II. LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE
La proposition de révision adoptée par la Commission européenne le 13 décembre 2005 est le fruit d'une procédure de consultation qui s'est étalée sur près de trois ans. Il s'agit donc d'un texte de compromis fortement influencé par les récentes évolutions du contexte technologique, juridique et diplomatique.
A. LE CONTEXTE
Les dispositions de la proposition de révision doivent être examinées à l'aune du développement de la technologie numérique, des modifications récentes de la réglementation communautaire et de l'adoption d'un instrument international pour la promotion de la diversité culturelle.
1. Le contexte technologique
La société de l'information se trouve à un tournant : les récents progrès technologiques ont été fulgurants et les technologies de l'information entrent dans une phase de déploiement massif susceptible de changer fondamentalement notre façon de travailler, de vivre et d'interagir.
Les contenus multimédia deviennent en effet disponibles dans des formats nouveaux et diversifiés, peuvent être délivrés indépendamment de l'endroit et du moment et adaptés aux préférences et aux attentes du citoyen. En termes techniques, les réseaux de communication, les médias, les contenus, les services et les équipements sont en pleine convergence numérique. L'amélioration des réseaux, associée aux nouvelles techniques de compression, offre des canaux de distribution nouveaux et plus rapides et donne naissance à de nouveaux formats de contenus et à des nouveaux services (voix sur IP, Web TV...).
Dans ces conditions, la Commission européenne a estimé que « si l'Europe veut tirer pleinement parti de son potentiel économique, il faut une approche politique proactive pour stimuler favorablement le développement des marchés et la promotion de la société de la connaissance à la fois saine et sûre, et la protection du consommateur ». Cette approche passait par la modification de la directive « Télévision sans Frontières ».
2. Le contexte juridique
La convergence numérique nécessite un régime cohérent de règles pour le secteur de la société de l'information et des médias. Dans ce domaine, le marché intérieur est régi par un large éventail de règles concernant, par exemple, les médias audiovisuels, la télévision numérique, les transactions en ligne, les droits de propriété intellectuelle et les mesures de soutien à la création et la diffusion des contenus européens. Si certains textes réglementaires tiennent d'ores et déjà compte de la convergence numérique d'autres, à l'image de la directive « Télévision sans Frontières », ne le font pas encore.
En 1999, la Commission européenne a ainsi procédé à un important réexamen de la législation communautaire existante en matière de télécommunications, ce qui a entraîné l'adoption d'un nouveau cadre réglementaire pour les communications électroniques en vigueur depuis juillet 2003. Celui-ci s'applique à toutes les infrastructures de transmission, la réglementation du contenu des émissions transmises par les réseaux de communications électroniques restant toutefois en dehors de son champ d'application. L'objectif du réexamen en question était de créer une série de règles de déréglementation simples, neutres sur le plan technologique et suffisamment souples pour s'adapter à des marchés en mutation rapide dans le secteur des télécommunications électroniques.
Dans le même esprit, la directive sur le commerce électronique fournit un cadre juridique peu contraignant pour le commerce électronique et ne prend en compte que les éléments qui sont strictement nécessaires pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur dans le secteur du commerce électronique. Elle a été rédigée d'une manière neutre sur le plan technologique afin d'éviter de devoir constamment adapter le cadre juridique aux nouveaux développements. Elle couvre une grande variété de services fournis en ligne (les « services de la société de l'information »), depuis les journaux et services de nouvelles spécialisées en ligne (comme les informations commerciales ou financières) et la vente à distance de divers produits (livres, matériels et logiciels informatiques, produits pharmaceutiques ...) à la prestation en ligne de services financiers (services bancaires en ligne, investissements en ligne).
3. Le contexte diplomatique
En ce qui concerne les services audiovisuels, l'Union européenne tente de préserver des marges de manoeuvre garantissant la possibilité non seulement de maintenir les mesures nationales et communautaires existantes applicables à ce secteur mais également de développer les politiques et instruments nationaux et communautaires en réponse aux développements intervenant dans le secteur.
Elle a surtout encouragé, à l'initiative de la France, l'adoption d'une « convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques » au cours de la 33 e session de l'UNESCO en octobre 2005.
Ce texte représente une avancée historique dans le cadre juridique international tout en donnant une nouvelle légitimité aux prétentions françaises en matière de quotas à l'échelle de l'Union européenne. Il reprend en effet les principaux objectifs que la France s'est toujours fixés :
- la reconnaissance de la nature spécifique des activités, biens et services culturels en tant que porteurs d'identité, de valeurs et de sens (art. 1 § g) ;
- la réaffirmation du droit souverain des États de conserver, d'adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures qu'ils jugent appropriées en vue de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire (art. 1 § h) ;
- le renforcement de la coopération et de la solidarité internationales dans un esprit de partenariat afin, notamment, d'accroître les capacités des pays en développement de protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles (art. 1 § j).
L'article 20 concernant l'articulation avec les autres traités internationaux, qui a fait l'objet des plus vives discussions et était à l'origine des principales objections à la convention, est satisfaisant. Tout en reconnaissant les obligations antérieures, il ne subordonne pas la convention aux autres traités et demande aux parties de prendre en compte les dispositions de ladite convention lorsqu'elles souscrivent à d'autres obligations internationales.