N° 197

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 février 2005

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d' activités illicites ou de blanchiment d' argent ,

Par M. André ROUVIÈRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert Del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Francis Giraud, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Jacques Peyrat, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 35 (2004-2005)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs

L'historien Sterling Seagrave décrit dans son ouvrage « Lord of the Rim » la façon dont certains marchands chinois souhaitant, il y a 3 000 ans, échapper à l'impôt avaient trouvé des moyens de transfert de leurs avoirs loin de leur juridiction.

Plus récemment, à l'époque de la prohibition, à Chicago, les mafieux avaient acquis des entreprises qui leur permettaient de mélanger habilement les revenus issus en particulier de la vente illégale d'alcool aux profits légaux desdites entreprises. Celles-ci étant pour la plupart des laveries automatiques ou des ateliers de nettoyage des voitures, on avait pris l'habitude de parler d'argent blanchi, lavé donc « blanchi ».

Aujourd'hui toutefois le phénomène du blanchiment a connu un essor et une évolution alarmants et s'est mondialisé, nécessitant la mise au point de techniques efficaces de lutte.

I. LE BLANCHIMENT : SES CONSÉQUENCES, SES TECHNIQUES, SA DÉTECTION

A. MÉCANISMES ET CONSÉQUENCES DU BLANCHIMENT

Le mécanisme du blanchiment repose sur des opérations ayant pour objet de dissimuler l'origine illicite de gains, issus de la délinquance financière et des activités criminelles menées maintenant à l'échelle mondiale, afin que leur utilisation ne permette pas la connaissance et l'arrestation de leurs détenteurs.

Ces opérations consistent à déplacer ces fonds ou à modifier leur forme. Ainsi, les liquidités transitent principalement par des bureaux de change, des banques, des entreprises de négociants en métaux précieux ou en import-export et des casinos.

En dehors de son aspect illégal, le blanchiment a des conséquences néfastes dans des domaines économiques et sécuritaires pour les pays où il s'exerce.

Par exemple, les investissements liés au blanchiment ne reposent sur aucune logique financière : ils peuvent se porter vers des activités ne correspondant à aucune demande économique réelle (telles que le tourisme, la restauration, l'hôtellerie) et peuvent changer rapidement de secteur, voire de pays, constituant ainsi de graves facteurs d'instabilité économique, de chômage, etc ... Ces risques sont encore accrus dans les économies fragiles des pays en développement car ces investissements de blanchiment sont parfois supérieurs aux budgets nationaux. Dans de tels cas, le pouvoir économique des blanchisseurs est tel que l'Etat concerné peut se trouver en situation de soumission politique.

A titre d'exemple, selon les estimations du FMI réalisées au cours des années 90, les activités du blanchiment représentaient près de 600 milliards de $. On conçoit aisément les conséquences néfastes des fluctuations désordonnées de telles sommes.

En outre, l'argent du blanchiment peut être utilisé par ses peu scrupuleux utilisateurs pour participer à l'achat d'entreprises en cours de privatisation : on comprend aisément l'intérêt pour eux d'acquérir par exemple une banque dans le cadre d'une privatisation réalisée dans un petit pays.

Par ailleurs, on doit craindre le phénomène du déplacement des procédés de blanchiment vers de nouveaux pays, car ce problème ne concerne plus les seuls pays développés. Lorsque les marchés dits « naissants » ouvrent leur économie et donc leur secteur financier, ils attirent nécessairement les blanchisseurs de fonds, et que la corruption locale est malheureusement parfois répandue.

Si le blanchiment d'argent est souvent liée à des activités illicites que l'on pourrait qualifier de « classiques » (prostitutions, trafics de drogues, d'alcool, de tabac ...), il s'étend maintenant aux activités liées au terrorisme. On peut noter toutefois que, dans ce dernier cas, il existe des procédés parallèles au blanchiment car, alors, l'argent d'origine illicite peut être utilisé directement pour l'achat d'armes dans des circuits illégaux ou le financement d'actions terroristes et d'attentats.

Pour conclure cette analyse relative à la définition des activités de blanchiment, on peut citer un extrait de l'ouvrage de Vincent Peillon, « les milliards noirs du blanchiment », où il souligne le fait que « d'une certaine façon, le processus de blanchiment est inverse à celui de la fraude fiscale. Le fraudeur gagne de l'argent légalement qu'il veut soustraire au fisc ; il retire donc cet argent de l'économie légale où il a trouvé son origine. A l'inverse, le blanchisseur gagne de l'argent illégalement, par une activité interdite, criminelle, et cherche à réintroduire cet argent dans le système légal. Payer des impôts sur l'argent illégalement gagné est, pour le blanchisseur, un signe qu'il est en train de parvenir à ses fins ».

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