II. UN DISPOSITIF AMÉLIORÉ DEPUIS 1991 ET PRECISÉ PAR LE DROIT COMMUNAUTAIRE
A. LA CONVENTION DE 1991
L'acte de révision signé le 19 mars 1991 complète le dispositif sur deux points principaux : la primauté du COV face au brevet au travers de la notion de « variété essentiellement dérivée » et le règlement de la question délicate des « semences de ferme ».
1. L'extension des droits des obtenteurs au regard de ceux des titulaires de brevets biotechnologiques
La convention UPOV du 19 mars 1991 actualise certaines des obligations des Etats membres afin, notamment, d'accroître le droit de l'obtenteur.
Dans son article 2, elle invite chaque Etat membre à octroyer et à protéger les droits des obtenteurs, expression qui se substitue à la rédaction de l'article 2 du protocole de révision du 23 octobre 1978, qui stipulait que chaque Etat pouvait reconnaître le droit de l'obtenteur « par un titre de protection particulier ou un brevet ». Au-delà de cette différence formelle, le texte réalise une avancée juridique substantielle : tandis que le brevet ne s'applique qu'à une technique de reproduction variétale ou de transformation génétique, le certificat d'obtention végétale, quant à lui, protège la variété elle-même. Sur la base de cette définition, la convention prévoit que le droit de l'obtenteur s'étend aux « variétés essentiellement dérivées de la variété protégée », ce qui peut inclure les variétés obtenues après modification génétique.
Ainsi, l'entreprise de génie génétique qui utilise une variété protégée par un COV comme support de son propre produit (par exemple, une résistance à un insecte ou un herbicide) ne pourra plus exploiter la variété modifiée sans l'autorisation du titulaire du COV lorsque cette variété est « essentiellement dérivée » de la variété initiale.
2. La création d'un cadre favorable à la résolution du problème des semences de ferme
Si l'exception prévue au profit des sélectionneurs a toujours été consubstantielle au COV, il n'en est, en revanche, pas de même pour celle applicable aux agriculteurs 5 ( * ) .
En fait, la question porte sur le point de savoir si un agriculteur peut utiliser librement des « semences de ferme », c'est-à-dire des graines tirées d'une récolte elle-même issue de semences protégées par un COV.
Avant 1991, les conventions n'indiquaient rien de spécifique à cet égard. La position prise par les législations nationales était liée à l'interprétation donnée par chaque Etat partie de l'article 5 de la convention de 1961 qui stipulait que le « droit accordé à l'obtenteur a pour effet de soumettre à son autorisation préalable la production à des fins d'écoulement commercial du matériel de reproduction de la variété ». Certains pays (comme la France) avaient considéré que « l'écoulement commercial » visé pouvait être la récolte obtenue à partir de semences de ferme, et que celles-ci étaient donc implicitement interdites par l'article 5, sauf pour un usage dit « amateur », c'est-à-dire ne donnant jamais lieu à la commercialisation d'un produit, même dans les phases ultérieures de la chaîne de production. Au contraire, d'autres Etats (comme le Royaume-Uni) avaient estimé que l'écoulement commercial visé était celui de la production du matériel de reproduction et que les semences de ferme n'étaient pas interdites dès lors qu'elles n'étaient pas vendues.
Pour la première fois, la convention UPOV de 1991 précise expressément l'état du droit sur ce point. D'une part, elle prévoit que la protection ne couvre plus seulement le matériel de reproduction ou de multiplication végétative, mais également tout acte de reproduction, ce qui inclut les semences de ferme.
D'autre part, son article 15 prévoit explicitement la possibilité d'exclure du droit d'obtenteur les semences produites et utilisées sur une même exploitation , ce principe s'appliquant « dans des limites raisonnables, et sous réserve des intérêts légitimes de l'obtenteur ».
* 5 Souvent dénommée « privilège de l'agriculteur ».