II. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION DE SÉCURITÉ SOCIALE FRANCO-LUXEMBOURGEOISE
La convention du 7 novembre 2005 se réfère explicitement, dans son préambule, au règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté. Il est rappelé que ce règlement, ainsi que le règlement n° 574/72 fixant ses modalités d'application, sont applicables aux relations entre la France et le Luxembourg, la convention étant destinée à les compléter, sur la base de l'article 8 du règlement n° 1408/71 qui permet à deux ou plusieurs Etats membres de conclure entre eux, en tant que de besoin, des conventions fondées sur les principes et l'esprit dudit règlement.
Les dispositions principales de la convention portent sur l'extension des droits concernant l'assurance-maladie pour les travailleurs frontaliers et les membres de leur famille, ainsi que sur une amélioration de la coordination en matière d'assurance-vieillesse et de prestation dépendance.
A. LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PRESTATIONS SOCIALES
1. L'assurance-maladie
En matière d'assurance-maladie, la convention permet désormais aux travailleurs frontaliers 2 ( * ) , qu'ils soient en activité ou retraités, ainsi qu'aux membres de leur famille, de se faire soigner sans restriction dans l'un ou l'autre des deux Etats.
? L'extension des droits des travailleurs frontaliers aux membres de leur famille
L'article 20 du règlement n° 1408/71 prévoit que le travailleur frontalier peut obtenir des prestations dans l'Etat où il est affilié, comme s'il y résidait. Sauf cas d'urgence, le bénéfice de ces prestations n'est étendu aux membres de sa famille que si un accord a été conclu à cet effet entre les Etats intéressés ou leurs autorités compétentes. Faute d'un tel accord entre la France et le Luxembourg, les droits à l'assurance-maladie des travailleurs frontaliers ne sont pas automatiquement étendus aux membres de leur famille .
En pratique, les statuts de l'Union des caisses de maladie du Luxembourg permettent de couvrir les membres de la famille des travailleurs frontaliers, et donc des travailleurs français exerçant au Luxembourg. Toutefois, aucune contrainte réglementaire ne garantit ce droit qui pourrait ainsi être remis en cause en cas de révision des statuts. D'autre part, les caisses d'assurance-maladie françaises n'ouvrent pas un droit équivalent pour les membres de la famille des travailleurs frontaliers luxembourgeois.
L'article 3 de la convention étend désormais le droit aux prestations maladie des travailleurs frontaliers aux membres de leur famille . Il garantit ainsi à ces derniers l'accès aux soins de santé dans l'autre Etat comme s'ils y étaient résidents.
? L'extension des droits des pensionnés
L'article 4 de la convention vise à lever les restrictions limitant les droits des titulaires de pensions ou de rentes à la prise en charge de leurs soins de santé hors de leur pays de résidence . L'article 31 du règlement n° 1408/71 limite cette prise en charge, en cas de séjour sur le territoire d'un autre Etat membre, aux situations dans lesquelles ces soins sont médicalement nécessaires compte tenu de la nature des prestations et de la durée de séjour prévue.
L'article 4 ouvre le bénéfice des soins, dans chacun des deux pays, aux titulaires d'une pension et d'une rente servie par ce pays , ainsi qu'aux membres de leur famille, même s'ils résident dans l'autre pays.
Ainsi, les personnes résidant en France titulaires d'une pension ou d'une rente luxembourgeoise, ainsi que les membres de leur famille, bénéficieront des prestations médicales au Luxembourg au même titre que les assurés luxembourgeois. Réciproquement, les personnes résidant au Luxembourg titulaires d'une pension ou d'une rente française, ainsi que les membres de leur famille, bénéficieront des prestations médicales en France au même titre que les assurés français. Les mêmes règles s'appliqueront pour les personnes ayant successivement travaillé dans les deux pays et touchant à la fois une pension française et une pension luxembourgeoise.
Cette disposition couvre tous les types de soins, y compris les « soins programmés », c'est à dire autres que ceux nécessités par l'urgence, notamment dans le cadre d'une hospitalisation.
La convention précise que les prestations sont servies par l'institution de la partie débitrice de la pension ou de la rente, mais qu'elles sont à la charge de l'institution de l'Etat de résidence.
2. L'assurance-vieillesse
En matière d' assurance-vieillesse , l'article 5 de la convention améliore la situation des personnes dont la carrière s'est déroulée entre la France, le Luxembourg, et un ou plusieurs autres pays. Les périodes d'assurance passées dans ces pays tiers seront prises en compte sous réserve que ces pays aient conclu une convention bilatérale de sécurité sociale avec la France et le Luxembourg prévoyant une règle de totalisation des périodes d'assurance. Ces dispositions s'appliquent à condition qu'elles ne réduisent pas le montant des droits acquis au titre des seules périodes d'assurance accomplies sous la législation d'un Etat membre de l'Union européenne.
3. Les prestations dépendance
L'article 6 de la convention concerne les prestations « dépendance », qui ne sont pas considérées comme un « risque » au sens de la législation française de sécurité sociale alors qu'elles sont incluses dans l'assurance-maladie au Luxembourg.
Dans la législation française, la prise en charge de la dépendance, et notamment l'octroi de l'allocation personnalisée d'autonomie, relève de l'aide sociale. Elle est liée à la résidence en France. Ainsi, des personnes résidant au Luxembourg ne peuvent pas relever de la prise en charge de la dépendance par des institutions françaises.
En revanche, des personnes résidant en France peuvent percevoir, au titre de la dépendance, les prestations en espèces du régime luxembourgeois , s'ils sont affiliés à ce régime, ce qui est notamment le cas de travailleurs frontaliers retraités.
L'article 6 de la convention prévoit une assistance administrative des services sociaux français aux autorités et institutions luxembourgeoises, notamment pour faciliter la reconnaissance de l'état de dépendance. Ils doivent notamment leur fournir les documents et rapports médicaux et médico-sociaux sur l'état d'autonomie de la personne et effectuer, à leur demande, les examens médicaux et médicaux-sociaux et les contrôles administratifs requis par la réglementation luxembourgeoise.
Cette entraide administrative est en principe gratuite, mais peut donner lieu à certains remboursements, notamment pour les frais d'examen et de contrôle.
L'article 7 règle la question du cumul de prestations , quand la personne résidant en France peut à la fois bénéficier de l'aide sociale française et de la prestation luxembourgeoise. Afin d'éviter le cumul intégral de deux prestations, l'allocation servie par l'aide sociale française sera versée en priorité, les institutions luxembourgeoises versant éventuellement un montant différentiel dans le cas où la prestation à laquelle peut prétendre l'intéressé au Luxembourg est plus élevée que l'allocation française.
B. LES AUTRES DISPOSITIONS DE L'ACCORD
1. Les procédures d'exécution
L'article 8 de la convention définit les conditions dans lesquelles les décisions ou actes exécutoires rendus par un tribunal ou une autorité dans l'un des deux Etats, en matière de recouvrement de cotisations ou de récupération de prestations indues , sont reconnus et exécutés dans l'autre Etat.
La reconnaissance de ces décisions ou de ces actes ne peut être refusée que si elle est incompatible avec les principes légaux de l'Etat où ils doivent être exécutés.
Les créances bénéficient des mêmes garanties et privilèges que ceux prévus par la législation de l'Etat d'exécution pour les créances de même nature. Le même principe est appliqué pour fixer les priorités de recouvrement dans une procédure de liquidation.
Un protocole annexé à la convention détaille les modalités de recouvrement des cotisations et de récupération des prestations indûment versées pour le compte de l'un des deux Etats sur le territoire de l'autre Etat.
2. Les dispositions transitoires
L'article 10 précise dans quelles conditions des évènements survenus avant l'entrée en vigueur de la convention peuvent être pris en compte, notamment des périodes d'asurance. Il permet notamment de procéder à un nouveau calcul d'une prestation liquidée avant cette entrée en vigueur, ce calcul ne pouvant avoir pour effet de réduire la prestation antérieurement acquise.
3. L'abrogation de textes obsolètes
Antérieurement à l'entrée en vigueur des règlements communautaires, les relations entre la France et le Luxembourg en matière de sécurité sociale étaient régies par des accords bilatéraux, notamment la convention générale de sécurité sociale du 12 novembre 1949 et divers protocoles visant à la compléter. L'application des dispositions communautaires s'est substituée à celle de ces accords, dès lors devenus sans objet. Afin de régulariser cette situation, l'article 11 de la convention abroge 14 accords de ce type qui avaient été conclus entre 1949 et 1964. Il comporte une clause garantissant le maintien des droits acquis.
* 2 La notion de travailleur frontalier est définie par le règlement communautaire. Il s'agit de « tout travailleur salarié ou non salarié qui exerce son activité professionnelle sur le territoire d'un Etat membre et réside sur le territoire d'un autre Etat membre, où il retourne en principe chaque jour ou au moins une fois par semaine ».