II. L'ÉCHEC DE L'OUVERTURE TOTALE À LA CONCURRENCE SUR LE MARCHÉ FRANÇAIS
Depuis le 1 er juillet 2007, peu nombreux sont les ménages qui ont décidé de quitter les tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel pour s'approvisionner en énergie sur la base d'un contrat libre. D'après les données publiées le 30 septembre 2007 par la Commission de régulation de l'énergie, à cette date, environ 6.100 sites de consommation particuliers d'électricité étaient passés à une offre libre (dont 5.100 auprès d'un fournisseur autre qu'EDF ou un DNN), ce chiffre s'établissant à 13.300 pour le gaz naturel (dont 6.200 auprès d'un fournisseur alternatif). Par ailleurs, d'après le gestionnaire du réseau de distribution d'EDF 6 ( * ) , le 1 er décembre 2007, 22.410 clients particuliers avaient changé de fournisseur et 15.970 demandes de changement de fournisseur avaient été formulées auprès du distributeur pour le 1 er janvier 2008, ce qui porte ainsi le nombre de clients domestiques ayant quitté les tarifs réglementés d'électricité à un peu de plus de 38.380 .
Rapportées aux 26 millions de consommateurs particuliers d'électricité et aux 11 millions de consommateurs de gaz naturel, ces statistiques démontrent l'échec de l'ouverture à la concurrence des marchés énergétiques pour les ménages.
Or, il est clair que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs réglementés, accentué par la décision du Conseil constitutionnel, n'a pas incité le consommateur à se lancer dans une démarche qu'il peut légitimement juger risquée, malgré le caractère attractif des offres faites par les fournisseurs alternatifs (proposant des prix inférieurs d'environ 10 % à ceux des formules tarifaires, assorties d'une garantie de stabilité des prix pendant les premières années). Cette irréversibilité du choix avait au demeurant été mise en avant par les pouvoirs publics français qui avaient invité les consommateurs à bien évaluer les conséquences du passage à la concurrence avant de prendre toute décision de sortie définitive des tarifs. Au surplus, les ménages peuvent se montrer sceptiques quant aux avantages qu'ils peuvent tirer de cette concurrence à la lumière de l'expérience vécue par les consommateurs professionnels, confrontés, dans un premier temps, à une baisse de leur facture électrique après la libéralisation puis à une véritable explosion des prix à partir des années 2003-2004.
Dans ces conditions, votre rapporteur admet que l'inscription dans le droit tarifaire électrique de la solution de réversibilité pourrait être de nature à favoriser l'émergence d'un marché véritablement concurrentiel pour les ménages dans la mesure où elle leur permet de revenir sur leur choix dans le cas où le niveau des prix des offres libres déraperait et deviendrait moins intéressant que les tarifs réglementés.
Concernant le risque de radicalisation de l'analyse des autorités communautaires, votre rapporteur note tout d'abord que l'Assemblée nationale, avec l'avis favorable du gouvernement, a estimé qu'une telle position pourrait être défendue à Bruxelles car elle favorise en définitive la concurrence. Au surplus, lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l'énergie, a fait valoir que la Commission européenne ne demandait pas la suppression des tarifs règlementés domestiques mais celle des tarifs pour les consommateurs professionnels.
Compte tenu des gains en termes de sécurité apportés au consommateur et de l'amélioration du fonctionnement du marché de l'électricité, votre commission se rallie donc à cette analyse.
* 6 Electricité de France Réseau de Distribution (ERD), qui couvre 95 % de la distribution française.