ARTICLE 5 bis (nouveau)
Relèvement du taux d'imposition des
revenus de placement
Commentaire : le présent article vise à
porter
le taux d'imposition des revenus constitués d'intérêts de
créances ou assimilés, et notamment d'obligations, de 15 %
à 16 %.
I. LE CONTEXTE ACTUEL
L'étude réalisée par l'Observatoire français des
conjonctures économiques (OFCE) à l'appui du rapport
d'information de notre collègue Joël Bourdin et de votre rapporteur
général sur les réformes fiscales intervenues dans les
pays européens au cours des années 1990
45(
*
)
, souligne que
«
l'imposition des différentes catégories de revenus
du capital n'est généralement pas neutre en termes d'allocations
de ressources. Les revenus d'intérêt sont moins imposés que
les dividendes (et les plus values)
».
Ce rapport montre que dans la plupart des pays européens, dont la
France, les dividendes sont imposés au barème progressif alors
que les intérêts font face à une imposition à taux
proportionnel.
A. LA PERSISTANCE D'UNE PRÉFÉRENCE DES ÉPARGNANTS
FRANÇAIS POUR LES OBLIGATIONS
Les épargnants français, en comparaison avec les autres
épargnants européens, présentent la caractéristique
de détenir davantage de titres à revenus fixes que d'actions en
détention directe ou indirecte. Ceci n'est sans doute pas
étranger au fait que 40 % des actions françaises sont
détenues par des non-résidents.
A la fin mars 2003, les titres d'OPCVM
46(
*
)
représentaient 51 % du
portefeuille de valeurs mobilières des ménages français.
En faisant la somme des titres d'OCVM « actions »
(10 % du portefeuille), des titres d'OPCVM garantis essentiellement
investis en actions (8,3 %) et des actions françaises et
étrangères détenues en direct (29,8 %),
la part
des actions dans le portefeuille de valeurs mobilières des
ménages représente en 2003 48,1 %.
Elle est en forte
diminution par rapport à la fin 2001 (56 %) et par rapport à
la fin 2002 (50,4 %), en grande partie en raison de la perte de valeur des
actifs boursiers.
La part des obligations françaises (détention directe ou
indirecte à travers un OPCVM) s'est en revanche accrue de un point entre
décembre 2002 et mars 2003 :
elle est de nouveau
supérieure à 50 % dans le portefeuille de valeurs
mobilières des ménages.
Poids respectif des différentes valeurs dans le portefeuille des ménages
(en %)
Source : Banque de France
B. UNE FISCALITÉ QUI, EN TERMES RELATIFS, RÉMUNÈRE
INSUFFISAMMENT LE RISQUE
L'arbitrage des ménages entre actions et obligations se fonde d'abord
sur des considérations de rendement et de risque. En haut de cycle, les
épargnants français commencent depuis les années 90
à avoir une réelle appétence pour les placements en
actions. En bas de cycle, la valeur des actions dans le portefeuille de valeurs
mobilières diminue et des réallocations d'actifs ont lieu en
faveur des obligations.
La fiscalité joue, en matière d'arbitrage entre obligations et
actions, un rôle à la fois secondaire et essentiel.
Les
ménages, surtout ceux qui investissent en actions, ont un objectif de
rendement ou de plus-value, l'argument fiscal est donc
a priori
second.
Il est pourtant essentiel car, en l'absence de neutralité de la
fiscalité entre les différents types de placement,
l'épargnant-contribuable est contraint d'intégrer l'argument
fiscal dans ces calculs de rendement.
En matière d'obligations, la fiscalité est simple et lisible. En
vertu de l'article 125 A du code général des impôts, les
épargnants peuvent opter entre un prélèvement à la
source de 15 % et la soumission à l'impôt sur le revenu. Il
convient d'ajouter des prélèvements sociaux de
10 %
47(
*
)
. Le
prélèvement libératoire est donc de 25 %. La taxation
s'opère au premier euro.
En matière d'actions, la fiscalité est beaucoup plus complexe. La
règle générale, hors plans d'épargne en actions
(PEA) consiste en la taxation des dividendes, qui constituent le revenu issu de
l'investissement de l'épargnant dans une entreprise donnée, au
barème de l'impôt sur le revenu. Deux mécanismes
atténuent cette imposition : l'avoir fiscal, qui fera l'objet d'une
description complète dans le commentaire de l'article 66 du
présent projet de loi de finances, et l'abattement de 1.220 euros (2.440
euros pour les couples).
Par ailleurs, les plus-values de cessions sur les valeurs mobilières ou
les droit sociaux sont imposées, en vertu de l'article 150-O A,
au-delà d'un montant de cessions annuel de 15.000 euros. Au-delà
du seuil de cession, l'imposition est établie selon un taux forfaitaire
de 16 %, auquel il faut rajouter les prélèvements sociaux de
10 %. Le taux global s'élève donc à 26 %.
Les cessions de parts d'OPCVM sont également assujetties à ce
régime d'imposition même si elles se composent pour partie
d'obligations.
Le choix d'un taxation au titre de l'impôt sur le revenu des revenus
d'actions, alors que les revenus issus des obligations sont assujettis à
un prélèvement libératoire, engendre, pour les
épargnants qui font le choix d'un investissement raisonné et de
long terme dans les fonds propres de l'entreprise, une distorsion fiscale
évidente. Bien entendu, mieux vaudrait, du point de vue de votre
rapporteur général, alléger la fiscalité dans les
actions qu'alourdir celle sur les obligations...
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Selon la présentation de notre collègue député
Gilles Carrez, rapporteur général du budget, faite en
séance publique, le dispositif adopté par l'Assemblée
nationale vise à «
rééquilibrer utilement la
fiscalité de l'épargne, après avoir assujetti les
plus-values immobilières à ce même taux unique et alors que
les plus-values de cessions de valeurs mobilières sont
déjà taxées à ce niveau. L'investissement de
l'épargne dans les fonds propres des entreprises en sera
encouragé
».
Il consiste à porter le prélèvement sur les produits de
placement à revenu fixe de l'article 125 A du code général
des impôts de 15 % à 16 %, faisant ainsi passer le
prélèvement libératoire de 25 % à 26 %.
Sont ainsi visés :
- les produits d'obligations négociables et de titres
participatifs ;
- les produits des titres de créances négociables sur un
marché réglementé non susceptibles d'être
cotés ;
- les produits des parts émises par les fonds communs de
créance ;
- les produits des bons et titres du Trésor sur formule, des bons
d'épargne des PTT ou de La Poste, des bons de la caisse nationale du
Crédit agricole, des bons de caisse du Crédit foncier de France,
des groupements régionaux d'épargne et de prévoyance, de
la Caisse nationale de l'énergie ou des établissements de
crédit émis après le 1er juin 1978, sous
réserve d'obligations déclaratives et de conservation du
souscripteur ou du bénéficiaire.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances dans son rapport sur la fiscalité de
l'épargne
48(
*
)
a
posé sept principes. Le quatrième principe est celui de la
neutralité entre actifs de même nature. Aussi doit-elle se
réjouir d'une mesure qui se fixe comme objectif la neutralité
fiscale, même si celle-ci aurait pu consister davantage dans la
diminution du taux de taxation des plus-values sur cessions de valeurs
mobilières que dans le relèvement de la fiscalité des
obligations.
Son sixième principe pose que «
la fiscalité de
l'épargne doit favoriser les titres de fonds propres plutôt que
les titres de dettes
». Ceci implique que le risque pris en
matière de placement en valeurs mobilières soit réellement
« récompensé » sur le plan fiscal. Certes, le
dispositif proposé procède à un
rééquilibrage entre la fiscalité des intérêts
d'obligations et la fiscalité liée aux plus-values de cessions.
Elle n'a pas cependant pas pour objet d'apporter une réponse
structurelle aux défis d'une meilleure orientation de l'épargne
des Français. Elle répond en effet avant tout à un besoin
conjoncturel de recettes supplémentaires.
Le dispositif pourrait apporter 60 millions d'euros de recettes nouvelles.
Dès lors qu'il n'est pas contraire aux principes rappelés
ci-dessus et qu'il contribue à atténuer le déficit public,
il peut être approuvé.
Décision de la commission : sous le bénéfice de
ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.