III. LA CONSOMMATION DES FONDS STRUCTURELS EUROPÉENS

Les fonds structurels (Fonds européen de développement régional, fonds social européen, Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, instrument financier d'orientation de la pêche) sont, avec le Fonds de cohésion - auquel la France n'a pas accès -, l'instrument financier de la politique régionale communautaire.

A. UN ENJEU CONSIDÉRABLE

La France pourrait bénéficier d'environ 16 milliards d'euros sur la période 2000-2006 , soit plus de 2 milliards d'euros par an, ce qui représente un montant dix fois supérieur au budget de la DATAR (de l'ordre de 200 millions d'euros chaque année). L'enjeu est donc considérable.

Les fonds structurels sont gérés en trois branches, très inégalement dotées en crédits :

- les programmes d'initiative nationale (94 % des crédits) ;

- les programmes d'initiative communautaire (5,35 %) ;

- les actions innovatrices (0,65 %).

Les fonds structurels poursuivent trois objectifs :

- l'objectif 1 (« promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement ») concerne les départements d'outre-mer et, à titre transitoire, la Corse et le Hainaut ;

- l'objectif 2 (« soutenir la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle ») concerne les territoires à vocation industrielle ou rurale de France métropolitaine confrontés à l'impératif d'une reconversion de leur activité ;

- l'objectif 3 (« soutenir l'adaptation et la modernisation des politiques et des systèmes d'éducation, de formation et d'emploi pour les régions hors objectif 1 ») concerne toutes les régions hors objectif 1.

Le graphique ci-après indique la répartition des crédits par objectif.

Financements communautaires de la France sur la période 2000-2006

(en millions d'euros)

Source : DATAR

B. UN FAIBLE TAUX DE CONSOMMATION DES CRÉDITS

1. La sous-consommation des crédits

A la fin de l'année 2002, deuxième année de mise en oeuvre de la programmation 2000-2006, le taux de programmation des crédits était de seulement 15 % , et son taux de réalisation de 6 %. A titre de comparaison, le taux de programmation théorique des crédits est de l'ordre de 15 % par an, soit 30 % sur deux ans.

Le ministre délégué aux libertés locales a cependant indiqué au Sénat, le 5 novembre 2003 16 ( * ) , que la programmation des fonds structurels avait atteint 45,1 % le 1 er octobre 2003, ce qui correspondait au taux théorique.

Une sous-consommation des crédits serait d'autant plus préoccupante que la règle dite de « dégagement d'office » consiste pour la Commission européenne à supprimer la part des crédits européens non justifiés dans les deux ans de leur engagement. Il pourrait en résulter pour la France des pertes importantes de moyens financiers, en raison du remboursement des fonds non consommés.

2. Des causes multiples

En réponse à une question de notre collègue Marcel Vidal 17 ( * ) , le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire a dressé une longue liste de facteurs expliquant, selon lui, cette faible consommation :

- l'approbation tardive par la Commission européenne des documents uniques de programmation (DOCUP) ;

- des difficultés d'ajustement des règles nationales et européennes en matière de soutien aux zones agricoles et rurales ;

- une mise au point retardée des dispositifs d'aide aux entreprises ;

- des approches insuffisamment stratégiques et des priorités parfois mal identifiées dans la rédaction des DOCUP, souvent conjuguées à un niveau de détail excessif, et donc trop contraignant pour la mise en oeuvre ;

- une insuffisance de moyens pour l'accompagnement des porteurs de projets, l'orientation des dossiers et l'engagement des procédures ;

- des lourdeurs de gestion, tant au niveau national qu'européen, dans les formalités de demandes d'aide ou les circuits financiers, à l'inverse de l'objectif de plus grande simplicité affiché lors de la préparation des DOCUP ;

- une mobilisation parfois insuffisante des différents acteurs du partenariat local et une concentration des efforts en 2000 et 2001 sur la clôture des précédents programmes.

C. RÉFORMES TENDANT À AMÉLIORER LA CONSOMMATION DES CRÉDITS

1. Mesures prises par la Commission européenne

La sous-consommation des fonds structurels s'explique en partie par des procédures communautaires inadaptées.

Ainsi, M. Michel Barnier, commissaire européen chargé des politiques régionales et de la cohésion, a tenu le 7 octobre 2002 une réunion des ministres de l'Union européenne en charge des politiques régionales. La Commission y a présenté ses propres propositions de simplification de la gestion des fonds structurels, parmi lesquelles :

- une modification anticipée et immédiate des documents uniques de programmation (DOCUP), « pour des raisons de bonne gestion » ;

- l'acceptation comme justificatifs de dépenses des avances aux bénéficiaires ultimes.

Sur ces bases, les autorités de gestion régionales ont été invitées à procéder sans tarder à la modification de leur DOCUP dans le sens d'une plus grande efficacité.

2. Mesures prises par le gouvernement

Le gouvernement a également pris plusieurs mesures destinées à favoriser la consommation des crédits des fonds structurels, en particulier par la circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002 et à la suite du Conseil des ministres du 31 juillet 2002.

a) L'allégement des procédures

Ces mesures tendent tout d'abord à alléger les procédures :

- suppression des conventions pour les subventions inférieures à 23.000 euros pour les organismes privés et à 100.000 euros pour les organismes publics ;

- simplification du contenu des dossiers de demande d'aide ainsi que des modalités de leur engagement financier ;

- substitution de l'examen global au visa individuel des projets pour les subventions d'un montant inférieur à 23.000 euros ;

- diminution des délais d'arrivée des crédits communautaires à l'échelon local grâce à la mise en place de fonds de concours locaux qui éviteront le passage des crédits communautaires par le niveau national ;

- possibilité pour les autorités de gestion de confier la fonction d'autorité de paiement au Trésor public ou, après expertise, à un autre organisme public compétent.

b) Le renforcement de l'appui aux projets

Les mesures décidées par le gouvernement tendent également à renforcer l'appui aux projets :

- renforcement du dispositif d'animation dans chaque région pour apporter un appui aux porteurs de projets, depuis la formalisation de leur projet jusqu'à son exécution ;

- modification du décret de décembre 1999, relatif aux subventions de l'Etat pour les projets d'investissements, afin de permettre de subventionner des opérations ayant reçu un début d'exécution avant le dépôt de la demande de subvention ;

- allègement des charges de gestion des services de l'Etat, afin de permettre à ces derniers de se concentrer sur les fonctions d'animation et de conseil aux porteurs de projets.

c) La plus grande association des collectivités territoriales

Enfin, les collectivités territoriales qui le souhaitent pourront jouer un rôle accru.

Tout d'abord, dans le cadre de la procédure dite de « subvention globale », les collectivités peuvent assumer, dans leur domaine de compétences, la gestion déléguée d'une partie du programme de leur région, au-delà du seuil de 25 % de son montant total qui était fixé jusqu'à présent (lettre du Premier ministre aux préfets de région du 7 août 2002). Toutefois, la gestion du programme reste exercée sous la responsabilité du préfet de région, qui conserve les fonctions d'autorité de gestion et de paiement.

Ensuite, le gouvernement a décidé d'expérimenter le transfert des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement des fonds structurels aux collectivités territoriales ou à diverses organismes. Le préfet de région et le conseil régional d'Alsace ont ainsi signé, le 6 septembre 2002, un protocole confiant l'autorité de gestion et l'autorité de paiement à la région. Depuis le 1 er janvier 2003, la région Alsace bénéficie de la maîtrise directe des fonds structurels européens et en assume la responsabilité financière devant la Commission européenne, en lieu et place des services de l'Etat.

Enfin, l'article 35 du projet de loi relatif aux responsabilités locales a pour objet de permettre de confier, à titre expérimental, aux régions qui en font la demande ou, si celles-ci ne souhaitent pas prendre en charge cette expérimentation, à d'autres collectivités territoriales, à leurs groupements ou à un groupement d'intérêt public, la responsabilité de la gestion financière de programmes communautaires régionaux pour la période 2000-2006.

Votre rapporteur spécial se félicite de l'ensemble de ces mesures, qui tendent à accroître la consommation des fonds structurels, tout en renforçant le rôle des collectivités territoriales.

* 16 A l'occasion de la discussion du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

* 17 Question et réponse publiées respectivement dans le Journal officiel-Questions du Sénat du 8 août 2002 et du 12 décembre 2002.

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