TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITIONS
Audition de Mme Christine LAGARDE, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Laurent WAUQUIEZ, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, (mardi 17 juin 2008)
Réunie le mardi 17 juin 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, sur le projet de loi n° 390 (2007-2008) relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a d'abord rappelé que le Président de la République lui avait assigné deux objectifs essentiels : améliorer la croissance de l'économie française et développer l'emploi. Elle s'est réjouie du niveau historiquement bas du chômage, qui s'établit désormais à 7,2 % de la population active, soit le taux le plus faible depuis vingt-cinq ans, et du dynamisme des créations d'emplois depuis le début de l'année 2008, plus de 70 000 créations nettes d'emploi ayant déjà été enregistrées. Les prévisions des économistes tablent, pour la France, sur une croissance d'1,7 % en 2008, ce qui est conforme aux prévisions du Gouvernement, en dépit d'un contexte international défavorable.
La fusion en cours de l'ANPE et des Assedic permettra de disposer, sur l'ensemble du territoire, de guichets uniques pour assurer le suivi de chaque demandeur d'emploi par un conseiller référent et de simplifier les démarches. Le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi vient compléter cette réforme en précisant la notion d'offre raisonnable d'emploi. Il ne vise pas à stigmatiser les chômeurs qui seraient accusés de refuser les offres d'emploi qui leur sont faites ; en réalité, 2 % seulement des radiations sont prononcées au motif du refus d'une offre raisonnable d'emploi. Au contraire, le fait de définir plus rigoureusement l'offre raisonnable d'emploi constitue une garantie supplémentaire pour les demandeurs d'emploi, puisque les radiations seront désormais décidées sur la base de critères objectifs.
M. Dominique Leclerc, rapporteur , a confirmé que le projet de loi s'inscrit dans la continuité de la fusion de l'ANPE et des Assedic, puis a souhaité obtenir des précisions sur la valeur juridique du projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), qui sera élaboré par le demandeur d'emploi et par le nouvel opérateur qui résultera de la fusion. Il a également demandé s'il n'y a pas un risque que les demandeurs d'emploi soient conduits à accepter des emplois moins qualifiés, précaires ou occasionnant pour eux une importante perte de salaire. Il s'est ensuite interrogé sur les raisons qui amènent le Gouvernement à présenter aujourd'hui ce projet de loi et a demandé comment seront pris en compte les demandeurs d'emploi qui ne perçoivent ni l'allocation de retour à l'emploi (ARE), ni l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Enfin, il s'est félicité du caractère pragmatique et réaliste du texte, qui n'a aucunement pour objet de jeter une quelconque suspicion sur les demandeurs d'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a répondu que le PPAE formalisera les engagements réciproques du demandeur d'emploi et de l'opérateur dans le but d'apporter au demandeur d'emploi un accompagnement personnalisé dès le premier entretien. Le projet de loi n'est pas de nature à créer un risque de « dumping », puisque le demandeur d'emploi ne sera pas obligé d'accepter un emploi à temps partiel ou en contrat à durée déterminée (CDD) s'il n'a pas indiqué, lors de son premier entretien, qu'il est disposé à le faire.
Le Président de la République avait annoncé, au cours de sa campagne, qu'il traiterait la question de l'offre raisonnable d'emploi, qui donne lieu à des débats depuis maintenant huit ans. Le Gouvernement a invité l'an dernier les partenaires sociaux à négocier sur ce sujet, mais ceux-ci n'ont pas souhaité se saisir du dossier. Dans ces conditions, il revient au pouvoir politique de prendre ses responsabilités.
Enfin, la référence faite, dans le projet de loi, au revenu de remplacement perçu par les demandeurs d'emploi vise les seuls bénéficiaires de l'ARE et de l'ASS.
Mme Annie David a regretté que ce projet de loi vienne interférer avec la fusion en cours de l'ANPE et des Assedic ; il aurait été plus judicieux d'attendre qu'elle fût achevée pour légiférer. Certes, le fait de définir l'offre raisonnable d'emploi remédie au flou qui entoure aujourd'hui cette notion, mais le projet de loi prévoit des sanctions pour les demandeurs d'emploi et pas pour le nouvel opérateur, par exemple s'il est incapable de proposer des offres d'emploi, ni pour les employeurs, qui déposent parfois des offres d'emploi indécentes qui ne trouveront jamais preneur. Elle a enfin mis en doute l'affirmation selon laquelle un demandeur d'emploi ne serait pas tenu d'accepter un emploi en CDD ou à temps partiel après l'entrée en vigueur du texte.
M. Alain Gournac a indiqué que le groupe UMP est très favorable à ce projet de loi. Il s'est cependant interrogé sur l'insécurité juridique qui pourrait résulter de la notion d'offre raisonnable d'emploi et a souhaité obtenir des précisions sur la procédure de radiation et sur ses conséquences. Enfin, s'il faut se réjouir de la baisse du chômage, on peut craindre qu'il ne soit désormais de plus en plus difficile de réduire davantage le nombre de demandeurs d'emploi, dans la mesure où les personnes qui sont encore au chômage sont aussi les plus éloignées de l'emploi.
M. Alain Vasselle a indiqué que les élus de son département mettent souvent en doute la fiabilité des statistiques officielles du chômage en raison du traitement de l'information par les médias : on signale toujours les suppressions de postes et les fermetures d'usine sans jamais évoquer les créations d'emplois et d'entreprises ! Il a ensuite fait observer que les personnes radiées de la liste des demandeurs d'emploi peuvent devenir allocataires du RMI, ce qui pèse sur les finances des conseils généraux. Puis il a estimé que la mise en place de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi nécessiterait une véritable révolution culturelle chez les agents de l'ANPE, qui ne disposent pas, selon lui, des compétences requises pour accomplir cette mission.
M. Guy Fischer a souligné que l'amélioration des chiffres de l'emploi ne doit pas être acquise au prix d'une explosion de la précarité. Les chômeurs non indemnisés par l'assurance chômage basculent vers l'ASS puis vers le RMI, et c'est désormais le revenu de solidarité active (RSA) qui est présenté comme la panacée. Il a évalué à quinze millions le nombre de personnes touchées en France par une forme de précarité.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a demandé pourquoi la définition de l'offre raisonnable d'emploi ne prend pas en compte la notion d'emploi décent telle qu'elle a été élaborée par le Bureau international du travail (BIT). Elle a ensuite affirmé que la mise en oeuvre en Allemagne de la loi Hartz IV, qui a fixé les obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi, a abouti à une explosion de la précarité : 25 % des travailleurs pauvres perçoivent désormais un revenu annuel inférieur à 16 000 euros, alors que cette proportion était seulement de 19 % en 2000. Elle a souhaité obtenir des précisions sur les conséquences de la fusion pour les maisons de l'emploi, dont la mise en place semble avoir été interrompue, la maison prévue à Pau n'ayant pas été créée et sur l'avenir des agents de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) chargés de l'orientation des demandeurs d'emploi. Faisant observer que l'Unedic a dépensé la moitié seulement de son budget de formation en 2007, elle a demandé comment ces crédits pourraient désormais être optimisés. Elle s'est enfin inquiétée de l'éventualité d'un accompagnement des demandeurs d'emploi à deux vitesses, les personnes les plus facilement employables étant reclassées par l'opérateur issu de la fusion de l'ANPE et des Assedic, tandis que les chômeurs de longue durée seraient pris en charge par les conseils généraux.
M. Michel Esneu a insisté sur la notion d'engagements réciproques, qui est au coeur de la démarche retenue par le projet de loi, et sur les nouveaux problèmes posés par la formation professionnelle des jeunes : ceux qui souhaitent entrer en apprentissage rencontrent souvent peu de difficultés pour trouver une entreprise prête à les accueillir, ce qui n'était pas le cas il y a encore quelques années, mais sont en revanche confrontés à un grave manque de places dans les centres de formation des apprentis (CFA).
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi , a répondu à Mme Annie David que la mise en oeuvre de la fusion et l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi doivent avancer de pair : ainsi, les demandeurs d'emploi de plus de cinquante-cinq ans bénéficient déjà d'un accompagnement personnalisé dès le premier entretien et une réflexion est en cours sur la refonte du dispositif des aides à la mobilité. Il n'est pas prévu d'imposer des sanctions à l'opérateur, mais plutôt d'évaluer rigoureusement son action. Il faut par ailleurs éviter que les entreprises ne déposent des offres d'emploi surréalistes, qui ne trouveront pas preneur et qui font perdre du temps au service public de l'emploi, même si elles sont l'exception, et veiller à ce que les entreprises répondent aux candidatures qu'elles reçoivent, car il s'agit d'une marque de respect élémentaire vis-à-vis des demandeurs d'emploi.
Il a indiqué à M. Alain Gournac que la radiation est décidée par l'ANPE et qu'elle peut être suivie d'un recours gracieux, qui fait intervenir une commission consultative, puis d'un recours hiérarchique et d'un éventuel recours contentieux porté devant le tribunal administratif. Les critères précis fixés pour définir l'offre raisonnable d'emploi limitent le risque d'insécurité juridique.
En s'adressant à M. Alain Vasselle, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi , a souligné qu'il est important d'orienter les personnes au chômage vers les secteurs créateurs d'emploi. Il a contesté l'idée selon laquelle les radiations augmenteraient les charges des conseils généraux au titre du RMI, le nombre de titulaires de cette allocation ayant au contraire diminué au cours de la période récente. Le Gouvernement mène par ailleurs une réflexion sur l'accompagnement des titulaires de minima sociaux, auquel le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) apporte une contribution importante en combinant réinsertion sociale et professionnelle. Il a estimé que les agents de l'ANPE ont beaucoup évolué depuis quelques années, les plus jeunes se sont ainsi affranchis des dogmes du « politiquement correct » et admettent la nécessité d'effectuer des contrôles tout en ayant une appréhension réaliste du marché du travail. Il faut cependant faire évoluer encore le fonctionnement interne du nouvel opérateur, qui comptera près de 50 000 agents une fois la fusion réalisée.
Répondant à M. Guy Fischer, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi , a souligné que la précarité n'a pas augmenté ces dernières années : le pourcentage de salariés en CDD est stable, autour de 6,8 %, et 15,7 % des salariés sont employés à temps partiel, soit un taux identique à celui constaté en 2005. Enfin, il faut rappeler que la pire forme de précarité réside dans le fait d'être privé d'emploi.
En réponse à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, il a d'abord estimé que la définition de l'offre raisonnable d'emploi intègre la notion de travail décent au sens du BIT, puis il a insisté sur la nécessité de réformer le système de formation, qui s'adapte plus à l'offre de financement qu'aux besoins des employeurs.
En s'adressant enfin à M. Michel Esneu, il s'est déclaré très conscient et préoccupé par le fait que les jeunes soient désormais confrontés à une pénurie de places dans les CFA, d'autant que les régions refusent souvent d'accueillir un apprenti qui ne réside pas sur leur territoire, ce qui n'est pas acceptable.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a précisé qu'une obligation de moyens pèserait sur l'opérateur dans ses relations avec les demandeurs d'emploi. La notion d'offre raisonnable d'emploi relève effectivement plus du domaine de la common law que du droit romain, mais elle a estimé que cette innovation juridique serait positive. Les emplois aidés dans le secteur non marchand doivent continuer d'être utilisés au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi. Par ailleurs, la qualité du travail des agents de l'ANPE ne doit pas être sous-estimée, l'agence recélant des trésors d'inventivité, de créativité et de bonne volonté.
Sur la question des maisons de l'emploi, elle a indiqué que le député Jean-Paul Anciaux remettra très prochainement un rapport présentant des pistes pour maintenir et étendre les structures qui fonctionnent. Une réunion se tiendra le 2 juillet pour relancer les discussions en vue de la réforme de la formation professionnelle et il n'est pas prévu, à ce jour, de modifier l'affectation des agents de l'Afpa chargés de l'orientation des demandeurs d'emploi.
Audition de M. Jean-Marie MARX, directeur général adjoint de l'agence nationale pour l'emploi (mercredi 11 juin 2008)
Réunie le mercredi 11 juin 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Marx, directeur général adjoint de l'agence nationale pour l'emploi (ANPE), sur le projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi.
M. Jean-Marie Marx, directeur général adjoint de l'ANPE , a tout d'abord souligné que la problématique des droits et des devoirs est au coeur de ce projet de loi qui s'inscrit dans la continuité des réformes récentes visant à moderniser le marché du travail, notamment la fusion de l'ANPE et des Assedic. Le nouvel opérateur qui résultera de cette fusion proposera une meilleure offre de services aux demandeurs d'emploi, avec un suivi plus personnalisé, chaque demandeur d'emploi devant disposer à terme d'un conseiller « référent », et d'une meilleure orientation, avec si nécessaire des actions de requalification.
Un nombre croissant d'entreprises font appel aux services de l'ANPE, qui a ainsi pu collecter 3,7 millions d'offres d'emploi en 2007. La qualité de ces offres d'emploi s'améliore puisque 44 % d'entre elles portaient sur des contrats à durée indéterminée (CDI) ou sur des contrats à durée déterminée (CDD) de plus de six mois. Ces offres ont suscité 19 millions de propositions faites à des demandeurs d'emploi. Il en est résulté 2,1 millions de placements, chiffre en hausse de 18 % par rapport à 2006. Une proposition d'emploi sur dix environ donne donc lieu à un recrutement.
M. Jean-Marie Marx a insisté sur l'importance des aides à la mobilité : il a rappelé qu'il existe aujourd'hui des aides dispensées par l'ANPE, financées par l'Etat, et des aides dispensées par l'Unedic et il a suggéré qu'elles soient refondues en un nouveau dispositif.
Il a ensuite abordé la question des devoirs des demandeurs d'emploi. Actuellement, le code du travail prévoit qu'un demandeur d'emploi doit être en recherche active d'emploi et qu'il doit répondre aux propositions d'emploi normalement rétribuées correspondant à sa qualification et à ses possibilités de mobilité géographique.
L'ANPE, qui gère la liste des demandeurs d'emploi, procède à des radiations, dont le nombre varie entre 40 000 et 45 000 chaque mois, ce qui représente 10 % à 12 % du nombre total de demandeurs d'emploi qui sortent de la liste. Cette proportion est en augmentation, puisqu'elle était seulement de 6 % à 8 % en 2000 et de 8 % à 10 % en 2002. La raison essentielle de cette augmentation réside dans la progression du nombre de radiations pour cause d'absence du demandeur d'emploi lors d'un entretien. Ce motif explique à lui seul 94 % des radiations. Dans le cadre de sa politique de suivi plus individualisé des demandeurs d'emploi, l'ANPE a beaucoup accru le nombre des convocations à entretien, ce qui multiplie en conséquence les occasions d'absence. Dans 35 % à 40 % des cas, il apparaît que la personne radiée n'a pas assisté à l'entretien simplement parce qu'elle a retrouvé un emploi et a omis de régulariser sa situation auprès de l'ANPE.
Les autres radiations sont justifiées par l'un des motifs suivants :
- dans 2 % des cas, ce qui représente environ un millier de personnes chaque mois, elles résultent d'un refus d'offre d'emploi ; la plupart de ces offres émanent de secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement, comme le bâtiment ou les transports ;
- dans 2 % des cas, du refus d'un contrat d'apprentissage ou d'une formation ;
- pour le reste, d'une absence de recherche active d'emploi.
Le projet de loi définit les critères de l'offre raisonnable d'emploi et précise le contenu du plan personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE), qui tiendra compte de la qualification du demandeur d'emploi, de sa situation familiale, de son salaire antérieur, de sa zone géographique, autant d'éléments qui n'étaient pas toujours formalisés jusqu'ici de façon rigoureuse.
Il prévoit aussi que le champ de la recherche d'emploi s'élargit à mesure que le temps passé au chômage augmente. Est ainsi considérée comme raisonnable une offre d'emploi rémunérée à hauteur de 95 % du salaire antérieur après trois mois de chômage ; ce taux passe à 85 % après six mois de chômage ; au-delà d'un an, il suffit que l'emploi soit rémunéré à un niveau supérieur à celui du revenu de remplacement perçu par le demandeur d'emploi. Le deuxième critère est relatif à la distance entre le domicile du demandeur d'emploi et le lieu de travail : au-delà de six mois de chômage est considérée comme raisonnable une offre d'emploi située à trente kilomètres au plus ou occasionnant au maximum une heure de déplacement par les transports en commun. M. Jean-Marie Marx a fait observer que deux millions de salariés passent plus d'une heure dans les transports par trajet pour aller travailler et que ces critères de l'offre raisonnable d'emploi sont comparables à ceux en vigueur dans les autres pays européens. Il a insisté sur le rôle du conseiller de l'ANPE qui définira le PPAE avec le demandeur d'emploi, ce qui suppose qu'il connaisse bien sa situation personnelle.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a estimé que le projet de loi revêt, en dépit de sa brièveté, une grande importance politique. Il prolonge les réformes en cours en vue de la constitution d'un opérateur unique et traduit la volonté du Gouvernement d'aller plus loin en matière d'emploi. Le changement sémantique que traduit le passage de la notion « d'offre valable d'emploi » à celle « d'offre raisonnable d'emploi » exprime une véritable évolution conceptuelle, qui accompagne la mise en place du suivi personnalisé prévu par le dernier contrat de progrès conclu entre l'Etat et l'ANPE. Il a ensuite demandé si d'autres critères pourraient venir compléter ceux retenus pour définir l'offre raisonnable d'emploi. Il a rappelé que le code du travail prévoit déjà de multiples motifs de radiation de la liste des demandeurs d'emploi, que l'article 2 du projet de loi reprend pour l'essentiel. Il a fait observer que le suivi des demandeurs d'emploi est très individualisé en Grande-Bretagne et souhaité que l'ANPE poursuive ses efforts dans ce domaine. Soulignant que 200 000 à 300 000 offres d'emplois restent non pourvues, il a souhaité savoir si le projet de loi permettra de réduire ce nombre.
M. Jean-Marie Marx a fait observer que la notion d'offre valable d'emploi n'est pas codifiée et qu'elle figure seulement dans des conventions de reclassement ou des plans de sauvegarde de l'emploi, sans que sa définition soit nécessairement stabilisée. L'offre raisonnable d'emploi visée dans le projet de loi est donc bien un nouveau concept. Il a confirmé que la fusion a pour objectif d'offrir un service plus personnalisé aux demandeurs d'emploi, qui bénéficient, à l'heure actuelle, d'un référent unique seulement à partir du quatrième mois de chômage. La fusion, qui ne conduira à aucune suppression d'emplois, va permettre de redéployer les effectifs de l'ANPE et des Assedic.
Revenant sur l'exemple britannique, il a noté que le programme New Deal, qui fait bénéficier d'un accompagnement personnalisé les personnes au chômage depuis plus de dix-huit mois, délai ramené à six mois pour les jeunes demandeurs d'emploi, est en réalité relativement ciblé. Dans les pays d'Europe du Nord, c'est la diminution du nombre de chômeurs qui a conduit à une baisse du ratio du nombre de demandeurs d'emploi par conseiller, et non l'octroi de moyens supplémentaires au service public de l'emploi.
Il a souligné que les critères retenus par le projet de loi pour définir l'offre raisonnable d'emploi sont ceux en vigueur partout en Europe et qu'il serait donc difficile d'en prévoir d'autres. Dans beaucoup de pays, le temps de trajet peut aller jusqu'à deux heures. En Grande-Bretagne, un suivi des actes de recherche d'emploi est par ailleurs effectué, chaque demandeur d'emploi devant entreprendre dix démarches tous les quinze jours.
Les difficultés de recrutement rencontrées dans certains secteurs, qui devraient s'accentuer pour des raisons démographiques, ont des causes complexes. Il faut que les entreprises revoient leurs exigences en matière d'embauche, qui sont parfois excessives, et que les demandeurs d'emploi acceptent d'élargir le champ de leur recherche d'emploi. Les radiations pour refus d'une offre d'emploi existent déjà et sont concentrées dans ces secteurs ; le projet de loi va donc simplement clarifier les règles applicables.
M. Dominique Leclerc, rapporteur , a demandé quelles conséquences aurait le projet de loi sur la formation des agents et les raisons de l'hostilité générale des syndicats.
M. Jean-Marie Marx a répondu que l'ANPE s'appuie sur les compétences existantes mais qu'un effort de formation de ses agents, ainsi que de ceux des Assedic, est nécessaire, ces derniers disposant d'une meilleure connaissance des niveaux de rémunération pratiqués. Il a admis que la question de l'offre raisonnable d'emploi est un sujet très difficile pour les syndicats, surtout à l'approche des élections prud'homales.
M. Alain Gournac a souhaité obtenir des précisions au sujet de la procédure de radiation puis s'est inquiété des risques d'incertitude juridique liés à la notion d'offre raisonnable d'emploi, susceptibles d'entraîner des contentieux et des divergences de jurisprudence. Il a ensuite demandé quelles sont les réactions des agents de l'ANPE à ce projet et souligné que la baisse du chômage impose de revoir les modalités de suivi des demandeurs d'emploi, dans la mesure où ceux qui restent au chômage sont, dans une proportion grandissante, des personnes très éloignées de l'emploi. Enfin, il s'est enquis des conditions réelles du déroulement du processus de fusion de l'ANPE et des Assedic.
Mme Gisèle Printz s'est inquiétée des conditions de suivi des demandeurs d'emploi handicapés, dont le Président de la République a souhaité que l'on évalue la capacité à retrouver un emploi. Elle a également demandé si la condition posée en matière de temps de trajet s'entend uniquement pour un emploi à temps plein, sans quoi elle ferait peser une pression inacceptable sur les demandeurs d'emploi, ne serait-ce qu'en raison du coût actuel des transports.
Mme Annie David a souligné que le texte peut être sujet à interprétation sur certains points et qu'il conviendrait donc d'y apporter des précisions. Elle a ainsi demandé si le critère de temps de trajet s'appliquerait aussi aux demandeurs d'emploi inscrits au chômage depuis plus d'un an ou si seul le critère du niveau de rémunération s'appliquerait à eux. Puis elle a jugé illogique que ce texte entre en vigueur avant l'achèvement de la fusion de l'ANPE et des Assedic et avant qu'aient pu être menées à bien les négociations annoncées sur le renouvellement de la convention d'assurance chômage et sur la formation professionnelle.
Elle a ensuite critiqué la disposition qui prévoit qu'une offre d'emploi est considérée comme raisonnable si elle est « compatible » avec la qualification du demandeur d'emploi. Elle risque en effet de conduire au déclassement professionnel de demandeurs d'emploi diplômés, qui se verraient contraints d'accepter un emploi d'un faible niveau de qualification. Il serait donc préférable d'indiquer que l'offre d'emploi doit « correspondre » à la qualification du demandeur d'emploi. Puis elle a demandé pourquoi la référence à la situation familiale ne figure plus dans les dispositions proposées à l'article 2 pour définir les motifs de radiation, considérant qu'elle constitue une garantie importante, notamment pour les familles monoparentales. Elle s'est interrogée sur l'utilité du texte pour les demandeurs d'emploi non indemnisés et pour les seniors, à qui on ne propose que très peu d'offres d'emploi. Enfin, elle a fait valoir que le texte insiste sur les devoirs des demandeurs d'emploi mais est muet sur ceux du nouvel opérateur et sur ceux des employeurs, qui refusent parfois d'embaucher les personnes que leur adresse l'ANPE.
Mme Bernadette Dupont s'est également inquiétée du risque de dévalorisation des diplômes qui pourrait résulter de l'application du texte. Elle a ensuite fait état de deux situations individuelles dont elle a eu connaissance, l'une concernant une personne licenciée mais encore rémunérée par son entreprise, l'autre une personne en fin de contrat aidé, qui se sont toutes deux vu refuser l'accès à un conseiller ANPE, au motif qu'elles ne font pas partie des publics prioritaires puisqu'elles perçoivent encore un revenu. Cette réponse est choquante car une réinsertion professionnelle rapide ne peut être obtenue que si l'on s'emploie à la favoriser le plus en amont possible.
M. Guy Fischer a estimé que le projet de loi vise surtout à culpabiliser les demandeurs d'emploi, alors que la vraie solution réside dans un effort de qualification. Le Président de la République, qui s'est donné pour objectif un taux de chômage de 5 % de la population active en 2012, se félicite de la baisse du nombre de demandeurs d'emploi constatée ces derniers mois. Mais comment prend-il en compte l'aggravation de la précarité et de la pauvreté, qui résulte de l'explosion des contrats précaires et à temps partiel ? Alors que les salariés et les retraités voient déjà leur pouvoir d'achat rogné par l'inflation, ce sont désormais les demandeurs d'emploi qui vont subir une pression pour accepter une baisse de leur revenu.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle a fait part de l'inquiétude des personnels de l'ANPE et des Assedic dans son département face à la perspective de la fusion. Elle a souhaité savoir si la fusion va permettre de diminuer le nombre de personnes suivies par chaque conseiller et si elle s'accompagnera d'un recours accru à la sous-traitance. Elle a demandé quelle est la durée maximum de l'accompagnement dispensé aux demandeurs d'emploi et quelles relations entretient l'ANPE avec les autres acteurs du service public de l'emploi que sont les maisons de l'emploi, les missions locales ou encore les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie). Enfin, elle a suggéré que l'on définisse aussi les critères de l'offre raisonnable d'emploi pour les entreprises, certaines pratiques étant indécentes : il arrive que des offres d'emploi pour des postes d'ingénieur proposent une rémunération au Smic.
M. Jean-Marie Marx a décrit la procédure de radiation de la liste des demandeurs d'emploi, en précisant qu'elle n'est pas modifiée par le projet de loi. Un courrier est envoyé au demandeur d'emploi pour l'inviter à expliquer les raisons des manquements qui ont été constatés. Le demandeur d'emploi peut donc expliquer pourquoi il n'a pu, par exemple, assister à un rendez-vous ou pour quelles raisons il a refusé une offre d'emploi. La radiation ne peut lui être notifiée avant qu'il ait été en mesure de fournir ses explications. La radiation, dont la durée est généralement de deux mois, ne fait pas perdre au demandeur d'emploi son droit à indemnisation, celui-ci est simplement suspendu et décalé dans le temps, le versement des allocations reprenant à l'expiration de ce délai.
En ce qui concerne le passage de la notion d'offre valable d'emploi à celle d'offre raisonnable d'emploi, il convient de ne pas accorder une importance excessive à ce changement d'intitulé et de s'attarder plutôt sur les critères objectifs qu'il est proposé de définir.
Il est exact que la baisse du chômage fait évoluer le profil des demandeurs d'emploi et que l'ANPE doit donc veiller à mieux les accompagner. Cette question a d'ailleurs été abordée lors du Grenelle de l'insertion, au sujet des titulaires de minima sociaux. Un travail doit être accompli en partenariat avec les centres d'action sociale pour que l'ANPE s'adresse également à des personnes sans emploi qui ne sont pas inscrites comme demandeurs d'emploi.
La fusion ANPE-Assedic, qui devrait être achevée le 1 er janvier 2009, se déroule dans de bonnes conditions. Le délégué général de l'instance de préfiguration du nouvel opérateur a été nommé voici un mois environ. Le rapprochement opérationnel qui a été mené, depuis une dizaine d'années, entre l'ANPE et les Assedic facilite la mise en oeuvre de la fusion, qui nécessitera cependant une évolution des métiers au sein du nouvel opérateur.
M. Louis Souvet a rappelé que la fusion pose aussi le problème de la dévolution des biens des Assedic.
M. Jean-Marie Marx a indiqué que 200 000 personnes bénéficient des dispositions prévues par le code du travail pour favoriser l'embauche des personnes handicapées. L'ANPE travaille en partenariat avec l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et avec le réseau Cap Emploi.
M. Nicolas About, président , a demandé si l'ANPE travaille également en relation avec le fonds mis en place pour favoriser l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique.
M. Jean-Marie Marx a répondu que tel est bien le cas et a déploré le retard observé dans les trois fonctions publiques en matière d'embauche de personnes handicapées.
Il a ensuite affirmé qu'un demandeur d'emploi ne pourra pas se voir imposer un emploi à temps partiel s'il souhaite un emploi à temps plein, ni un CDD s'il souhaite un CDI ou l'inverse. En effet, le PPAE, élaboré conjointement par le demandeur d'emploi et le conseiller ANPE, déterminera la nature et les caractéristiques de l'emploi recherché et fixera ainsi, dès le départ, le périmètre de sa recherche. On ne peut cependant exclure qu'un conseiller ANPE conseille, par réalisme, à un jeune demandeur d'emploi d'accepter de contracter un CDD afin de faciliter son entrée sur le marché du travail.
Les deux critères de niveau de salaire et de distance entre le domicile et le lieu de travail sont cumulatifs, y compris pour les personnes inscrites au chômage depuis plus d'un an. Les services de l'ANPE pourront mettre en oeuvre ces critères avant que le processus de fusion ne soit achevé, dans la mesure où les personnels s'appuieront sur des procédures déjà en vigueur. La situation familiale du demandeur d'emploi est visée à l'article premier du projet de loi, qui fait référence également à sa situation personnelle, ces deux dimensions devant être prises en compte pour l'élaboration du PPAE.
Abordant la question de l'emploi des seniors, M. Jean-Marie Marx a admis que la situation reste difficile, le taux d'emploi de cette catégorie de la population n'excédant pas 38 %. La France subit aujourd'hui les conséquences d'erreurs collectives commises pendant une vingtaine d'années, qui appellent aujourd'hui un important travail pour faire changer les mentalités.
En réponse à Mme Bernadette Dupont, il a indiqué que le nouvel opérateur qui résultera de la fusion aura vocation à s'occuper de tous les actifs et pas seulement des personnes privées d'emploi. Actuellement, un demandeur d'emploi qui suit une formation ou signe un contrat aidé cesse d'être pris en charge par l'ANPE. Il convient, à l'avenir, de faire évoluer les pratiques pour maintenir le contact avec ces personnes.
Répondant à M. Guy Fischer, il a souligné qu'il faut ajuster l'offre de services de l'opérateur aux publics les plus précaires. Les associations actives dans le domaine de l'insertion ne sont d'ailleurs pas opposées à une logique de droits et de devoirs, à condition que les obligations du demandeur d'emploi soient adaptées aux situations d'exclusion. Cette question devra à nouveau être examinée à l'occasion de la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).
Le nombre de demandeurs d'emploi suivis par chaque conseiller est aujourd'hui de 90, si l'on tient compte uniquement des personnes inscrites au chômage depuis plus de quatre mois, qui sont pour l'instant les seules à bénéficier du suivi personnalisé, et de l'ordre de 130 à 140 si l'on inclut l'ensemble des demandeurs d'emploi. Les conseillers de l'ANPE doivent par ailleurs assumer d'autres tâches que le suivi des demandeurs d'emploi, notamment entretenir des relations étroites avec les employeurs. Il est donc souhaitable de faire baisser ce ratio, en redéployant les effectifs du nouvel opérateur et en modernisant ses procédures. La convention tripartite qui doit être conclue entre l'Etat, l'Unedic et le nouvel opérateur, en application de la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi, poursuivra notamment cet objectif.
Le recours à la sous-traitance peut également s'avérer utile pour délivrer certaines prestations ou pour prendre en charge des publics spécifiques. Une étude est en cours pour comparer l'efficience des opérateurs privés et de l'ANPE. Le nouvel opérateur issu de la fusion maintiendra naturellement des liens avec les maisons de l'emploi, les Plie ou les missions locales en s'efforçant de mieux articuler les interventions des divers acteurs.