social est financé par l'entreprise elle-même qui a l'obligation légale de fournir aux syndicats les moyens de négocier. Les heures de délégation des délégués syndicaux et des élus du personnel sont prises en charge par l'entreprise. La branche mutualisant les négociations d'entreprises, il faudrait que le système de financement soit également mutualisé. A défaut, seuls les délégués des grandes entreprises pourront participer aux négociations, ce qui paraît illégitime. L'accord UPA est une bonne solution.
La CFTC est par ailleurs inquiète de la possibilité de remise en cause de cet accord alors que des fonds sont déjà collectés dans certaines branches. Les critiques du Medef et son intention de contester l'accord devant les juridictions européennes ne sont pas justifiées.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir si la CFTC est favorable à la décentralisation de la négociation collective au niveau de l'entreprise. Par ailleurs, approuve t elle la simplification des dispositifs d'aménagement du temps de travail proposée par le projet de loi ?
M. Philippe Louis a répondu que son organisation est attachée au rôle régulateur de la branche. C'est pourquoi l'accord d'entreprise doit demeurer supplétif et ne peut se substituer à la loi. Le principe de faveur ne doit pas être remis en cause.
La CFTC est opposée aux dispositions contenues dans la deuxième partie du projet de loi relative à la réforme du droit de la durée du travail. L'employeur pourra désormais se passer de l'autorisation de l'inspecteur du travail pour imposer des heures supplémentaires au salarié au-delà du contingent. De plus, les nouvelles dispositions relatives aux conventions de forfait jours risquent de banaliser le travail le samedi et de multiplier les dérogations au dimanche chômé. Le projet de loi aboutit en réalité à transformer les salariés en travailleurs corvéables à merci. Il doit, en ce sens, être mis en relation avec le projet de loi relatif aux offres valables d'emploi actuellement en cours d'examen.
M. Alain Vasselle a souhaité connaître le sentiment de la CFTC sur les dispositifs de majoration des heures supplémentaires.
M. Nicolas About, président, a précisé que ces majorations sont fixées par la loi : 25 % pour les huit premières heures et 50 % au-delà. Ceci étant, un accord de branche ou d'entreprise peut modifier ces taux, dès lors qu'ils restent supérieurs à 10 %.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle ayant souhaité connaître l'impact du projet de loi sur les exonérations de cotisations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires prévues par la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (Tepa), M. Nicolas About, président, a rappelé que l'article 19 adapte les dispositifs d'exonérations de la loi Tepa pour tenir compte des modifications introduites par le projet de loi.
Mme Raymonde Le Texier s'est demandé si le projet de loi comporte finalement un seul élément positif.
M. Philippe Louis a regretté que le texte déséquilibre complètement le dialogue social en France. En réalité, la représentativité des syndicats sera déterminée, pour l'essentiel, par le vote des salariés des grandes entreprises, ce qui n'est pas acceptable. La possibilité offerte aux institutions représentatives du personnel de négocier des accords d'entreprise va encore affaiblir la présence syndicale dans les PME. Ainsi, le projet de loi débouchera sur la situation absurde où l'on verra un permanent d'une grande entreprise industrielle négocier les conditions de travail des petits artisans.
Audition de MM. Pierre MARTIN, président, Pierre BURBAN, secrétaire général, et Mme Caroline DUC, chargée des relations avec le Parlement, de l'union professionnelle artisanale (UPA) (mercredi 9 juillet 2008)
Réunie le mercredi 9 juillet 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a tout d'abord procédé à l' audition de MM. Pierre Martin, président, Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement, de l'union professionnelle artisanale (UPA), sur le projet de loi n° 448 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
M. Pierre Martin, président de l'UPA, a indiqué que son organisation est attachée à la mise en oeuvre de l'accord qu'elle a conclu le 12 décembre 2001 avec cinq organisations syndicales sur la question du financement du dialogue social dans les petites entreprises, communément appelé « accord UPA ». Le Medef et la CGPME ont refusé que la position commune reprenne cet accord, et ont même contesté, devant les tribunaux, la représentativité de l'UPA. La Cour de cassation s'est finalement prononcée en décembre 2007 et a estimé que l'UPA est légitime à représenter l'artisanat.
Ceci explique que l'UPA ait refusé d'approuver la position commune, bien qu'elle soit favorable à la plupart de ses dispositions. M. Pierre Martin a d'ailleurs ironisé sur l'emploi du terme « position commune » pour désigner un document qui n'a été approuvé que par quatre organisations représentatives sur huit.
Il a estimé que le Medef et la CGPME ont rejeté l'accord UPA sur la base d'arguments fallacieux. Dans les entreprises artisanales, le chef d'entreprise ne souhaite pas engager lui-même des négociations et préfère s'en remettre à une négociation de branche menée au niveau régional. Les cinq syndicats de salariés ont demandé au Président de la République la mise en oeuvre rapide de l'accord UPA.
Dix-sept branches ont signé des accords qui déclinent l'accord UPA dans leur secteur, par exemple l'alimentation, l'économie sociale, l'agriculture ou le sport. L'UPA souhaite maintenant rendre l'accord applicable à toutes les entreprises artisanales. Le Medef a affirmé qu'il avait l'intention de déposer un recours devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) pour en contester la validité, mais il semble qu'aucun recours n'a été déposé et que la CJCE n'est de toute façon pas compétente pour connaître ce type de litige.
Il a souligné que les entreprises de plus de vingt salariés prennent en charge le financement du dialogue social, notamment en rémunérant les heures de délégation des élus du personnel, et qu'il n'y a donc aucune raison que l'accord UPA ne puisse être mis en oeuvre. Il a également déploré que la plupart des négociateurs syndicaux soient issus de grandes entreprises et connaissent donc mal la réalité de l'artisanat.
M. Alain Gournac, rapporteur, s'est interrogé sur les raisons qui ont finalement conduit le Gouvernement à intégrer l'« accord UPA » dans le projet de loi, alors qu'il a refusé, depuis sept ans, de procéder à son extension.
M. Pierre Martin a répondu que le Gouvernement a sans doute souhaité attendre que les procédures judiciaires engagées par les autres organisations patronales aillent jusqu'à leur terme avant de prendre une décision concernant la mise en oeuvre de l'accord. Le lobbying du Medef a par ailleurs certainement contribué à retarder la décision du Gouvernement.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la position de l'UPA sur l'article 7 du projet de loi qui vise à faciliter la négociation d'accords collectifs dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.
M. Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA, a indiqué que son organisation n'a pas d'opposition de principe à la technique du mandatement syndical. Il serait cependant illusoire de considérer qu'elle pourrait permettre de généraliser la négociation collective à toutes les petites entreprises. La négociation d'un accord requiert en effet certaines compétences et l'appui d'un service du personnel dont ne disposent pas les entreprises artisanales. C'est pourquoi il est essentiel de favoriser la négociation de branche comme le prévoit l'accord UPA.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître l'appréciation portée par l'UPA sur les amendements adoptés par l'Assemblée nationale à l'article 8.
M. Pierre Martin s'est dit satisfait par la rédaction retenue pour cet article, qui permet d'asseoir la contribution sur la masse salariale, mais sans exclure d'autres sources de financement.
En réponse à M. Alain Gournac, rapporteur, qui souhaitait savoir si l'UPA serait favorable à une réforme des règles de représentativité des organisations patronales, M. Pierre Martin est convenu de la nécessité de réformer les règles actuelles, qui ne sont d'ailleurs pas toujours strictement appliquées. Il s'est dit favorable à la position exprimée à ce sujet dans le rapport de M. Raphaël Hadas-Lebel.
En réponse à M. Alain Gournac, rapporteur, qui a demandé dans quelle mesure les dispositions du deuxième volet du projet de loi simplifiant les règles applicables au temps de travail répondent aux besoins et aux contraintes des entreprises artisanales, M. Pierre Marti, a reconnu qu'il est nécessaire d'assouplir les règles relatives à l'organisation du temps de travail.
Mme Annie David a souhaité connaître la position de l'UPA sur les nouvelles règles applicables aux salariés couverts par une convention de forfait en jours.
M. Pierre Martin a fait observer que les entreprises artisanales emploient très peu de salariés autonomes, qui sont les seuls à pouvoir signer des conventions de forfait en jours.
En réponse à Mme Annie David qui a demandé si un chef de chantier ne peut être considéré comme un salarié autonome, M. Pierre Burban a confirmé que les salariés couverts par une telle convention de forfait sont très peu nombreux dans le secteur de l'artisanat.
M. Pierre Martin s'est en revanche déclaré préoccupé par la décision de l'Assemblée nationale de reporter d'un an la mise en oeuvre de l'article 8 qui permet l'application de l'accord UPA. Les conséquences juridiques de ce report pour l'application des accords de branche aujourd'hui en vigueur sont en effet incertaines.
Audition de Mme Laurence LAIGO et M. Marcel GRIGNARD, secrétaires nationaux de la confédération française démocratique du travail (CFDT) (mercredi 9 juillet 2008)
Réunie le mercredi 9 juillet 2008 sous la présidence de Mme Annie David, vice présidente, la commission a entendu Mme Laurence Laigo et M. Marcel Grignard, secrétaires nationaux de la confédération française démocratique du travail (CFDT), sur le projet de loi n° 448 (2007-2008) portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
M. Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, a exposé la position de ce syndicat sur le texte issu des débats à l'Assemblée nationale. Celui-ci reprend l'esprit de la position commune du 9 avril 2008 et ne pose pas de problème de fond. Deux sujets doivent toutefois être traités.
La position commune prévoit qu'un délégué syndical ne peut être choisi que parmi les salariés ayant obtenu au moins 10 % des suffrages aux élections professionnelles. L'Assemblée nationale a souhaité que cette règle s'applique également au délégué syndical central. Dans les entreprises de moins de deux mille salariés, cette disposition ne pose pas de difficulté, dans la mesure où le délégué syndical central est obligatoirement choisi parmi les délégués syndicaux. Il paraît en revanche injustifié d'appliquer la même règle pour les délégués syndicaux centraux désignés dans les entreprises de plus de deux mille salariés. Dans ces grandes entreprises, qui comportent de multiples établissements, le délégué syndical central n'entretient pas la même relation de proximité avec les salariés que dans les autres entreprises. C'est la capacité à négocier avec l'employeur qui doit être déterminante dans le choix de ce délégué syndical central et non le nombre de suffrages qu'il a recueillis. Le Medef a exprimé son accord sur ce point.
La CFDT s'inquiète également du dispositif prévu à l'article 9 du projet de loi concernant la représentativité syndicale pendant la période transitoire entre la publication de la loi et la détermination des organisations représentatives en application des nouveaux critères de l'article L. 2121-1. Pendant les cinq prochaines années, ces dispositions permettront en effet de reconnaître la représentativité d'un nouveau syndicat sur la base des critères actuels, ce qui est contraire à l'esprit de la position commune.
En ce qui concerne la deuxième partie du projet de loi, M. Marcel Grignard a indiqué qu'il est essentiel d'encadrer la négociation dans l'entreprise par des négociations de branches afin d'éviter que la durée du travail devienne un élément de concurrence entre entreprises. La santé des travailleurs ne peut devenir l'objet de négociations. Par ailleurs, le délai de prévenance minimale des salariés est insuffisant pour leur permettre d'avoir une réelle visibilité sur l'évolution de leurs conditions de travail, ce qui rend les modulations difficilement acceptables.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir pourquoi, selon la CFDT, le délégué syndical central ne devrait pas être soumis au même critère de légitimité électorale que les autres délégués syndicaux.
M. Marcel Grignard a précisé que, dans une grande entreprise, l'élection sur un site d'un délégué syndical connu de tous a un sens, mais pas celle d'un délégué syndical central travaillant au siège et n'ayant donc pas de lien direct avec la plupart des salariés.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir comment la CFDT anticipe la réorganisation du paysage syndical issu du projet de loi.
M. Marcel Grignard a indiqué qu'une recomposition du paysage syndical est probable mais que la forme qu'elle prendra ne peut être connue avec certitude. Il est certain que les seuils fixés par le projet de loi imposent aux syndicats de coopérer entre eux, ce qui est une bonne chose car les salariés n'ont rien à gagner à la confrontation entre organisations. En Espagne et en Italie où le pluralisme syndical est une réalité, il existe deux ou trois grandes organisations mais pas cinq, comme c'est le cas en France aujourd'hui. L'évolution se fera peut-être en ce sens. La réalité du terrain montre que les salariés n'ont pas une conscience nette des différences idéologiques entre syndicats et adhèrent à l'un ou l'autre pour des raisons d'opportunité. Le temps des grandes querelles idéologiques étant révolu, il est nécessaire que les organisations syndicales françaises s'adaptent sous peine de s'affaiblir, voire de disparaître.
M. Alain Gournac, rapporteur, s'est interrogé sur l'augmentation possible du nombre d'accords dérogatoires négociés au sein des entreprises après l'adoption du projet de loi.
M. Marcel Grignard a estimé qu'il n'y a pas de raison que le nombre d'accords dérogatoires, dont la possibilité a été prévue par la loi Fillon de 2004, augmente du fait de l'adoption du texte. Celui-ci donnera un espace de négociation aux entreprises et l'essentiel est d'améliorer les relations entre les syndicats et les salariés qu'ils sont censés représenter.
M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé si la CFDT estime qu'un accord syndical aurait pu être obtenu sur la question des trente-cinq heures.
M. Marcel Grignard a indiqué que la CFDT souhaitait négocier sur cette question pour aboutir à un accord. Celui-ci supposait tout d'abord de faire un état des lieux du temps de travail en France, afin de briser certaines représentations erronées et de déterminer le niveau adéquat de négociation pour l'aménagement du temps de travail. Ceci demandait que l'on accorde du temps à la négociation. Il n'y avait a priori pas plus de raison de craindre que les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord sur ce sujet que sur la modernisation du marché du travail ou sur la représentativité. Pour permettre l'aménagement du temps de travail, il est nécessaire d'effectuer un véritable travail de pédagogie en France. La CFDT aurait préféré qu'on lui laisse le temps de le faire.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître la réaction de la CFDT à l'annonce du Premier ministre de l'élaboration prochaine d'une charte du dialogue social.
M. Marcel Grignard a salué l'annonce d'une charte de bonne conduite sur le dialogue social, considérant qu'il est effectivement possible de faire mieux en la matière.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître les points de la réforme de la durée du travail que la CFDT juge les plus contestables.
M. Marcel Grignard a estimé que tout dépend du niveau où l'on se trouve : la question du forfait en jours ne pose pas de problème dans les grandes entreprises mais est dramatique pour les entreprises moyennes. La CFDT ne s'oppose pas, sur le principe, au forfait en heures sur l'année, mais il faut tenir compte des contraintes qui pèsent sur l'employeur et qui le poussent à moins prendre en compte les conséquences sociales des conditions qu'il peut imposer en la matière. Le défaut majeur du projet de loi est qu'il considère que l'entreprise est le lieu de régulation pour tous les sujets. La réalité est que les rapports sociaux dans les entreprises ne sont pas de grande qualité et que la seule possibilité de garantir réellement certains principes, comme la santé des travailleurs, est de donner plus d'importance à la négociation de branche.
Mme Annie David, présidente, a souhaité savoir si la possibilité désormais ouverte de conduire des négociations au sein de l'entreprise avec les représentants du personnel n'est pas de nature à aggraver la situation étant donné que ceux-ci n'ont pas la même formation que les délégués syndicaux.
M. Marcel Grignard a indiqué partager ce constat. La CFDT est favorable à la négociation, y compris dans les petites entreprises, qui emploient au total plus de quatre millions de salariés. Pour protéger les intérêts des travailleurs dans ces structures, il est nécessaire de disposer de délégués syndicaux ou de salariés mandatés. L'absence de formation des représentants du personnel est un risque en matière de négociation du temps de travail et il aurait été préférable que le projet de loi prévoie au moins une période de transition de quatre à cinq ans avant qu'ils puissent négocier.
Mme Christiane Demontès s'est interrogée sur la place accordée à l'accord de branche dans la première partie du texte et sur la transposition de l'accord dit UPA sur le financement du dialogue social. Elle a également souhaité savoir si la deuxième partie du texte n'introduit pas une brèche dans la démocratie sociale.
M. Marcel Grignard a indiqué que l'accord de branche est nécessaire pour poser le socle commun de la négociation et harmoniser le champ de la concurrence entre les entreprises. Concernant l'accord UPA, la CFDT en est signataire mais n'est favorable à son extension immédiate afin d'attendre les résultats de la négociation en cours sur la représentation des salariés dans les petites entreprises. Il est nécessaire de lier les deux sujets afin de prouver que l'argent collecté pour financer le dialogue social a servi à améliorer la situation collective des salariés de ces entreprises.
La CFDT estime que les liens établis entre les organisations syndicales et le législateur dans le cadre de la démocratie sociale sont mutuellement enrichissants. Le temps de la négociation et le temps de la législation ne sont pas les mêmes et la CFDT n'entend pas se substituer à la représentation nationale. Elle espère que le coup de canif porté par les dispositions du projet de loi sur le temps de travail ne sera pas fatal à la démocratie sociale.
M. Alain Gournac, rapporteur, a fait valoir que les négociations entre partenaires sociaux continuent malgré le dépôt du projet de loi.
M. Marcel Grignard a souhaité que la négociation collective ne souffre pas de l'adoption du projet de loi mais a indiqué que l'état des relations sociales est inquiétant. Un accord se joue sur l'engagement de quelques personnes et le passage en force du Gouvernement est susceptible de laisser des traces.
Audition de M. Georges TISSIÉ, directeur des affaires sociales de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) (mercredi 9 juillet 2008)
Réunie le mercredi 9 juillet 2008 sous la présidence de Mme Annie David, vice présidente, la commission a ensuite procédé à l' audition de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), sur le projet de loi n° 448 (2007-2008) portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME, a indiqué que la CGPME est favorable aux dispositions de ce projet de loi. La rédaction des articles 8 (ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles) et 9 (date limite de première mesure de l'audience au niveau des branches et au niveau national et interprofessionnel et règles transitoires de représentativité aux différents niveaux du dialogue sociale), telle qu'issue des travaux de l'Assemblée nationale, n'est toutefois pas jugée satisfaisante.
Comme le Medef, la CGPME est en désaccord avec les dispositions de la section 3 de l'article 8 qui créent une contribution destinée au financement du dialogue social. Outre son opposition au principe même d'une charge nouvelle pesant sur les entreprises, elle considère que cette disposition qui ne mentionne plus le caractère « exclusif » de l'emploi des fonds ainsi prélevés, soulève des difficultés d'interprétation et peut favoriser le financement d'autres éléments de la vie syndicale, hypothèse contre laquelle elle exprime sa plus vive opposition.
La rédaction de l'article 8 et, en son sein, du premier alinéa de l'article L. 2135-9 du code du travail, doit prévoir le caractère exclusif de cette destination. La CGPME exprime donc le souhait que la rédaction retenue par l'Assemblée nationale soit précisée.
Toujours à l'article 8, la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 2135-9 du même code dispose qu'un certain nombre de dépenses engagées par les entreprises peuvent être déduites du montant de la contribution destinée au financement du dialogue social. La liste de ces déductions apparaît incomplète car elle omet, dans son énumération, des dépenses dont le caractère déductible devrait être indiscutable. C'est le cas, notamment, des cotisations versées à une organisation patronale au niveau professionnel ou à une organisation patronale interprofessionnelle. Le cas des PME intervenant dans le domaine du bâtiment peut illustrer cette situation, puisqu'il n'est pas rare que ces entreprises adhèrent à la fédération française du bâtiment (FFB) ou à la confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), à qui elles versent déjà une cotisation, mais également à une organisation territoriale interprofessionnelle, qui perçoit également des cotisations. Ces contributions versées à des organisations patronales, tout comme celles versées à la CGPME ou au Medef, contribuent déjà au financement du dialogue social : leur déductibilité doit donc être prévue et la rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 2135-9 modifiée en conséquence.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a introduit une mesure prévoyant que ces dispositions entrent en vigueur à compter du 30 juin 2009. Ce délai doit être mis à profit pour mener les négociations sur la représentation collective des salariés des petites entreprises et sur le financement du dialogue social déjà prévues par la position commune.
M. Georges Tissié a ensuite évoqué le contenu de l'article 9, et plus particulièrement du II de cet article. Les dispositions visées s'éloignent de la rédaction retenue par les partenaires sociaux dans la position commune. Les organisations signataires de la position commune ont bien précisé que les syndicats dont la représentativité est aujourd'hui reconnue seront toujours considérés comme tels, au niveau national interprofessionnel et au niveau des branches professionnelles, pendant la période transitoire de cinq ans qui précède l'application des nouvelles dispositions sur la représentativité. La CGPME souhaite, en conséquence, que ces dispositions, qui remettent en cause le choix arrêté collectivement dans le cadre de la position commune, puissent être supprimées.
Concernant le volet du texte consacré au temps de travail, la CGPME s'est particulièrement intéressée aux dispositions de l'article 16 (contingent annuel d'heures supplémentaires - repos compensateur de remplacement). Ce sujet est en effet primordial pour les PME. Une approbation globale peut être accordée à la rédaction du texte issue de l'Assemblée nationale, malgré quelques remarques de forme.
L'article 16 dispose que les accords de branche déjà conclus et relatifs au contingent d'heures supplémentaires restent en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009. M. Georges Tissié a indiqué que la CGPME souhaite que l'interprétation de ces dispositions puisse être précisée afin que l'autorisation de dépasser les contingents fixés par les accords de branche soit accordée aux PME lorsqu'ils s'avèrent insuffisants au regard de leurs activités, étant précisé qu'ils donnent lieu à un repos compensateur fixé à 50 % pour les entreprises de moins de vingt salariés et à 100 % pour les entreprises dont l'effectif est supérieur.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souligné que, lors de son audition devant la commission des affaires sociales, le ministre chargé du travail a indiqué que les dispositions visées doivent être interprétées comme autorisant les PME à dépasser le contingent conventionnel d'heures supplémentaires.
M. Georges Tissié a observé que la consultation du comité d'entreprise prévue à l'article 16 du présent projet de loi soulève également des difficultés d'interprétation.
M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé comment pourraient être mieux pris en compte les salariés des entreprises de moins de onze salariés, qui n'organisent pas d'élections professionnelles. Puis il a voulu connaître l'opinion de la CGPME sur l'opportunité d'engager une réforme des règles de représentativité des organisations patronales et l'appréciation qu'elle porte sur les mesures de simplification des règles relatives à la durée du travail et leur adéquation avec les besoins exprimés par les PME.
M. Georges Tissié a rappelé que le projet de loi donne aux partenaires sociaux jusqu'au 30 juin 2009, pour discuter de la représentation des salariés des petites entreprises, comme le prévoit la position commune. Ce délai doit être mis à profit pour négocier des dispositions susceptibles de prendre en compte la situation des personnes qui travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés et dans celles où un constat de carence a été dressé pour constater l'impossibilité d'organiser les élections professionnelles.
Abordant la question de la représentativité patronale, il a rappelé qu'une partie des dispositions de la position commune figurant dans le présent projet de loi évoque ce sujet, notamment à travers les mesures relatives à la transparence financière. Sur cette question complexe et difficile qui pose par exemple celle de la prise en compte de l'économie sociale, l'introduction de nouvelles dispositions dans le projet de loi serait prématurée. Toute évolution doit être précédée d'un débat entre les organisations patronales représentatives existantes, puis d'un débat avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives.
Il a insisté sur la nécessité, pour les PME, de pouvoir accroître le contingent d'heures supplémentaires et s'est dit favorable au plafond de deux cent trente-cinq jours de travail dans l'année, introduit par l'Assemblée nationale, pour les salariés soumis à une convention de forfait en jours.
Mme Christiane Demontès a demandé si les partenaires sociaux ont eu réellement le temps de négocier sur la question du temps de travail.
M. Michel Esneu a considéré que la rédaction de l'article 8 telle que proposée par la CGPME s'avère plus restrictive que la rédaction actuelle, situation qui risque de pénaliser les partenaires sociaux en privant le dialogue social d'autres formes de financement que celles prévues par le présent projet de loi, notamment de dotations publiques.
M. Georges Tissié a rappelé que la CGPME s'est engagée avec réticence dans les négociations qui ont abouti à l'adoption de la position commune, avant de finalement apposer sa signature sur cet accord. Des compromis sont nécessaires pour rapprocher les points de vue des différents acteurs. La CGPME a toujours milité en faveur de l'assouplissement des règles du temps de travail applicable aux PME, car les aménagements antérieurs ont été principalement instaurés pour les grandes entreprises et se sont révélés inapplicables dans les petites structures.
La CGPME n'est pas à l'origine de l'introduction des dispositions relatives aux temps de travail figurant dans le présent projet de loi ; elle ne s'est initialement prononcée que sur les mesures relatives à la représentativité syndicale. Elle considère néanmoins que les dispositions relatives au temps de travail sont favorables aux PME.
Revenant sur la question du financement du dialogue social il a constaté qu'il est préférable, puisque les pouvoirs publics souhaitent un mécanisme de ce type, de disposer d'une rédaction claire et sans ambiguïté, car cette mesure ne doit pas être détournée au profit du financement de l'activité syndicale dans sa globalité.
Audition de Mme Marie-Pierre ITURRIOZ et M. Pierre-Jean ROZET, conseillers confédéraux de la confédération générale du travail (CGT) (mercredi 9 juillet 2008)
Réunie le mercredi 9 juillet 2008 sous la présidence de M. Jean-Pierre Godefroy, vice président, la commission a procédé à l'audition de Mme Marie-Pierre Iturrioz et M. Pierre-Jean Rozet, conseillers confédéraux de la confédération générale du travail (CGT), sur le projet de loi n° 448 (2007-2008) adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (M. Alain Gournac, rapporteur).
M. Pierre-Jean Rozet, conseiller confédéral de la CGT, a indiqué que la CGT appelle depuis plusieurs années à une révision des règles de représentativité des syndicats et de validité des accords collectifs. La CGT est en ce sens satisfaite des nouvelles conditions définies dans le projet de loi et inspirées de la position commune du 9 avril 2008 qui prévoient que la représentativité et la validité des accords seront désormais fondées sur l'audience électorale.
Cependant, il a regretté que le texte n'ait pas repris la position commune sur le seuil de 50 % nécessaire à la validité des accords et se soit contenté d'un seuil plus bas, fixé à 30 %.
De plus, deux lacunes de la position commune n'ont pas été comblées. D'une part, l'élection quadriennale des institutions représentatives du personnel ne permettra d'évaluer l'audience des syndicats dans les branches et au niveau national interprofessionnel que dans quatre ans et demi. En ce sens, le retour à des élections biennales est souhaitable. D'autre part, les salariés des très petites entreprises (moins de onze salariés), bien qu'ils soient quatre millions en France, ne sont pas concernés dans le calcul de représentativité.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, la question du temps de travail n'a pas été écartée de la négociation des partenaires sociaux. La CGT avait accepté, à l'article 17 de la position commune, que les accords d'entreprise permettent, à titre expérimental, de fixer un contingent d'heures supplémentaires supérieur au contingent fixé par accord de branche, à condition que l'accord soit approuvé par des syndicats majoritaires. Or, le projet de loi prévoit que les heures supplémentaires pourront être imposées par l'employeur au-delà du contingent après simple consultation des délégués du personnel. La CGT a donc le sentiment d'une double trahison du Gouvernement, sur le fond et sur la forme.
M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir si la CGT a été associée à la transposition de la position commune. Par ailleurs, les nouvelles règles de représentativité risquent-elles de porter atteinte au pluralisme syndical ? Pourquoi la CGT est-elle hostile à la décentralisation de la négociation collective au niveau de l'entreprise ? Enfin, quels sont les points que la CGT juge les plus contestables dans la partie du projet de loi consacrée à la réforme du droit de la durée du travail ?
M. Pierre-Jean Rozet a reconnu que les anciennes règles de représentativité accordant un monopole par décret à cinq organisations n'étaient plus satisfaisantes. En effet, il n'y a pas de raison que les autres organisations syndicales ne puissent pas concourir au premier tour des élections professionnelles. Ceci étant, il n'est pas souhaitable que les nouvelles règles aboutissent à l'émiettement des syndicats, comme tel est le cas par exemple à Air France, où l'employeur doit négocier avec quatorze organisations. Les nouvelles règles constituent donc un compromis, mais il est impossible de deviner quel paysage syndical elles conduiront à faire naître : ce sont les salariés qui décideront.
M. Jean-Pierre Godefroy, président, a demandé si le passage de quatre à sept critères de représentativité ne conduira pas à rétrécir l'éventail des organisations syndicales.
M. Pierre-Jean Rozet a répondu que les sept critères ne s'appliquent que pour évaluer la représentativité d'une organisation. En revanche, pour concourir aux élections professionnelles, un syndicat ne doit satisfaire qu'à quatre conditions cumulatives : l'indépendance, le respect des valeurs républicaines, la pluralité des adhérents et l'ancienneté de deux ans.
Mme Marie-Pierre Iturrioz, conseiller confédéral de la CGT, a souligné que la CGT n'est désormais plus hostile à la négociation d'entreprise, à condition que les accords soient conclus par des syndicats majoritaires et qu'ils s'inscrivent dans la hiérarchie des normes : une convention d'entreprise doit comporter des stipulations plus favorables pour les salariés que celles figurant dans la convention de branche, qui doit être elle-même plus favorable que la loi. Au contraire, dans le projet de loi, la hiérarchie des normes est inversée : l'accord d'entreprise, qui offre moins de garanties aux salariés, devient la norme à laquelle les accords de branche et la loi ne peuvent déroger. C'est pourquoi la négociation collective au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel doit être préservée. Par ailleurs, le projet de loi n'exige plus que les accords de branche soient étendus pour produire leurs effets ; or, cette procédure d'extension constitue une garantie tant pour les salariés que pour les entreprises. Le choix du niveau de négociation adéquat devrait être fonction de la nature des thèmes abordés dans la discussion.
Elle a ensuite estimé que le volet du texte consacré à la durée du travail aura des effets véritablement destructeurs. Elle a, par exemple, souligné que le projet de loi prévoit de supprimer le dispositif d'annualisation du temps de travail applicable aux salariés à temps partiel.
M. Pierre-Jean Rozet a ajouté que le projet de loi supprime tous les garde-fous qui permettent de protéger les salariés en matière de temps de travail. Il transforme la négociation d'entreprise en un élément de compétitivité d'une entreprise : dans une même branche, si les entreprises n'ont pas les mêmes règles en matière de durée du travail, la concurrence entre elles est faussée.
De plus, le projet de loi remet en cause l'équilibre global sur les conditions de travail négocié dans les entreprises. En effet, il prévoit qu'au 31 décembre 2009, tous les accords conclus sur le contingent d'heures supplémentaires seront caducs. Il touche donc un élément du compromis global qui est ainsi menacé.
Mme Marie-Pierre Iturrioz a déclaré, dans le même sens, que le projet de loi risque de porter atteinte à des accords collectifs complexes longuement négociés. Les employeurs eux-mêmes ne sont pas favorables à leur renégociation.
M. Michel Esneu a considéré que le texte fait le pari de la démocratie sociale. L'expérimentation ne peut se faire qu'au niveau de l'entreprise et c'est pourquoi il faut permettre aux accords d'entreprise de déroger aux accords de branche.
Mme Marie-Pierre Iturrioz a répondu qu'il ne s'agit pas ici d'une phase d'expérimentation : les dispositions du projet de loi semblent bien destinées à rester inscrites pour longtemps dans le code du travail. Le projet de loi favorise la négociation de gré à gré entre l'employeur et le salarié, alors qu'il est difficile pour un salarié de résister aux pressions du chef d'entreprise.
M. Pierre-Jean Rozet a reconnu que le projet de loi constitue également un pari pour le Medef, puisque celui-ci ne choisira plus ses interlocuteurs, qui seront désormais imposés par les suffrages des salariés. La CGT a pris également un risque en renonçant à la présomption irréfragable de représentativité. Il n'est pas sûr, en effet, qu'elle parvienne à atteindre le seuil de 10 % des voix requis pour être représentative dans certains secteurs d'activité, comme les banques ou les sociétés de conseil. Or, l'attitude du Gouvernement sur les trente-cinq heures fait regretter à la CGT les risques qu'elle a pris en approuvant la position commune.
Enfin, Mme Marie-Pierre Iturrioz a souligné que la souplesse donnée aux entreprises ne doit pas se faire au détriment de la santé et de la sécurité des travailleurs et de la conciliation entre vie professionnelle et familiale. Or, le projet de loi y porte atteinte, puisque les salariés n'auront plus aucune visibilité sur leur emploi du temps : les horaires et la quantité de travail pourront être modifiés au dernier moment par l'employeur.