B. DE NOMBREUSES ACTIONS ENGAGÉES MAIS DES EFFORTS DISPERSÉS ET MAL ÉVALUÉS
1. Le Plan pour la gestion intégrée des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne
A la suite de la communication de la Commission européenne « Vers une gestion intégrée des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne » du 7 mai 2002, le Conseil JAI du 13 juin 2002 a adopté le Plan pour la gestion intégrée des frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne.
Les gouvernements ont largement entériné les propositions de la Commission, notamment celles consistant à améliorer la coordination entre les gouvernements et les services chargés du contrôle des frontières. Mais ils ont repoussé à plus tard la mise en place d'un corps européen de garde-frontières.
Le Conseil européen de Séville, réuni les 21 et 22 juin 2002, a demandé la mise en oeuvre au plus vite de ce plan. A cette fin, il a souhaité la mise en place sans délai, dans le cadre du Conseil des ministres, de l'Instance commune de praticiens des frontières extérieures , composée des chefs des services de contrôle aux frontières des Etats membres et chargée de coordonner les mesures figurant dans le plan.
Dans le courant du second semestre 2002, l'Instance commune a approuvé les programmes, les projets-pilotes et les opérations conjointes ci-après, dont l'initiative est à chaque fois revenue à un ou plusieurs Etats membres en application des conclusions de Séville.
a) Les programmes
- élaboration d'un modèle d'analyse commune des risques (chef de file : Finlande) ;
- création d'un tronc commun pour la formation des gardes frontières (chefs de file : Autriche et Suède) ;
- création du centre pour les frontières terrestres conçu pour organiser des échanges de personnel et mettre en oeuvre des opérations conjointes en des points déterminés des frontières extérieures terrestres, dans le but d'harmoniser et d'améliorer les pratiques des services nationaux compétents (chef de file : Allemagne) ;
- création du centre d'excellence de Douvres conçu pour mettre au point de nouvelles technologies de détections afin de lutter contre l'immigration clandestine (chef de file : Royaume-Uni) ;
- création d'un centre pour les frontières maritimes visant à coordonner la surveillance des frontières maritimes (chefs de file : Espagne et Grèce).
b) Les projets-pilotes
- normalisation des mesures de sécurité applicables au rapatriement des étrangers par voie maritime, aérienne ou terrestre et coordination de l'organisation de vols groupés européens (chef de file : France) ;
- coordination des enquêtes transfrontalières relatives aux infractions touchant à l'immigration clandestine (chef de file : France, avec le soutien d'Europol) ;
- mise en oeuvre d'un projet-pilote dans les aéroports internationaux en vue de créer une banque de données en temps réel et de procéder à des échanges d'informations et de personnel (chef de file : Italie) ;
- détachement d'experts des Etats membres auprès de la Turquie et de la Serbie, aux fins de dispenser des formations ou recueillir des renseignements sur les filières dans la perspective d'un réseau d'officiers de liaison Immigration (chef de file : Royaume-Uni).
c) Les opérations conjointes
Outre les opérations conjointes terrestres organisées par le centre pour les frontières terrestres, une demi douzaine d'opérations ont été montées, essentiellement pour la surveillance des frontières maritimes (opérations Ulysse, Triton, Rio IV, ORCA, Rio III).
A titre d'exemple, l'opération Triton, coordonnée par la Grèce et conduite les 4-7 mars 2003, s'est traduite par l'arraisonnement de 200 navires et l'interpellation de 226 immigrés clandestins et de six passeurs.
2. Des résultats inégaux et un manque de coordination
L'ensemble de ces actions bien qu'engagées sous l'égide de l'Instance commune dans le cadre du Conseil ont suscité des critiques quant au manque de coordination et de suivi.
La mise en oeuvre du Plan de gestion intégrée a fait l'objet d'une évaluation par la présidence grecque en juin 2003 8 ( * ) .
Ce rapport interne a révélé des résultats contrastés : certains projets ont atteint leurs objectifs, d'autres ont échoué, souvent en raison de la motivation insuffisante des participants.
En effet, chaque projet est tributaire de l'implication du chef de file et du nombre d'Etats prêts à s'y associer . Le rapport remarque d'ailleurs que les futurs Etats membres n'ont pas été suffisamment associés.
L'absence de coordination réelle a interdit toute vision globale des projets menés au risque que des doublons apparaissent. A titre d'illustration, le Royaume-Uni souhaitait lors de la mise en place du centre d'excellence de Douvres en matière de nouvelles technologies de détection que celui-ci puisse mener des opérations conjointes à son initiative, alors que le centre pour les frontières terrestres conduisait déjà des opérations conjointes.
Un manque de lisibilité de ces actions a été souligné, les différences de nature entre les programmes, les centres ad hoc, les projets-pilotes et les opérations conjointes n'apparaissant pas clairement.
Enfin, le rapport de la présidence grecque a constaté l'absence d'un mécanisme de surveillance et « d'une méthode d'évaluation indépendante et approfondie, ainsi que d'une méthode pour traiter et utiliser les résultats [de ces projets] ».
Au total, le Plan de gestion intégrée fut l'occasion d'un foisonnement d'initiatives ouvrant des pistes de recherche, mais a montré les limites d'un modèle décentralisé et non institutionnalisé.
Le rapport concluait que « la responsabilité globale de la planification des opérations et de la mise en oeuvre des programmes incombait à l'Instance commune » et appelait à examiner « la nécessité d'une nouvelle structure institutionnelle afin de renforcer la coopération opérationnelle pour la gestion des frontières extérieures ».
* 8 Rapport au Conseil sur la mise en oeuvre des programmes, des centres ad hoc, des projets pilotes et des opérations conjointes, 11 juin 2003, 10058/1/03.