B. LES TECHNIQUES DU BLANCHIMENT
Elles ont pour but de transformer des sommes issues d'activités illicites en une monnaie utilisable grâce à la suppression de toute preuve de l'origine des fonds.
En 1990, le GAFI (Groupe d'action financière instituée en 1989 à l'occasion d'une réunion du G7) a présenté un rapport comportant une étude sur le blanchiment et un ensemble dit des « Quarante recommandations » permettant de lutter contre ce phénomène.
Il a exposé les trois étapes principales du blanchiment :
- Le placement (ou prélavage) consiste à écouler ou transformer l'argent liquide recueilli à l'occasion de l'infraction initiale.
- L'empilage (ou lavage) permet de rendre malaisée la détermination de l'origine des fonds, notamment en multipliant les transactions successives.
- L'intégration (ou recyclage) est la réintroduction des sommes blanchies dans le circuit économique légal en justifiant la provenance régulière de ces fonds.
Les techniques de blanchiment sont diverses. Elles peuvent être liées à la manipulation d'espèces puisque l'argent liquide constitue la majorité des revenus des entreprises criminelles. La manipulation d'espèces suppose une sécurisation et une excellente organisation du transport clandestin de l'argent liquide recourant notamment au fret maritime car celui-ci est l'objet d'une surveillance réduite, compte tenu des fortes quantités transportées.
Lorsqu'il s'agit de détournement de fonds publics, on ne peut que déplorer la participation de personnes disposant de passeports diplomatiques, bénéficiant de l'utilisation des salons VIP dans les aéroports ou du recours aux valises diplomatiques de certaines ambassades.
On a également constaté récemment l'utilisation des messageries postales internationales (Chronopost ou DHL).
• Au-delà du problème du transport
matériel des capitaux, les blanchisseurs utilisent une méthode
bien définie par le GAFI et relative à la structuration des
fonds : ceux-ci sont divisés en sommes relativement minimes afin de
ne pas attirer l'attention et confiés à des porteurs qui, de
banque en banque, multiplient les opérations de change,
dépôts, effets négociables, etc ...
Ainsi, les établissements bancaires n'effectuent pas de « déclaration de soupçon » (notion définie ultérieurement).
• En revanche, pour le blanchiment de sommes
très importantes, le recours aux organismes financiers,
particulièrement les établissements bancaires ou de
crédit, est indispensable. Les fonds y sont déposés, en
espèces ou par des virements électroniques (moyen plus
contemporain et plus redoutable en termes de détection). Parfois, les
sommes à blanchir sont aussi tout simplement déposées dans
des coffres de ces établissements, les montants et la nature des
dépôts ne faisant pratiquement plus l'objet de contrôle. Les
blanchisseurs peuvent ensuite retirer les sommes nécessaires à
leurs dépenses personnelles ou « professionnelles »,
en tout anonymat.
• Outre les établissements bancaires, les
opérations de blanchiment s'effectuent par l'intermédiaire des
petites et moyennes entreprises qui, à titre professionnel, manient de
grandes quantités d'espèces et peuvent se livrer à
diverses manipulations comptables proches des méthodes de fraude
fiscale.
On peut en donner quelques exemples :
- les micro-investissements réalisés en argent liquide, puisqu'il s'agit de sommes modestes dans des opérations, modestes elles aussi, dans les pays en développement ;
- la sous-évaluation qui consiste, pour une société d'import-export à s'approvisionner auprès d'un fournisseur étranger en obtenant une réduction importante sur le prix réel des marchandises. La différence est comblée par le versement d'un « dessous de table » et la société d'import-export peut alors justifier d'importants gains financiers en revendant ses marchandises avec un profit extrêmement élevé :
- Autre exemple, l'utilisation des entreprises de spectacles et des bars ou boîtes de nuit. Dans le premier cas, des artistes qualifiés de grandes vedettes font des tournées rassemblant peu de spectateurs mais qualifiées de « triomphes », qui ne sont utilisés que pour justifier des profits sans rapport avec la réalité.
Dans le dernier cas, des discothèques ou bars gérés par des criminels organisés, en particulier dans la partie méridionale de notre pays prétendent avoir autant de clients en hiver qu'en été, ce qui supposerait que les touristes estivaux ne consomment que de l'eau en carafe !
• Les blanchisseurs ont également recours
à des centres financiers extraterritoriaux dont le rôle a
récemment été mis en lumière à l'occasion de
scandales tels que ceux des groupes Parmalat en Italie ou Enron aux
Etats-Unis.
Globalement les caractéristiques de ces centres sont : l'existence d'un puissant secret bancaire, d'un contrôle peu contraignant des Etats, et de règles de droit commercial assez souples pour permettre la constitution d'entités commerciales garantissant l'anonymat du bénéficiaire des opérations financières réalisées avec les pays étrangers.
Le nombre et la diversité géographique de tels Etats ne permet pas de tous les identifier, mais certains sont célèbres. Ainsi les îles Caïmans n'ont que 40 000 habitants mais 575 banques officielles et 656 milliards de dollars de dépôts de non résidents, ce qui les classe au 6 ème rang mondial des places financières.
• Pour finir de dresser le tableau des techniques de
blanchiment, il convient d'aborder les réseaux constitués de
certains types de commerce qui permettent des manipulations d'espèces
protégés par l'anonymat et/ou sont liés à des
activités d'ordre culturel, ainsi que les opérations
immobilières ou le secteur des jeux.
- En ce qui concerne le marché des métaux et pierres précieuses, il fait évidemment partie des circuits de blanchiment car la plus grande partie des ventes et achats s'effectuent en argent liquide et que, de plus en plus, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique subsaharienne, les quantités de métaux extraites ne sont quasiment pas contrôlées, ce qui facilite grandement les trafics.
C'est l'or qui, du fait qu'il peut quasiment être utilisé comme une monnaie est le minerai préféré des blanchisseurs, les diamants venant en seconde place.
- Le commerce des oeuvres d'art est également une filière classique car il est à la fois difficile d'identifier ces oeuvres et plus encore de leur donner une valeur précise, même si elle est très élevée. L'une des techniques les plus répandues est celle de la fausse vente aux enchères qui consiste pour un trafiquant à mettre en vente des objets d'art difficilement identifiables et évaluables, et à remettre en même temps à un complice une somme d'argent en liquide assez importante pour acquérir ces objets, et qui est ensuite remise par le commissaire priseur au vendeur, ce qui blanchit les sommes en question.
- Le secteur de l'immobilier procure à l'acquéreur des revenus qui offrent la caractéristique d'être absolument légaux. Il comporte plusieurs facettes, la plus aisée étant le paiement en liquide, même partiel, des constructeurs de l'immeuble, avant la revente de celui-ci.
- Les établissements de jeux sont aussi largement utilisés car ils voient transiter de fortes sommes d'argent liquide. Trois méthodes sont couramment utilisées : l'achat en espèces de plaques de jeu ultérieurement échangées contre un chèque au nom du blanchisseur.
Une autre technique suppose que le gérant du casino soit un complice du blanchisseur : certains joueurs sont alors chargés de perdre au jeu l'argent à blanchir, celui-ci revenant « in fine » au propriétaire ou gérant du casino qui pourra les utiliser à son gré.
Enfin, les loteries et les courses de chevaux constituent une dernière option : le blanchisseur acquiert des tickets gagnants à leurs détenteurs légitimes pour une valeur supérieure au gain réel mais légal et peut justifier en grande partie l'origine de ses fonds.