I. L'EXÉCUTION DU BUDGET 2007
Entre le plafond de dépense voté par le Parlement en loi de finances initiale et les crédits proposés dans le cadre du projet de loi de règlement, votre rapporteur spécial constate un écart de 109,3 millions d'euros , soit 4,8 % de la prévision. Cet écart est dû à une sous-budgétisation des contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Les besoins étaient prévisibles : l'exécution correspond à l'évaluation faire par votre rapporteur spécial en loi de finances initiale.
La sous-évaluation persistante, du moins jusqu'à la loi de finances initiale pour 2007, des contributions internationales s'explique par l'inflation ininterrompue des dépenses multilatérales, qui exprime un choix politique fort du ministère des affaires étrangères et européennes. Cette inflation considérable au cours des dernières années, dans le cadre d'un budget marqué par la stabilité , a mécaniquement produit des arbitrages aux dépens d'autres dépenses, à commencer par celles consacrés au fonctionnement du réseau diplomatique.
Les tensions budgétaires actuelles que rencontre le ministère des affaires étrangères et européennes dans l'exécution de la loi de finances s'expliquent par son incapacité à réguler l'évolution des crédits multilatéraux (30 % de la dépense). Il ne parvient pas davantage à maîtriser des mesures, comme la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger, qui annoncent des difficultés budgétaires à venir. Cette impuissance à maîtriser l'inflation de crédits consacrés, d'une part au multilatéral, d'autre part à la communauté française à l'étranger (ces crédits pourraient atteindre à moyen terme 30 % du budget de l'action extérieure de l'État), dans un cadrage budgétaire nécessairement contraint, a conduit à remettre en cause le coeur de métier du Quai d'Orsay : l'action diplomatique bilatérale.
Crédits de paiement et effectifs : prévision et exécution en 2007
(en millions d'euros)
Crédits en prévision (LFI) |
Crédits en exécution |
ETPT en prévision |
ETPT en exécution |
|
Action de la France en Europe et dans le monde (105) |
1.445,1 |
1.560,2 |
8.732 |
8.485 |
Rayonnement culturel et scientifique (185) |
479,1 |
476,1 |
1.350 |
1.317 |
Français à l'étranger et étrangers en France (151) |
334,4 |
331,7 |
3.398 |
3.700 |
Total |
2.258,6 |
2.367,9 |
13.480 |
13.502 |
Source : rapport annuel de performances « Action extérieure de l'État » pour 2007
Aussi la commission du livre blanc sur l'action extérieure de l'État présidée par M. Alain Juppé, ancien Premier ministre, pourrait tirer des conditions de l'exécution budgétaire quelques enseignements utiles :
- le respect des engagements internationaux de la France, auquel le ministère des affaires étrangères et européennes consacre son énergie, vaut pour les traités européens signés par la France et pour l'engagement pris par le Président de la République devant nos partenaires de l'Union européenne de parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012 ;
- la France n'a pas à « rougir » du budget qu'elle consacre à l'action extérieure de l'État (10,5 milliards d'euros en 2006), dont le ministère des affaires étrangères et européennes ne représente que 50 %. Ce budget n'a jamais décru, ni en volume, ni en valeur . Le budget de la seule action extérieure de l'État, hors aide publique au développement, est comparable à l'effort consenti par nos principaux partenaires 1 ( * ) ;
- l'incapacité à maîtriser les dépenses affectées aux contributions internationales est directement à l'origine des difficultés de fonctionnement du réseau diplomatique , dans le cadre d'un budget nécessairement contraint ;
- si le ministère des affaires étrangères et européennes a connu une baisse de ses effectifs de 1997 à 2007 de 11 %, les effectifs globaux consacrés à l'action extérieure de l'État n'ont pas baissé . La baisse connue par le ministère des affaires étrangères et européennes a été compensée par le déploiement d'autres ministères à l'étranger, ce qui correspond à la logique d'une action extérieure de l'État par définition interministérielle. Selon le rapport du comité interministériel des moyens de l'État à l'étranger (CIMEE) de novembre 2007, les effectifs globaux de l'action extérieure de l'État sont passés de 22.450 en 1993 à 31.558 en 2006 ;
- les marges de manoeuvre en emplois du ministère des affaires étrangères et européennes seraient accrus si les 3.400 emplois des établissements à autonomie financière (EAF : « les centres culturels ») figuraient dans le plafond d'emploi ;
- la définition des crédits nécessaires à l'action extérieure de l'État ne doit pas reposer une logique de moyens , mais sur une logique de missions et de résultats à atteindre. C'est tout le sens de la LOLF et du principe de justification au premier euro.
A. DES TENSIONS INFLATIONNISTES ANCIENNES ...
Votre rapporteur spécial renverra utilement à son rapport d'information 2 ( * ) sur les contributions internationales de la France pour de plus amples développement sur la mécanique budgétaire à l'oeuvre en matière multilatérale.
1. Les contributions internationales : des sous-budgétisations récurrentes
Malgré un rebasage des crédits de 60 millions d'euros en loi de finances initiale, on note un écart, relevé dès la loi de finances initiale par votre rapporteur spécial, entre la dépense ouverte par la loi de finances initiale pour 2007 de 557,4 millions d'euros, et la dépense effective de 714,6 millions d'euros en ce qui concerne les contributions internationales et les opérations de maintien de la paix. L'écart a été comblé par un dégel de la réserve de précaution (52,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40,1 millions d'euros en crédits de paiement) et par un abondement en loi de finances rectificative pour 2007 de 105 millions d'euros en autorisations d'engagement et 117 millions d'euros en crédits de paiement.
Votre rapporteur spécial avait évalué en loi de finances initiale, à partir des données obtenues du Quai d'Orsay, en application de l'article 57 de la LOLF, que la dotation réelle s'établirait à 725 millions d'euros . Cette évaluation s'est avérée fondée : 14 millions d'euros d'appels à contribution n'ont pas été payés en 2008 . Le besoin de financement a été reporté sur 2008.
Les besoins étaient donc prévisibles : l'ouverture de crédits supplémentaires ne saurait donc relever de la procédure du décret d'avance , utilisée au cours de l'exécution 2006, et sur laquelle votre commission des finances avait rendu un avis défavorable.
L'incapacité qu'a eue le gouvernement, au détriment du principe de sincérité, à doter dès la loi de finances initiale le budget de l'action extérieure de l'État des crédits nécessaires au respect des engagements internationaux de la France a engendré en 2007 des retards de paiement significatifs aux organisations internationales qui ne se seraient pas produits.
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, en sa qualité de commissaire aux comptes de plusieurs organisations internationales a ainsi écrit le 17 octobre 2007 à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes : « selon les informations portées à ma connaissance, notre pays ne s'est pas encore acquitté des contributions obligatoires dues à certaines organisations internationales (notamment l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), l'Organisation des Nations Unies (ONU), l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et Organisation de l'aviation civile internationale (OACI)). Commissaire aux comptes des organisations précitées, je serais contraint, dans le cas où cette situation se prolongerait, de relever cette carence à l'occasion des rapports d'audit établis pour la clôture de l'exercice 2007. Au-delà du fort désagrément que cette obligation susciterait pour moi, je crains que sa dénonciation par la Cour des comptes française ne lui donne une portée internationale et médiatique encore plus grande ».
Votre commission des finances, à l'initiative de votre rapporteur spécial, a obtenu en loi de finances initiale pour 2008 un rebasage des crédits affectés aux organisations internationales plus conforme à la prévision réelle de dépense. Votre rapporteur spécial forme donc le voeu que des enseignements auront été tirés des situations passées pour l'élaboration du projet de loi de finances initiale pour 2009.
* 1 2,79 milliards d'euros pour le Foreign Office, mais avec une dotation versée à la BBC de 350 millions d'euros (or l'audiovisuel extérieur ne fait plus partie du budget l'action extérieure de l'Etat) ; 2,5 milliards d'euros pour l'Auswärtiges Amt, qui comprend une part non négligeable d'aide humanitaire ; 2,238 milliards d'euros pour le budget du ministère italien des affaires étrangères ; 1,7 milliard d'euros pour le budget du ministère espagnol des affaires étrangères.
* 2 Rapport d'information n° 24 (2007-2008) intitulé « Contributions de la France aux institutions internationales : le nécessaire respect du Parlement ».