ARTICLE 11

Modification du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) applicable au gazole

Commentaire : le présent article a pour objet de réduire l'écart de taxation actuel entre le supercarburant sans plomb et le gazole en augmentant le tarif de TIPP applicable à ce dernier de 2,5 euros par hectolitre. Il est également proposé d'augmenter à due concurrence le montant du remboursement partiel de la TIPP applicable au gazole utilisé par les exploitants de transport routier de marchandises. Le gain budgétaire net résultant de cette mesure serait d'environ 800 millions d'euros en 2004.

I. L'AUGMENTATION DU TARIF DE TIPP APPLICABLE AU GAZOLE

A. LE DISPOSITIF ACTUEL

1. Un plan sur sept ans abandonné au bout de deux ans


En 1998 83( * ) , le gouvernement de M. Lionel Jospin avait proposé un plan de réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sur sept ans, afin de rapprocher la situation française de l'écart moyen européen. Ce plan s'est traduit en 1999, puis à nouveau en 2000, par une augmentation de 7 centimes de franc 84( * ) par litre du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) applicable au gazole et une stagnation du tarif de la TIPP sur le supercarburant sans plomb. Pour 2001 et 2002, le même gouvernement a décidé une « pause » dans ce plan qui n'avait encore connu qu'une ébauche d'application.

Depuis 2000, les tarifs de TIPP sur le supercarburant sans plomb et sur le gazole n'ont pas bougé, sauf en 2003 pour permettre l'intégration, fiscalement neutre, de la taxe parafiscale autrefois perçue par l'Institut français du pétrole (IFP) et qui a été supprimée 85( * ) .

Tarifs de TIPP

(en euros par hectolitre)

1998

1999

2000

2001

2002

2003*

2004

Gazole

36,74

37,83

38,90

38,90

38,90

39,19

41,69

Supercarburant sans plomb

56,63

58,63

58,63

58,63

58,63

58,92

58,92

Gazole avec application du plan Jospin

36,74

37,83

38,90

39,97

41,05

42,41

43,48

* intégration de la taxe IFP

Evolution de la taxation des carburants - Part des taxes dans le prix

(en %)

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Gazole

71

70

75

72

61

63

66

Supercarburant sans plomb

79

78

81

78

69

70

72

Source : les comptes des transports en 2002 - juin 2003

L'analyse des écarts de taxation entre supercarburant sans plomb et gazole (hors TVA 86( * ) ) dans l'Union européenne fait apparaître d'importantes disparités : alors que la Grande-Bretagne taxe exactement de la même façon essence et diesel, plusieurs pays affichent d'importants écarts de taxation (dans l'ordre, Pays-Bas, Finlande, Belgique, Portugal, France).

Ecarts de taxation entre le supercarburant sans plomb et le gazole
dans l'Union européenne

(en euros par hectolitre)

 

Supercarburant sans plomb

Gazole

Ecart

Belgique

52,22

30,49

21,73

Danemark

54,79

37,02

17,77

Allemagne

65,45

47,04

18,41

Grèce

29,60

24,50

5,10

Espagne

39,57

29,39

10,18

France

58,92

39,19

19,73

Irlande

40,14

32,67

7,46

Italie

54,18

40,32

13,86

Luxembourg

37,21

25,29

11,92

Pays-Bas

63,52

35,72

27,80

Autriche

41,47

29,01

12,46

Portugal

50,75

29,98

20,77

Finlande

59,73

34,68

25,05

Suède

52,50

35,43

17,08

Grande-Bretagne

67,75

67,75

0,00

Moyenne

51,19

35,90

15,29

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - octobre 2003

 

2. Le projet du gouvernement : augmenter le tarif de la TIPP sur le gazole en 2004

Le I du présent article propose de fixer, à compter du 11 janvier 2004, le tarif de la TIPP sur le gazole à 41,69 euros par hectolitre, au lieu de 39,19 actuellement. A cette augmentation de 2,5 centimes d'euros par litre du tarif de la TIPP il convient d'ajouter l'effet de la TVA qui s'applique à la TIPP au taux de 19,6 % : l'augmentation totale pour le consommateur 87( * ) du prix du litre de gazole sera donc de 3 centimes d'euro par litre 88( * ) . Le gain fiscal de cette mesure serait de 900 millions d'euros en 2004.

3. La position de votre commission

L'écart de taxation entre le supercarburant sans plomb et le gazole a certainement constitué une incitation au développement du parc des véhicules diesel en France. De cette incitation fiscale à l'achat d'un véhicule roulant au gazole il résulte une forte « diésélisation » du parc automobile. La part des véhicules consommant du gazole augmente régulièrement : elle est désormais de 39 % des voitures particulières et de 78 % s'agissant des véhicules utilitaires légers 89( * ) et la France est importatrice nette de gazole.

La consommation de gazole et d'essencepar les voitures particulières (1991-2002)

(en millions de TEP)

Source : les comptes des transports en 2002

Il convient de reconnaître que les véhicules neufs roulant au gazole sont économes en carburant et souvent équipés de dispositifs qui réduisent fortement leurs émissions polluantes (liées à une combustion imparfaite de ce carburant) 90( * ) . Ce sont au contraire les véhicules anciens qui sont responsables des émissions polluantes.

Pour autant, une incitation fiscale à l'achat d'un véhicule roulant au gazole d'une telle ampleur (près de 20 centimes d'euros par litre si l'on considère le seul tarif de la TIPP, hors effet TVA) est-elle justifiée ? Vraisemblablement pas. C'est ce qui justifie, non pas une « pénalisation » du diesel mais un simple rattrapage des tarifs de TIPP entre diesel et essence.

Par ailleurs, il convient de relativiser l'impact de la mesure proposée par le gouvernement :

• ce sont moins les taxes que les prix des matières premières (libellés en dollars américains) qui rendent volatile, et parfois très élevé, le prix des carburants à la pompe ;

• la part des taxes dans le prix à la pompe s'établira aux alentours de 69 % (sur la base des prix d'août 2003) alors qu'elle a été de 75 % en 1998.

II. L'AUGMENTATION DU MONTANT DU REMBOURSEMENT PARTIEL DE LA TIPP APPLICABLE AU GAZOLE UTILISÉ PAR LES EXPLOITANTS DE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

1. Les origines du dispositif de remboursement partiel de la TIPP


Afin d'atténuer les effets du rééquilibrage de la fiscalité du gazole sur la compétitivité du secteur des transports routiers , la loi de finances initiale pour 1999 91( * ) avait instauré un mécanisme de remboursement d'une fraction de la hausse de la TIPP sur le gazole 92( * ) , conformément à la possibilité ménagée par l'article 8 de la directive du Conseil n° 92/81 du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales 93( * ) .

2. Le dispositif actuel

Peuvent obtenir, sur leur demande, le remboursement d'une fraction de la TIPP sur le gazole, les entreprises (établies dans l'Union européenne) propriétaires ou, en leur lieu et place, les entreprises titulaires soit d'un contrat de crédit-bail, soit d'un contrat de location de deux ans ou plus, de véhicules routiers à moteur destinés au transport de marchandises et dont le poids total autorisé en charge est égal ou supérieur à 7,5 tonnes, ou de véhicules tracteurs routiers dont le poids total roulant est égal ou supérieur à 7,5 tonnes. Près de 600.000 véhicules peuvent actuellement bénéficier de ce dispositif 94( * ) .

Le taux du remboursement est fixé par la différence entre le taux de droit commun (la TIPP sur le gazole) et un taux spécifique « carburant professionnel ». Avant la loi de finances pour 2001, ce taux spécifique était calculé de façon objective comme le taux spécifique applicable au cours de l'année « n-1 » augmenté du produit de la taxe sur le supercarburant sans plomb au cours de l'année « n-1 » par la variation des prix à la consommation. Désormais, le taux spécifique est fixé par le code des douanes de manière discrétionnaire. Le remboursement est plafonné à 20.000 litres de gazole par semestre et par véhicule.

Tableau des taux spécifiques

Période de remboursement

En €/hl

Du 21 janvier 2001 au 20 janvier 2002

35,09

Du 21 janvier au 31 décembre 2002

36,77

Du 1 er au 20 janvier 2003

37,06

Source : code des douanes

Depuis le début de l'année 2003, il n'existe donc plus de base légale pour assurer ce remboursement. Cela étant, le 19 mars 2003 est intervenu un accord politique des Etats membres de l'Union européenne sur une proposition de directive concernant la taxation des produits énergétiques, qui était en négociation depuis 1997. Elle devrait être prochainement adoptée par un Conseil Ecofin.

Outre la fixation de taux minima de taxation des produits énergétiques, cette proposition de directive inclut un accord spécifique sur la taxation amoindrie du gazole routier en faveur des transporteurs routiers de marchandises :

- pour 2003 et 2004 , « les Etats membres sont autorisés à continuer d'appliquer les niveaux réduits de taxation ou les exonérations énumérées à l'annexe II » 95( * ) qui vise notamment les taux d'accises différenciés sur le diesel utilisé dans les véhicules utilitaires qui ne peuvent être inférieurs à 380 euros par 1000 litres à compter du 1 er mars 2003 96( * ) ;

- à compter de 2005 , la possibilité de différencier la taxation en faveur du gazole routier sera maintenue mais avec comme minimum de taxation le tarif de TIPP applicable aux particuliers au 1 er janvier 2003 (soit 39,19 euros par hectolitre) ce qui conduira l'an prochain le gouvernement, soit à renoncer à un tarif différencié, soit, pour le maintenir, à augmenter le tarif applicable aux particuliers 97( * ) .

3. Le projet du gouvernement

Dans le II du présent article, le gouvernement propose d'opérer deux modifications de l'article 265 septies du code des douanes qui est relatif au régime de remboursement de la TIPP aux entreprises de transport de marchandises :

- la première vise à reporter du 20 janvier 2003 au 28 février 2003 la date-limite d'application du taux spécifique de 37,06 euros par hectolitre et à fixer un taux spécifique de 38 euros applicable du 1 er mars 2003 au 31 décembre 2004 ;

- la seconde vise, par coordination, à prévoir que la période couverte par le remboursement des consommations de gazole réalisées en 2004 s'entend de la période comprise entre le 21 janvier 2004 et le 31 décembre 2004.

Le coût fiscal de cette mesure serait de 100 millions d'euros en 2004.

L'impact cumulé des deux mesures proposées par le gouvernement se monterait ainsi à 800 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires . Optiquement, on retrouve un même montant de 800 millions d'euros dans le budget des transports 98( * ) , en subvention à Réseau Ferré de France (RFF) pour payer une partie des intérêts de sa dette qui se montent en 2004 à 1,1 milliard d'euros 99( * ) . Il ne peut, bien entendu, pas s'agir d'une « affectation » de cette ressource à RFF et un tel affichage dans le présent budget n'engage en rien l'avenir.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Par un amendement présenté par notre collègue députée Muguette Jacquaint, sous-amendé par notre collègue député Michel Bouvard, l'Assemblée nationale a adjoint au présent article un II qui prévoit que le gouvernement présente « simultanément au dépôt du projet de loi de règlement pour 2004 un rapport au Parlement sur la manière dont ont été affectées les marges de manoeuvre résultant de la revalorisation de la (TIPP) ».

Cette demande de rapport, à laquelle le gouvernement était défavorable et la commission des finances favorable , vise, dans l'esprit de ses auteurs, à clarifier les flux financiers entre l'Etat et le système ferroviaire.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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