Article 26
(art. 28 bis et 28 ter nouveau
de l'ordonnance n°
45-2658 du 2 novembre 1945)
Assignations à résidence des
étrangers
faisant l'objet d'un arrêté
d'expulsion
Le
présent article vise à
créer de nouvelles
possibilités d'assignations à résidence pour les
étrangers faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, en
modifiant l'article 28
bis
et en créant l'article 28
ter
de l'ordonnance
. Cet article complète la réforme de la
« double peine »
157(
*
)
, dans la mesure où il permet
de limiter l'exécution d'expulsions à la fois
particulièrement douloureuses pour l'étranger ainsi que pour son
entourage, et difficiles à mettre en oeuvre pour l'administration.
1. Le droit actuel en matière d'assignation à
résidence
L'article 28 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit les cas dans
lesquels l'assignation à résidence peut être
prononcée. Ils se limitent à deux hypothèses.
Tout d'abord, l'assignation à résidence peut être
décidée
lorsque l'étranger justifie se trouver dans
l'impossibilité de «
quitter le territoire français
en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre
dans aucun autre pays
»
. La mesure est applicable, tant
lorsque l'étranger fait l'objet d'une expulsion que d'un
arrêté de reconduite à la frontière. En
bénéficient principalement les étrangers dont la vie, la
liberté ou la sécurité est menacée dans son pays
d'origine, sans qu'aucun autre pays ne puisse les accueillir.
Le deuxième alinéa de l'article 28 de l'ordonnance prévoit
que
l'assignation à résidence peut être
appliquée, en cas d'urgence absolue et de nécessité
impérieuse pour la sûreté de l'État ou la
sécurité publique, pour les étrangers faisant l'objet
d'une proposition d'expulsion
. Toutefois, la mesure ne peut alors
excéder un mois.
Le recours à cette procédure ne peut en principe s'étendre
à d'autres hypothèses que l'impossibilité objective de
faire partir l'étranger du territoire français. En vertu de
l'arrêt du Conseil d'Etat du 21 avril 1997,
« Gisti », la mesure ne peut être prise pour pallier
l'impossibilité de placer l'étranger en rétention,
notamment du fait d'un manque de places dans ces locaux
158(
*
)
.
L'assignation à résidence n'est prévue que pour les
cas
d'impossibilité matérielle à mettre en oeuvre
l'éloignement de l'étranger
.
En vertu de l'article 4 du décret n° 82-440 du 26 mai 1982,
l'assignation à résidence est prononcée par
l'autorité ayant pris l'arrêté d'expulsion ou
l'arrêté de reconduite à la frontière,
c'est-à-dire le préfet, le préfet de police à
Paris, ou le ministre de l'intérieur, et uniquement par ce dernier
lorsqu'elle accompagne une mesure d'interdiction du territoire national.
Lorsqu'il est assigné à résidence, l'étranger doit
habiter dans les lieux qui sont fixés par l'arrêté, et se
présenter périodiquement aux services de police et de gendarmerie.
L'article 28 de l'ordonnance prévoit également que
«
les étrangers qui n'auront pas rejoint dans les
délais prescrits la résidence qui leur est assignée ou
qui, ultérieurement, ont quitté cette résidence sans
autorisation, selon le cas, du ministre de l'intérieur ou du
représentant de l'Etat dans le département, ou, à Paris,
du préfet de police, sont passibles d'un emprisonnement de six mois
à trois ans
».
En réalité, l'usage de l'assignation à résidence
dépasse bien souvent les cas prévus initialement par l'article 28
de l'ordonnance.
En effet, il arrive que l'administration ait recours
à cette mesure afin de permettre à un étranger de demeurer
légalement sur le territoire national malgré
l'arrêté d'expulsion dont il fait l'objet, du fait de ses attaches
familiales, sociales et culturelles en France.
Ainsi, l'assignation à résidence est utilisée pour
assouplir les règles applicables aux étrangers
qualifiés de « double peine »
. Toutefois, cette
pratique est actuellement dépourvue de base légale
puisque
aucune disposition de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne l'autorise. Suivant
les recommandations du groupe de travail sur la « double
peine »
159(
*
)
, le
projet de loi propose d'y remédier et de pérenniser cette
pratique pour l'étranger ayant des liens étroits avec la France.
2. Le projet de loi
Le présent article, tel qu'issu de la première lecture à
l'Assemblée nationale, propose d'
instaurer deux nouvelles
possibilités d'assignation à résidence
concernant:
- d'une part,
à l'article 28
bis
160(
*
)
de l'ordonnance, les
étrangers malades faisant l'objet d'un arrêté
d'expulsion
(I de l'article 26 du projet de loi) ;
- d'autre part,
dans un nouvel article 28
ter
, les
étrangers qui, bien que bénéficiant en principe d'une
protection relative en vertu de l'article 25 de l'ordonnance,
font l'objet
d'un arrêté d'expulsion parce qu'ils entrent dans les exceptions
prévues
(II de l'article 26 du projet de loi). Cette
procédure correspond alors à une
forme d'
« expulsion avec sursis »
161(
*
)
, l'assignation à
résidence étant prononcée « à titre
probatoire et exceptionnel »
.
• L'instauration d'une assignation à résidence pour les
étrangers malades
Le I du présent article instaure, sous certaines conditions, à
l'article 28
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945, une nouvelle
assignation à résidence pour les étrangers malades,. Il
est issu d'un
amendement adopté par l'Assemblée nationale
et présenté par M. Thierry Mariani au nom de la commission des
Lois.
Il est ainsi prévu que peut faire l'objet d'un arrêté
d'assignation à résidence «
l'étranger qui a
fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non exécuté,
lorsque son état de santé nécessite une prise en charge
médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des
conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve
qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement
approprié dans le pays de renvoi
».
En principe, cette catégorie d'étrangers bénéficie
d'une protection relative contre les mesures d'expulsion, en vertu du 6°
de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Toutefois, cette protection
peut être levée lorsque l'expulsion constitue une
«
nécessité impérieuse pour la
sûreté de l'Etat ou la sécurité
publique
»
162(
*
)
,
en vertu du 2° de l'actuel article 26 de l'ordonnance, qui devrait
être repris dans un nouvel article 25
bis
de
l'ordonnance
163(
*
)
.
Toutefois,
une seconde hypothèse pour l'application de cette
assignation à résidence
fut avancée par M.
Jean-Christophe Lagarde afin de défendre son sous-amendement à
l'amendement du rapporteur, adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture, qui visait à étendre le
bénéfice de cette mesure à d'autres étrangers que
ceux initialement prévus par l'amendement du rapporteur, à savoir
à d'autres étrangers que ceux expulsés en vertu du 2°
de l'actuel article 26 de l'ordonnance. Elle serait ainsi également
applicable dans les
cas où les étrangers
devant être
expulsés
découvriraient
, postérieurement au
prononcé de la mesure mais avant son exécution,
qu'ils avaient
ou ont entre temps contracté une maladie qui aurait dû leur
permettre de bénéficier d'une protection contre cette
expulsion
.
Dans la mesure où l'état de santé de l'étranger
malade ainsi que l'accès aux soins dans le pays de renvoi sont
susceptibles d'évoluer dans le temps, l'assignation à
résidence pourrait couvrir la période au cours de laquelle
l'expulsion ne pourrait être prononcée.
Cette assignation à résidence serait assortie d'une autorisation
de travail et entraînerait les mêmes obligations de contrôle
et des sanctions identiques en cas de non respect de la mesure que pour celle
prévue à l'article 28 de l'ordonnance.
• La création d'une assignation à résidence à
titre probatoire et exceptionnel
Par cette disposition, le projet de loi du gouvernement
consacre
légalement une
pratique déjà existante mais
dépourvue de base légale
.
Le II du présent article prévoit l'instauration d'une assignation
« à titre probatoire et exceptionnel »
pour les
étrangers qui, en principe, devrait pouvoir bénéficier de
la protection relative contre une mesure d'expulsion
prévue à
l'article 25 de l'ordonnance,
mais qui en réalité entrent dans
les exceptions à cette protection
, parce qu'ils ont
été condamné à une peine d'emprisonnement ferme au
moins égale à cinq ans (dernier alinéa de
l'article 25 de l'ordonnance) ou parce que leur expulsion constitue une
«
nécessité impérieuse pour la
sûreté de l'Etat ou la sécurité
publique
» (2° de l'article 25
bis
de
l'ordonnance, créé par le projet de loi et reprenant l'actuel
article 26 de l'ordonnance).
Il s'agit ainsi d'une forme d' « expulsion avec sursis »,
dans la mesure où l'étranger bénéficiant de
l'assignation à résidence pourrait s'amender et espérer
obtenir à terme une abrogation de l'arrêté d'expulsion. En
revanche, le présent article prévoit que l'assignation à
résidence pourrait «
être abrogée à
tout moment en cas de faits nouveaux constitutifs d'un comportement
préjudiciable à l'ordre public
».
Cette mesure est conforme à la proposition n° 8 faite par le groupe
de travail sur la « double peine » dans son rapport
précité
164(
*
)
. En
effet, elle permet de
conjuguer le caractère dissuasif de la mesure
d'expulsion avec la possibilité offerte à l'étranger
d'avoir une seconde chance pour rester en France
, ce qu'offrait
déjà la procédure ancienne des « avertissements
très solennels » que l'administration donnait autrefois avant
de prononcer une mesure d'éloignement contre certains étrangers.
Comme l'instauration de protections absolues pour certaines catégories
d'étrangers contre les expulsions (article 24 du projet de loi) et les
mesures d'interdiction du territoire français (article 38 du projet de
loi), la procédure d'« interdiction du territoire
français conditionnée » (article 38
bis
du projet de loi) ou encore la possibilité d'aménagements des
peines malgré le prononcé d'une peine complémentaire
d'interdiction du territoire (I de l'article 38 du projet de loi), la
création par la loi d'une assignation à résidence à
titre probatoire et exceptionnel
accompagne la réforme de la
« double peine »
, en conférant une seconde
chance aux étrangers qui, tout en ayant des comportements justifiant de
prononcer une mesure d'expulsion à leur encontre, ont des liens
particulièrement étroits avec la France, qu'ils soient familiaux,
sociaux ou culturels, et qui justifient cette mesure.
La période d'assignation à résidence devrait
permettre
à l'étranger de s'amender et de se réinsérer
.
Cette mesure est donc accompagnée d'une autorisation de travail.
Enfin, de même que pour les assignations à résidence
réservées aux étrangers malades, les obligations de
contrôle et les sanctions en cas de non respect de la mesure, identiques
à celles prévues à l'actuel article 28 de l'ordonnance,
sont également applicables.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 26
sans
modification
.