Article 15
(art. 20 bis de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945)
Amendes administratives encourues par les transporteurs

Le présent article tend à transposer la directive n°2001/51/CE du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985. Il modifie à cette fin l'article 20 bis de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945. La date limite de transposition de la directive était fixée au 11 février 2003.

L'article 20 bis , issu de la loi n° 92-190 du 26 février 1992, transpose une partie de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985. Celle-ci prévoit notamment des sanctions à l'encontre des transporteurs qui acheminent des étrangers dépourvus des documents de voyage requis et l'obligation pour les transporteurs d'assurer leur rapatriement . L'article 35 ter de l'ordonnance précitée transpose également une partie des dispositions de l'article 26 de la convention d'application.

L'article 20 bis de l'ordonnance précitée fixe à 1500 euros par personne transportée le montant de l'amende administrative que doivent acquitter les entreprises de transport aérien, maritime ou terrestre qui débarquent sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la communauté européenne et démuni des documents de voyage requis. Cette amende n'est pas due lorsque l'étranger qui a demandé l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d'asile n'était pas manifestement infondée. Il en va de même lorsque l'entreprise établit que les documents lui ont bien été présentés à l'embarquement ou lorsque les documents ne présentent pas d'irrégularités manifestes. La somme totale des amendes perçues s'est élevée en 2002 à environ 1,5 million d'euros.

Il existe d'autres sanctions possibles à l'encontre d'un transporteur. L'article 35 ter de l'ordonnance précitée oblige les compagnies à assumer les frais de séjour et de rapatriement de l'étranger. La suspension temporaire des droits de trafic intervient en dernier recours lorsqu'une entreprise de transport est prise constamment en défaut. La décision est prise par la direction générale de l'aviation civile en accord avec les services du ministère de l'intérieur, de la sécurité publique et des libertés locales. En 2002, plusieurs compagnies, pour l'essentiel africaines, ont été suspendues pour quelques jours.

A la suite de l'adoption de la directive n°2001/51/CE du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, le projet de loi initial apporte quelques modifications.

En premier lieu, le montant de l'amende maximale fixé à 1.500 euros passe à 5000 euros
conformément à la directive qui harmonise les sanctions infligées aux transporteurs. Il convenait en outre de fixer le montant de l'amende à un niveau supérieur au tarif moyen d'un billet d'avion. A défaut, les entreprises pouvait être tentées de vendre malgré tout le billet. Une jurisprudence du Conseil d'Etat module néanmoins le montant de l'amende selon les circonstances de l'affaire et notamment le degré de coopération de l'entreprise de transport.

En second lieu, le projet de loi initial étend le champ d'application de l'article 20 bis à tous les voyageurs en transit . En effet, si l'article 35 ter contraint déjà les entreprises de transport à prendre en charge les frais de séjour et de rapatriement des étrangers, y compris ceux en transit, l'article 20 bis ne prévoit en revanche pas explicitement que les étrangers en situation de transit peuvent motiver l'amende aux transporteurs. Hormis le cas des ressortissants de pays pour lesquels un visa consulaire de transit aéroportuaire est exigé et dont la liste est fixée par l'arrêté modifié du 17 octobre 1995, une incertitude subsiste que la jurisprudence récente n'a que partiellement levée. C'est à cette incertitude que le projet de loi remédie. La plate-forme de Roissy accueillant de plus en plus de voyageurs en transit à mesure qu'elle s'impose comme un des principaux hub européens et mondiaux, cette précision de la loi était nécessaire.

L'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements dont un de fond. Ce dernier tend à inciter les entreprises à numériser sur les lieux d'embarquement et à transmettre aux autorités françaises chargées du contrôle aux frontières les documents de voyage et les visas des passagers. Cela dissuadera et rendra sans effet la destruction par les passagers de leurs papiers et documents de voyage au cours du vol ou lors du débarquement, afin de rendre impossible leur éloignement. Le montant maximal de l'amende infligée en vertu de l'article 20 bis aux entreprises mettant en oeuvre de tels dispositifs sera de 3000 euros au lieu de 5000 euros. En outre, les entreprises devraient être poussées à adopter ce système car la numérisation des documents leur permettra d'établir plus facilement la preuve que les passagers leur ont bien présenté l'ensemble des documents requis. Rappelons qu'il s'agit d'un motif d'exonération de l'amende en vertu du 1° du second paragraphe de l'article 20 bis de l'ordonnance. Les autres amendements sont rédactionnels ou de précision.

Votre commission vous soumet un amendement de réécriture complète de l'article 15 du projet de loi. Plusieurs modifications de fond sont effectuées.

La première
tend à soumettre la numérisation des documents de voyage et des visas et la transmission des données aux autorités par les compagnies aux dispositions protectrices de la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Lors de l'audition du président de la CNIL par le rapporteur, ce problème avait été soulevé. Un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL précisera les modalités de constitution de ces fichiers, la durée de conservation des données ainsi que l'accès à celle-ci.

La deuxième modification
tend à supprimer un des motifs de dispense de l'amende pour les transporteurs. Actuellement, les transporteurs n'acquittent pas l'amende dans deux cas notamment :

- l'étranger a demandé l'asile et est ensuite admis sur le territoire français ;

- l'étranger a demandé l'asile et sa demande a été jugée non manifestement infondée.

Le second cas est compréhensible. Le but est de ne pas dissuader les transporteurs d'acheminer les personnes ayant de réels motifs pour demander l'asile. Il est conforme à nos engagements internationaux. En revanche, le premier cas revient à dispenser les transporteurs de l'amende alors que l'étranger est, certes, entré sur le territoire français, mais pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'asile. En effet, ces étrangers ont pu être admis, par exemple, parce que la procédure de maintien en zone d'attente n'avait pas été respectée ou, pire, parce qu'ils avaient fait obstruction à leur rapatriement et n'avaient donc pas pu être éloignés dans les délais impartis. L'amendement supprime donc cette possibilité de dispense d'amende. Les transporteurs n'en seront que plus incités à contrôler les voyageurs lors des embarquements.

La dernière modification de fond de cet article
concerne le 2° du paragraphe II de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée. Ce 2° prévoit un autre motif de dispense du paiement de l'amende par les transporteurs. Sont en effet dispensés les transporteurs qui établissent que « les documents requis ont été présentés au moment de l'embarquement ou que les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste » . Un amendement de l'Assemblée nationale a modifié légèrement ce dispositif. Pour être dispensé de l'amende, le transporteur devra désormais prouver que « des documents non falsifiés » lui ont été présentés. Ce dispositif se substitue à l'établissement de la présentation de tous les documents requis. Plusieurs remarques peuvent être faites sur cette modification. D'une part, le transporteur aura beaucoup de mal à prouver que les documents n'étaient pas falsifiés. Il n'en a pas les compétences. En outre, ce n'est pas cohérent avec le second motif de dispense en cas d'irrégularité non manifeste. Comment le document peut-il ne pas présenter d'irrégularité non manifeste et être non falsifié en même temps ? L'amendement de la commission des Lois propose donc une autre solution. L'entreprise de transport sera dispensée d'amende si elle établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste. De la sorte, les entreprises seront incitées à s'équiper du dispositif de numérisation des documents de voyage tout en continuant à s'assurer que les documents ne sont pas des faux manifestes. En effet, en numérisant les documents, il leur sera facile de prouver que les documents requis leur ont été présentés.

Les autres modifications apportées par cet unique amendement de réécriture complète de l'article 15 du projet de loi sont de nature rédactionnelle.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 15 ainsi modifié.

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