B. LES RÉSULTATS
Désormais transposée intégralement dans la totalité des Etats membres, la directive « Télévision sans Frontières » a incontestablement permis le développement du marché de la télévision transfrontière et la mise en place de mesures d'intérêt général à l'échelle de l'Union européenne.
Les résultats obtenus en matière de diversité culturelle demeurent en revanche mitigés : si les objectifs fixés par la directive en matière de diffusion des oeuvres européennes et indépendantes sont globalement respectées, la circulation de ces mêmes oeuvres au sein de l'Union européenne demeure problématique.
1. Le développement du marché de la télévision transfrontière en Europe
Votre rapporteur tient d'abord à souligner le dynamisme de l'offre audiovisuelle européenne. D'après les données fournies par l'Observatoire européen de l'audiovisuel 7 ( * ) , le nombre de chaînes nationales et transnationales concernées par les dispositions de la directive « Télévision sans Frontières », indicateur essentiel de la santé économique du secteur télévisuel comme du choix dont jouissent les consommateurs en terme de contenus, avoisinait les 1 100 au 1 er janvier 2004.
Le nombre de chaînes a par conséquent fortement augmenté 8 ( * ) : il s'élevait à 103 en 1990 ! Sans surprise, ce sont les chaînes thématiques dédiées au cinéma et au sport qui bénéficient sur la période de la plus forte croissance (aucune en 1990, 92 en 2003). Par ailleurs, environ 1900 chaînes régionales et locales, dont presque 70 relayées par satellite, étaient également disponibles.
2. Un impact économique difficilement quantifiable
L'impact économique de la télévision transfrontière sur les marchés nationaux est difficile à évaluer faute de données précises. On peut imaginer la collecte d'informations sur les recettes (générées par la publicité, les abonnements et les droits du câble) des radiodiffuseurs provenant des marchés hors de leur pays d'établissement. Toutefois, votre rapporteur constate que ce type de données n'est pas divulgué par les radiodiffuseurs. Dans la plupart des cas, les radiodiffuseurs transfrontières ne publient pas de comptes de résultat détaillés : ceci est particulièrement vrai avec les radiodiffuseurs établis au Royaume-Uni et aux Pays-Bas et ciblant les marchés continentaux. Quant aux rares radiodiffuseurs transfrontières qui publient leurs comptes, la ventilation de leurs recettes entre le marché national et les autres marchés n'est généralement pas assez détaillée.
Selon l'Observatoire européen de l'audiovisuel : « les experts des marchés européens de la publicité consultés à ce sujet ont confirmé qu'il est pratiquement impossible d'analyser les flux des recettes publicitaires générées dans ces circonstances. »
3. Des obligations de diffusion respectées mais une circulation des oeuvres européennes notoirement insuffisante
Aux termes du considérant 44 de la révision de 1997 : « l'approche adoptée dans la directive 89/552/CEE et la présente directive vise à réaliser l'harmonisation fondamentale nécessaire et suffisante pour assurer la libre circulation des émissions de télévision à l'intérieur de la Communauté [...] ».
Si la circulation des émissions de stock doit être considérée comme l'objectif principal des articles 4 et 5 9 ( * ) de la directive « Télévision sans Frontières », celui-ci demeure loin d'être atteint à l'échelle de l'Union européenne.
a) Des obligations de diffusion globalement respectées
L'application des articles 4 et 5 fait l'objet tous les deux ans d'une communication de la part de la Commission européenne. Aux termes de la sixième et dernière communication consacrée au sujet 10 ( * ) , la Commission européenne s'est déclarée globalement satisfaite de l'application de ces articles par les États membres. Votre rapporteur se propose de vous communiquer les principaux éléments de cette étude.
(1) La diffusion des oeuvres européennes (article 4)
Le temps moyen de diffusion réservé aux oeuvres européennes par les chaînes réalisant les plus fortes audiences s'est établi à près de 66,1 % en 2002, soit une augmentation de 5,4 points par rapport à 1999 (60,7 %). Selon l'État membre concerné, le temps moyen de diffusion consacré aux oeuvres européennes varie entre 48,7 % (Irlande) et 80 % (Luxembourg).
Dans sa sixième communication au Conseil et au Parlement européen relative à l'application des articles 4 et 5, la Commission européenne peut ainsi conclure que « les chiffres relatifs au temps moyen de diffusion montrent que, pour la première fois, aucun progrès n'a été accompli à l'échelon communautaire dans la programmation des oeuvres européennes (article 4). Toutefois, nonobstant un léger recul (- 0,85 point) pendant la période de référence 2001-2002, on observe une progression plus notable de 5,4 points sur quatre années (1999-2002), qui démontre une stabilisation de la programmation des oeuvres européennes à près de 2/3 du temps total de diffusion pris en compte. En conséquence, dans une perspective à moyen terme, l'application de l'article 4 de la directive « Télévision sans Frontières » a été globalement satisfaisante. »
(2) La diffusion des oeuvres indépendantes (article 5)
La proportion moyenne d'oeuvres de producteurs indépendants diffusées par toutes les chaînes européennes, tous États membres confondus, était de 34 % en 2002, soit une baisse de 6,5 points par rapport à 1999. La proportion moyenne réservée à ce type d'oeuvres variait, selon l'État membre concerné, entre 19 % (Italie) et 61 % (Autriche) en 2002.
La deuxième constatation concerne le nombre total de chaînes atteignant ou dépassant la proportion minimale de 10 % d'oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants : le taux moyen de conformité des chaînes, tous États membres confondus, s'est établi à 89 % en 2002, soit une progression de 4 points comparée à 1999 (85 %).
Le troisième résultat a trait à la part moyenne allouée à l'échelon communautaire aux oeuvres européennes récentes de producteurs indépendants, c'est-à-dire les oeuvres diffusées dans les cinq ans qui suivent leur production : la part moyenne, pour les chaînes de tous les États membres, allouée aux oeuvres européennes récentes de producteurs indépendants était de 62 % en 2002 ; ces chiffres sont exprimés en pourcentage de toutes les oeuvres européennes (récentes ou non) émanant de producteurs européens.
Par rapport à 1999 (53,8 %), on observe donc une progression de 8,2 points sur quatre années. La part moyenne allouée à ce type d'oeuvres variait, selon les États membres, entre 23,75 % (Espagne) et 99 % (Irlande) en 2002. En proportion du temps total de diffusion pris en compte, les oeuvres récentes de producteurs indépendants ont dépassé en permanence les 20 %.
Dans le document précité, la Commission européenne reconnaissait donc que « s'agissant de l'application de l'article 5, la tendance est moins positive. Pour la première fois, on constate un recul, tant à l'intérieur de la période de référence actuelle (- 3,70 points) qu'en comparaison de la période de référence précédente (- 3,46 points). Cependant, les chiffres moyens de l'UE en matière de diffusion des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants se sont situés en permanence à des niveaux bien supérieurs à la proportion minimale de 10 % prévue par la directive.
En outre, les niveaux de diffusion des oeuvres européennes récentes de producteurs indépendants ont été relativement élevés. Dans cette perspective, l'évolution positive constatée pendant la période de référence a prolongé la tendance positive de la période de référence précédente (1999-2001). »
b) L'inquiétante faiblesse de la circulation des oeuvres européennes non nationales
Votre rapporteur constate que si l'article 4 de la directive a permis de consolider les objectifs nationaux de protection et de promotion du marché national du contenu, il n'a en revanche ni favorisé l'émergence d'un marché véritablement européen de la programmation, ni encouragé l'échange et la circulation de programmes de télévision européens au sein de l'Union européenne.
Les dispositions nationales relatives aux productions dans les langues du pays ont sans doute à cet égard entravé les échanges intracommunautaires. La part moyenne d'oeuvres européennes non nationales diffusées a en effet stagné à un niveau relativement bas - 11,9 % en 2002 sur les chaînes principales - bien qu'un effort particulier ait toutefois été réalisé par les chaînes publiques en ce domaine.
Alors que le volume global des oeuvres européennes a augmenté de manière significative sur la période 1993-2002, le nombre d'heures consacrées aux oeuvres européennes non nationales a augmenté plus lentement, ce qui signifie que les chaînes utilisent dans une proportion relativement moindre les programmes conçus dans un autre État membre. De plus, les petits pays qui partagent la langue d'un État membre voisin de plus grande taille tendent à diffuser une plus forte proportion de programmes de ce type, alors que ceux-ci sont presque totalement absents dans les plus grands États membres.
* 7 La télévision transfrontière dans l'Union européenne, Document de travail rédigé par l'Observatoire européen de l'audiovisuel à l'occasion de la conférence ministérielle sur la radiodiffusion organisée par la Présidence irlandaise de l'Union européenne, Dublin et Drogheda, 1 - 3 mars 2004.
* 8 De l'aveu de l'Observatoire : « L'effet combiné de la déréglementation, de l'essor de la technologie numérique et de la surcapacité des systèmes satellitaires européens a conduit à une multiplication du nombre de services de télévision proposés, dans une mesure telle que le simple décompte des chaînes est devenu un problème complexe. »
* 9 L'article 4 de la directive exige que les Etats membres veillent, « chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés », à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des oeuvres européennes une proportion majoritaire de leur temps de diffusion, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat.
L'article 5 prévoit quant à lui que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants une proportion minimale (au moins 10 %) de leur temps de diffusion, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat. Les Etats membres peuvent sinon exiger des radiodiffuseurs qu'ils allouent 10 % au moins de leur budget de programmation à des productions indépendantes. Une proportion adéquate d'oeuvres de producteurs indépendants doit être constituée d'oeuvres récentes, c'est-à-dire ayant été produites moins de cinq ans auparavant.
* 10 Sixième communication de la Commission relative à l'application des articles 4 et 5 de la directive 89/552/CEE « Télévision sans Frontières » modifiée, pour la période 2001-2002, du 28 juillet 2004.