ARTICLE 12 quater (nouveau)
Impossibilité de
« déduire » la TVA au titre de la vente de biens
préalablement importés en exonération de
TVA
Commentaire : le présent article met fin au
régime dit de la « TVA fictive » dans les
départements d'outre-mer.
Le présent article a été introduit en première
lecture, à l'Assemblée nationale, à l'initiative de notre
collègue député Gilles Carrez, rapporteur
général du budget, et adopté avec l'avis de sagesse du
gouvernement.
I. LE DROIT EN VIGUEUR
Depuis une lettre ministérielle
du 2 novembre 1953 et en l'absence
de tout support juridique, les départements d'outre-mer
bénéficient d'un régime très particulier de
déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les produits
exonérés.
A. LES EXONÉRATION DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE AU PROFIT
DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE MER
Le 5° du 1 de l'article 295 du code général des impôts
exonère de la taxe sur la valeur ajoutée l'importation dans les
départements de Guadeloupe, de Martinique et de la Réunion
en
matières premières et de produits, dont la liste est fixée
aux articles 50
undecies
et 50
duodecies
de
l'annexe IV du code général des impôts.
La vente de
produits similaires fabriqués localement est également
exonérée
.
Cette exonération procure aux entreprises qui réalisent des
opérations soumises à la TVA un
avantage en
trésorerie
, lié au fait de ne pas supporter de TVA à
l'importation.
Son extension aux produits similaires fabriqués localement participe de
la volonté d'accorder les mêmes avantages aux acheteurs de biens
sur le marché local et aux importateurs.
Ce parallélisme ne vaut que dans l'hypothèse où ces
acheteurs sont des utilisateurs finaux des biens. Si cet acheteur est un
acheteur-vendeur, le code général des impôts ne permet pas
à cet opérateur de vendre en exonération de taxe les biens
qu'il a achetés ou importés en exonération. C'est la
raison pour laquelle le bénéfice de cette exonération a
été étendu à cette catégorie
d'opérateurs par voie doctrinale.
B. LES RÈGLES D'APPLICATION DE LA DÉDUCTION FICTIVE DE LA
TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE
1. Au regard des opérations taxées que les opérateurs
réalisent
Afin de faire bénéficier le consommateur final de
l'exonération attachée à l'importation de produits
visés au 5° du 1. de l'article 295 du code général
des impôts, il a été admis sur la base de la
décision ministérielle du 2 novembre 1953
précitée que les opérateurs établis dans les DOM
peuvent déduire la TVA d'amont qui ne leur a pas été
facturée, dès lors que les biens acquis en exonération de
TVA sont utilisés pour les besoins de leurs opérations
taxées.
Ce droit à déduction leur a été accordé afin
que les opérateurs le répercutent dans le prix de vente hors
taxes des biens qu'ils commercialisent et qu'il en résulte un avantage
pour le consommateur final.
S'agissant d'opérations taxées
, l'importation avec la
facturation de la TVA ou en exonération de TVA est neutre pour le client
final et pour l'Etat. Le prix final et le montant de TVA due au Trésor
restent identiques dans les deux situations.
En revanche, en ouvrant un droit à déduction à
l'opérateur sur la TVA d'amont qu'il n'a pas supportée, il est
possible de procurer un avantage au client final, dès lors que ce
remboursement de TVA est effectivement imputé sur le prix hors taxes du
bien commercialisé. Il en va différemment si le montant de ce
remboursement n'est pas répercuté dans le prix facturé au
client.
En conséquence, dans un cas, la minoration par l'Etat des recettes de
TVA bénéficie directement au consommateur, dans l'autre, il
constitue une aide indirecte à l'entreprise.
2. Au regard des opérations exonérées que les
opérateurs réalisent
La déduction fictive a été étendue aux achats
exonérés que certains opérateurs réalisent alors
même qu'ils effectuent des opérations exonérées
.
Il s'agit :
- des achats effectués par les fabricants locaux, dès lors que
leurs ventes sont effectuées en exonération de taxe, en
application de l'article 295-I-5° du code général des
impôts ;
- des achats effectués par les revendeurs de produits dont l'importation
est exonérée ;
- des achats faits par les exportateurs, dans la mesure où leurs
livraisons sont exonérées en vertu de l'article 262-I du
code général des impôts.
Toutefois, dans ces trois situations, la déduction de la TVA d'amont qui
n'a pas été supportée est limitée aux acquisitions
de biens d'investissement.
En conséquence, lorsque les ventes sont exonérées, la TVA
d'amont qui n'a pas été facturée est déductible sur
les seules immobilisations. Si les ventes sont taxées, la TVA d'amont
est déductible sur les immobilisations et le stock.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article propose de supprimer le dispositif de la
déduction fictive de la TVA dans les départements d'outre-mer en
deux temps.
Du 1
er
janvier au 31 décembre 2004, le droit à
déduction est réduit de moitié.
A partir du 1
er
janvier 2005, il est totalement supprimé.
L'économie réalisée s'élèverait en 2004
à 45 millions d'euros, et à compter de 2005, à 90 millions
d'euros.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Le XXI
è
rapport du Conseil des impôts préconise
de procéder à une analyse des mesures fiscales favorables au
regard de leur efficacité et de leur légitimité
économique.
Le système auquel le présent article entend mettre fin constitue
la plus ancienne forme d'aide fiscale aux investissements en outre-mer (qui
représente, toutes mesures comprises, environ 1.900 millions
d'euros)
. Il est conçu comme un
équivalent de
subventions
pour les investissements afin de compenser les handicaps
structurels de l'outre-mer, notamment le prix du transport pour les
importations.
Ce dispositif, qui s'apparente à une
subvention budgétaire
directe
des entreprises assujetties à la TVA, présente
cependant
l'inconvénient majeur de voir son efficacité reposer
sur la seule volonté des entreprises bénéficiaires de
répercuter réellement cet avantage fiscal dans leurs prix
. En
effet, il n'est subordonné à aucune condition pour l'entreprise
en ce sens. En outre, le bénéfice du mécanisme n'est
conditionné ni par une spécialisation sectorielle, ni par des
engagements en termes d'emploi, ni par la situation financière de
l'entreprise.
L'avantage fiscal est donc distribué de manière
totalement aveugle.
En tout état de cause, l'efficacité de ce dispositif
coûteux ne fait l'objet d'aucune évaluation. Les crédits
économisés par sa suppression pourraient être
utilisés sous une forme garantissant un meilleur contrôle, au
bénéfice de l'outre-mer
.
Décision de la commission : votre commission vous
propose d'adopter cet article sans modification.