Article 16
(art. 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945)
Délit d'aide à l'entrée, à la circulation
et au séjour des
étrangers
Le
présent article tend à étendre l'application dans l'espace
de l'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, à
clarifier la rédaction de cet article, à modifier le quantum de
certaines peines complémentaires et, à la suite d'amendements de
l'Assemblée nationale, à aménager le champ des
immunités
. Il vise, conjointement aux articles 17 et 18 du projet de
loi, à renforcer les sanctions et l'efficacité des
procédures engagées contre les filières de trafic de
clandestins et à améliorer leur sécurité juridique.
1. Le champ d'application de la loi
L'article 21 de l'ordonnance précitée prévoit que peut
être poursuivie toute personne, quelle que soit sa nationalité,
qui, alors qu'elle se trouvait en France, aura facilité ou tenté
de faciliter, par aide directe ou indirecte, l'entrée, la circulation ou
le séjour d'un étranger. Les mêmes faits sont
incriminés lorsque cette personne se trouvait sur le territoire d'un
Etat partie à la convention de Schengen ou lorsque, se trouvant en
France, elle aura commis ces faits au détriment de l'un de ces Etats.
Les peines maximum encourues sont un emprisonnement de cinq ans et une amende
de 200.000 francs.
La rédaction de l'article 21 de l'ordonnance précitée
est pour l'essentiel issue de la loi n° 94-136 du 27 décembre 1994
portant sur la mise en conformité de l'article 21 avec l'article 27 de
la convention d'application de l'accord de Schengen.
Depuis cette convention, plusieurs textes internationaux ou européens
sont intervenus qui requièrent la mise en conformité de l'article
21
:
la directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002
définissant l'aide à l'entrée, au transit et au
séjour irrégulier, la décision-cadre du Conseil du 28
novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la
répression de l'aide à l'entrée, au transit et au
séjour irrégulier, le protocole contre le trafic illicite de
migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations
unies contre la criminalité transnationale organisée,
signée à Palerme le 12 décembre 2000 et ratifiée
par la France le 29 octobre 2002. Ce dernier texte n'a pas encore
été publié au Journal officiel de la République
française car n'ayant pas encore été ratifié par
quarante Etats il ne peut entrer en vigueur (trente-huit Etats l'ont à
ce jour ratifié).
Le projet de loi étend à cette fin l'application de l'article
21 au territoire des Etats parties à la convention de Palerme.
Toutefois, comme le précise l'article 43 du projet de loi, cette
disposition n'entrera en vigueur qu'à compter de la publication de cette
convention au Journal officiel de la République française. Il est
également précisé que pour l'application des
deuxième, troisième et quatrième alinéas du I de
l'article 21 l'appréciation de la situation irrégulière de
l'étranger se fait au regard de la législation de l'Etat membre
ou de l'Etat partie intéressé.
En outre, dans un souci de sécurité juridique, le projet de
loi précise que l'infraction d'aide à l'entrée, à
la circulation et au séjour irréguliers est constituée si
elle est commise en France, non seulement sur le territoire terrestre
métropolitain et des départements d'outre-mer, mais
également dans les eaux territoriales.
Dans ce but, l'expression
« en France ou dans l'espace international des zones
aéroportuaires »
est supprimée. En effet, au sens
de l'article 3 de l'ordonnance de 1945, l'expression
« en
France »
désigne uniquement le territoire
métropolitain
terrestre
et les départements d'outre-mer.
De plus, la référence à la zone aéroportuaire
laisse entendre que cette zone ne fait pas partie du territoire national, ce
qui est inexact. En guise de solution, l'article 21 de l'ordonnance
étant indubitablement de nature pénale, l'espace dans lequel la
loi s'applique est celui défini à l'article 113-1 du code
pénal, c'est-à-dire le territoire de la République. Il
inclut les espaces maritimes et terrestres qui lui sont liés, à
savoir les parties terrestres, les eaux territoriales et la zone
économique au large des côtes de ce territoire.
Par ailleurs, la circonstance aggravante de bande organisée est
déplacée dans un nouvel article 21
bis
(article 17 du
projet de loi).
Enfin, on notera que le champ de l'infraction tel qu'il est défini
à l'article 21 de l'ordonnance est plus large que celui fixé par
les conventions et directives, le but lucratif n'étant pas exigé.
Les débats lors de l'examen de la loi n°94-136 du 27
décembre 1994 illustraient déjà cette question. Le choix
avait été fait de privilégier la lutte contre tous les
passeurs, notamment dans le cas de terroristes. La difficulté d'apporter
la preuve du but lucratif pesait également et continue à peser en
faveur de ce choix.
2. Les peines complémentaires
Les peines complémentaires prévues au paragraphe II de l'article
21 sont réécrites et aggravées pour certaines. Ainsi,
l'interdiction de séjour et la suspension du permis de conduire passent
de trois à cinq ans au plus. Toutefois, la durée de
l'interdiction de séjour ne pourra plus être doublée en cas
de récidive.
3. Les immunités
Le paragraphe III de l'article 21 de l'ordonnance précitée
dispose que certains membres de la famille de l'étranger,
précisément désignés, sont protégés
des poursuites pénales sur le fondement de cet article. Précisons
que, d'une part, cette immunité ne concerne que le délit
« d'aide au séjour irrégulier »
, et
non celui d'aide à l'entrée irrégulière ou à
la circulation et que, d'autre part, elle n'empêche pas la poursuite de
ces personnes pour complicité d'entrée et de séjour
irréguliers au titre de l'article 19 de l'ordonnance, infraction
sanctionnée uniquement d'un an de prison et de 25000 francs d'amende.
Le débat sur les immunités est apparu dès 1994, à
l'occasion des débats sur la loi n°94-136 du 27 décembre
1994 précitée, sur la question des buts lucratifs. Le
débat s'est poursuivi lors de la discussion de la loi n°96-647 du
22 juillet 1996 tendant à la répression du terrorisme. Fut alors
votée, l'immunité familiale au bénéfice des
ascendants et des descendants de l'étranger ainsi que du conjoint de
l'étranger, sauf lorsque les époux sont séparés de
corps ou autorisés à résider séparément. La
loi RESEDA du 11 mai 1998 a étendu ces immunités au conjoint des
descendants ou des ascendants, aux frères et soeurs et à leur
conjoint, ainsi qu'à la personne qui vit notoirement en situation
maritale avec l'étranger. La condition de n'être pas
séparés de corps ou de n'être pas autorisés à
résider séparément a été supprimée.
Le projet de loi initial ne modifie pas cet équilibre. Il précise
uniquement que ces immunités n'interdisent pas la poursuite de ces
personnes au titre du nouvel article 21
quater
qui crée une
infraction spécifique de participation volontaire ou d'organisation de
mariage de complaisance.
Plusieurs amendements adoptés par l'Assemblée nationale sont
néanmoins venus préciser le champ de ces immunités.
Ils rétablissent les conditions de communauté de vie, de non
séparation de corps ou de partage d'un domicile commun, à
défaut desquelles les conjoints des divers membres de la famille et de
l'étranger ne peuvent bénéficier de l'immunité
prévue au III de l'article 21. Les liens familiaux qui confèrent
l'immunité doivent être forts et actuels.
Un autre amendement déposé par le groupe socialiste tend à
étendre l'immunité à
« toute personne
physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à
un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la
vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y
a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la
menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou
indirecte »
. Cette immunité est une sorte de
« clause humanitaire » que permet d'ailleurs la directive
du Conseil du 28 novembre 2002 précitée. Elle répond aux
craintes des associations de se voir condamnées pour un acte dit de
« solidarité ».
Votre commission vous soumet un amendement de précision concernant
les immunités dont bénéficie le conjoint de
l'étranger ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec
lui.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 16
ainsi
modifié
.