3. La position de votre commission
Les dispositions proposées par le projet de loi apportent des améliorations significatives à la procédure relative aux auteurs d'infractions pénalement irresponsables en raison d'un trouble mental : d'une part, elles interdisent à la juridiction de se prononcer sur l'irresponsabilité sans s'être d'abord interrogée -comme tel est actuellement le cas devant la cour d'assises- sur l'imputation des faits à la personne mise en cause ; d'autre part, la décision de la juridiction se conclut explicitement par la reconnaissance de l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental préférable aux formules génériques souvent mal comprises du non lieu, de la relaxe ou de l'acquittement.
Ces dispositions ont du reste, dans l'ensemble, recueilli un large assentiment non seulement de la part des associations de victimes entendues par votre rapporteur mais aussi des représentants des avocats et des magistrats.
Certains points ont néanmoins fait l'objet de réserves.
M. Jean-Olivier Viout, procureur général près la cour d'appel de Lyon a ainsi regretté, lors de son audition, que la saisine de la chambre de l'instruction pour prononcer une déclaration d'irresponsabilité pénale demeure une simple possibilité laissée à la discrétion du ministère public, du juge d'instruction ou des parties civiles : selon lui, un dispositif non contraignant risque de vider de sa substance la portée de la procédure 66 ( * ) .
L'argument selon lequel une saisine obligatoire de la chambre de l'instruction pourrait provoquer un engorgement de cette juridiction lui a semblé peu pertinent au regard du nombre actuel de non-lieux prononcés (200 pour 35 cours d'appel, soit une demi-douzaine par chambre de l'instruction en 2004). Il a plaidé pour une saisine automatique de la chambre de l'instruction au moins pour tous les crimes.
Votre commission estime cependant qu'une certaine souplesse reste préférable dans la mesure où il faut laisser aux parties qui le souhaitent la faculté de ne pas porter la question de l'irresponsabilité pénale devant la chambre de l'instruction.
Plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur se sont également inquiétés de la longueur du délai durant lequel, en cas de saisine de la chambre de l'instruction, la durée de la détention provisoire peut être prolongée dans l'attente de la décision de cette juridiction. Ils ont souhaité un raccourcissement de ce délai d'autant plus que le mis en examen pourra être déclaré pénalement irresponsable pour trouble mental. Il faut souligner cependant que les députés ont opportunément ramené de six à quatre mois ce délai en matière correctionnelle.
Cependant, les critiques ont surtout porté sur la faculté de l'autorité judiciaire de prononcer des mesures de sûreté à l'encontre d'une personne reconnue pénalement irresponsable pour trouble mental dont l'initiative devrait en principe revenir à l'autorité administrative. Certains jugeaient paradoxal que la décision d'hospitaliser d'office l'auteur d'une infraction déclaré pénalement irresponsable pour trouble mental revienne à l'autorité administrative, alors que dans le même temps, le juge pourtant dessaisi de ce pouvoir reste maître de la décision pour prononcer des mesures de sûreté. Toutefois l'Assemblée nationale en donnant au juge la possibilité de décider une hospitalisation d'office a précisément répondu à cette critique. Cette judiciarisation partielle répond notamment aux préoccupations de la fédération nationale des associations de patients et d'(ex) patients en psychiatrie, exprimées par la voie de sa présidente, Mme Claude Finkelstein, lors de son audition par votre rapporteur. Pour votre commission, il est préférable de placer sous la responsabilité de l'autorité judiciaire, gardienne de la responsabilité individuelle, le prononcé des mesures restrictives de liberté.
Enfin, plusieurs des médecins entendus par votre rapporteur se sont inquiétés de la portée de la nouvelle disposition introduite par l'article 8 assignant un « devoir d'alerte » aux personnels soignants dès lors qu'ils ont connaissance d'un risque sérieux pour la sécurité des personnes. Dans une note adressée au président de votre commission, l'ordre national des médecins a craint que cette mesure ne conduise « à faire peser sur le médecin la responsabilité de tout accident (suicide, violence sur autrui) qu'il n'aurait pu ou su détecter et donc signaler ». Selon votre commission, la rédaction proposée par le projet de loi implique, non pas un devoir de déceler le risque, mais seulement une obligation de le signaler dès lors que le personnel en a eu connaissance. En outre, comme le texte le précise, la transmission de l'information se fait dans le respect du secret médical .
Cette disposition consacre une pratique -dont votre rapporteur a eu maints témoignages lors des visites d'établissements pénitentiaires- et lui confère très utilement le poids d'une obligation légale.
Votre commission est toutefois plus réservée sur les dispositions concernant l'injonction de soins qui visent, d'une part, à réserver aux seuls médecins psychiatres la possibilité d'être médecins coordonnateurs et, d'autre part, à revenir sur la possibilité donnée au psychologue d'intervenir seul pour assurer la prise en charge d'une personne soumise à l'injonction de soins. Elle estime que le vivier des psychiatres n'est pas tel qu'il permette de se passer d'autres sources de recrutement et juge en conséquence préférable de s'en tenir au droit en vigueur.
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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi .
* 66 Il a cité en exemple la faculté de réexaminer la détention provisoire d'une personne mise en examen tous les six mois introduite à la suite de l'affaire d'Outreau par la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, constatant que cette mesure pourtant opportune était en pratique rarement mise en oeuvre, faute d'être systématique.