III. HOPITAL : POURSUIVRE LES RÉFORMES
La précédente législature a développé une politique ambitieuse dans le secteur hospitalier. Rassemblées au sein du plan hôpital 2007, trois réformes de grande ampleur ont permis de dynamiser l'investissement hospitalier, de modifier les modalités de financement des établissements publics et privés et d'instaurer de nouveaux modes de gouvernance des établissements.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prolonge les actions engagées dans ce cadre.
Parallèlement, le Président de la République, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, a installé plusieurs commissions ou groupes de travail chargés de réfléchir aux missions de l'hôpital et à la création d'agences régionales de santé.
A. UN PREMIER BILAN DE LA MISE EN oeUVRE DE LA T2A
La mise en oeuvre de nouvelles modalités de financement, fondées sur l'activité des établissements de santé publics et privés, constitue la réforme la plus importante menée dans ce secteur au cours des dernières années.
Compte tenu de son ampleur et de sa complexité, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a prévu que la montée en charge de la tarification à l'activité (T2A) se poursuivrait tout au long d'une période transitoire de huit ans (2004-2012).
Cette période transitoire concerne en priorité les établissements publics puisque, pour des raisons techniques liées à leur mode de financement antérieur, les établissements privés sont intégralement financés par la T2A depuis le 1 er mars 2005.
Il est aujourd'hui possible d'établir un premier bilan de la mise en oeuvre de cette réforme.
1. La poursuite de la montée en charge de la réforme
Durant cette période transitoire dont les différentes étapes sont fixées par l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, le budget des établissements de santé publics et privés participant au service public hospitalier, c'est-à-dire les établissements antérieurement financés par l'intermédiaire de la dotation, est progressivement calculé en fonction de leur activité.
a) Le passage à 100 % dans les établissements publics
Depuis le 1 er janvier 2004, les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) des établissements publics sont financées par la T2A qui comporte trois modalités distinctes : des tarifs de séjour, une dotation annuelle complémentaire (Dac) et une dotation versée pour la prise en charge des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac).
Les tarifs de séjour et la Dac sont destinés à rémunérer les activités MCO des établissements de santé. Fixée à 10 % en 2004, la fraction des activités financée par la T2A a été portée à 25 % en 2005 puis 35 % en 2006 avant d'atteindre 50 % en 2007. Durant cette période transitoire, la Dac a complété le financement des établissements, son montant se réduisant au fur et à mesure de l'augmentation du « taux de T2A » retenu pour financer les activités MCO.
Après quatre années de montée en charge régulière, le Gouvernement a décidé d'accélérer ce processus : à compter du 1 er janvier 2008, soit quatre ans avant la date prévue, les activités MCO des établissements publics seront intégralement financées par la T2A.
Toutefois, des coefficients de transition accompagneront cette montée en charge de la T2A afin que l'opération soit aussi neutre que possible pour les établissements publics. Ces coefficients doivent permettre d'organiser la convergence au sein du secteur public vers les tarifs moyens constatés dans le secteur. Ce processus est identique à celui mis en oeuvre pour les établissements privés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Le choix de financer intégralement les établissements de santé publics par l'intermédiaire de la T2A dès 2008 est motivé par le souci de leur permettre de développer de nouvelles activités avec un financement clarifié.
Par ailleurs, l'application d'un taux de 100 % présente un double intérêt puisqu'elle permettra aux établissements de comparer plus facilement leurs coûts de fonctionnement avec les tarifs de référence et les obligera à s'interroger sur la formation de ces coûts.
Cette accélération de la mise en oeuvre de la réforme a été plutôt bien accueillie par les acteurs de l'hospitalisation publique qui souhaitent toutefois une revalorisation du financement des missions d'intérêt général et une stabilisation de la tarification des activités MCO afin de disposer d'une plus grande visibilité sur le déroulement de la réforme.
Cette demande est pertinente, et il serait logique que le ministère de la santé détermine une stratégie tarifaire pluriannuelle. Les directeurs d'établissements disposeraient d'une vision plus claire des objectifs et du déroulement de la réforme. C'est à ce prix que pourront être définies les conditions de leur responsabilisation.
b) De nombreuses difficultés techniques
Ce passage à un financement intégral avec quatre ans d'avance sur le calendrier prévu ne doit pas occulter l'existence de nombreuses difficultés techniques susceptibles de retarder certaines étapes de la réforme .
Deux difficultés peuvent être pressenties. La première est relative aux systèmes d'information hospitaliers (SIH).
Jusqu'à présent, les établissements perçoivent des dotations financières versées par les agences régionales d'hospitalisation. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 avait prévu que lors des deux premières années de la réforme (2004-2005), les données relatives à l'activité et les prestations facturables en sus (médicaments onéreux) transitaient toujours par les agences régionales d'hospitalisation qui les valorisent en fonction des tarifs fixés par le ministère et les notifient à la caisse pivot chargée du financement de l'établissement. Mais à compter de 2006, les établissements devaient adresser directement leurs factures aux organismes locaux d'assurance maladie.
En raison de l'impréparation des systèmes d'information, cette procédure a fait l'objet de reports successifs. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 la prolonge jusqu'au 31 décembre 2008. Compte tenu de l'importance stratégique des systèmes d'information dans l'organisation du système de santé, il importe que le Gouvernement s'assure de la mise à niveau rapide et de l'homogénéisation des systèmes installés dans les établissements de santé.
• La deuxième difficulté tient à
la
réforme du régime budgétaire et comptable des
établissements
. Cette réforme est
caractérisée par le passage d'un budget limitatif, la dotation
globale, à un état prévisionnel des recettes et des
dépenses (EPRD) reposant sur des crédits évaluatifs. Les
autorités de tutelle considèrent que cette réforme donnera
une grande fiabilité aux comptes des établissements de
santé publics.
Or, la Cour des comptes déplore dans son dernier rapport « la lente mise en place de la comptabilité analytique ». Depuis un décret du 31 juillet 1992, les établissements de santé sont tenus de mettre en place une comptabilité afin d'établir les coûts des différentes activités hospitalières. Un décret du 29 décembre 1997 précise que les établissements doivent procéder chaque année à un retraitement comptable afin de présenter une répartition analytique des charges entre les différentes branches d'activité de l'établissement (activités MCO, hospitalisation à domicile, soins de suite et de réadaptation, psychiatrie).
La Cour des comptes « constate en définitive que la comptabilité analytique hospitalière reste à un faible niveau de développement dans un très grand nombre d'établissements en dépit de ses aspects stratégiques . 7 ( * ) »
Cette situation est inquiétante pour la mise en place des EPRD, d'une part, et pour le bon déroulement de la réforme, d'autre part. Ces différents dispositifs revêtent une importance cruciale pour la connaissance des coûts hospitaliers, l'allocation des enveloppes budgétaires et la détermination des tarifs nationaux de la T2A.
En l'absence d'une comptabilité analytique précise, les établissements subissent la mise en oeuvre de la T2A. Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'à compter du 1 er janvier 2008, les directeurs d'ARH seront chargés de mettre en oeuvre une convergence interne au secteur public et que, sans une connaissance claire et précise de leurs coûts, les établissements auront du mal à se situer précisément par rapport à l'objectif retenu par le ministère de la santé.
Le constat porté par la Cour des comptes sur la fiabilité de la comptabilité des établissements fragilise le processus de convergence entre les établissements publics et privés. Sans une connaissance fine des coûts de fonctionnement de ces deux catégories d'établissements, il sera difficile d'évaluer les écarts de coûts et de les réduire entre les tarifs publics et privés.
2. Les problèmes soulevés par la poursuite de la réforme
Une réforme aussi fondamentale que la T2A ne peut se mettre en place sans rencontrer des difficultés techniques ou quelques retards. C'est le cas dans tous les pays qui y ont eu recours et la France ne fait pas exception à la règle.
La montée en charge de la réforme doit également tenir compte du contexte économique et réglementaire dans lequel évoluent les établissements.
Or, jusqu'à présent, seules des aides à la contractualisation ont été proposées aux établissements qui rencontrent des difficultés financières afin de les aider à se restructurer et à retrouver leur équilibre financier. Aucune évolution du cadre juridique n'a été proposée.
a) Des établissements publics fragiles sur le plan financier
Les pouvoirs publics sont attentifs à ce que la réforme ne déstabilise pas les établissements publics. Or, leur situation financière semble s'être dégradée au cours des dernières années.
Dans son rapport de juin 2006, le conseil de l'hospitalisation indiquait que le report des charges entre les années 2004 et 2005 avait fait apparaître un solde négatif de 402 millions d'euros.
Les résultats d'une enquête menée par la fédération hospitalière de France (FHF) font apparaître un déficit cumulé proche de un milliard en 2006 et en 2007. Selon la FHF, ces déficits sont en partie pris en charge par des reprises sur réserve (dotation investissement), ce qui réduit d'autant la capacité des établissements à financer des projets d'investissement, par exemple dans le cadre du programme Hôpital 2012.
La situation des trente et un centres hospitaliers universitaires (CHU), dont les résultats financiers se dégradent chaque année un peu plus, confirme cette fragilité générale. Seuls sept établissements ont présenté des résultats excédentaires en 2006, ils ne devraient être que deux en 2007 et le déficit cumulé de ces établissements s'établirait à 400 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 20 milliards.
Selon les responsables hospitaliers, cette fragilité financière serait due à une insuffisance des financements prévus pour les établissements de santé, et notamment au fait que les sous-objectifs de l'Ondam soient sous-évalués.
En l'absence d'une comptabilité analytique suffisamment développée, il est difficile d'obtenir une image précise de la situation financière des établissements, mais on peut évoquer sans risque d'erreur le poids des dépenses de personnel dans leur budget. Ce poste absorbe près de 70 % des recettes perçues par les établissements.
La forte progression des charges pesant sur les établissements est effectivement liée à l'augmentation des traitements des agents de la fonction publique hospitalière et au poids des mesures catégorielles, notamment les protocoles « Jacob , des 25 janvier et 19 octobre 2006, en faveur des agents de catégorie C dont l'impact sur les comptes des établissements est évalué à 350 millions d'euros pour l'année 2007. Or, selon la FHF, les établissements de santé n'ont reçu que 170 millions d'euros pour faire face à cette charge supplémentaire. Elle souligne par ailleurs que ces dépenses supplémentaires purement statutaires n'ont pas de lien avec l'activité des établissements. Il y a donc un décalage entre les exigences d'efficience que la T2A impose aux établissements et les modes de gestion des personnels statutaires.
b) La nécessaire adaptation de l'hôpital public aux objectifs de la réforme
Pour corriger cette fragilité financière et pouvoir s'adapter aux contraintes posées par les nouvelles modalités de financement, les établissements publics doivent optimiser leur fonctionnement.
Les efforts doivent porter à la fois sur la réorganisation interne des structures et sur l'organisation territoriale de l'offre de soins.
Toutefois, comme le souligne le conseil de l'hospitalisation, les gains que l'on peut attendre de ces démarches ne sont pas suffisants, si l'on veut amplifier, notamment dans le cadre de la convergence interne au secteur public, les efforts d'économies et de productivité demandés aux établissements 8 ( * ) .
Pour maîtriser la progression des dépenses d'assurance maladie et restaurer l'équilibre financier des établissements, trois actions doivent impérativement être menées par les autorités de tutelle.
• Premièrement, soutenir l'effort de
restructuration de l'offre hospitalière.
Les schémas
régionaux d'organisation sanitaire (Sros) comportent des objectifs
quantifiés qui doivent être respectés.
Les regroupements de plateaux techniques envisagés (environ 150) doivent être menés à bien. Certaines structures peuvent être reconverties vers d'autres activités afin de répondre à de nouveaux enjeux de santé publique (activités de soins de suite et de réadaptation, soins pour personnes âgées). Les outils juridiques indispensables existent ; le présent projet de loi aménage par ailleurs les modalités de coopération entre les établissements afin de favoriser une plus grande intégration.
Pour atteindre ces objectifs, il semble toutefois indispensable de mobiliser les agences régionales d'hospitalisation sur ces sujets ; des objectifs chiffrés pourraient leur être fixés.
• Deuxièmement, il convient de
modifier les modalités de gestion des personnels hospitaliers.
Cette évolution comporte deux aspects :
- d'abord, faire preuve de vigilance sur l'impact financier de toute mesure salariale nouvelle sur l'Ondam hospitalier ;
- ensuite, doter les directeurs d'établissements des instruments juridiques nécessaires à une gestion active des ressources humaines. Par exemple en permettant, dans le cas d'une externalisation de certains services (restauration, blanchisserie), de leur permettre de mettre du personnel à la disposition des entreprises privées auxquelles est concédée cette exploitation.
• Troisièmement, les modalités
juridiques qui encadrent la politique d'achat et d'investissement des
établissements de santé publics doivent être assouplies.
Un consensus se dégage entre les membres du comité de l'hospitalisation et les représentants des directeurs d'hôpitaux sur la nécessité d'avancer rapidement dans ces directions.
* 7 Rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2007.
* 8 Proposition n° 2007-10 en date du 30 juin 2007 relative au montant des sous-objectifs de l'Ondam relatifs aux dépenses des établissements de santé pour 2008. Conseil de l'hospitalisation.