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Rapport n° 72 (2007-2008) de M. Alain VASSELLE , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2007

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N° 72

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur.

Tome II :

Assurance maladie

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 e législ . ) : 284 , 295, 303 et T.A. 48

Sénat : 67 et 73 (2007-2008)


Les propositions de la commission des affaires sociales
pour la branche maladie en 2008

Dans le domaine de l'assurance maladie, les principales réformes sont en vigueur depuis trois ans : la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie qui conforte le principe de maîtrise médicalisée et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 qui modifie les conditions de financement des établissements de santé et instaure la T2A.

L'action de la commission des affaires sociales s'inscrit dans le prolongement de ces textes fondateurs. Les amendements qu'elle propose, à l'initiative de son rapporteur Alain Vasselle, poursuivent les objectifs suivants :

Faciliter l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire

- par la promotion des maisons de santé : ces structures pluridisciplinaires présentent le double avantage de répondre aux aspirations des professionnels de santé, car elles favorisent une meilleure organisation du travail, et d'apporter une réponse adaptée aux demandes de soins exprimées par la population, notamment en zone rurale ;

- par la mise en oeuvre d'un statut de médecin salarié, susceptible de favoriser l'installation des médecins, notamment celle des généralistes, qui aujourd'hui hésitent à pratiquer l'exercice libéral.

Lutter contre les abus et les fraudes

- par l'extension du dispositif d'accord préalable à tous les professionnels de santé ainsi que, sous certaines conditions, aux établissements de santé. L'objectif est de contrôler les établissements de santé qui auraient anormalement facturé ou tarifié des prestations de chirurgie complète qu'on aurait pu réaliser en chirurgie ambulatoire.

Accompagner la mise en oeuvre de la tarification à l'activité

- par la mise en oeuvre d'une stratégie tarifaire pluriannuelle destinée à favoriser la convergence public-privé en prévoyant que les tarifs des établissements publics doivent avoir un taux de progression inférieur à ceux du secteur privé ;

- par l'octroi, aux établissements de santé, des moyens de développer une gestion active des ressources humaines.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 intervient dans un contexte particulier à double titre.

Tout d'abord, en l'absence de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, c'est le premier texte législatif relatif aux finances sociales que le Parlement examine depuis le déclenchement de la procédure d'alerte provoquée, au mois de juin dernier, par un dérapage de plus de 2 milliards d'euros du sous-objectif soins de ville de l'Ondam pour 2007.

Le plan d'économies élaboré par les caisses nationales et le Gouvernement n'a pas suffi pour contenir ce dépassement. En conséquence, alors que le déficit de l'assurance maladie avait été divisé par deux entre 2004 et 2006 (passant de 11,6 milliards à 5,9 milliards d'euros), le solde de cette branche connaît une nouvelle dégradation en 2007 (6,2 milliards au lieu des 3,9 milliards attendus).

Ensuite, il s'agit du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature, donc une occasion pour le nouveau Gouvernement de tracer les contours de son action dans le domaine de l'assurance maladie pour les années à venir.

Pour autant, le projet de loi de financement ne peut résoudre à lui seul tous les problèmes. Il se présente, à l'évidence, comme un texte de stabilisation.

Sa première tâche est de réduire le déficit. Il procède donc par un nouveau plan d'économies d'environ 2 milliards, qui succède à celui mis en oeuvre en juillet dernier.

Au-delà, la situation financière de la sécurité sociale ne permet pas d'esquiver la question des mesures structurelles nouvelles à prendre dans le domaine de l'assurance maladie.

Ce projet de loi de financement propose donc des dispositions dans le domaine des soins de ville et de l'hôpital qui viennent compléter et approfondir la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Ceci ne constitue qu'une première étape. Le Gouvernement conduit actuellement une réflexion sur la modernisation de l'organisation de l'offre de soins dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Deux groupes de travail concernent directement l'assurance maladie et la santé. Le premier, présidé par notre collègue Gérard Larcher, est chargé de redéfinir les missions de l'hôpital. Le second, placé sous l'autorité de Philippe Ritter, doit proposer une définition des futures agences régionales de santé. Des rapports intermédiaires doivent être remis avant la fin de l'année 2007, suivis de propositions attendues pour le début de l'année 2008.

Parallèlement, dans la lettre de mission que lui a adressée le Président de la République, la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, s'est vu assigner l'objectif de rendre plus efficace la démarche de maîtrise médicalisée.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 se fixe pour ambition de préparer ces étapes futures.

I. LA PARTICIPATION DES ASSURÉS AUX DÉPENSES DE SANTÉ : CLARIFIER LES RÈGLES

Depuis l'adoption de la loi relative à la couverture maladie universelle (CMU) en 1999 qui permet l'affiliation à l'assurance maladie de toutes les personnes résidant en France de manière stable et régulière, la quasi-totalité de la population bénéficie désormais de la couverture offerte par cette branche de la sécurité sociale.

Cette protection présente des caractères remarquables : elle est obligatoire, elle concerne tous les ménages quels que soient leur état de santé, leur revenu ou le nombre de personnes composant le foyer.

Ceci étant, une partie seulement des dépenses engagées par les ménages fait l'objet d'une prise en charge. L'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale appelle la participation de l'assuré, la différence entre la dépense réglée par lui et la somme prise en charge par le régime obligatoire d'assurance maladie, on parle aussi de ticket modérateur ou reste à charge.

La question de cette participation de l'assuré est relancée par ce projet de loi de financement qui propose de nouvelles franchises sur les médicaments, les consultations paramédicales et l'utilisation d'un transport sanitaire.

A. UN DISPOSITIF SANS CESSE RETOUCHÉ MAIS JAMAIS RÉFORMÉ

Au cours des dernières années, les modalités de calcul de la participation des assurés aux dépenses de santé n'ont pas connu de modification significative , même si l'introduction du parcours de soins et des participations forfaitaires prévus par la loi du 13 août 2004 a pu brouiller la perception des usagers sur la pérennité et l'efficacité de ce dispositif.

1. Un système de prise en charge stable

La création du forfait « un euro », les déremboursements de médicaments décidés en 2005 et les mesures d'économies décidées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, constituent des dépenses supplémentaires à la charge des assurés, sans modifier pour autant les principaux paramètres du système de prise en charge.

a) Des taux de prise en charge stables et élevés

Depuis 1995, la part de la sécurité sociale dans la prise en charge des dépenses de santé remboursables est supérieure ou égale à 77 %.

Structure du financement de la dépense de soins et de biens médicaux

1995

2000

2004

2005

2006

Sécurité sociale de base

77,1

77,1

77,3

77,2

77,0

Etat, collectivités locales et CMU-c

1,1

1,2

1,4

1,3

1,4

Mutuelles

7,3

7,7

7,4

7,4

7,4

Sociétés d'assurance

3,3

2,7

3,1

3,1

3,2

Institutions de prévoyance

1,6

2,4

2,6

2,5

2,4

Ménages

9,6

9,0

8,3

8,5

8,6

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Drees, comptes de la santé 2006

Ce niveau élevé de couverture des dépenses de santé permet d'assurer un accès aux soins les plus lourds à l'ensemble de la population.

Cette couverture est variable suivant la nature des dépenses de santé , elle permet la prise en charge de près de 98 % des dépenses hospitalières, aussi appelées « gros risque ». La prise en charge la plus faible concerne les médicaments pour lesquels trois taux de remboursements sont prévus 15 %, 35 % et 65 %.

Comme le souligne le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), le niveau de prise en charge des dépenses et la stabilité de ce taux ne sont pas connus des Français et une part croissante de la population est persuadée que l'assurance maladie a réduit ses remboursements 1 ( * ) .

L'analyse de la structure des remboursements effectués par les régimes obligatoires d'assurance maladie peut expliquer ce sentiment. En effet, tandis que 5 % des assurés sont à l'origine de plus de 50 % des dépenses, 20 millions d'assurés reçoivent des remboursements inférieurs à 100 euros par an. Ces assurés n'ont recours qu'à des consultations médicales en ville, épisodiques et d'un montant relativement faible. Or depuis 2004, ces soins ont fait l'objet de plusieurs mesures de déremboursement et d'une augmentation de la participation forfaitaire. Ces évolutions se traduisent par un accroissement des dépenses demeurant à la charge des assurés évaluées à 450 millions d'euros annuels par le Hcaam, pour les seules sommes versées au titre du forfait « un euro ». Ces changements sont responsables de la légère dégradation de la prise en charge des dépenses d'assurance maladie constatée entre 2004 et 2007, et de l'augmentation de la contribution des ménages sur la même période.

b) Le poids des dépenses exonérées de ticket modérateur

La participation à la charge des assurés peut varier en fonction de leur état de santé ou de leur situation sociale.

Selon l'article L. 322-3 du code de la santé publique, les affections de longue durée, c'est-à-dire les pathologies « comportant un traitement prolongé et une thérapeutique coûteuse » ouvrent droit à une prise en charge intégrale des frais de traitement du malade.

Ces affections de longue durée (ALD) figurent sur une liste établie par décret.

Prise en charge des soins de ville par l'assurance maladie obligatoire (régime général)

(en milliers d'euros)

2003

2004

2005

2006

Total des remboursements des soins de ville

40 404 113

42 371 480

43 786 746

45 194 041

avec ticket modérateur

18 267 438

18 729 188

19 214 228

19 440 566

sans ticket modérateur

22 136 675

23 642 292

24 572 518

25 753 475

Part des prises en charge intégrales dans l'ensemble des remboursements

54,8 %

55,8 %

56,1 %

57,0 %

Sources : Cnam, statistiques mensuelles, risques maladie, maternité et AT-MP

Conçu en 1945, ce dispositif avait pour objectif de permettre aux patients atteints d'une ALD d'accéder à des soins particulièrement coûteux. Ce n'est que plus tard qu'un volet médical a été adjoint à ce dispositif qui, depuis 2004, prévoit l'intervention du médecin traitant.

La consommation de soins d'un assuré en ALD est sept fois supérieure à celle des autres assurés. Au cours des dix dernières années, le nombre de patients admis en ALD a progressé de 5 % par an et ils sont aujourd'hui près de huit millions . Selon les statistiques fournies par la Cnam, leur prise en charge absorbait 56 % des dépenses d'assurance maladie en 2006 ; à législation constante, elle devrait représenter 70 % des dépenses en 2015. Cette augmentation des dépenses résulte plus de la progression des effectifs que de l'accroissement du coût moyen de leurs soins.

Cette augmentation régulière du nombre d'assurés exonérés de ticket modérateur accroît mécaniquement la part des dépenses de santé prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale.

Tableau récapitulatif des exonérations

Dispositifs

1 euro

18 euros

Forfait journalier à l'hôpital

Ticket modérateur à l'hôpital

Parcours
de soins

Franchises*

Les bénéficiaires de la CMU-c

exonérés

exonérés

exonérés

Les femmes enceintes à compter du sixième mois de grossesse

exonérées

exonérées

exonérées

exonérées

exonérées

Patients en ALD

exonérés

exonérés

AT - MP

exonérés

exonérés

exonérés

Titulaire d'une pension d'invalidité

exonérés

Article L. 115 du code des pensions militaires

exonérés

Les mineurs de 0 à 1 mois hospitalisés

exonérés

exonérés

exonérés

exonérés

exonérés

exonérés

Les mineurs de 0 à 16 ans

exonérés

exonérés

exonérés

Les mineurs de plus de 16 ans

exonérés

exonérés

Mineurs allocataires éducation spéciale

exonérés

exonérés

exonérés

Les assurés de droit commun

- dont assurés de droit commun
de durée d'hospitalisation  à 30 jours

exonérés

exonérés

- dont assurés de droit commun
exonérés au titre du K50

exonérés

* Sous réserve de l'adoption définitive des dispositions de la LFSS pour 2008

Source : Hcaam, rapport annuel 2007

Le niveau élevé de dépenses prises en charge par l'assurance maladie doit donc être analysé plus finement en fonction de la situation de chaque assuré. Le taux de protection offert aux patients en ALD est très supérieur à celui dont bénéficient les assurés souffrant de pathologies bénignes.

2. Un dispositif devenu opaque

L'objet du ticket modérateur est de responsabiliser le patient en lui faisant prendre conscience du prix de sa santé. Cet objectif n'est que partiellement atteint : en effet, la mise en place de la procédure du tiers payant, notamment dans les pharmacies d'officine, et la part des dépenses prise en charge par les assureurs complémentaires faussent la perception de l'assuré sur le niveau d'intervention de son régime obligatoire.

La juxtaposition des dispositifs de ticket modérateur suivant les catégories de soins (consultations médicales, médicaments, hospitalisation), ou suivant le statut de l'assuré renforce la complexité du système.

a) Une grande diversité de situations possibles

Pour connaître le montant de leur participation aux dépenses de santé, les assurés doivent se repérer dans le maquis des dispositifs de ticket modérateur et des régimes d'exonérations qui les accompagnent

En principe, le ticket modérateur est fixé au prorata du coût de la prestation de soins. Toutefois, les assurés peuvent bénéficier, suivant leur situation, d'une exonération totale ou partielle de ticket modérateur.

Par ailleurs, la proportion des dépenses prises en charge varie suivant la nature des soins. C'est ainsi que la participation de l'assuré aux dépenses hospitalières obéit à des règles propres : le taux du ticket modérateur est fixé à 20 %, mais l'assuré doit également régler un forfait journalier dont le montant est passé entre 2004 et 2007 de 13 à 16 euros, ainsi qu'une franchise de 18 euros applicable à certains actes.

En outre, depuis la loi du 13 août 2004 et du dispositif du médecin traitant, la participation des assurés peut également varier en fonction du respect du parcours de soins . Celui-ci a reçu un accueil plutôt favorable de la part des assurés dont l'immense majorité (85 %) a désigné un médecin traitant. La justification de cette mesure était de favoriser la coordination des soins ; en conséquence, des contraintes financières ont été mises en place pour inciter les assurés à respecter les règles du parcours de soins, soit pour consulter un médecin de premier recours, soit pour accéder à un spécialiste.

Cette pénalisation prend la forme d'un moindre remboursement des consultations effectuées hors parcours de soins. Initialement, deux décrets du 3 novembre 2005 ont précisé les modalités de cette pénalisation : majoration de la participation fixée entre 7,5 % et 12,5 % ; plafonnement de l'augmentation de ce ticket modérateur qui ne peut dépasser 2,5 euros par acte.

Dans le cadre du plan d'économies élaboré au mois de juillet 2007 en raison du dépassement de l'Ondam pour 2007, la pénalisation pour non-respect du parcours de soins a été aggravée. Elle s'élève dorénavant à 20 % du montant de la consultation. Cette mesure devrait se traduire par une majoration de la participation des assurés, évaluée à 150 millions d'euros par an.

Depuis la réforme de 2004, les assurés doivent régler une participation supplémentaire : le forfait « un euro », perçu lors de chaque consultation médicale ou acte de biologie, et plafonné à 50 euros par an. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose de mettre en place un dispositif de participation comparable pour les médicaments, les consultations paramédicales et les transports sanitaires.

b) Des restes à charge de plus en plus élevés

La multiplication des dispositifs de ticket modérateur, quelle que soit leur forme, a créé des brèches dans la protection offerte aux assurés.

Selon le Hcaam, le reste à charge est croissant avec l'âge. Il s'établit en moyenne à 145 euros entre zéro et quatre ans, à 107 euros entre vingt et vingt-cinq ans, à 296 euros entre soixante et soixante-quatre ans et à 369 euros à quatre-vingt-cinq ans et plus. 2 ( * )

En moyenne, chaque assuré supporte un ticket modérateur de 260 euros par an , mais tous ces calculs sont établis sur la base des tarifs opposables (ceux qui servent de base au remboursement des soins par la régime obligatoire d'assurance maladie) et ne tiennent pas compte des dépassements pratiqués par les médecins, dans les secteurs de l'optique et dentaire. La prise en compte de ces dépassements amène le reste à charge moyen à 410 euros.

Mais, 16 % des assurés bénéficiant d'une exonération de ticket modérateur et 9 % des assurés hors ALD ont un reste à charge supérieur à 500 euros par an.

Par ailleurs, une hospitalisation de longue durée peut entraîner un reste à charge très élevé, et environ 10 % des assurés hospitalisés ont du régler, à ce titre, des sommes supérieures de 1000 euros.

Comme le soulignent Bertrand Fragonard et Raoul Briet dans le rapport consacré aux modalités de mise en oeuvre du bouclier sanitaire : « le jugement négatif qui peut être porté sur les règles actuelles de participation financière est sans appel. Le dispositif qui juxtapose ticket modérateur de 20 %, ticket modérateur de 18 euros sur les actes importants et forfait journalier de 16 euros, le tout assorti de règles d'exonération ou de non-cumul, manque totalement de lisibilité et d'équité. Il pénalise relativement les séjours en psychiatrie et en médecine et les tarifs sur lesquels sont assis les tickets modérateurs à l'hôpital public n'entretiennent qu'un rapport très lointain avec la réalité des coûts exposés. D'un rendement global faible, ce système s'avère en outre lourd en gestion . »

B. UNE REFONTE NÉCESSAIRE

Les défauts du dispositif sont connus des autorités sanitaires . De manière générale, ils sont considérés comme mineurs car ne frappant qu'une partie infime de la population. Par ailleurs, l'intervention des assureurs complémentaires permet de limiter les effets du reste à charge sur les ménages.

Depuis la loi du juillet 1999 instaurant une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), ce recours à un contrat complémentaire peut même être considéré comme un mode normal de couverture dont doivent bénéficier tous les assurés.

Au cours des dernières années, cette voie a constitué la seule réponse apportée par les pouvoirs publics à l'augmentation des restes à charge supportés par les assurés. Elle n'offre pourtant pas une protection équivalente à celle mise en oeuvre en Belgique ou en République fédérale d'Allemagne, systèmes dans lesquels la participation des assurés à leurs propres dépenses de santé est plafonnée.

1. L'articulation des interventions du régime obligatoire et des assureurs complémentaires

La loi du 13 août 2004 a souhaité approfondir la possibilité offerte aux assurés de recourir à un assureur complémentaire en créant un dispositif réservé aux ménages à revenus modestes.

a) La mise en place des contrats responsables

Les contrats responsables s'inscrivent dans une démarche de gestion du risque que les pouvoirs publics ont souhaité promouvoir dans le cadre de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Ils visent ainsi à favoriser une meilleure prise en charge globale de tous les Français, à les inciter à respecter le parcours de soins et à optimiser les dépenses de santé.

En contrepartie, les contrats responsables bénéficient d'exonérations fiscales . Cette méthode avait déjà été mise en oeuvre en 2002 avec la création des « contrats solidaires ». Rappelons qu'un contrat est qualifié de solidaire lorsque le bénéficiaire n'est pas soumis à un questionnaire médical et lorsque les cotisations ne sont pas fixées en fonction de son état de santé. En contrepartie, ces contrats spécifiques bénéficient d'une exonération de la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) de 7 %.

Ces incitations s'adressent directement aux assureurs complémentaires. Pour bénéficier de l'appellation de « contrat responsable » et des aides afférentes, les contrats doivent respecter le cahier des charges fixé par la loi , et complété par un décret du 30 septembre 2005, pris après avis de l'Uncam et de l'Unocam.

Cette politique d'incitation fiscale poursuit deux objectifs. Tout d'abord assurer une meilleure articulation des interventions entre le régime obligatoire de sécurité sociale et les assureurs complémentaires grâce à la définition d'un cahier des charges. Ensuite, abaisser le coût des contrats « santé » commercialisés par les assureurs afin de faciliter leur acquisition par l'ensemble des ménages.

L'objectif est de permettre à chaque assuré de bénéficier, dans le cadre de sa protection contre le risque maladie, de l'intervention du régime obligatoire, puis des régimes complémentaires afin d'optimiser la prise en charge de ses dépenses de santé.

b) L'aide à l'acquisition d'une complémentaire

Un premier dispositif « d'aide à la mutualisation » avait été mis en place en mars 2002, par avenant à la convention d'objectifs et de gestion (Cog) conclue entre l'Etat et la Cnam, pour aider les assurés dont les ressources n'excédaient pas de plus de 12,7 % le plafond de ressources de la CMU-c, à souscrire des contrats de couverture complémentaire santé.

Il a été appliqué par la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) et la caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes (Canam). Cette dernière avait déjà développé de sa propre initiative, et ce dès 2000, un dispositif d'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire destiné à atténuer l'effet de seuil de la CMU.

Les contrats éligibles à l'aide garantissaient un panier de biens identique à celui de la CMU : prise en charge du ticket modérateur, du forfait hospitalier journalier et des dépassements prévus en matière optique, dentaire et de correction auditive dans les limites prévues par les arrêtés CMU du 31 décembre 1999. En outre, les titulaires bénéficiaient d'une dispense d'avance de frais.

L'article 56 de la loi du 13 août 2004 a créé une nouvelle aide à l'acquisition d'une assurance maladie complémentaire pour les ménages dont les revenus se situent entre le plafond ouvrant le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et ce plafond majoré de 20 %.

Ce dispositif se substitue à l'aide à la mutualisation. Il prend la forme d'une aide financière réservée à la souscription de contrats à adhésion individuelle, conformes au cahier des charges des contrats responsables. Il est accordé sous conditions de ressources et son montant est variable selon l'âge des bénéficiaires.

Novateur, ce dispositif a pour objectif de réduire le nombre de ménages ne bénéficiant pas d'une couverture santé complémentaire (environ 8% de la population, mais 14% des personnes âgées de 80 ans et plus). En effet, la protection accordée par les contrats complémentaires réduit le montant des dépenses de santé restant à la charge des assurés et favorise ainsi l'accès aux soins.

Mais, trois ans après sa création, ce dispositif se révèle relativement décevant puisque si le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 2,7 millions de personnes, le nombre d'allocataires devrait s'élever à 300 000 à la fin 2007.

2. Le bouclier sanitaire : une réforme radicale des modalités de prise en charge

En juillet dernier, Raoul Briet, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), et Bertrand Fragonard, président du Hcaam, ont été chargés d'un rapport sur les conditions de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire. 3 ( * )

Cette mission s'inscrit dans une réflexion plus large qui englobe, d'une part, le débat sur la création de nouvelles franchises dans le domaine de l'assurance maladie, et, d'autre part, les conditions de prise en charge des personnes souffrant d'une maladie chronique ou d'une ALS.

a) Le périmètre du bouclier sanitaire

Ce mécanisme a pour objet de garantir aux assurés qu'au-delà d'un certain seuil, leur participation à leurs propres dépenses de santé serait intégralement prise en charge par l'assurance maladie ; la protection dont bénéficieraient les personnes malades serait ainsi assurée conformément à ce que signifie l'expression « bouclier sanitaire ».

L'objectif principal du bouclier sanitaire est d'apporter une protection supplémentaire aux personnes, environ 8 % de la population, qui ne sont pas couvertes par une assurance complémentaire.

Cette protection s'appliquerait aux dépenses prises en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie. La grande faiblesse du dispositif proposé est sa méconnaissance des dépenses supportées par les assurés, notamment celles liées à la pratique des dépassements tarifaires. Or selon l'Igas, les dépassements tarifaires pratiqués par les médecins s'élèvent à 2,5 milliards d'euros en 2006, ce qui représente une participation supplémentaire des assurés évaluée à 140 euros. Il ne s'agit là que des dépassements pratiqués dans le secteur médical, donc sans tenir compte des dépassements réglés pour les soins optiques ou dentaires.

Le recours à cette solution aurait des effets radicaux sur le système actuel de prise en charge des patients en ALD. Ce dispositif d'exonération du ticket modérateur pour les soins en rapport avec la pathologie n'aurait probablement plus lieu d'être. Par ailleurs, participations forfaitaires, franchises, tickets modérateurs, taux de remboursement modulés et exonérations seraient contenus dans la limite du plafond des dépenses demeurant à la charge des assurés.

b) Un bouleversement des modes de prises en charge

Le déploiement d'un bouclier sanitaire ne sera pas sans conséquence sur la pérennité des modes de prises en charge existant. Le rapport suggère trois scénarios :

- un premier bouclier « soins de ville », sans conditions de ressources. Pour être neutre financièrement, le plafond des dépenses demeurant à la charge des assurés devrait être fixé à 800 euros par an (ville et hôpital) ce qui correspond à environ 5 % du revenu moyen des Français. En Allemagne le plafond de dépenses restant à la charge des assurés est fixé à 2 % de leurs revenus, et même à 1 % pour les patients atteints de pathologies lourdes. Même en modulant le niveau à partir duquel le bouclier offre sa protection (les auteurs évoquent six hypothèses entre 400 et 900 euros), la situation de la majorité des assurés demeure inchangé, mais une nette amélioration peut être constatée sur certains ménages disposant de revenus modestes ;

- une deuxième évolution pourrait consister en la création de deux tickets modérateur, l'un à taux réduit pour les patients souffrant d'une ALD, l'autre de droit commun pour tous les autres assurés ;

- le troisième projet propose un bouclier modulé selon les revenus. Il s'agit du scénario privilégié par le rapport, qui permet une nette amélioration pour plus de 30 % des patients souffrant d'une ALD et pour les assurées dont le revenu est inférieur au seuil de la CMU-c.

Le dispositif constituerait une véritable révolution puisqu'aujourd'hui la prise en charge des dépenses d'assurance maladie n'est liée à aucune condition de ressources.

L'instauration d'un tel dispositif supposerait que l'assurance maladie soit en mesure : d'établir des indicateurs de suivi du reste à charge de chaque assuré, de gérer en temps réel l'évolution de chaque dossier afin de garantir le bénéfice de la couverture dès le dépassement du plafond et d'intégrer, dans les systèmes d'information les éléments relatifs aux revenus des assurés.

Compte tenu des difficultés techniques inhérentes à ce projet, le rapport considère que ce bouclier sanitaire ne pourrait être mis en oeuvre avant le 1 er janvier 2010.

II. SOINS DE VILLE : MODERNISER L'ORGANISATION DE L'OFFRE DE SOINS

La modernisation de l'organisation de l'offre de soins constitue une question centrale pour les années à venir.

Cette thématique structure l'ensemble du système sanitaire : elle concerne aussi bien les questions de répartition de l'offre de soins sur le territoire que les questions liées à la qualité et à la coordination de la prise en charge des patients ou l'optimisation des dépenses. Elle concerne le secteur hospitalier comme le secteur ambulatoire.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 trace les premiers contours de cette modernisation dans le domaine des soins de ville. Il prévoit à cet effet de nouveaux outils de régulation des dépenses, propose l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des particiens et s'attache à promouvoir une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire.

A. RELEVER LES DÉFIS POSÉS PAR LA CRISE DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la crise de la démographie médicale est apparue soudainement. Ce n'est qu'au début des années quatre-vingt-dix que l'attention des pouvoirs publics a été attirée sur une possible pénurie de professionnels de santé et notamment de médecins. Longtemps, les autorités sanitaires ont considéré que la France comptait trop de médecins ; le nombre de places ouvertes aux étudiants en médecine ( numerus clausus en fin de première année) avait d'ailleurs fait l'objet de réductions drastiques pendant une dizaine d'années, entre 1983 et 1993.

La création de l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) en 2003, a marqué le début d'une politique volontariste destinée à limiter les effets d'une réduction prévisible du nombre de professionnels de santé en exercice . Mais il aura fallu attendre 2007 pour que ce thème fasse l'objet d'un débat public national.

1. Ne pas laisser la situation se dégrader

La situation démographique des professionnels de santé va se dégrader dans les années à venir, sous l'effet conjugué d'un accroissement de la demande de soins exprimé par une population vieillissante, d'une inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire et surtout d'une réduction du nombre de professionnels de santé en activité.

a) Un constat inquiétant

Les perspectives démographiques sont préoccupantes , notamment pour les médecins généralistes qui sont précisément les plus à même de prendre en charge les soins de premier recours et ceux à qui la réforme de l'assurance maladie de 2004 a confié un rôle central dans l'organisation du parcours de soins.

Selon les projections du ministère de la santé, ce n'est qu'à partir de 2016 que les fortes augmentations du nombre d'étudiants en médecine décidées depuis 2004 produiront leurs premiers effets et il faudra attendre 2025 pour que le nombre d'installation de médecins compense celui des cessations d'activités.

Entrées et sorties par année projetée

Source : ONDPS

Selon ces estimations, le nombre total de médecins en activité baisserait de 9,4 % entre 2006 et 2025, passant de 207 277 à 186 000. La densité médicale retrouverait en fait en 2025 le niveau enregistré au milieu des années quatre-vingt.

En outre, les travaux menés par l'ONDPS et les missions régionales de santé (MRS) ont fait apparaître l'existence d'écarts de densité médicale importants entre les différentes régions françaises . A titre d'exemple, on dénombre 419 médecins pour 100 000 habitants en Ile-de-France contre 259 en Picardie. Une étude menée sur les cinq professions les plus importantes sur le plan numérique (chirurgiens-dentistes, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, médecins, pharmaciens) place les régions Picardie, Champagne-Ardenne, Haute et Basse-Normandie parmi les moins bien pourvues.

Or, selon toute probabilité, la baisse du nombre de professionnels de santé en activité va se traduire par un creusement de ces disparités, notamment en zone rurale ou dans les quartiers sensibles des périphéries urbaines.

b) Des premières réponses fondées sur l'incitation

Depuis 2005, les pouvoirs publics ont privilégié le recours à des mécanismes d'incitation financière pour favoriser l'installation ou le maintien des médecins dans les zones sous-médicalisées déterminées par les missions régionales de santé.

Ces mesures bénéficient du dynamisme des collectivités territoriales chargées de les mettre en oeuvre . Plusieurs régions et départements proposent des bourses aux étudiants en médecine, soit pour favoriser les stages dans les zones sous-médicalisées (région Bourgogne), soit en contrepartie d'une installation future dans une zone sous-médicalisée une fois les études achevées (départements de l'Allier ou de la Manche).

Les collectivités territoriales encouragent également la création de cabinets médicaux en versant des aides à l'installation et au fonctionnement. Ces contributions consistent la plupart du temps en une prise en charge totale ou partielle des dépenses immobilières afférentes à l'installation des professionnels de santé.

L'assurance maladie accorde également des aides à l'installation par l'intermédiaire du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins de ville (Fiqcs).

En Lorraine, l'union régionale des caisses d'assurance maladie et le conseil régional ont signé une convention pour coordonner leurs actions en faveur de l'installation des médecins dans les zones sous-médicalisées.

Enfin, en fonction du lieu d'installation et pour une durée limitée, les professionnels de santé libéraux peuvent bénéficier d'exonérations au titre de l'impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle.

Ces dispositifs d'incitation sont relativement récents, puisqu'institués en vertu de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux qui autorise les collectivités territoriales à intervenir. Qui plus est, leur complexité justifierait la conduite d'une politique de communication plus complète en direction des étudiants et des jeunes médecins. Or aujourd'hui, cette politique est défaillante, ce qui réduit l'efficacité de ces mesures incitatives.

2. La recherche de nouvelles solutions

De nombreuses institutions (académie de médecine, conférence nationale de santé, Cour des comptes, Hcaam) ont estimé que cette politique de « moindre contrainte » était insuffisante face à l'ampleur des défis à relever.

Ce débat a pris une ampleur nouvelle lorsque le Président de la République déclaré, dans une intervention du 18 septembre 2008 4 ( * ) , qu' « en matière de démographie médicale, il faut au minimum s'inspirer des négociations entre l'assurance maladie et les infirmières ».

a) L'exemple de la convention infirmière

Les accords (une convention et un protocole) signés le 22 juin 2007 entre l'assurance maladie et les infirmiers libéraux présentent un double intérêt :

- d'abord, ils proposent de développer la délégation de tâches des médecins vers les infirmières, notamment dans le domaine de la vaccination. Cette mesure fait d'ailleurs l'objet d'un article dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. La délégation de tâches favorise une meilleure répartition des rôles entre professionnels de santé, libère du temps médical et permet aux médecins de se consacrer aux actes les plus complexes ;

- ensuite, le protocole prévoit la possibilité de moduler les règles de conventionnement afin de favoriser un rééquilibrage de la démographie des infirmiers libéraux en fonction des besoins exprimés par les régions.

L'entrée en vigueur de cette mesure nécessitait une modification législative , car les partenaires conventionnels ne disposaient pas en l'état du droit de déterminer les conditions et les modalités du conventionnement.

Le Gouvernement a souhaité accéder à cette demande en introduisant deux articles spécifiques dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Cette mesure permettra à l'ensemble des professionnels de santé d'engager la réflexion sur une régulation géographique de l'offre de soins. Les partenaires conventionnels sont chargés de définir les voies et moyens à employer pour limiter l'installation de nouveaux professionnels de santé dans les zones sur-dotées.

Ces propositions ont provoqué, en septembre dernier, une grève des étudiants et internes en médecine qui se sont déclarés opposés à une révision des critères d'installation des praticiens libéraux en zone sur-dotée, selon le modèle prévu par la protocole infirmier. C'est dans ce contexte que l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a débuté à l'Assemblée nationale.

b) L'organisation des Etats généraux la santé

Ce conflit ne s'est dénoué que le 29 octobre, par la conclusion d'un accord signé par le ministère de la santé et les organisations les plus représentatives des étudiants en médecine et des jeunes.

Ce protocole fixe le cadre de la concertation sur les conditions d'installations et d'exercice des professionnels de santé.

En janvier 2008, des Etats généraux de la santé regrouperont l'ensemble des parties : professionnels de santé, représentants de patients, associations d'élus locaux. Ils seront organisés sous l'autorité du professeur Yvon Berland, président de l'observatoire national de la démographie des professions de santé, et d'Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'offre de soins au ministère de la santé

Le périmètre et les modalités d'organisation seront précisés prochainement, en concertation avec les syndicats professionnels.

Le protocole précise que les Etats généraux doivent servir de cadre à une réflexion globale sur l'évolution de l'organisation de l'offre de soins et de l'implantation des médecins sur le territoire. Dans ce cadre seront abordés de nombreux sujets liés, tels que la formation initiale, les conditions d'installation et d'exercice ou les modes de rémunération.

Les conclusions des Etats généraux seront ensuite « transmises par la ministre à l'Uncam, à titre de cadrage pour les négociations conventionnelles nécessaires ».

B. DÉVELOPPER DE NOUVEAUX MODES D'ORGANISATION

La crise de la démographie médicale pose un problème d'organisation de l'offre de soins et ses effets seront plus ou moins ressentis en fonction des évolutions que connaîtront les modalités d'exercice professionnel et la répartition des compétences entre les différentes professions de santé.

En effet, comme le souligne la Cour des comptes, « les besoins en médecins, et donc leur nombre, sont largement dépendants des missions qu'ils remplissent et de l'organisation du système dans lesquels ils exercent. 5 ( * ) »

Les pouvoirs publics doivent donc s'attacher à développer de nouveaux modes d'organisation qui prennent en compte les aspirations exprimées par les professionnels et répondent aux besoins de santé exprimés par une population vieillissante.

1. Expérimenter de nouvelles formes d'exercice et de rémunération

En France, l'exercice médical reste encore majoritairement organisé sur un mode individuel. Ce modèle ne semble plus correspondre aux aspirations des jeunes médecins en termes de qualité de vie et de mode d'exercice professionnel.

a) L'exercice regroupé

Initialement, les regroupements professionnels les plus importants se constataient dans les disciplines s'exerçant sur les plateaux techniques les plus importants. On constate désormais que l'exercice regroupé se pratique entre médecins et autres professionnels de santé, notamment les infirmières et les masseurs-kinésithérapeutes.

L'exercice regroupé est considéré comme un moyen de libérer les médecins des tâches administratives grâce à la mise en commun des moyens nécessaires à l'activité professionnelle. Il permet également aux professionnels de santé de confronter leurs pratiques professionnelles. Il facilite l'organisation du travail et répond ainsi aux aspirations exprimées par les jeunes professionnels de santé en matière de qualité de vie.

Le Gouvernement a souhaité favoriser le développement de l'exercice regroupé. Des aides financières spécifiques peuvent être accordées par l'intermédiaire du fonds d'intervention pour la qualité des soins de ville (Fiqcs), géré par les unions régionales des caisses d'assurance maladie.

Pour ces motifs, la commission a préconisé la promotion d'un nouveau type d'organisation des soins : les maisons de santé pluridisciplinaires 6 ( * ) . Ce mode d'exercice regroupé se développe depuis plusieurs années à l'initiative des médecins, le plus souvent avec le soutien des collectivités territoriales et de l'assurance maladie. Il s'agit de structures rassemblant des médecins, des professions paramédicales et, parfois, des services sociaux ou d'aide à domicile.

Ces structures peuvent constituer une réponse à la crise de la démographie médicale, car l'exercice collectif permet d'attirer plus facilement les professionnels de santé dans les zones fragiles ou sous-médicalisées, car la présence de plusieurs métiers permet d'organiser une délégation des tâches, notamment entre les médecins et les auxiliaires médicaux, dans le respect de la législation en vigueur. Elles peuvent également constituer un outil de promotion de la qualité des soins. La commission a donc proposé la création d'un label « maison de santé » afin d'organiser l'attribution d'aides financières à ces structures et de promouvoir leur participation à des actions de santé publique et d'éducation thérapeutique.

b) De nouvelles modalités de rémunération

A travers les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, la question des modalités de rémunération des médecins prend une nouvelle dimension sans remettre en cause le paiement à l'acte dont le principe est garanti par l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale.

Toutefois, la nécessité de développer de nouvelles modalités de rémunération s'impose progressivement . La convention organisant les rapports entre l'assurance maladie et les professionnels prévoit une première dérogation au principe du paiement à l'acte en accompagnant la prise en de chaque patient souffrant d'une ALD par un médecin traitant du versement d'une rémunération de 40 euros. Cette disposition s'inscrit clairement dans un souci d'améliorer la coordination et la qualité des soins.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose de franchir une nouvelle étape. Des contrats individuels seront proposés aux médecins qui souhaitent s'engager sur des objectifs individualisés d'amélioration de leurs pratiques professionnelles. Ces contrats pourront prévoir des objectifs en matière de prescription, d'amélioration de la continuité des soins ou de développement des actions de prévention et de santé publique. Les médecins recevront une contrepartie financière lorsque les objectifs prévus dans le contrat seront atteints.

Dans le même temps, les missions régionales de santé pourront mener une expérimentation portant sur de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé.

2. Optimiser la maîtrise médicalisée

La mise en oeuvre d'une nouvelle organisation de l'offre de soins nécessite également de renforcer et de stabiliser la méthode de régulation des dépenses qui constitue le socle à la loi du 13 août 2004, c'est-à-dire la maîtrise médicalisée des dépenses.

Celui-ci se développe par l'intermédiaire des accords conventionnels conclus entre l'assurance maladie et les professionnels de santé et comporte également un important volet de lutte contre les abus et les fraudes.

a) La création de stabilisateurs automatiques

Les conventions conclues entre l'assurance maladie et les professionnels de santé comportent à la fois des engagements de maîtrise médicalisée et des accords sur des revalorisations tarifaires. La convention organisant les rapports entre l'assurance maladie et les médecins libéraux illustre parfaitement le rôle des partenaires conventionnels.

Or, après trois ans de fonctionnement, il apparaît que la maîtrise médicalisée conventionnelle ne remplit pas ses objectifs.

Taux d'atteinte des objectifs conventionnels d'économies tous régimes
estimé par la Cnam pour l'année 2007

Année

Objectifs 2005 (1)

Réalisations 2005 (1)

% atteinte des objectifs

Objectifs 2006 (1)

Réalisations 2006 (1)

% atteinte des objectifs

Objectifs 2007 (1)

Objectifs 2008

Antibiotiques

91

35

38 %

63

46

73 %

40

40

Statines

161

122

76 %

93

135

145 %

95

50

IPP

-

28

12

46 %

76

Psychotropes

33

11

33 %

13

20

153 %

13

13

Arrêts de travail (IJ)

150

432

288 %

190

262

138 %

80

81

ALD (prof. santé libéraux)

340

88

26 %

292

80

27 %

146

170

ALD (établissements)

115

-

-

-

-

-

Médicaments génériques

55

33

60 %

25

25

100 %

20

30

AcBUS

53

0

0 %

59

-

0 %

49

54

Transport

-

-

-

38

0

0 %

30

29

IEC-sartans

-

-

-

28

12

-

20

-

Actes

-

-

-

-

-

-

80

30

Dispositifs médicaux

-

-

-

-

-

-

30

12

Anti-hypertenseurs

-

-

-

-

-

-

20

50

Total

998

721

72 %

791

581

73 %

623

635

(1) en millions d'euros Source : Cnam

Les partenaires conventionnels ont réévalué le niveau de leurs engagements afin de s'assurer de la soutenabilité des objectifs retenus. Ces accords constituent des éléments essentiels dans la construction de l'Ondam et plus particulièrement de son sous-objectif soins de ville. Pour 2008, les 635 millions d'économies attendus de la maîtrise médicalisée conventionnelle représentent plus de 30 % des 2 025 millions d'euros d'économies attendus pour assurer l'équilibre financier de la branche assurance maladie.

En contrepartie de ces efforts de maîtrise médicalisée, les médecins ont bénéficié d'une revalorisation de leurs tarifs de consultation. Le tarif des médecins généralistes est ainsi passé de 20 à 21 euros en août 2006, puis à 22 euros en juillet 2007.

Cette dernière revalorisation est intervenue alors que le comité d'alerte avait signalé au Parlement et au Gouvernement un dépassement de l'Ondam 2007 supérieur à 2 milliards d'euros.

Lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin, la ministre chargée de la santé a alors souhaité qu'un lien plus étroit soit établi entre le respect des objectifs de la maîtrise médicalisée conventionnelle, l'exécution de l'Ondam et les revalorisations de tarifs de consultation accordées aux médecins. Il était effectivement paradoxal que cette revalorisation puisse intervenir alors que les objectifs conventionnels n'étaient pas complètements atteints. La situation était d'autant plus singulière que la revalorisation était intervenue au moment où, en réponse au déclenchement de la procédure d'alerte, le Gouvernement venait d'arrêter un plan d'économies d'un montant de 1,255 milliards d'euros.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose donc d'encadrer l'entrée en vigueur des revalorisations tarifaires . Dorénavant, celles-ci ne pourront entrer en vigueur qu'à l'expiration d'un délai de six mois suivant l'approbation de la convention par le ministre. Cette période d'observation doit permettre de vérifier le respect des engagements de maîtrise médicalisée conclus par les partenaires conventionnels.

Par ailleurs, en cas de déclenchement de la procédure d'alerte, l'entrée en vigueur de toute nouvelle mesure conventionnelle ayant pour effet une revalorisation des tarifs sera reportée au 1er janvier suivant , sauf si un avenant fixe un nouveau calendrier de mise en oeuvre de ces revalorisations compatible avec les mesures de redressement adoptées par le Gouvernement sur proposition des caisses nationales d'assurance maladie. Cette mesure permet de concilier le respect des compétences reconnues aux partenaires conventionnels et l'exigence de maîtrise médicalisée des dépenses. Elle établit un lien plus étroit entre le respect des objectifs fixés dans le cadre de la maîtrise médicalisée conventionnelle et les revalorisations de tarifs de consultations accordées aux professionnels de santé.

b) Un contrôle accru des dépenses

La loi du 13 août 2004 a placé la lutte contre les abus et les fraudes parmi les objectifs prioritaires de l'assurance maladie. L'exemple du contrôle des indemnités journalières illustre les liens entre la maîtrise médicalisée conventionnelle et cette politique de contrôle accru des dépenses.

Le volume des indemnités journalières pris en charge par l'assurance maladie a connu une hausse importante entre 2000 et 2003 imputable aux arrêts de longue durée et aux accidents du travail. Après avoir progressé de 6,3 % en 2003, leur taux d'évolution s'est inversé les années suivantes à la suite de la mise en place d'une politique de contrôle renforcée.

Cette politique s'est mise en place autour de deux axes : des objectifs de maîtrise médicalisée conventionnelle (qui ont été largement atteints) et un renforcement des contrôles effectués par le service médical de l'assurance maladie. Pour faciliter les contrôles, l'article L. 162-1-15 du code de la sécurité sociale instaure une procédure administrative, l'accord préalable, qui permet de procéder à la vérification de toutes les prescriptions d'arrêts de travail délivrées par un médecin. Les médecins qui sont mis sous accord préalable sont ceux qui prescrivent quatre fois plus que leurs confrères . A titre d'exemple, les médecins généralistes prescrivent en moyenne 2 200 indemnités journalières par an, mais certains gros prescripteurs en prescrivent plus de 10 000. Au cours des deux dernières années, 180 médecins généralistes (sur 54 000) ont été placés sous accord préalable. Malgré le petit nombre de médecins concerné, cette procédure a permis à l'assurance maladie de réaliser une économie de 35 millions d'euros.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose d'étendre ce dispositif à tous les actes et prescriptions .

Une attention particulière est également apportée aux transports sanitaires . Il s'agit d'un poste de dépenses particulièrement dynamique au cours des dernières années (9 % d'augmentation pour les seuls sept premiers mois de l'année 2007). Ces dépenses, dont le montant s'élève à plus de 2 milliards d'euros chaque année, feront l'objet d'un encadrement renforcé : elles pourront désormais être soumises à un accord préalable du service médical de la Cnam ; une expérimentation sur les modalités de prise en charge des dépenses de transports prescrites à l'hôpital sera engagée.

Ces deux postes représentent environ 15 % des dépenses de soins de ville ; l'amélioration des dispositifs de régulation constitue donc un enjeu majeur pour la maîtrise des dépenses d'assurance maladie.

III. HOPITAL : POURSUIVRE LES RÉFORMES

La précédente législature a développé une politique ambitieuse dans le secteur hospitalier. Rassemblées au sein du plan hôpital 2007, trois réformes de grande ampleur ont permis de dynamiser l'investissement hospitalier, de modifier les modalités de financement des établissements publics et privés et d'instaurer de nouveaux modes de gouvernance des établissements.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 prolonge les actions engagées dans ce cadre.

Parallèlement, le Président de la République, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, a installé plusieurs commissions ou groupes de travail chargés de réfléchir aux missions de l'hôpital et à la création d'agences régionales de santé.

A. UN PREMIER BILAN DE LA MISE EN oeUVRE DE LA T2A

La mise en oeuvre de nouvelles modalités de financement, fondées sur l'activité des établissements de santé publics et privés, constitue la réforme la plus importante menée dans ce secteur au cours des dernières années.

Compte tenu de son ampleur et de sa complexité, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a prévu que la montée en charge de la tarification à l'activité (T2A) se poursuivrait tout au long d'une période transitoire de huit ans (2004-2012).

Cette période transitoire concerne en priorité les établissements publics puisque, pour des raisons techniques liées à leur mode de financement antérieur, les établissements privés sont intégralement financés par la T2A depuis le 1 er mars 2005.

Il est aujourd'hui possible d'établir un premier bilan de la mise en oeuvre de cette réforme.

1. La poursuite de la montée en charge de la réforme

Durant cette période transitoire dont les différentes étapes sont fixées par l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, le budget des établissements de santé publics et privés participant au service public hospitalier, c'est-à-dire les établissements antérieurement financés par l'intermédiaire de la dotation, est progressivement calculé en fonction de leur activité.

a) Le passage à 100 % dans les établissements publics

Depuis le 1 er janvier 2004, les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) des établissements publics sont financées par la T2A qui comporte trois modalités distinctes : des tarifs de séjour, une dotation annuelle complémentaire (Dac) et une dotation versée pour la prise en charge des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac).

Les tarifs de séjour et la Dac sont destinés à rémunérer les activités MCO des établissements de santé. Fixée à 10 % en 2004, la fraction des activités financée par la T2A a été portée à 25 % en 2005 puis 35 % en 2006 avant d'atteindre 50 % en 2007. Durant cette période transitoire, la Dac a complété le financement des établissements, son montant se réduisant au fur et à mesure de l'augmentation du « taux de T2A » retenu pour financer les activités MCO.

Après quatre années de montée en charge régulière, le Gouvernement a décidé d'accélérer ce processus : à compter du 1 er janvier 2008, soit quatre ans avant la date prévue, les activités MCO des établissements publics seront intégralement financées par la T2A.

Toutefois, des coefficients de transition accompagneront cette montée en charge de la T2A afin que l'opération soit aussi neutre que possible pour les établissements publics. Ces coefficients doivent permettre d'organiser la convergence au sein du secteur public vers les tarifs moyens constatés dans le secteur. Ce processus est identique à celui mis en oeuvre pour les établissements privés dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Le choix de financer intégralement les établissements de santé publics par l'intermédiaire de la T2A dès 2008 est motivé par le souci de leur permettre de développer de nouvelles activités avec un financement clarifié.

Par ailleurs, l'application d'un taux de 100 % présente un double intérêt puisqu'elle permettra aux établissements de comparer plus facilement leurs coûts de fonctionnement avec les tarifs de référence et les obligera à s'interroger sur la formation de ces coûts.

Cette accélération de la mise en oeuvre de la réforme a été plutôt bien accueillie par les acteurs de l'hospitalisation publique qui souhaitent toutefois une revalorisation du financement des missions d'intérêt général et une stabilisation de la tarification des activités MCO afin de disposer d'une plus grande visibilité sur le déroulement de la réforme.

Cette demande est pertinente, et il serait logique que le ministère de la santé détermine une stratégie tarifaire pluriannuelle. Les directeurs d'établissements disposeraient d'une vision plus claire des objectifs et du déroulement de la réforme. C'est à ce prix que pourront être définies les conditions de leur responsabilisation.

b) De nombreuses difficultés techniques

Ce passage à un financement intégral avec quatre ans d'avance sur le calendrier prévu ne doit pas occulter l'existence de nombreuses difficultés techniques susceptibles de retarder certaines étapes de la réforme .

Deux difficultés peuvent être pressenties. La première est relative aux systèmes d'information hospitaliers (SIH).

Jusqu'à présent, les établissements perçoivent des dotations financières versées par les agences régionales d'hospitalisation. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 avait prévu que lors des deux premières années de la réforme (2004-2005), les données relatives à l'activité et les prestations facturables en sus (médicaments onéreux) transitaient toujours par les agences régionales d'hospitalisation qui les valorisent en fonction des tarifs fixés par le ministère et les notifient à la caisse pivot chargée du financement de l'établissement. Mais à compter de 2006, les établissements devaient adresser directement leurs factures aux organismes locaux d'assurance maladie.

En raison de l'impréparation des systèmes d'information, cette procédure a fait l'objet de reports successifs. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 la prolonge jusqu'au 31 décembre 2008. Compte tenu de l'importance stratégique des systèmes d'information dans l'organisation du système de santé, il importe que le Gouvernement s'assure de la mise à niveau rapide et de l'homogénéisation des systèmes installés dans les établissements de santé.


• La deuxième difficulté tient à la réforme du régime budgétaire et comptable des établissements . Cette réforme est caractérisée par le passage d'un budget limitatif, la dotation globale, à un état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) reposant sur des crédits évaluatifs. Les autorités de tutelle considèrent que cette réforme donnera une grande fiabilité aux comptes des établissements de santé publics.

Or, la Cour des comptes déplore dans son dernier rapport « la lente mise en place de la comptabilité analytique ». Depuis un décret du 31 juillet 1992, les établissements de santé sont tenus de mettre en place une comptabilité afin d'établir les coûts des différentes activités hospitalières. Un décret du 29 décembre 1997 précise que les établissements doivent procéder chaque année à un retraitement comptable afin de présenter une répartition analytique des charges entre les différentes branches d'activité de l'établissement (activités MCO, hospitalisation à domicile, soins de suite et de réadaptation, psychiatrie).

La Cour des comptes « constate en définitive que la comptabilité analytique hospitalière reste à un faible niveau de développement dans un très grand nombre d'établissements en dépit de ses aspects stratégiques . 7 ( * ) »

Cette situation est inquiétante pour la mise en place des EPRD, d'une part, et pour le bon déroulement de la réforme, d'autre part. Ces différents dispositifs revêtent une importance cruciale pour la connaissance des coûts hospitaliers, l'allocation des enveloppes budgétaires et la détermination des tarifs nationaux de la T2A.

En l'absence d'une comptabilité analytique précise, les établissements subissent la mise en oeuvre de la T2A. Cette situation est d'autant plus inacceptable qu'à compter du 1 er janvier 2008, les directeurs d'ARH seront chargés de mettre en oeuvre une convergence interne au secteur public et que, sans une connaissance claire et précise de leurs coûts, les établissements auront du mal à se situer précisément par rapport à l'objectif retenu par le ministère de la santé.

Le constat porté par la Cour des comptes sur la fiabilité de la comptabilité des établissements fragilise le processus de convergence entre les établissements publics et privés. Sans une connaissance fine des coûts de fonctionnement de ces deux catégories d'établissements, il sera difficile d'évaluer les écarts de coûts et de les réduire entre les tarifs publics et privés.

2. Les problèmes soulevés par la poursuite de la réforme

Une réforme aussi fondamentale que la T2A ne peut se mettre en place sans rencontrer des difficultés techniques ou quelques retards. C'est le cas dans tous les pays qui y ont eu recours et la France ne fait pas exception à la règle.

La montée en charge de la réforme doit également tenir compte du contexte économique et réglementaire dans lequel évoluent les établissements.

Or, jusqu'à présent, seules des aides à la contractualisation ont été proposées aux établissements qui rencontrent des difficultés financières afin de les aider à se restructurer et à retrouver leur équilibre financier. Aucune évolution du cadre juridique n'a été proposée.

a) Des établissements publics fragiles sur le plan financier

Les pouvoirs publics sont attentifs à ce que la réforme ne déstabilise pas les établissements publics. Or, leur situation financière semble s'être dégradée au cours des dernières années.

Dans son rapport de juin 2006, le conseil de l'hospitalisation indiquait que le report des charges entre les années 2004 et 2005 avait fait apparaître un solde négatif de 402 millions d'euros.

Les résultats d'une enquête menée par la fédération hospitalière de France (FHF) font apparaître un déficit cumulé proche de un milliard en 2006 et en 2007. Selon la FHF, ces déficits sont en partie pris en charge par des reprises sur réserve (dotation investissement), ce qui réduit d'autant la capacité des établissements à financer des projets d'investissement, par exemple dans le cadre du programme Hôpital 2012.

La situation des trente et un centres hospitaliers universitaires (CHU), dont les résultats financiers se dégradent chaque année un peu plus, confirme cette fragilité générale. Seuls sept établissements ont présenté des résultats excédentaires en 2006, ils ne devraient être que deux en 2007 et le déficit cumulé de ces établissements s'établirait à 400 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 20 milliards.

Selon les responsables hospitaliers, cette fragilité financière serait due à une insuffisance des financements prévus pour les établissements de santé, et notamment au fait que les sous-objectifs de l'Ondam soient sous-évalués.

En l'absence d'une comptabilité analytique suffisamment développée, il est difficile d'obtenir une image précise de la situation financière des établissements, mais on peut évoquer sans risque d'erreur le poids des dépenses de personnel dans leur budget. Ce poste absorbe près de 70 % des recettes perçues par les établissements.

La forte progression des charges pesant sur les établissements est effectivement liée à l'augmentation des traitements des agents de la fonction publique hospitalière et au poids des mesures catégorielles, notamment les protocoles « Jacob , des 25 janvier et 19 octobre 2006, en faveur des agents de catégorie C dont l'impact sur les comptes des établissements est évalué à 350 millions d'euros pour l'année 2007. Or, selon la FHF, les établissements de santé n'ont reçu que 170 millions d'euros pour faire face à cette charge supplémentaire. Elle souligne par ailleurs que ces dépenses supplémentaires purement statutaires n'ont pas de lien avec l'activité des établissements. Il y a donc un décalage entre les exigences d'efficience que la T2A impose aux établissements et les modes de gestion des personnels statutaires.

b) La nécessaire adaptation de l'hôpital public aux objectifs de la réforme

Pour corriger cette fragilité financière et pouvoir s'adapter aux contraintes posées par les nouvelles modalités de financement, les établissements publics doivent optimiser leur fonctionnement.

Les efforts doivent porter à la fois sur la réorganisation interne des structures et sur l'organisation territoriale de l'offre de soins.

Toutefois, comme le souligne le conseil de l'hospitalisation, les gains que l'on peut attendre de ces démarches ne sont pas suffisants, si l'on veut amplifier, notamment dans le cadre de la convergence interne au secteur public, les efforts d'économies et de productivité demandés aux établissements 8 ( * ) .

Pour maîtriser la progression des dépenses d'assurance maladie et restaurer l'équilibre financier des établissements, trois actions doivent impérativement être menées par les autorités de tutelle.


• Premièrement, soutenir l'effort de restructuration de l'offre hospitalière.
Les schémas régionaux d'organisation sanitaire (Sros) comportent des objectifs quantifiés qui doivent être respectés.

Les regroupements de plateaux techniques envisagés (environ 150) doivent être menés à bien. Certaines structures peuvent être reconverties vers d'autres activités afin de répondre à de nouveaux enjeux de santé publique (activités de soins de suite et de réadaptation, soins pour personnes âgées). Les outils juridiques indispensables existent ; le présent projet de loi aménage par ailleurs les modalités de coopération entre les établissements afin de favoriser une plus grande intégration.

Pour atteindre ces objectifs, il semble toutefois indispensable de mobiliser les agences régionales d'hospitalisation sur ces sujets ; des objectifs chiffrés pourraient leur être fixés.


• Deuxièmement, il convient de modifier les modalités de gestion des personnels hospitaliers.
Cette évolution comporte deux aspects :

- d'abord, faire preuve de vigilance sur l'impact financier de toute mesure salariale nouvelle sur l'Ondam hospitalier ;

- ensuite, doter les directeurs d'établissements des instruments juridiques nécessaires à une gestion active des ressources humaines. Par exemple en permettant, dans le cas d'une externalisation de certains services (restauration, blanchisserie), de leur permettre de mettre du personnel à la disposition des entreprises privées auxquelles est concédée cette exploitation.


• Troisièmement, les modalités juridiques qui encadrent la politique d'achat et d'investissement des établissements de santé publics doivent être assouplies.

Un consensus se dégage entre les membres du comité de l'hospitalisation et les représentants des directeurs d'hôpitaux sur la nécessité d'avancer rapidement dans ces directions.

B. DES CHANTIERS PARALLÈLES

Outre la T2A, les pouvoirs publics ont ouvert simultanément d'autres chantiers afin d'optimiser la place et le rôle des établissements de santé dans le système sanitaire.

1. La poursuite des investissements

L'objectif est de remettre les établissements de santé « à niveau », en termes d'immobilier, de systèmes d'information ou de normes de sécurité, après des années de sous-investissement. Au vu du bilan positif du plan Hôpital 2007, et constatant la nécessité de poursuivre des investissements importants dans certains secteurs, le Gouvernement a décidé de poursuivre sa politique d'aide en direction des établissements de santé.

a) Le bilan du plan Hôpital 2007

Lancé en 2003, le plan Hôpital 2007 comportait trois volets principaux : de nouvelles modalités de financement des établissements de santé, une nouvelle gouvernance hospitalière et un plan de relance de l'investissement hospitalier.

Ce dernier volet concernait les établissements aussi bien publics que privés. Son objectif était d'augmenter le niveau d'investissement de plus de 30 % sur la période.

Les aides apportées aux établissements s'élèvent au total à plus de 6 milliards d'euros, sous la forme de subventions en capital versées par le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), ou sous forme d'aides au fonctionnement destinées à couvrir les charges produites par le recours à l'emploi.

Le plan Hôpital 2007 a permis une relance massive de l'investissement hospitalier mais il n'a pas permis de combler tous les retards accumulés . Ainsi les bâtiments non conformes aux normes de sécurité ont été fortement réduits sans être totalement supprimés. Par ailleurs, le plan a accordé la priorité aux investissements hospitaliers, ce qui explique les retards pris dans le secteur clé des systèmes d'information qui ne représentent que 3 % des investissements réalisés dans le cadre de ce plan.

b) La mise en oeuvre du plan Hôpital 2012

L'objectif du plan Hôpital 2012 est de poursuivre la modernisation du secteur hospitalier, mais centrée cette fois sur l'efficience hospitalière .

Le niveau d'investissement visé par le plan est de 10 milliards d'euros sur cinq ans pour la période 2008 à 2012. Ils seront financés pour moitié par des aides directes de l'assurance maladie. Le solde bénéficiera de 2 milliards d'euros de prêts à taux préférentiel de la Caisse des dépôts et les 3 milliards restants seront financés par les établissements sur leurs fonds propres ou par recours à l'emprunt. Ce schéma de financement est identique à celui retenu pour le plan Hôpital 2007.

Pour permettre aux établissements de santé et aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH) de disposer des délais nécessaires pour instruire leurs projets et assurer une adéquation des projets aux besoins, la mise en oeuvre du plan sera scindée en deux tranches : la première correspondant à 50 % de l'objectif global de volume d'investissements du plan, soit 5 milliards d'euros, sera lancée dès 2007. La seconde tranche du plan sera ventilée au plus tard au premier semestre 2009 sur des critères identiques à ceux utilisés pour la répartition de la première tranche.

Deux catégories d'opérations sont éligibles :

- les opérations de recomposition hospitalière et de mise en oeuvre des Sros (schémas régionaux d'organisation sanitaire) ;

- l'accélération de la mise en oeuvre des SIH (systèmes d'information hospitaliers), dès lors qu'elle correspond à une informatisation du processus de soins.

Selon les instructions transmises par la ministre chargée de la santé, aux directeurs d'ARH, les projets impliquant les restructurations et concernant plusieurs établissements doivent être privilégiés.

2. La mise en place difficile de la maîtrise médicalisée hospitalière

L'instauration de la maîtrise médicalisée hospitalière constitue une des rares mesures de la loi du 13 août 2004 qui touche directement les établissements de santé.

Comme son pendant dans le domaine des soins de ville, elle repose sur un dispositif contractuel réunissant les établissements et l'assurance maladie. Sa mise en oeuvre est lente, à la fois pour des raisons techniques et culturelles.

a) L'identification des médecins hospitaliers

A l'occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, votre commission avait proposé la mise en place d'un numéro d'identification individuelle des médecins hospitaliers et des médecins salariés d'un centre de santé.

Cette disposition figure désormais à l'article L. 162-5-15 du code de la sécurité sociale : les médecins exerçant leurs fonctions dans les établissements publics de santé ou dans les établissements de santé privés participant au service public hospitalier ainsi que les médecins salariés d'un centre de santé, sont identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant la structure où ils exercent leur activité. Cet article renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser, en application de l'article L. 161-33 du même code, les cas dans lesquels ce numéro figure obligatoirement sur les documents transmis aux caisses d'assurance maladie en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins dispensés par ces praticiens.

Cette disposition doit permettre une identification plus précise des praticiens exerçant en milieu hospitalier et un meilleur suivi de leurs prescriptions, notamment de celles exécutées en ville . Elle répond également à une volonté de sensibiliser les médecins salariés à la maîtrise des dépenses de santé.

Sa mise en oeuvre effective est conditionnée par le démarrage opérationnel du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), référentiel commun aux services sanitaires et sociaux de l'Etat, au service de santé des armées, aux ordres professionnels et à l'assurance maladie et, parallèlement, par l'évolution des outils informatiques des établissements de santé et de l'assurance maladie, dédiés aux échanges dématérialisés en vue de la liquidation des prestations.

Le RPPS prévu pour être opérationnel fin 2004, ne devrait l'être qu'en 2007. La mise en oeuvre du répertoire a connu des décalages liés à l'implication de multiples partenaires et aux difficultés du prestataire retenu pour la conception de l'outil informatique. La publication des textes aménageant le cadre réglementaire, qu'il s'agisse du décret précédemment évoqué plus haut précisant le contenu des ordonnances et feuilles de soins au regard de l'identification du prescripteur, du décret mettant en place une procédure de guichet unique pour les démarches entourant l'inscription et l'installation des professionnels de santé, ou encore de l'arrêté autorisant, après avis de la Cnil, le traitement informatique nécessaire au fonctionnement du RPPS, a également pris du retard.

En parallèle, la Cnam a engagé des travaux qui devraient s'échelonner d'ici à fin 2008, visant à permettre, dans des conditions optimales et coordonnées à la fois avec le développement des systèmes d'information hospitaliers et les autres contraintes liées aux perspectives d'évolution du cahier des charges Sesam-Vitale, une adaptation à cette fin de ses outils et chaînes de traitement, de façon notamment à assurer la possibilité de saisir et de transporter, via des flux d'échanges sécurisés, les différents éléments de cette identification des prescripteurs.

Les retards constatés dans la mise en oeuvre du RPPS pénalisent le développement de la maîtrise médicalisée hospitalière puisque les caisses d'assurance maladie ne peuvent pas individualiser les prescriptions médicales et donc informer chaque praticien hospitalier de sa situation par rapport à d'éventuels accords de bon usage des soins.

b) Le développement de la contractualisation

La maîtrise médicalisée hospitalière s'organise autour d'accords-cadres nationaux et d'accords conclus à l'échelon local qui servent de socle à la maîtrise médicalisée hospitalière. Ces accords fixent des objectifs de bon usage des soins ainsi que des objectifs relatifs aux prescriptions hospitalières, sur le modèle des accords conclus dans le domaine des soins de ville. Lorsque les actions conduites dans ce cadre amènent une diminution des dépenses de l'assurance maladie, les établissements concernés peuvent bénéficier d'un intéressement allant jusqu'à 50 % des dépenses évitées. Le choix des thèmes des accords-cadres répond à un intérêt de santé publique, et notamment d'amélioration de la qualité de la prise en charge du malade, et à un intérêt économique pour l'assurance maladie.

Un premier accord-cadre concernant le bon usage des antibiotiques dans les établissements de santé a été signé le 26 janvier 2006. Sous l'égide du ministère de la santé et de la sécurité sociale, il a fait l'objet d'un travail de concertation avec les signataires : l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), la FHF, la fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (Fehap), la fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) et la fédération de l'hospitalisation privée (FHP).

L'objectif principal de cet accord est d'améliorer la prescription des antibiotiques dans les établissements de santé et de préserver l'efficacité thérapeutique de ces produits en réduisant leur consommation. La mesure des dépenses évitées à l'assurance maladie porte sur les antibiotiques prescrits en établissements et délivrés en officine de ville. Une mesure d'intéressement des établissements de santé aux économies réalisées est prévue et se traduira par le reversement aux établissements de 50 % des dépenses évitées. Cet accord est décliné au niveau local : à ce jour, 391 accords locaux ont été signés par les établissements de santé.

Il s'agit du seul accord national signé à ce jour.

Conformément aux possibilités offertes par le décret n° 2004-1399 du 23 décembre 2004 relatif aux accords mentionnés à l'article L. 6113-12 du code de la santé publique, c'est la voie de l'accord d'initiative locale qui a été privilégiée pour promouvoir le bon usage des prescriptions de transports sanitaires . En accord avec les axes prioritaires assignés aux missions régionales de santé (MRS) pour l'année 2006, définis par la circulaire du 4 juillet 2006, les MRS de plusieurs régions (Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Picardie, Centre et Provence-Alpes-Côte d'Azur) travaillent sur ce thème. Onze contrats locaux ont d'ores et déjà été signés.

Afin de favoriser l'appropriation de ces différentes démarches par les praticiens, la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) et la Cnam ont préparé, avec les conférences médicales et les fédérations représentatives des établissements de santé, des documents pédagogiques consacrés à la maîtrise médicalisée des prescriptions hospitalières exécutées en ville. Ces documents ont été présentés dans plusieurs commissions exécutives d'ARH. Les médecins conseils de l'assurance maladie assurent une démarche d'accompagnement auprès des conférences médicales des établissements et des services prescripteurs.

En outre, à la suite du travail préliminaire mené avec la Haute Autorité de santé, les actions mises en oeuvre dans le cadre d'accords d'amélioration de pratiques hospitalières (par exemple l'accord concernant le bon usage des antibiotiques) pourront, sous certaines conditions, être éligibles au titre de l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) des praticiens hospitaliers, ce qui devrait contribuer à leur appropriation, étape indispensable à l'efficacité de tels accords.

Enfin, une instance nationale de suivi composée notamment des signataires des accords sera mise en place en 2008 afin d'évaluer les modalités concrètes de mise en oeuvre de ces accords et de mesurer leur impact.

Malgré ces nombreuses concertations, la maîtrise médicalisée peine à se mettre en oeuvre.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Audition de M. Frédéric VAN ROEKEGHEM, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam)

Réunie le mercredi 17 octobre 2007 , sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a tout d'abord procédé à l 'audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam et de la Cnam, a souligné le fait que le déficit de l'assurance maladie a été ramené de 12 milliards d'euros en 2004 à 6 milliards en 2007. Ce constat positif ne doit cependant pas faire oublier qu'au cours des quinze dernières années le taux d'évolution des dépenses de santé a été, en moyenne, de 1,3 point supérieur à la progression de la richesse nationale.

Ce phénomène résulte essentiellement de la dynamique du coût des pathologies chroniques ou aggravées qui alourdissent, chaque année, les comptes de l'assurance maladie de 2 milliards d'euros supplémentaires. Expliquant à elles seules 90 % de la progression annuelle des dépenses, les affections de longue durée (ALD), qui représentaient, en 2006, 60 % des versements, atteindront une proportion de 70 % en 2015.

La réponse à cette situation réside dans une meilleure efficience du système de santé et dans la mise en oeuvre d'une politique de prévention de ces pathologies lourdes.

Parallèlement, une analyse doit être menée sur les écarts de coût à l'hôpital, en matière de soins de ville, mais aussi dans le domaine du médicament. Les comparaisons européennes révèlent qu'en ce qui concerne précisément le médicament, l'organisation du système en France empêche de réaliser les économies constatées partout ailleurs.

La Cnam a fait des propositions au Gouvernement, qui ont été reprises au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : l'expérimentation d'un mode de contractualisation avec les médecins de ville fondé sur une obligation de résultat, la traduction de l'accord passé avec les infirmières libérales en vue d'assurer une meilleure répartition de leur activité sur le territoire, l'ajout d'une prescription plus importante des médicaments génériques parmi les engagements de maîtrise médicalisée des médecins, l'encadrement du conventionnement de l'offre de transport sanitaire par les taxis et l'évolution des missions de la Haute Autorité de santé afin qu'elle puisse émettre des recommandations et des avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription ou de prise en charge les plus efficients. Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale aborde la question de la démographie médicale : il est, en effet, indispensable d'anticiper la situation, qui va se produire dans un futur proche, de diminution du nombre des médecins dans notre pays.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Frédéric Van Roekeghem l'appréciation d'ensemble qu'il porte sur les prévisions de dépenses pour 2008, et plus particulièrement sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et son sous-objectif soins de ville. Ce taux de progression permettra-t-il, à son sens, d'engager des négociations tarifaires avec les professions de santé ?

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que l'Ondam proposé pour 2008 est plus réaliste que celui inscrit en loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Pour autant, le taux réel de progression de l'Ondam cette année devrait être de 4,2 %, sous réserve que le ralentissement constaté sur le poste des soins de ville se confirme au second semestre. Ce taux intègre les revalorisations dont ont bénéficié les professionnels de santé en 2006 et 2007. Il apparaît donc comme relativement modéré si on le compare au taux moyen de 6,5 % de progression annuelle de l'Ondam constaté en exécution au début des années 2000.

Pour 2008, le taux de croissance de l'Ondam à prendre en compte est le taux hors effet des franchises médicales, soit 3,2 % pour les soins de ville et l'hôpital. Il est raisonnable de penser qu'il sera respecté. En effet, l'impact éventuel des revalorisations devrait être réduit l'an prochain, grâce à la mesure du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui institue un délai de carence de six mois avant l'entrée en vigueur effective d'une revalorisation négociée par voie conventionnelle ainsi que sa suspension en cas d'alerte sur le dépassement de l'objectif de dépenses d'assurance maladie.

D'une façon générale, sous réserve d'une gestion rigoureuse, il doit être possible de piloter les dépenses de santé à l'intérieur d'une fourchette de 3 % à 4 % de progression par an (hors mesures éventuelles de déremboursement).

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souhaité connaître l'opinion de M. Frédéric Van Roekeghem sur les dispositions de l'article 26 du projet de loi de financement prévoyant d'étendre la procédure de mise sous accord préalable à tous les prescripteurs, quel que soit leur mode d'exercice.

M. Frédéric Van Roekeghem a plaidé pour un ciblage plus efficace du recours à l'instrument des ententes préalables. La Cnam a ainsi proposé que l'usage de ce mécanisme soit centré sur la chirurgie ambulatoire ainsi que sur les prescripteurs et offreurs de soins « déviants », ce qui est prévu par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

La mise sous entente préalable, en 2006, de quarante-six médecins généralistes, gros prescripteurs d'arrêts de travail, a ainsi permis de réaliser 23 millions d'euros d'économies. Une deuxième vague de mise sous entente préalable, portant sur 180 généralistes, a été effectuée en 2006-2007.

En réponse aux demandes de précision de M. Jean-Pierre Godefroy et de Mme Isabelle Debré, M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué qu'il n'existe pas de territoire plus particulièrement touché et que les attitudes « déviantes » éventuellement constatées sont le résultat de comportements strictement individuels, au demeurant peu nombreux. La motivation réelle des médecins qui se livrent à ces pratiques n'a pas fait l'objet d'une analyse précise.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a ensuite interrogé M. Frédéric Van Roekeghem sur l'appréciation qu'il porte à l'égard des mesures d'encadrement des dépenses de transports sanitaires figurant dans le projet de loi de financement pour 2008.

M. Frédéric Van Roekeghem a tout d'abord rappelé que 66 % des dépenses de transport sanitaire sont prescrites par les hôpitaux. Pour autant, les patients s'en servent peu : par exemple, seul un tiers des personnes traitées pour un cancer à l'hôpital les utilise.

La forte augmentation des dépenses d'assurance maladie liées au remboursement des frais de transport trouve, en premier lieu, son origine dans un mauvais pilotage des tarifs : les revalorisations ont été, ces dernières années, plus élevées pour les ambulances que pour les véhicules sanitaires légers (VSL), ce qui a conduit les entreprises à privilégier l'offre de transport par ambulance. Par ailleurs, l'ouverture du secteur du transport sanitaire à la concurrence s'est traduite par une explosion des remboursements de frais aux taxis. L'obligation de conventionnement entre les taxis et les caisses d'assurance maladie, fixant les tarifs et les conditions de tiers payant, est une première réponse à cette situation.

Ensuite, il est nécessaire de mener une politique de rééquilibrage des tarifs visant à revaloriser les remboursements de transports en VSL et à stabiliser le coût du transport en ambulance. Cet effort doit s'accompagner de la négociation d'accords avec les hôpitaux afin de mieux contrôler les conditions de sortie des patients ainsi que d'un contrôle accru sur les entreprises de transport.

Enfin, ces entreprises subissent une pression salariale très forte liée à l'application des trente-cinq heures et au respect des règles européennes sur le repos de sécurité. Il leur revient de négocier des évolutions raisonnables avec les syndicats afin d'éviter une trop forte progression de leurs dépenses de rémunération.

En matière de démographie médicale, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, s'est fait l'écho des syndicats des professionnels de santé qui estiment de façon unanime que la question de leur répartition sur le territoire ne relève pas du domaine conventionnel mais est de nature régalienne et doit être réglée par l'Etat.

M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que l'article du projet de loi de financement pour 2008 concernant les médecins est le parallèle de celui relatif aux infirmiers, lesquels ont déjà négocié par la voie conventionnelle les questions de répartition équilibrée de leurs professionnels sur l'ensemble du territoire. Il revient au Parlement de décider si c'est à l'Etat ou à la Cnam, dans le cadre conventionnel, de traiter de ces questions, mais il serait regrettable que la discussion devant les assemblées n'aboutisse à l'adoption d'aucun dispositif ou débouche sur une procédure renvoyant très loin le terme d'une éventuelle négociation.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a interrogé M. Frédéric Van Roekeghem sur l'article 30 du projet de loi de financement, qui instaure une nouvelle forme de contrat entre les médecins et les caisses locales, ainsi que sur l'article 31, qui prévoit une expérimentation sur de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé.

A titre liminaire, M. Frédéric Van Roekeghem a estimé qu'à l'avenir la rémunération des médecins reposera vraisemblablement sur une formule mixte de paiement à l'acte et de forfait.

La Cnam a essayé de négocier, en 2007, sur l'éventuelle mise en place de nouvelles formes de rémunération mais elle a essuyé un refus des syndicats de médecins. Ceci étant, il devrait être possible d'aboutir à un résultat si les contreparties demandées par l'assurance maladie s'articulent sur des objectifs de politique publique. Les discussions devraient, en revanche, être plus difficiles si les objectifs fixés aux professionnels concernent les conditions d'exercice ou l'utilisation des produits de santé.

Or, l'exercice de la médecine en France reste très majoritairement individuel : il existe encore peu de structures d'exercice regroupé de l'activité médicale. L'une des propositions de la Cnam est que les nouveaux modes de contractualisation que la loi entend promouvoir puissent également bénéficier aux groupements de médecins.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a ensuite fait part des griefs de l'union nationale des organismes d'assurance complémentaire (Unocam) qui conteste l'exclusion de fait de ces organismes des négociations tarifaires menées entre la Cnam et les professionnels de santé.

M. Frédéric Van Roekeghem a rappelé que cette situation procède des dispositions de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie qui prévoit que les professionnels de santé libéraux peuvent s'opposer à la présence de l'Unocam à la table des négociations. Il est cependant incontestable que lorsque le tarif de consultation est relevé d'un euro, les régimes obligatoires doivent débourser 250 millions d'euros supplémentaires et les organismes d'assurance complémentaire 60 millions. La question de l'association de ces organismes aux négociations tarifaires mérite donc d'être posée.

M. Paul Blanc a rappelé qu'on attend toujours une nouvelle liste des territoires sous-médicalisés qu'auraient dû produire les missions régionales de santé (MRS) après celle publiée en juin 2006. La question de la démographie médicale doit être abordée selon lui sous l'angle de la pénurie de médecins, aggravée par la diminution de leur temps de travail effectif.

Il a également souligné la nécessité de responsabiliser les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU). Il a enfin demandé quelle est la part des médicaments prescrits par les hôpitaux et si les services d'urgences ont la possibilité d'accorder des arrêts de travail.

Mme Bernadette Dupont s'est inquiétée du bien-fondé de la prise en charge intégrale, par l'assurance maladie, des opérations liées à la transsexualité dont le coût est exorbitant. S'agissant de l'accompagnement des malades, elle a souhaité savoir s'il comprend également le soutien psychologique, par exemple pour les personnes atteintes de cancer, victimes de douleurs somatiques.

M. Louis Souvet s'est interrogé sur l'avenir de la sécurité sociale dans notre pays : est-elle condamnée ou a-t-on encore un espoir d'en améliorer le fonctionnement ?

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que l'existence d'un système d'assurance maladie obligatoire constitue un réel progrès social en ce qu'il garantit l'accès de tous aux soins. La plupart de nos partenaires ont d'ailleurs effectué ce choix et les Etats-Unis, qui ne l'ont pas fait, constituent un contre exemple avec quarante millions d'exclus et un niveau de dépenses de santé atteignant 15 % du Pib.

Pour autant, l'assurance maladie doit être amendée car elle a été mal gérée entre 1998 et 2003. Au cours de cette période, ses dépenses ont évolué en effet de façon bien trop rapide au regard de la richesse nationale ; par exemple les revalorisations tarifaires ont atteint 1,5 milliard d'euros en 2002 et 2003 sans aucune contrepartie. Dans un premier temps, la dérive a été masquée, d'abord par les effets de la réforme énergique de 1995, puis par une situation économique favorable. Dès lors que le cycle s'est inversé, l'effet de ciseaux a été massif et le déficit de l'assurance maladie s'est accru de 9 milliards d'euros en deux ans.

Le problème est aujourd'hui double : d'une part, il convient de résorber le solde des années 1998-2003 ; d'autre part, il faut avoir la main ferme sur les dépenses qui évoluent spontanément plus rapidement que le Pib.

En ce qui concerne le contrôle accru de la dépense, l'axe principal est celui défini par le Président de la République dans son discours de Bordeaux le 16 octobre : il faut aller dans le sens d'une meilleure organisation des soins à l'hôpital.

S'agissant de l'accompagnement des patients atteints de pathologies chroniques, M. Frédéric Van Roekeghem a résumé les enjeux en rappelant que le coût du diabète pour l'assurance maladie était de 3,5 milliards d'euros au début des années quatre-vingt-dix, de 11 milliards aujourd'hui et qu'il sera de 20 milliards à l'horizon 2015 avec un taux de progression de 10 % par an. Cette évolution implique une politique cohérente de prévention mais aussi un engagement plus actif des personnes concernées. Il est nécessaire en particulier que les patients disposent d'une meilleure information sur leur pathologie afin d'éviter qu'elle ne s'aggrave.

La prise en charge des opérations relatives à la transsexualité, sujet qui ne concerne que quelques cas par an, relève de la responsabilité du médecin conseil national de la caisse qui décide du niveau de prise en charge.

M. Frédéric Van Roekeghem a ensuite indiqué que la Cnam disposera, en début d'année prochaine, d'un premier bilan des actions menées pour inciter les médecins à rester ou à s'installer dans les zones sous-médicalisées.

Mme Sylvie Desmarescaux a demandé des précisions sur l'état des négociations avec les pédicures-podologues au sujet de la prise en charge des soins dispensés par cette profession aux personnes atteintes de diabète.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur l'effectivité du fléchage des nouvelles franchises créées par la loi de financement pour 2008 vers les besoins de santé prioritaires définis par le Gouvernement (financement du plan Alzheimer, du plan cancer et des soins palliatifs). Il a souligné le problème de principe posé par ces franchises qui conduit à ce que les malades paient pour eux-mêmes alors que les bien-portants ne participent plus à la solidarité au profit des mal-portants. Il a enfin souhaité savoir quelle utilisation est faite du ticket modérateur de 18 euros.

M. André Lardeux a souligné la grande complexité des différents régimes de franchises, qui s'ajoutent les uns aux autres et ne sont pas jusqu'à présent fusionnés. Il a estimé que les médecins sont des salariés de fait de l'assurance maladie et que l'on voit mal dès lors comment ils pourront échapper à des mesures coercitives pour les obliger à s'installer dans les zones sous-denses. Enfin, il s'est demandé si les assurances complémentaires ne sont pas un facteur d'incitation à la dépense, citant le cas d'une mutuelle qui propose de rembourser des soins de médecine parallèle.

M. Frédéric Van Roekeghem s'est déclaré confiant sur la possibilité de parvenir, d'ici à la fin 2007, à un accord avec les pédicures-podologues sur le remboursement des soins prodigués aux diabétiques.

Sur les franchises, il a précisé que la Cnam est en mesure de les mettre en oeuvre techniquement. Il a estimé qu'un mécanisme de franchise en fonction de la consommation et dans la limite d'un plafond protecteur est préférable à un mécanisme de franchise à la base.

En ce qui concerne la solidarité, la question de fond à poser est de savoir si cette notion a encore un sens alors que quinze millions de personnes perçoivent moins de 100 euros de remboursement chaque année de l'assurance maladie et que plus de cinquante millions d'affiliés financent les soins de seulement sept à huit millions de malades.

En matière de démographie médicale, il a jugé que des mesures coercitives devront effectivement être prises si les incitations ne fonctionnent pas.

Enfin, en ce qui concerne les abus dont se rendraient coupables les assurances complémentaires, la loi d'août 2004 a donné tous les instruments pour lutter contre des dérives éventuelles à travers notamment les contrats responsables.

M. François Autain s'est élevé contre les propos de M. Frédéric Van Roekeghem qui pourraient laisser entendre que le déficit de l'assurance maladie incombe à la majorité au pouvoir entre 1997 et 2002. En 2003, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin avait indiqué que le déficit serait résorbé en 2007, puis ce délai a été repoussé à 2009 et, aujourd'hui, à 2012. La majorité actuelle a donc sa part de responsabilité dans cette situation.

La double présentation de l'Ondam pour 2008, avant et après prise en compte de l'effet des franchises, entretient la confusion : quel sera le taux d'évolution retenu au printemps prochain par le comité d'alerte en cas de dérapage ?

Il a ensuite souhaité savoir quelles sont les différences entre les nouveaux contrats individuels prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 et l'option médecin référent. Il a rappelé les remarques de la Cour des comptes soulignant les dérives de la politique conventionnelle qui a permis d'accorder 2 milliards d'euros supplémentaires aux médecins sans contrepartie en termes de diminution des dépenses d'assurance maladie. Il s'est enfin interrogé sur la portée de l'article du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui étend à certains médecins libéraux la possibilité d'effectuer les contrôles relatifs aux arrêts de travail.

M. Alain Milon a souhaité savoir si l'assurance maladie a évalué le coût des dépenses supplémentaires qu'engendrera le paiement au forfait des médecins traitants des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Il s'est interrogé sur un risque de « contamination », les médecins demandant l'extension de cette technique du forfait pour la prise en charge de toutes les personnes en ALD.

Il s'est demandé si, par ailleurs, le coût des personnels administratifs des hôpitaux ne devrait pas être pris en charge par l'Etat sur son budget au lieu d'être financé par l'assurance maladie.

Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur les économies qui pourraient être réalisées dans notre pays en termes de consommation pharmaceutique.

M. Gilbert Barbier a voulu connaître les freins existant aujourd'hui à l'utilisation des médicaments génériques. Il a demandé si la Cnam a une action pour le développement de l'automédication. Il a souligné l'importance des dépenses indues imposées à l'hôpital du fait de la prise en charge de patients en court et moyen séjour dont la place n'est manifestement pas en structure hospitalière. Il a enfin regretté le laxisme des caisses d'assurance maladie dans la prise en charge d'actes chirurgicaux, notamment esthétiques, non nécessaires.

M. Frédéric Van Roekeghem a précisé que la différence majeure entre le médecin référent et les nouveaux modes de contractualisation proposés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale se trouve dans l'existence ou non d'une contrepartie sous la forme d'une obligation de résultat pour le médecin. Ce lien entre rémunération et obligation de résultat n'existe pas dans le cas du médecin référent alors qu'il constitue un axe central de la contractualisation individuelle qui va être mise en place. Par ailleurs, la soutenabilité du mode de financement ainsi créé devra faire l'objet d'une analyse, ce qui n'a pas été fait pour le médecin référent suscitant les critiques de la Cour des comptes, sur son coût.

L'évolution de la rémunération des médecins généralistes, qui a effectivement été supérieure à celle des prix, ne constitue pas une anomalie si on la compare à celle de personnes également hautement qualifiées, employées dans des secteurs économiques très dynamiques, par exemple les services financiers.

Le forfait Alzheimer, à la différence du mécanisme médecin traitant, n'est pas encore mis en place. En tout état de cause, le médecin bénéficiaire devra souscrire à un cahier des charges opposable et présenter des résultats clairs et mesurables.

Les différences de coût entre les systèmes de soins publics et privés s'expliquent par des facteurs incontestablement objectifs : les statuts des personnels, le respect plus net dans le secteur public des règles de sécurité, l'existence de contraintes de service public à l'hôpital, même si elles sont en partie prises en charge par les enveloppes consacrées au financement des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac).

Pour autant, il est indéniable qu'il existe encore au sein de l'hôpital public un fort potentiel d'amélioration de l'organisation.

En ce qui concerne les médicaments, la France se caractérise d'abord par le volume élevé de sa consommation même si des progrès importants ont été réalisés, comme notamment la baisse de 20 % de la quantité de médicaments consommés dans la classe des antibiothérapies. Les Français sont également les premiers en termes de dépenses. La raison en est le recours important à des médicaments récemment mis sur le marché, pas toujours plus efficaces, mais généralement très coûteux. Enfin, sur la question de la présence indue de certains patients en court et moyen séjour à l'hôpital, M. Frédéric Van Roekeghem a jugé que le travail d'analyse sur ce sujet doit être mené par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

Audition de MM. Bertrand FRAGONARD, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul BRIET, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS)

Réunie le mardi 23 octobre 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a procédé à l'audition de MM. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (Hcaam), et Raoul Briet, président de la commission de périmètre des biens et services remboursables de la Haute Autorité de santé (HAS ), venus présenter les conclusions de leur rapport sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire , remis aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, ainsi qu'au haut commissaire en charge des solidarités actives contre la pauvreté.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a souligné que bien que l'analyse de certains aspects du sujet n'ait pas pu être approfondie faute de temps ou en raison de l'absence d'informations, notamment dans le domaine hospitalier, ce rapport permet d'éclairer les enjeux liés à l'instauration d'un bouclier sanitaire et les principales difficultés à surmonter pour sa mise en oeuvre.

Ce mécanisme a pour objectif de garantir aux assurés que leur participation à leurs propres dépenses de soins médicaux sera plafonnée. Au-delà d'un certain seuil, en effet, leurs dépenses de santé seraient intégralement prises en charge par l'assurance maladie ; la protection dont bénéficieraient les personnes malades serait ainsi assurée conformément à ce que signifie l'expression de « bouclier sanitaire ».

Ceci étant, le système d'assurance maladie permet déjà la prise en charge des dépenses de santé les plus onéreuses, comme celles liées aux affections de longue durée ou aux dépenses hospitalières, mais il recèle parfois quelques imperfections : par exemple, un malade hospitalisé sur une longue durée doit régler des forfaits journaliers dont le total cumulé peut atteindre une somme importante.

Il est vrai que cette situation ne concerne qu'une minorité de personnes, celles qui ne sont pas couvertes par un régime d'assurance complémentaire, soit environ 8 % des assurés. Pour les autres, en effet, le « reste à charge » qui n'est pas pris en compte par le régime obligatoire d'assurance maladie est remboursé, en tout ou partie, par les assureurs complémentaires.

L'intérêt du bouclier sanitaire serait donc de limiter le montant des dépenses restant à la charge des assurés. Cet objectif suppose de définir ses modalités d'application, et notamment de décider si le plafond doit être unique ou modulé en fonction des revenus de l'assuré.

Aujourd'hui, la prise en charge des dépenses d'assurance maladie n'est liée à aucune condition de ressources. Faire varier le bouclier sanitaire en fonction des ressources constituerait une mutation profonde du système d'assurance maladie, mais permettrait aussi d'assurer une meilleure couverture des assurés les plus modestes. Une décision aussi importante relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement.

M. Bertrand Fragonard a observé que la mise en oeuvre du bouclier sanitaire aura des effets sur l'offre des assureurs complémentaires. Aujourd'hui, les contrats « Santé » proposés par les assureurs sont tarifés en fonction du risque, principalement l'âge, et non en fonction du revenu : les personnes âgées supportent les cotisations les plus élevées. Le législateur a d'ailleurs ébauché, notamment depuis 1991, les contours d'une protection spécifique de ces assurés en prévoyant que leurs cotisations ne doivent pas être plus de trois fois supérieures à celles des plus jeunes.

La mise en oeuvre du bouclier sanitaire va conduire les assureurs à modifier leur politique tarifaire pour tenir compte des nouvelles modalités de prise en charge des assurés par le régime obligatoire d'assurance maladie, ce qui devrait faciliter l'accès des ménages les plus modestes à une couverture santé complémentaire.

M. Raoul Briet, membre de la HAS , a observé que le bouclier sanitaire a vocation à se substituer à tous les dispositifs d'exonération de ticket modérateur existants, et donc au plus important d'entre eux : celui dont bénéficient les patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD).

Le système actuel des ALD est conçu dans un double objectif : éviter aux malades de supporter une charge financière excessive, de nature à restreindre l'accès aux soins dont ils ont besoin ; grâce au protocole instauré par la loi du 13 août 2004, assurer l'insertion de ces patients dans le parcours de soins coordonné.

Or, bien qu'ils soient exonérés de ticket modérateur, les patients souffrant d'une ALD supportent un reste à charge très élevé, supérieur à 600 euros par an pour un million d'entre eux. Ce dispositif de protection des assurés ne remplit donc qu'imparfaitement son rôle et justifie qu'on envisage de déterminer le montant de la participation de l'assuré sans prendre en compte le critère médical. Le bouclier sanitaire permet justement d'aborder cette question sous un angle social, à charge pour les autorités sanitaires d'organiser la prise en charge du patient autour du médecin traitant.

Ce dispositif pourrait être mis en oeuvre à compter du 1 er janvier 2010, ce qui suppose d'établir des indicateurs de suivi du reste à charge de chaque assuré, de savoir gérer chaque dossier en temps réel pour que la prise en charge intégrale des dépenses de santé s'applique dès le plafond atteint, et d'intégrer dans le système d'information de l'assurance maladie les éléments relatifs aux revenus des assurés.

Dans ce contexte, le bouclier sanitaire est de nature à améliorer la prise en charge des assurés les plus modestes, ce dont il faudra informer clairement les assurés pour qu'ils ne s'inquiètent pas de ces modifications de l'architecture du système d'assurance maladie.

La Belgique et la République fédérale d'Allemagne ont su mettre en oeuvre des dispositifs de ce type sans déclencher l'hostilité des assurés disposant des revenus les plus élevés.

M. Nicolas About, président , a estimé que le dispositif ALD n'assure aux patients ni une prise en charge sanitaire optimale, ni une couverture suffisante de leurs dépenses de santé, notamment pour les assurés à revenus modiques, dénués d'assurance santé complémentaire. Le bouclier sanitaire constitue bien une réponse qui relève plus du domaine social que sanitaire. Ceci étant, la complexité technique du dossier suscite des réserves sur la possibilité de déployer ce bouclier en deux ans.

A son tour, M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a douté de la capacité des opérateurs à mettre en oeuvre le bouclier sanitaire avant le 1 er janvier 2010. Il s'est interrogé sur la manière dont s'articuleraient ce bouclier sanitaire, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et le dispositif d'aide à l'acquisition d'une complémentaire réservée aux ménages modestes par crédit d'impôt.

M. Jean-Pierre Godefroy a souligné le fait que 9 % des assurés hospitalisés aient à prendre à leur charge des dépenses supérieures à 1 000 euros, d'autant que les malades hospitalisés en longue durée ou en psychiatrie sont soumis à un dispositif complexe de reste à charge comprenant le ticket modérateur de 20 %, le ticket modérateur de 18 euros sur les actes importants et le forfait journaliser de 16 euros. Cette situation rend indispensable le plafonnement de la participation versée par les assurés dans le cadre d'une hospitalisation.

M. François Autain a rappelé son opposition aux mécanismes de franchise qui remettent en cause les principes de la sécurité sociale en rompant le principe de solidarité.

Il a observé que le dispositif du bouclier sanitaire ne prend pas en compte les dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins, qu'un récent rapport de l'Igas évalue à deux milliards d'euros. Ces pratiques tarifaires ont un impact important sur les dépenses demeurant à la charge des assurés : celles-ci sont alors évaluées, en moyenne, à 400 euros, contre 260 euros si l'on ne tient pas compte des dépassements. Dès lors, il convient que le bouclier sanitaire tienne compte de ces dépassements ainsi que des sommes restant à la charge des assurés dans le domaine de l'optique et des soins dentaires.

Il s'est étonné de ce que le bouclier sanitaire, dont l'objectif est d'assurer une meilleure protection des assurés les plus modestes, puisse être la cause d'une augmentation des dépenses demeurant à la charge des assurés.

M. Claude Domeizel a voulu connaître les modalités de financement de ce bouclier sanitaire.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle s'est interrogée sur la contribution apportée par le bouclier sanitaire à la maîtrise des dépenses de santé. Elle a voulu connaître l'appréciation que MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet portent sur les propositions de bouclier sanitaire émises par le haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

M. Bertrand Fragonard a estimé que le développement des aides permettant aux ménages les plus modestes d'accéder à une assurance complémentaire peut constituer une alternative à la mise en oeuvre du bouclier sanitaire, sans toutefois offrir les mêmes avantages.

Les propositions formulées dans le rapport n'entraînent pas de dépenses supplémentaires pour l'assurance maladie mais redistribuent, selon de nouveaux critères, le montant des dépenses demeurant à la charge des assurés. Elles ne constituent pas non plus une recette miracle pour résorber les déficits.

Enfin, la non-prise en compte des dépassements d'honoraires limite effectivement la protection offerte par le bouclier, sans qu'il soit possible d'y remédier dans l'immédiat. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a estimé le montant annuel de ces dépassements à dix milliards d'euros et a appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures pour limiter cette évolution des pratiques tarifaires, et en premier lieu dans les établissements de santé.

Audition de MM. Laurent DEGOS, président du collège, et François ROMANEIX, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS)

Réunie le mercredi 24 octobre 2007 , sous la présidence de M. Nicolas About, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 , a procédé à l' audition de MM. Laurent Degos, président du collège, et François Romaneix, directeur de la Haute Autorité de santé (HAS) .

M. Laurent Degos, président du Collège de la Haute Autorité de santé , a précisé que la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a fait de la Haute Autorité de santé (HAS) une structure collégiale et indépendante. Afin de conserver son indépendance et sa rigueur scientifique, celle-ci accorde une grande attention à la transparence de ses travaux. Dans ce contexte, les experts qui interviennent en son sein doivent faire connaître d'éventuels conflits d'intérêts entre les dossiers qui leur sont confiés et leurs activités pour le compte d'autres opérateurs, notamment privés. Un groupe de travail, présidé par un conseiller d'Etat, est chargé d'assurer le respect de ces règles déontologiques.

Cette rigueur méthodologique et la publicité qui accompagne les travaux renforcent la légitimité scientifique et morale des recommandations et avis rendus par la HAS. Son indépendance lui permet également de favoriser les partenariats et le dialogue entre les différents acteurs du monde de la santé, par exemple celui mené sur la délégation de tâches entre professions de santé.

La loi charge la HAS d'évaluer les médicaments, les dispositifs médicaux implantables et les actes médicaux, d'établir des recommandations de bonne pratique et lui confie l'évaluation des pratiques professionnelles, ainsi que la certification des établissements de santé et la diffusion de l'information médicale, toutes missions autrefois exercées par des structures distinctes. La création de la HAS a permis de développer une approche intégrée du fonctionnement du système sanitaire et de la prise en charge des pathologies.

Cela étant, l'optimisation et l'amélioration de la qualité du système de santé supposent de prendre en compte d'autres paramètres que la seule dimension médicale. Pour cette raison, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 propose que la HAS puisse émettre des recommandations et des avis médico-économiques sur les stratégies de soins, de prescription et de prise en charge les plus efficientes. Cette compétence est déjà exercée par des structures comparables en Grande-Bretagne ou en République fédérale d'Allemagne et, en France, les professionnels de santé attendent que cette dimension médico-économique soit prise en compte afin d'évaluer les stratégies de soins dans leur globalité. Au-delà de l'efficacité thérapeutique, la HAS doit pouvoir émettre des recommandations sur les volets économiques, sociétaux ou éthiques de la prise en charge d'une pathologie. Il s'agit, par exemple, d'évaluer un médicament dans son environnement pour analyser non seulement son intérêt thérapeutique, mais aussi son impact sur l'organisation des soins.

M. Laurent Degos a indiqué que, depuis un an, la HAS a mis en place un groupe de réflexion chargé de définir un modèle français d'évaluation médico-économique et d'évaluer le service rendu à la collectivité par les stratégies thérapeutiques disponibles. Ces évaluations ne doivent pas servir une ambition comptable à court terme mais s'inscrire dans un objectif d'optimisation globale, indispensable à la qualité et la pérennité du système d'assurance maladie.

Il a jugé nécessaire de maintenir une distinction claire entre, d'une part, la mesure de l'efficacité clinique qui doit toujours faire l'objet d'une évaluation scientifique, d'autre part, la mesure de l'impact économique des stratégies thérapeutiques disponibles. Concrètement, cela signifie que le rôle et les modalités de travail de la commission de la transparence, qui est chargée d'évaluer le service médical rendu des médicaments, demeureront inchangés.

M. Nicolas About, président , a voulu savoir si la rédaction initiale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 permet à la HAS de poursuivre ces objectifs ou s'il est nécessaire de procéder à d'autres aménagements législatifs.

M. Laurent Degos a jugé la rédaction proposée par le texte satisfaisante car elle permet à la HAS de développer cette nouvelle approche médico-économique, par exemple en procédant à des études sur l'efficacité des médicaments considérés comme innovants, deux ans après leur première commercialisation.

Par ailleurs, la HAS souhaite disposer de sources de financement simplifiées et mieux adaptées à ses besoins et envisage un statut plus uniforme de ses commissions de la transparence (CT) et d'évaluation des produits et prestations (CEPP), qui relèvent de dispositions législatives et réglementaires spécifiques antérieures à la création de la HAS. Cette situation pose la question de la place et du rôle du collège de la HAS dans le processus de validation des évaluations réalisées par ces commissions.

M. Nicolas About, président , a voulu savoir si, à l'issue de cette refonte administrative, la commission de la transparence continuerait à rendre ses avis sur les médicaments ou si cette compétence serait transférée au collège de la HAS.

M. Laurent Degos a indiqué que la commission de la transparence doit conserver toutes ses prérogatives, mais que le statut administratif des commissions doit être uniformisé afin d'assurer une meilleure intégration des services.

La HAS a renforcé son action en matière d'information sur le médicament. Elle transmet ses avis et recommandations aux professionnels de santé sous forme de fiches de bon usage des produits, suffisamment simples et lisibles pour être intégrées dans les logiciels de prescription médicale. Dans ce domaine, il serait d'ailleurs souhaitable de clarifier la répartition des compétences entre l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et la HAS sur l'établissement des recommandations de bonne pratique relatives aux produits de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a souhaité connaître les recommandations de la HAS pour améliorer la prise en charge des patients souffrant d'une affection de longue durée (ALD). Il a par ailleurs indiqué que certains acteurs du système de santé s'inquiètent de l'introduction d'un critère médico-économique dans les recommandations de la HAS et craignent que cette évolution se fasse au détriment de la qualité des soins.

M. Laurent Degos a présenté les trois recommandations émises sur la prise en charge des ALD : la première incite les caisses d'assurance maladie à développer une approche individualisée des dossiers des patients ; la deuxième propose que soient dissociées les prises en charge médicale et sanitaire des assurés car ces deux volets ne doivent pas être confondus : une couverture financière adaptée ne garantit pas la qualité des soins, ainsi que l'a étudié le rapport de MM. Bertrand Fragonard et Raoul Briet sur les modalités de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire ; enfin, la troisième plaide pour une nouvelle définition des pathologies valant ALD car la liste actuelle est inadaptée aux réalités sanitaires. Le principe même d'une liste des pathologies ouvrant droit à une prise en charge intégrale est obsolète ; par ailleurs, le dispositif de prise en charge des ALD ne prévoit pas qu'un patient perde le bénéfice de ce dispositif une fois guéri.

M. François Autain a fait valoir que le dernier rapport de la Cour des comptes consacré à la sécurité sociale indique que les déclarations de conflits d'intérêts que devraient produire les experts de la HAS ne sont ni systématiques, ni actualisées.

Ayant rappelé que la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie accorde des pouvoirs importants à la HAS, il a voulu savoir si son budget est en adéquation avec ses missions, notamment dans le domaine de l'information où elle est confrontée aux actions de communication des entreprises pharmaceutiques.

Il a également voulu savoir si les visiteurs médicaux employés par les entreprises pharmaceutiques ont effectivement pour tâche de distribuer l'information établie par la HAS et s'est interrogé sur le respect de cette obligation et son effet sur les professionnels de santé.

Il a rappelé qu'aucune base de données publique consacrée aux médicaments n'a été développée pour assurer l'information des médecins et pour être mise à disposition des éditeurs de logiciels de prescription.

Il a observé que sur les 131 études post-AMM commandées ces dernières années, seules seize ont été menées à bien, ce qui pose la question de l'utilité et de la pertinence de ce dispositif.

Enfin, M. François Autain a voulu savoir si les propos précédemment tenus par M. Laurent Degos sur l'évolution de la situation administrative de la commission de la transparence doivent être rapprochés de ceux du directeur général de la santé qui, lors d'une audition à l'Assemblée nationale, s'est prononcé en faveur d'une profonde transformation de cette commission.

Après avoir souligné l'exception française en matière de consommation de médicaments, M. Marc Laménie s'est interrogé sur la possibilité de réaliser des économies supplémentaires grâce à la promotion des médicaments génériques.

M. Gilbert Barbier a rappelé que, très souvent, les experts interviennent pour plusieurs organismes scientifiques et il a voulu savoir si les déclarations sont communes ou propres à chaque structure. Il s'est également enquis de l'opinion de M. Laurent Degos sur les programmes d'accompagnement des patients, sur l'automédication et sur la possibilité de commercialiser, en supermarché et non plus seulement en pharmacie, les produits en vente libre.

M. Jean-Claude Etienne a voulu savoir si la clarification des compétences entre l'Afssaps et la HAS requiert une modification législative. Il s'est interrogé sur l'effet des recommandations de la HAS sur la prise en charge des patients par les médecins traitants.

M. Alain Milon a rappelé que la prise en charge des patients souffrant d'une ALD pèse lourdement sur les comptes de l'assurance maladie. Il s'est interrogé sur l'opportunité de redéfinir une prise en charge globalisée des maladies chroniques.

M. Laurent Degos a indiqué que les conflits d'intérêts déclarés par les experts intervenant pour le compte de la HAS sont régulièrement actualisés et font l'objet d'un contrôle continu. Le président de chaque commission en a connaissance et vérifie, à chaque séance, en fonction de l'ordre du jour, que les experts présents peuvent se prononcer en toute indépendance sur le dossier étudié. En outre, les comptes rendus des réunions des différentes commissions sont publiés. Ces mesures ont nettement amélioré la transparence des travaux de la HAS. En revanche, il n'a pas encore été mis en place de formulaire de déclaration des conflits d'intérêt commun à la HAS et à l'Afssaps.

La HAS ne certifie que le contenant des logiciels d'aide à la prescription et non le contenu de leurs données. Ces logiciels ne seront diffusés que lorsqu'ils pourront s'appuyer sur la base de données « médicaments » constituée par l'Afssaps ou, à tout le moins, sur des bases de données privées utilisant les informations de cette agence.

M. François Autain a estimé que ces logiciels ne seront pas disponibles avant longtemps, dans la mesure où l'Afssaps doit encore rédiger plusieurs milliers de fiches avant que sa base de données soit exhaustive.

M. François Romaneix, directeur de la HAS , a considéré qu'il ne revient pas à la HAS de juger du contenu des bases de données privées. Son rôle est de déterminer des critères de qualité pour leur mise en place. Il conviendra donc de certifier les logiciels d'aide à la prescription mais aussi les bases de données.

M. Laurent Degos a indiqué que le fonctionnement de la commission de la transparence ne sera pas modifié par les dispositions de l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : elle continuera à évaluer les produits selon des critères médicaux. En revanche, la prise en compte, par la HAS, des données économiques et sociétales relatives aux produits devrait renforcer la qualité des évaluations post-AMM.

Il a également estimé que l'automédication, qui rend le patient acteur de sa santé, constitue un changement culturel considérable dans un pays où les patients sont traditionnellement invités à suivre strictement les prescriptions médicales. L'automédication doit donc être favorisée, grâce à des actions d'éducation thérapeutique auprès de la population et à la mise en oeuvre de programmes d'observance.

M. Nicolas About, président , a rappelé que le choix, par le patient, de son traitement, est prévu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

M. Laurent Degos a ensuite fait valoir que des économies peuvent encore être réalisées en réduisant le prix des génériques et des médicaments dénommés « me too ». A titre d'exemple, il a indiqué que les génériques coûtent à peine un cent aux Etats-Unis et que l'Allemagne considère les « me too » au même titre que les génériques pour la fixation de leur prix. A cet égard, le travail effectué par la HAS pour fixer le service médical rendu (SMR) et l'amélioration du service médical rendu (ASMR) des médicaments devrait conduire le comité économique des produits de santé (CEPS) à baisser le prix de certains produits.

En matière de commercialisation du médicament, il a jugé efficient le système français qui répartit les étapes de la procédure entre trois instances - l'Afssaps pour la mise sur le marché, la HAS pour l'évaluation du SMR et de l'ASMR et le CEPS pour la fixation du prix.

Concernant l'éducation thérapeutique des patients, il s'est déclaré en faveur d'une information et de programmes d'observance établis et diffusés par des professionnels indépendants, contrairement à la proposition du forum pharmaceutique européen favorable à la communication directe des laboratoires à destination des patients.

Il a également indiqué que la HAS soutient une évaluation des pratiques professionnelles (EPP) indépendante de l'industrie et détachée de toute influence extérieure.

Il a enfin rappelé que tous les pays développés sont confrontés à une forte augmentation de la part des ALD dans les dépenses de santé. Selon les pays, elles expliquent 90 % à 95 % de l'augmentation des dépenses. La France n'est pas, sur ce point, dans la position la plus critique puisque le taux d'obésité, qui constitue un facteur majeur de déclenchement d'une ALD, y est encore relativement faible.

M. François Autain a souhaité obtenir des réponses plus précises aux questions qu'il a précédemment posées sur les études post-AMM et les visites médicales.

M. Laurent Degos est convenu que le système actuel de lancement et de suivi des études post-AMM mérite d'être amélioré. Une première étape devrait être franchie avec la prise en compte de critères médico-économiques dans les évaluations post-AMM de la HAS.

M. François Autain s'est interrogé sur le nombre important d'études post-AMM commandées depuis 1997 mais non encore effectuées.

M. Laurent Degos a estimé que cette situation s'explique par l'absence de sanctions en cas de non-réalisation des études prévues.

Concernant la visite médicale, il a fait valoir que les médecins lisent rarement l'intégralité des avis de la commission de la transparence transmis par les visiteurs médicaux. La HAS travaille donc à la rédaction de fiches de bon usage plus courtes et facilement utilisables.

M. François Romaneix a rappelé que, s'agissant de la visite médicale, la certification de la HAS porte sur les méthodes de diffusion de l'information et de formation des visiteurs par le laboratoire, et non sur le contenu de l'information. Un observatoire de la visite médicale sera prochainement installé pour mesurer l'impact de cette certification sur la qualité de la visite médicale.

M. Laurent Degos a indiqué que la limitation de la certification aux procédures - ou contenants - s'applique également aux sites Internet e-santé. Il convient toutefois d'informer les usagers sur les limites de certification de la HAS, afin qu'ils ne s'estiment pas dupés en cas de défaillance du contenu.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a demandé quels sont les moyens d'assurer aux Français un contenu de qualité des informations diffusées sur la santé.

M. Laurent Degos a proposé la création d'un label de la HAS opposable aux données.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a estimé que les pouvoirs publics doivent s'engager à ce que l'information sanitaire proposée par les sites certifiés soit de qualité.

M. Jean-Claude Etienne a souhaité connaître l'opinion de la HAS sur les références médicales obligatoires (RMO).

M. Laurent Degos a considéré que les RMO ont constitué une expérience difficile. Il existe, selon lui, trois moyens de changer les comportements : la recommandation, la comparaison et la punition, cette dernière solution étant généralement mal supportée par la société française. Or, les RMO ont été jugées trop contraignantes pour les médecins, qui ont déjà eu du mal à accepter le principe de l'évaluation des pratiques professionnelles. Il a rappelé que la HAS impose une obligation de moyens et non de résultats aux professions de santé. Ce n'est pas le cas pour les établissements de santé.

M. François Autain a estimé que les RMO ne sont pas réellement opposables car il n'existe pas de sanctions en cas de non-application.

M. Jean-Claude Etienne a ensuite interrogé M. Laurent Degos sur les perspectives en matière de démographie médicale.

M. Laurent Degos a annoncé que la HAS éditera prochainement une recommandation sur les délégations d'actes entre professionnels de santé.

Cela étant, le problème de la diminution du nombre de professionnels ne concerne pas les infirmières ni les pharmaciens, mais les seuls médecins, et ce dans les quinze prochaines années. Il ne se pose pas non plus entre les régions mais, au sein de chaque région, entre les grandes villes, les villes moyennes et les zones rurales.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance maladie , a souhaité connaître l'opinion de M. Laurent Degos sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatives à la démographie médicale.

M. Alain Milon a fait valoir que la situation est préoccupante en psychiatrie, où certains services ferment par manque d'infirmiers. Il s'est interrogé, à cet égard, sur l'opportunité de remettre en place une formation spécifique pour les infirmières psychiatriques. Il a également estimé que la question des inégalités de répartition de l'offre de soins doit être traitée en priorité par rapport à celles relatives au développement de l'automédication et aux transferts de tâches entre professionnels de santé.

M. François Autain a demandé quel est le montant du budget consacré chaque année par la HAS à la communication.

M. François Romaneix a précisé que ce budget, 60 millions d'euros par an, est équitablement réparti entre les activités de recommandation, de certification et d'évaluation, qui comportent toutes des actions de communication. Quoi qu'il en soit, la somme qui est consacrée à ce poste est bien inférieure au budget de communication de l'industrie pharmaceutique.

M. François Autain a rappelé que M. Etienne Caniard, président de la commission qualité et diffusion de l'information médicale de la HAS, avait indiqué à la mission d'information « médicaments » de la commission que la HAS consacrait 14 millions d'euros par an à la communication.

M. François Romaneix a estimé ce chiffre exact s'agissant du médicament, mais il a fait valoir que les actions de communication de la HAS couvrent bien d'autres domaines.

M. Laurent Degos a considéré que cette somme doit être mise en perspective avec les efforts de communication déployés par les laboratoires, notamment les 120 000 visites médicales réalisées quotidiennement.

M. François Autain a estimé que la HAS doit mettre en place une visite médicale indépendante, à l'instar de ce qui est fait par l'assurance maladie.

M. Laurent Degos a considéré que la HAS est déjà synonyme d'indépendance et de crédibilité, pour les professionnels de santé comme pour le grand public.

* 1 Rapport annuel, Hcaam, juillet 2007.

* 2 Hcaam, rapport annuel, juillet 2007.

* 3 Mission bouclier sanitaire, Raoul Briet, Bertrand Fragonard, rapport remis au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports et au haut commissaire aux solidarités actives, septembre 2007

* 4 A l'occasion du quarantième anniversaire de l'association des journalistes de l'information sociale.

* 5 La sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2007.

* 6 Offre de soins : comment réduire la fracture territoriale ? Rapport d'information de Jean-Marc Juilhard, au nom de la commission des affaires sociales, Sénat n° 14, 2007-2008.

* 7 Rapport annuel sur la loi de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2007.

* 8 Proposition n° 2007-10 en date du 30 juin 2007 relative au montant des sous-objectifs de l'Ondam relatifs aux dépenses des établissements de santé pour 2008. Conseil de l'hospitalisation.

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