B. LE RESPECT DES PRINCIPES AUTORISANT L'HABILITATION
1. Les dispositions de l'article 38 de la Constitution
On rappellera que si, en application du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution, « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » , le Conseil constitutionnel (décision n° 76-72 du 12 janvier 1977) a considéré indispensable que le Gouvernement indique avec précision au Parlement , lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre . Il a par ailleurs ajouté (décisions n° 86-287 des 25 et 26 juin 1986 et 99-421 du 16 décembre 1999) que le texte devait préciser les domaines d'intervention des mesures envisagées .
Conformément au texte constitutionnel éclairé par la jurisprudence, l'exposé des motifs du présent projet de loi souligne ainsi, après avoir présenté les objectifs de transposition retenus par le Conseil européen et le plan de rattrapage mis en oeuvre par la France pour y satisfaire, que l'ampleur du stock de directives dont l'échéance de transposition a été dépassée rend nécessaire, dans l'immédiat, le recours aux ordonnances. A cet égard, le Conseil constitutionnel a considéré, par une décision n° 99-421 du 16 décembre 1999, que « l'urgence est au nombre des justifications que le Gouvernement peut invoquer pour recourir à l'article 38 de la Constitution » .
L'exposé des motifs détaille par ailleurs en quoi l'habilitation sollicitée se caractérise par le soin mis à la définir de manière circonscrite et précise, et à la limiter aux textes communautaires de nature technique. A cet égard, le projet de loi énonce en ses articles 1 er et 2 les directives et règlements communautaires dont la transposition en droit interne doit faire l'objet des ordonnances, et en ses articles 3 à 9 les domaines concernés par des mesures qui vont au-delà de cette transposition .
On relèvera enfin que le projet de loi satisfait aux dispositions du premier alinéa de l'article 38 de la Constitution prévoyant que l'habilitation ne vaut que « pour un délai limité » puisque les ordonnances devront être prises dans un délai courant entre quatre et huit mois selon le domaine concerné. Passé ce délai, le dernier alinéa de l'article 38 précise que les ordonnances ne pourront plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. Enfin, son deuxième alinéa indiquant que les ordonnances entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation, le présent texte n'omet pas de préciser cette date en son article 10 .
Il convient de rappeler à cet égard que le simple dépôt d'un projet de loi de ratification ne vaut pas ratification implicite, laquelle ne peut résulter que d'une modification ultérieure du contenu de l'ordonnance par une loi ( ( * )*). De plus, la ratification implicite des ordonnances par des lois ultérieures peut être partielle. Enfin, tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par une loi, les ordonnances relèvent du contentieux des actes réglementaires.
Ainsi, l'absence de ratification expresse des ordonnances par le Parlement est de nature à créer des difficultés d'interprétation juridique délicates . Elle empêche en outre les assemblées, qui ont consenti à la délégation de leur pouvoir législatif, sans pour autant qu'il soit question qu'elles en soient dessaisi, à l'exercer effectivement quant au contrôle du contenu des ordonnances.
* (*) Jurisprudences du Conseil d'Etat (10 juillet 1972, Cie Air Inter , et 11 juin 1990, Congrès du Territoire de la Nouvelle-Calédonie ) et du Conseil constitutionnel (72-73 L du 29 février 1972 et 87-224 DC du 23 janvier 1987).