B. UNE REFONTE NÉCESSAIRE
Les défauts du dispositif sont connus des autorités sanitaires . De manière générale, ils sont considérés comme mineurs car ne frappant qu'une partie infime de la population. Par ailleurs, l'intervention des assureurs complémentaires permet de limiter les effets du reste à charge sur les ménages.
Depuis la loi du juillet 1999 instaurant une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c), ce recours à un contrat complémentaire peut même être considéré comme un mode normal de couverture dont doivent bénéficier tous les assurés.
Au cours des dernières années, cette voie a constitué la seule réponse apportée par les pouvoirs publics à l'augmentation des restes à charge supportés par les assurés. Elle n'offre pourtant pas une protection équivalente à celle mise en oeuvre en Belgique ou en République fédérale d'Allemagne, systèmes dans lesquels la participation des assurés à leurs propres dépenses de santé est plafonnée.
1. L'articulation des interventions du régime obligatoire et des assureurs complémentaires
La loi du 13 août 2004 a souhaité approfondir la possibilité offerte aux assurés de recourir à un assureur complémentaire en créant un dispositif réservé aux ménages à revenus modestes.
a) La mise en place des contrats responsables
Les contrats responsables s'inscrivent dans une démarche de gestion du risque que les pouvoirs publics ont souhaité promouvoir dans le cadre de la nouvelle gouvernance de l'assurance maladie. Ils visent ainsi à favoriser une meilleure prise en charge globale de tous les Français, à les inciter à respecter le parcours de soins et à optimiser les dépenses de santé.
En contrepartie, les contrats responsables bénéficient d'exonérations fiscales . Cette méthode avait déjà été mise en oeuvre en 2002 avec la création des « contrats solidaires ». Rappelons qu'un contrat est qualifié de solidaire lorsque le bénéficiaire n'est pas soumis à un questionnaire médical et lorsque les cotisations ne sont pas fixées en fonction de son état de santé. En contrepartie, ces contrats spécifiques bénéficient d'une exonération de la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) de 7 %.
Ces incitations s'adressent directement aux assureurs complémentaires. Pour bénéficier de l'appellation de « contrat responsable » et des aides afférentes, les contrats doivent respecter le cahier des charges fixé par la loi , et complété par un décret du 30 septembre 2005, pris après avis de l'Uncam et de l'Unocam.
Cette politique d'incitation fiscale poursuit deux objectifs. Tout d'abord assurer une meilleure articulation des interventions entre le régime obligatoire de sécurité sociale et les assureurs complémentaires grâce à la définition d'un cahier des charges. Ensuite, abaisser le coût des contrats « santé » commercialisés par les assureurs afin de faciliter leur acquisition par l'ensemble des ménages.
L'objectif est de permettre à chaque assuré de bénéficier, dans le cadre de sa protection contre le risque maladie, de l'intervention du régime obligatoire, puis des régimes complémentaires afin d'optimiser la prise en charge de ses dépenses de santé.
b) L'aide à l'acquisition d'une complémentaire
Un premier dispositif « d'aide à la mutualisation » avait été mis en place en mars 2002, par avenant à la convention d'objectifs et de gestion (Cog) conclue entre l'Etat et la Cnam, pour aider les assurés dont les ressources n'excédaient pas de plus de 12,7 % le plafond de ressources de la CMU-c, à souscrire des contrats de couverture complémentaire santé.
Il a été appliqué par la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) et la caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes (Canam). Cette dernière avait déjà développé de sa propre initiative, et ce dès 2000, un dispositif d'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire destiné à atténuer l'effet de seuil de la CMU.
Les contrats éligibles à l'aide garantissaient un panier de biens identique à celui de la CMU : prise en charge du ticket modérateur, du forfait hospitalier journalier et des dépassements prévus en matière optique, dentaire et de correction auditive dans les limites prévues par les arrêtés CMU du 31 décembre 1999. En outre, les titulaires bénéficiaient d'une dispense d'avance de frais.
L'article 56 de la loi du 13 août 2004 a créé une nouvelle aide à l'acquisition d'une assurance maladie complémentaire pour les ménages dont les revenus se situent entre le plafond ouvrant le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) et ce plafond majoré de 20 %.
Ce dispositif se substitue à l'aide à la mutualisation. Il prend la forme d'une aide financière réservée à la souscription de contrats à adhésion individuelle, conformes au cahier des charges des contrats responsables. Il est accordé sous conditions de ressources et son montant est variable selon l'âge des bénéficiaires.
Novateur, ce dispositif a pour objectif de réduire le nombre de ménages ne bénéficiant pas d'une couverture santé complémentaire (environ 8% de la population, mais 14% des personnes âgées de 80 ans et plus). En effet, la protection accordée par les contrats complémentaires réduit le montant des dépenses de santé restant à la charge des assurés et favorise ainsi l'accès aux soins.
Mais, trois ans après sa création, ce dispositif se révèle relativement décevant puisque si le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à 2,7 millions de personnes, le nombre d'allocataires devrait s'élever à 300 000 à la fin 2007.
2. Le bouclier sanitaire : une réforme radicale des modalités de prise en charge
En juillet dernier, Raoul Briet, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), et Bertrand Fragonard, président du Hcaam, ont été chargés d'un rapport sur les conditions de mise en oeuvre d'un bouclier sanitaire. 3 ( * )
Cette mission s'inscrit dans une réflexion plus large qui englobe, d'une part, le débat sur la création de nouvelles franchises dans le domaine de l'assurance maladie, et, d'autre part, les conditions de prise en charge des personnes souffrant d'une maladie chronique ou d'une ALS.
a) Le périmètre du bouclier sanitaire
Ce mécanisme a pour objet de garantir aux assurés qu'au-delà d'un certain seuil, leur participation à leurs propres dépenses de santé serait intégralement prise en charge par l'assurance maladie ; la protection dont bénéficieraient les personnes malades serait ainsi assurée conformément à ce que signifie l'expression « bouclier sanitaire ».
L'objectif principal du bouclier sanitaire est d'apporter une protection supplémentaire aux personnes, environ 8 % de la population, qui ne sont pas couvertes par une assurance complémentaire.
Cette protection s'appliquerait aux dépenses prises en charge par les régimes obligatoires d'assurance maladie. La grande faiblesse du dispositif proposé est sa méconnaissance des dépenses supportées par les assurés, notamment celles liées à la pratique des dépassements tarifaires. Or selon l'Igas, les dépassements tarifaires pratiqués par les médecins s'élèvent à 2,5 milliards d'euros en 2006, ce qui représente une participation supplémentaire des assurés évaluée à 140 euros. Il ne s'agit là que des dépassements pratiqués dans le secteur médical, donc sans tenir compte des dépassements réglés pour les soins optiques ou dentaires.
Le recours à cette solution aurait des effets radicaux sur le système actuel de prise en charge des patients en ALD. Ce dispositif d'exonération du ticket modérateur pour les soins en rapport avec la pathologie n'aurait probablement plus lieu d'être. Par ailleurs, participations forfaitaires, franchises, tickets modérateurs, taux de remboursement modulés et exonérations seraient contenus dans la limite du plafond des dépenses demeurant à la charge des assurés.
b) Un bouleversement des modes de prises en charge
Le déploiement d'un bouclier sanitaire ne sera pas sans conséquence sur la pérennité des modes de prises en charge existant. Le rapport suggère trois scénarios :
- un premier bouclier « soins de ville », sans conditions de ressources. Pour être neutre financièrement, le plafond des dépenses demeurant à la charge des assurés devrait être fixé à 800 euros par an (ville et hôpital) ce qui correspond à environ 5 % du revenu moyen des Français. En Allemagne le plafond de dépenses restant à la charge des assurés est fixé à 2 % de leurs revenus, et même à 1 % pour les patients atteints de pathologies lourdes. Même en modulant le niveau à partir duquel le bouclier offre sa protection (les auteurs évoquent six hypothèses entre 400 et 900 euros), la situation de la majorité des assurés demeure inchangé, mais une nette amélioration peut être constatée sur certains ménages disposant de revenus modestes ;
- une deuxième évolution pourrait consister en la création de deux tickets modérateur, l'un à taux réduit pour les patients souffrant d'une ALD, l'autre de droit commun pour tous les autres assurés ;
- le troisième projet propose un bouclier modulé selon les revenus. Il s'agit du scénario privilégié par le rapport, qui permet une nette amélioration pour plus de 30 % des patients souffrant d'une ALD et pour les assurées dont le revenu est inférieur au seuil de la CMU-c.
Le dispositif constituerait une véritable révolution puisqu'aujourd'hui la prise en charge des dépenses d'assurance maladie n'est liée à aucune condition de ressources.
L'instauration d'un tel dispositif supposerait que l'assurance maladie soit en mesure : d'établir des indicateurs de suivi du reste à charge de chaque assuré, de gérer en temps réel l'évolution de chaque dossier afin de garantir le bénéfice de la couverture dès le dépassement du plafond et d'intégrer, dans les systèmes d'information les éléments relatifs aux revenus des assurés.
Compte tenu des difficultés techniques inhérentes à ce projet, le rapport considère que ce bouclier sanitaire ne pourrait être mis en oeuvre avant le 1 er janvier 2010.
* 3 Mission bouclier sanitaire, Raoul Briet, Bertrand Fragonard, rapport remis au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports et au haut commissaire aux solidarités actives, septembre 2007