TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le jeudi 3 février 2003, sous la
présidence de M. Nicolas About, président,
la
commission a tout d'abord procédé à l'
audition
de
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du
travail et de la solidarité
, et de
M. Jean-Paul Delevoye,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de
l'aménagement du territoire,
sur la
réforme
des
retraites
.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité,
s'est félicité que la première
lecture au Sénat donne à nouveau l'occasion d'éclairer les
enjeux, de croiser les arguments et de permettre à chacun de prendre ses
responsabilités devant la Nation, au sujet de la réforme des
retraites.
Il a estimé que la France n'avait que trop différé la
réforme de son système de retraites alors que ses partenaires
européens s'y étaient déjà attelés.
Il a rappelé les données démographiques relatives aux
retraités : entre 2006 et 2010, la France connaîtra une
véritable révolution démographique avec le départ
massif à la retraite de la génération du « baby
boom ».
Il a donc insisté sur l'urgence que constitue la réforme des
retraites.
Tout en rappelant qu'il n'ignorait pas les crispations et la diversité
d'opinions qui s'expriment à ce sujet, il a estimé que cette
réforme devrait rassembler les Français car elle n'est pas
inspirée par des considérations dogmatiques ; elle est
fondée sur un constat partagé et des pistes définies par
les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR), explorées
depuis le Livre blanc de Michel Rocard ; juste et équitable, elle
est marquée par de véritables avancées sociales ;
elle est progressive, rythmée par des rendez-vous réguliers
permettant un pilotage et un ajustement continus ; elle s'inscrit enfin et
surtout dans un choix de société commun : celui de la
solidarité et de la répartition.
Il a donc estimé que cette réforme ferait du système des
retraites français l'un des plus généreux et des plus
solidaires d'Europe.
S'agissant de la conception du projet de loi,
M. François Fillon
a rappelé que la réforme s'est appuyée sur un dialogue
social long et intense, qui s'était déroulé du
début février à la mi-mai, et aura permis d'aborder tous
les aspects de la réforme.
Il a indiqué que cette méthode avait porté ses fruits
puisqu'un compromis avait été trouvé avec plusieurs
organisations syndicales.
Il a également indiqué qu'il ne discernait pas les axes d'un
véritable projet alternatif, car toutes les contre-propositions
évoquées constituaient des dépenses supplémentaires
qui conduiraient à un besoin de financement bien supérieur aux
quatre points de produit intérieur brut (PIB) chiffrés pour 2040
par le COR. Elles correspondent, pour l'essentiel, à des impôts,
des cotisations ou des taxes, c'est-à-dire à des charges
supplémentaires pour les Français d'aujourd'hui et surtout de
demain. Il a rappelé que ces charges seraient dangereuses pour
l'économie et pour l'emploi dans la mesure où la France est
déjà mal placée dans le domaine des
prélèvements obligatoires.
Il a fait part de son sentiment que cette quête éperdue de
prélèvements supplémentaires masquait un objectif
inavoué : financer à tout prix le statu quo, notamment le
statu quo sur la durée de cotisation.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité
, a ensuite rappelé que le projet de loi
reposait sur quatre orientations principales.
Il a tout d'abord indiqué que le Gouvernement avait fait le choix de
maintenir le niveau des pensions aussi haut que possible par l'allongement de
la durée d'activité et de la durée d'assurance.
Il a récusé l'idée selon laquelle cet objectif pourrait
être atteint par une forte augmentation des cotisations ou un nouveau
mode de financement qui viendrait miraculeusement changer la donne.
Il a souligné que la meilleure garantie pour assurer un haut niveau de
retraite, sans reporter sur les actifs de demain une charge excessive,
était d'allonger la durée d'activité et la durée de
cotisation.
Il a en effet rappelé que cet allongement répondait à une
triple nécessité : celle de ne pas handicaper la croissance
et l'emploi ; celle de garantir l'équilibre et la
sécurité des retraites par répartition, dans la mesure
où un financement des retraites assis sur les flux financiers ou les
bénéfices des entreprises serait par nature incertain et
volatile ; celle, enfin, d'harmoniser la durée d'assurance, car nul
ne pourrait comprendre que la fonction publique, fer de lance de la
République, soit exonérée de l'effort demandé
à tous pour la survie de notre système de retraite.
Il a donc indiqué qu'une fois l'étape des quarante
annuités atteinte dans les régimes de la fonction publique, en
2008, la durée de cotisation augmenterait de manière très
progressive, afin de stabiliser le rapport entre temps de travail et temps de
retraite. Si le temps de retraite des Français peut continuer à
augmenter et à bénéficier des gains d'espérance de
vie, il a estimé que le partage de ces gains entre le temps de travail
et le temps de retraite est devenu nécessaire pour garantir l'avenir de
la répartition.
En conséquence, il a indiqué que la stabilisation de ce partage
conduisait à une durée de cotisation de 41 ans en 2012, mais que
cette évolution ne serait pas automatique.
Il a en effet précisé qu'une commission spécialement
constituée à cet effet se réunirait à
échéances régulières pour examiner les
données démographiques, de façon à piloter
l'augmentation de la durée de cotisation.
Il a toutefois observé que l'augmentation de la durée d'assurance
serait difficile si aucun progrès n'était constaté quant
à l'âge réel de cessation d'activité. Il a
rappelé que c'était la raison pour laquelle le Gouvernement
n'avait pas souhaité augmenter, dès 2004, la durée
d'assurance du secteur privé.
Observant que le premier « rendez-vous » était
fixé pour 2008, il a insisté sur le fait qu'il était
désormais impensable de se contenter d'assister à l'exclusion du
marché du travail des salariés de plus de 55 ans. Il a
rappelé que l'Assemblée nationale avait mis
particulièrement l'accent sur la valorisation des seniors au travail en
décidant, par exemple, qu'une conférence tripartite serait
consacrée à cette question avant les rendez-vous prévus en
2008, 2012 et 2016.
Dans la mesure où il est clairement impossible de supprimer, du jour au
lendemain, tous les dispositifs de préretraites, il a indiqué
avoir retenu un objectif réaliste, tendant à faire passer
l'âge moyen de cessation d'activité de 57,5 à 59 ans
de 2003 à 2008.
Il a également estimé nécessaire de recentrer les
dispositifs de préretraite sur deux outils : les
préretraites « pénibilité » qui seront
définies par les partenaires sociaux car ils sont les mieux à
même, au niveau interprofessionnel, puis au niveau des branches, de
définir les métiers et les secteurs justifiant un départ
anticipé ; les préretraites
« restructuration », qui s'avèrent
nécessaires, dans le cadre de plans sociaux, pour assurer la survie de
l'entreprise.
Dans le cadre d'un élargissement du taux d'activité, il a
insisté sur le fait que le travail au-delà de 60 ans, pour
ceux qui le souhaitent, devait être favorisé, que ce soit par un
assouplissement des règles sur le cumul emploi-retraite ou par le report
à 65 ans de la possibilité de mise à la retraite
d'office à l'initiative de l'employeur.
Il a ensuite rappelé que l'essentiel de l'effort en matière de
taux d'activité des seniors devait passer par la formation continue,
afin de permettre aux salariés de plus de 50 ans de valoriser leur
expérience, de changer de métier ou de poste, de retrouver, le
cas échéant, une seconde carrière dans un autre secteur.
Il a indiqué avoir demandé aux partenaires sociaux d'engager une
négociation sur ce sujet, afin de pouvoir présenter un projet de
loi à l'automne.
Au-delà de ces mesures législatives, il a appelé les
parlementaires à prendre la mesure du défi que représente
le vieillissement de la France et du changement culturel majeur sur le
rôle des seniors dans la société et sur le marché du
travail qu'il entraîne, estimant qu'il était nécessaire de
miser sur la transmission des savoirs et des métiers.
Il a insisté sur le contrat de confiance que le Gouvernement voulait
passer avec les entreprises : si elles ne favorisent pas cette mutation
des esprits et des pratiques, il n'y aura pas d'autres choix que d'augmenter de
façon drastique leurs charges pour financer les retraites.
Il a conclu que, pour réussir ce changement culturel, chacun devrait
assumer sa part de responsabilité : l'Etat avec ses agents, les
entreprises avec leurs salariés, et le législateur en utilisant
les leviers et les rendez-vous que cette loi lui offre.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité,
a ensuite présenté la deuxième
orientation de la réforme des retraites : l'équité et
la justice sociale.
Il a rappelé que la réforme des retraites avait mis en
évidence quelques injustices profondes auxquelles il convenait de
remédier.
Il s'est tout d'abord attaché à la situation des salariés
les plus modestes, et plus particulièrement ceux ayant toujours
travaillé au salaire minimum de croissance (SMIC). Il a indiqué
que le projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale
prévoyait que leur retraite s'élèverait, pour une
carrière complète, à un minimum de 85 % du SMIC net
en 2008, contre 81 % aujourd'hui, ce qui constitue une avancée
sociale, définie conjointement avec les organisations syndicales qui ont
choisi de soutenir le processus de réforme.
Il a ensuite mentionné l'injustice qui touche les Français qui
travaillent depuis l'âge de 14, 15 et 16 ans et qui, malgré tout,
doivent attendre 60 ans avant de pouvoir partir en retraite. Il a
rappelé que le projet de loi entendait leur ouvrir ce droit à
taux plein, entre 56 et 59 ans, répondant ainsi à une demande
ancienne des partenaires sociaux, relayée par nombre de parlementaires
de tous horizons politiques.
Il a également insisté sur le fait que la garantie du pouvoir
d'achat de tous les retraités, à travers l'indexation sur les
prix, était également une importante mesure
d'équité : le projet de loi propose ainsi que, tous les
trois ans, une conférence réunisse le Gouvernement et les
partenaires sociaux, afin qu'ils définissent ensemble, par la
négociation, si un « coup de pouce » peut être
effectué en fonction de la croissance et de la situation
financière des régimes d'assurance vieillesse.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité
, a rappelé que le projet de loi comprenait
aussi une importante réforme de la réversion dans le
régime général et les régimes alignés :
la pension de réversion serait désormais attribuée sans
condition d'âge et le système serait rendu davantage lisible et
équitable, en remplaçant la double condition de ressources et de
cumul par un plafond de ressources.
Il a indiqué que les avantages familiaux seraient maintenus, notamment
la majoration de pension pour trois enfants élevés et que, dans
les régimes de la fonction publique, la jurisprudence européenne
serait prise en compte pour les enfants nés après le
1
er
janvier 2004.
Il a ensuite présenté une autre avancée pour les
fonctionnaires : l'intégration d'une partie des primes des
fonctionnaires dans le calcul de leur retraite par la création d'un
régime additionnel obligatoire.
Il a enfin observé que la pénibilité serait prise en
compte et que, dans la mesure où cette notion est par nature variable
suivant les époques, les métiers et les technologies, il avait
demandé aux partenaires sociaux d'en définir, dans chaque
branche, les contours avant trois ans.
Il a, par ailleurs, rappelé que l'Assemblée nationale avait pris
le soin de confirmer cet engagement dans la loi et souhaité adopter des
dispositions favorables pour les parents d'enfants gravement handicapés
qui, désormais, bénéficieront d'une majoration de leur
durée d'assurance.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité
, a ensuite saisi l'occasion de dénoncer
certaines contre-vérités apparues dans le débat à
l'Assemblée nationale.
S'agissant des différences d'espérance de vie, il a
rappelé qu'aucun pays n'a jamais pris en compte ces différences.
Il a précisé qu'une telle prise en compte pénaliserait les
femmes qui, avec une espérance de vie supérieure, se verraient
appliquer une durée de cotisation plus importante que celle des hommes.
Il a également évoqué la critique selon laquelle le projet
« pénaliserait les femmes ». Il a rappelé que
la situation des femmes retraitées d'aujourd'hui tenait au fait qu'elles
ont pas ou peu travaillé et il a observé que le décalage
des pensions entre les hommes et les femmes devrait se réduire compte
tenu de l'allongement des carrières des femmes. Il a
concédé qu'il resterait à terme l'écart lié
aux différences de rémunérations, mais il a
précisé que si ce Gouvernement entendait placer le combat pour
l'égalité professionnelle au coeur de son action, il ne pouvait
en faire un préalable à la réforme des retraites.
Il a ensuite indiqué que la troisième orientation fondamentale de
cette réforme était de permettre à chacun de mieux
construire sa retraite, en donnant davantage de souplesse et de liberté
de choix.
Il a rappelé que le droit de liquider sa retraite à 60 ans
était confirmé et que, contrairement à ce qu'on avait
voulu faire croire, il n'y avait jamais eu un droit de liquider sa retraite
à 60 ans à taux plein, quelle que soit la durée
d'assurance. Il a indiqué que ce droit était aujourd'hui
donné à 65 ans et le projet de loi ne changerait rien sur ce
point.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité,
a ensuite rappelé qu'à l'heure
actuelle, un salarié qui souhaite partir à 60 ans alors qu'il ne
dispose pas de la durée d'assurance nécessaire, est soumis
à une « décote » d'un taux de 10 % par
année manquante. Il a indiqué que, pour donner davantage de
choix, le Gouvernement proposait d'alléger par voie réglementaire
ce taux, pour atteindre progressivement 5 % par année manquante.
Afin d'instaurer une véritable égalité entre cotisants, il
a précisé que le projet de loi créait, dans la fonction
publique, une condition de durée d'assurance tous régimes, ce qui
signifie l'introduction à partir de 2006 d'une
« décote », qui monterait progressivement en charge
et respecterait les spécificités de la fonction publique, qui
comprend des limites d'âge différenciées. En 2015, la
décote serait donc la même pour tous, que l'on soit salarié
du privé ou fonctionnaire, comme l'exige l'équité.
Il a également observé qu'en ouvrant la possibilité de la
retraite progressive aux personnes n'ayant pas, à 60 ans, la
durée d'assurance nécessaire, en ouvrant dans la fonction
publique la cessation progressive d'activité, le Gouvernement donnait
une marge supplémentaire de souplesse pour tous ceux qui souhaitaient
passer de manière moins brutale du « tout travail »
au « tout retraite ».
Il a également indiqué que, pour donner un sens à
l'idée de la retraite « à la carte », la
« décote » était complétée par
un mécanisme de « surcote », dont le taux sera de
3 % par an, afin que ceux qui souhaitent continuer à travailler
au-delà de 60 ans et de la durée d'assurance requise, soient
incités à le faire.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité
, a précisé que la souplesse consistait
également à ouvrir le droit au rachat de trimestres, dans des
conditions financièrement neutres pour les régimes et que
l'Assemblée nationale avait décidé de rendre ces rachats
fiscalement déductibles.
Face à ces éléments de liberté et de souplesse, il
a estimé qu'était nécessaire une information collective
sur la situation financière des régimes de retraite et sur
l'évolution des niveaux de vie entre actifs et retraités, qui
sera confiée au COR, ainsi qu'une information individuelle sur le calcul
des droits. A cette fin, le projet de loi crée un groupement
d'intérêt public (GIP), qui permettra d'assurer la bonne
coordination des traitements informatiques nécessaires.
Il a précisé que l'objectif était de permettre à
chaque Français d'avoir accès à un décompte de ses
droits à la retraite et à une estimation du montant de sa pension.
Il a enfin indiqué que la liberté et la souplesse signifiaient
l'élargissement de l'accès à des outils d'épargne
retraite. A cet égard, il a précisé que le projet de loi
permettrait à chaque salarié, quelle que soit la politique
sociale menée par son employeur, de bénéficier d'une
incitation fiscale lui permettant de disposer d'une rente à l'âge
de la retraite, grâce à un plan épargne individuelle pour
la retraite dont les modalités ont été
précisées par un amendement présenté par le
Gouvernement à l'Assemblée nationale.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité
, a rappelé par ailleurs que le projet de loi
simplifiait la galaxie des différents dispositifs existants et les
sécurisait, en allongeant notamment la durée du « plan
partenarial d'épargne salariale volontaire »,
créé par la loi Fabius de 2001, afin de permettre aux
salariés de disposer d'une véritable épargne en vue de la
retraite, en rente ou en capital.
Il a enfin rappelé que la dernière orientation de cette
réforme était de garantir le financement des retraites d'ici 2020.
Il a indiqué que les mesures d'allongement, pour le régime
général, représentaient un peu plus du tiers du besoin de
financement en 2020, chiffré à 15 milliards d'euros. Il a,
par ailleurs, rappelé que ces mesures s'appliqueraient par
définition au seul flux des retraités, à partir de 2004.
Il a précisé que les mesures de justice sociale
décidées dans le cadre de la réforme devraient être
financées par la hausse de 0,2 point des cotisations vieillesse,
prévue en 2006.
Il a ensuite précisé que, compte tenu du choix qui était
fait de ne pas baisser le montant des pensions, deux tiers du besoin de
financement du régime général seraient financés par
une augmentation de la richesse nationale dévolue au paiement des
retraites, et donc par une augmentation des cotisations vieillesse. Cette
augmentation de trois points serait très progressive entre 2008 et 2020.
C'est la raison pour laquelle il a estimé qu'afficher la durée
d'assurance comme étant le seul paramètre d'équilibre
était tout simplement faux.
Dans une volonté de cohérence avec la volonté du
Gouvernement de réduire, ou tout au moins de stabiliser le niveau des
prélèvements obligatoires, il a indiqué que l'augmentation
des cotisations vieillesse pourrait être
« gagée » par la diminution des cotisations
chômage, estimant que si, aujourd'hui, cette perspective apparaît
à certains comme inatteignable, à l'horizon 2020, il était
impensable que le taux de chômage reste identique à celui
d'aujourd'hui.
Il a en effet rappelé que, pour la première fois dans notre
histoire, le nombre de ceux qui entrent chaque année sur le
marché du travail allait diminuer et que cette diminution ne pouvait pas
être sans conséquence sur le marché de l'emploi. En
améliorant significativement le système de formation, initiale et
continue, en optimisant les dépenses publiques, en résistant
à la tendance à toujours accroître les
prélèvements, il a estimé pouvoir raisonnablement
atteindre un niveau de chômage en 2020 de 5 à 6 %, chiffre
qui est au-dessus de celui retenu dans la projection du COR.
Il a donc estimé qu'au regard de ces conditions, la réforme
était financée.
En conclusion,
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du
travail et de la solidarité,
a insisté sur le fait qu'au
travers du prisme des retraites, la question de la capacité de la France
à se réformer était posée.
Il a estimé que les Français n'étaient pas
réfractaires à la réforme dès lors que le courage
l'emporte sur les peurs et les doutes et qu'ils étaient capables de se
projeter vers l'avenir en transcendant leurs intérêts particuliers
dès lors qu'un effort collectif est demandé au nom de
l'intérêt général pour sauver leur modèle
social, unique et envié.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire,
a tout
d'abord rappelé qu'une partie importante de la réforme portait
sur les régimes des fonctionnaires pour lesquels la
nécessité de l'action était impérative dans la
mesure où la réforme de 1993 n'avait pas touché ces
régimes. Il a fait part des deux raisons essentielles pour lesquelles
cette réforme était indispensable.
Il a ainsi observé qu'il se posait un problème d'équilibre
des retraites des fonctionnaires : en effet, même si le
régime des fonctionnaires de l'Etat n'est pas au sens strict un
régime par répartition, puisque ses charges sont en grande partie
budgétisées, l'inaction conduirait rapidement à une
rupture de l'équilibre économique sur lequel repose ce
système.
Il a rappelé à cet égard que l'Etat versait aujourd'hui 60
milliards d'euros de traitements et 30 milliards d'euros de pensions, qu'en
2020, il verserait 60 milliards d'euros de traitements et 60 milliards d'euros
de pensions, en euros constants, et qu'en 2040, les règles actuelles
conduiraient à verser 60 milliards d'euros de traitements et 90
milliards d'euros de pensions.
Il a également indiqué que la Caisse nationale de retraite des
agents des collectivités locales (CNRACL), qui dispose pour l'instant
d'une situation démographique plus favorable, n'échapperait pas
longtemps à une dégradation rapide de ses ratios et serait, dans
quelques années, elle aussi en déséquilibre.
Il a précisé que la réforme était également
motivée par un impératif de justice, soulignant que l'opinion
publique ne comprendrait pas pourquoi certaines catégories sociales
devraient accomplir un effort tandis que d'autres en seraient exemptées.
Il a donc estimé que le sauvetage de la retraite par répartition
exigeait des efforts partagés et justement répartis et que, pour
cette raison, il n'était plus possible de laisser de côté
le régime de la fonction publique. Il a précisé qu'il ne
s'agissait pas de s'en prendre à la fonction publique ou à toute
autre catégorie, mais de faire contribuer les différents milieux
professionnels à un sauvetage qui ne pouvait plus être
différé.
Il a souligné que le titre III du projet de loi, relatif à la
fonction publique, était le fruit de discussions approfondies avec les
syndicats de fonctionnaires, qui avaient pu en débattre au sein des
conseils supérieurs des différentes fonctions publiques, lesquels
avaient tous approuvé le texte du projet.
Il a précisé que l'objectif de la réforme était
d'organiser la convergence avec le régime général des
salariés pour les paramètres qui ne présentaient pas de
caractère spécifique, à commencer par la durée de
cotisation exigée pour bénéficier d'une pension au taux
plein. Il a donc estimé que le projet répondait ainsi à
l'impératif de justice entre les catégories professionnelles mis
en avant par le Gouvernement, tout en satisfaisant à l'objectif de
maîtrise des charges à l'origine de la réforme :
celle-ci permettra de couvrir en 2020 la moitié du besoin de financement
du régime des fonctionnaires, soit 14 milliards d'euros par an sur
les 28 qui seront nécessaires.
Il a indiqué que le principe retenu consistait à allonger la
durée de cotisation pour parvenir au taux plein, le nombre
d'annuités correspondant à une carrière complète
étant porté de 37,5 à 40 d'ici à 2008.
Il a rappelé que, tout comme dans le secteur privé, la variable
clé de la réforme était l'augmentation du taux
d'activité des seniors.
A cet égard, il a précisé que des dispositions
étaient prévues pour inciter les agents à adapter leurs
choix de départ à cette nouvelle situation comme la
possibilité pour les enseignants d'effectuer une deuxième
carrière ainsi que les aménagements apportés à la
cessation progressive d'activité.
Il a indiqué qu'une surcote serait mise en place afin d'augmenter la
pension de ceux qui compteraient 40 annuités après l'âge de
60 ans et que, parallèlement, une décote serait appliquée
aux années manquantes, comme dans le régime
général, pour ceux qui choisiraient de partir à compter de
l'ouverture des droits avec une carrière incomplète.
Il a précisé que cette décote atteindrait 5 % en
2015, celle du régime général étant
parallèlement abaissée à ce niveau. Il a contesté
l'interprétation selon laquelle ce mécanisme visait à
baisser le montant de la pension, estimant qu'il visait au contraire à
inciter les agents à différer leur départ pour se
rapprocher de la limite d'âge de leur corps, limite à laquelle
s'annule la décote. L'agent qui partirait avec une carrière
complète, soit 40 annuités à compter de 2008, percevrait,
comme aujourd'hui avec 37,5 annuités, une pension égale à
75 % de son dernier traitement, lequel continuerait d'être
calculé sur les six derniers mois de la carrière.
Il a, par ailleurs, rappelé que le projet de loi avait prévu des
dispositions transitoires très longues, la décote ne
commençant à s'appliquer qu'à partir de 2006 et atteignant
son intensité maximale en 2020 seulement, et que les fonctionnaires
proches de la retraite auraient ainsi le temps de se préparer et
pourraient faire évoluer leurs choix de départ sur une longue
période.
Il a indiqué que les règles de validation et d'acquisition des
périodes comptant pour la retraite avaient été revues et
ce pour ne pas pénaliser les fonctionnaires par rapport aux
salariés.
Il a ainsi indiqué qu'une durée d'assurances « tous
régimes » était instituée, afin de permettre
à ceux qui ont eu des carrières successives, dans la fonction
publique et dans d'autres régimes, de ne pas être
pénalisés pour l'application des règles de décote
et de surcote.
Il a également précisé que les fonctionnaires travaillant
à temps partiel ne seraient pas défavorisés pour la
durée d'assurance, dans la mesure où un temps partiel comptera
comme un temps plein, ce qui est particulièrement important pour les
femmes mères de famille. Il a indiqué qu'il serait aussi possible
de « surcotiser » sur la base d'un temps plein pour
améliorer le niveau de sa pension.
Il a souligné qu'une mesure particulière visait les personnels
des services actifs de la fonction publique hospitalière qui recevraient
une année d'assurance supplémentaire tous les 10 ans de
carrière et que, comme dans les autres régimes, il serait
possible de racheter jusqu'à trois années d'études,
comptant soit pour la durée d'assurance, soit pour la liquidation, soit
pour les deux.
Il a ensuite insisté sur le fait que les avantages familiaux
étaient maintenus :
- la majoration de 10 % pour les parents d'au moins 3 enfants demeure
inchangée, comme dans le régime général ;
- la pension de réversion des hommes est alignée à la
hausse sur celle des femmes ;
- le droit au départ avec disposition immédiate de la
pension après 15 ans de service des femmes ayant
élevé trois enfants est conservé ;
- la bonification pour enfants est adaptée pour tenir compte de la
jurisprudence européenne : les droits des femmes dont les enfants
étaient déjà nés ne seront pas diminués.
Mais la bonification est étendue aux hommes, à condition qu'ils
se soient arrêtés de travailler pour la naissance ou
l'éducation de l'enfant.
Il a précisé que pour le futur, la bonification serait
remplacée par une validation comme période de service des
périodes d'arrêt en relation avec la naissance, l'adoption ou
l'éducation de l'enfant, cette validation pouvant atteindre trois ans
par enfant et pouvant être accordée aux femmes et aux hommes.
Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait
complété ce dispositif en accordant aux femmes qui auront des
enfants à partir de 2004 une majoration de six mois de durée
d'assurance, qui ne pourra pas se cumuler avec la validation des
périodes non travaillées.
Il a ensuite fait part du choix du Gouvernement de faire converger les
règles d'indexation des pensions afin de les rapprocher de celles du
régime général : les pensions seront ainsi
revalorisées chaque année en fonction de la hausse des prix. Il a
précisé que, de même, et sous réserve des plans en
cours qui seraient honorés, il était mis fin aux dispositions qui
répercutaient sur les retraités les revalorisations
catégorielles ou indiciaires accordées aux corps auxquels ils
appartenaient en activité. Il a estimé que ces mesures
redonneraient aux employeurs publics des marges utilisables pour mener à
l'avenir une politique salariale et de gestion des ressources humaines plus
dynamique, qui permettrait de maintenir l'attractivité des
métiers de la fonction publique.
Il a enfin souligné que la réforme abordait la délicate
question des primes. Il a précisé que l'intégration de ces
éléments dans la pension proprement dite n'était pas
envisageable en raison notamment de son coût très
élevé : 5 à 6 milliards d'euros par an en 2020.
Il a indiqué que le Gouvernement avait souhaité avancer sur deux
points :
- l'intégration des primes des aides-soignantes dans leur
traitement, et dans le calcul de la pension, à hauteur de 10 % du
traitement indiciaire, engagement qui avait été pris mais non
tenu par le précédent Gouvernement ;
- l'institution pour tous les fonctionnaires civils et les militaires d'un
nouveau régime, distinct du régime des pensions.
Il a précisé que ce régime par répartition et par
points serait garanti par un mécanisme de provisionnement selon des
modalités qui devraient être précisées d'ici
à sa mise en oeuvre et qu'il serait obligatoire.
Il a indiqué que l'assiette du régime serait constituée
par les éléments de rémunération qui n'entrent pas
actuellement dans l'assiette des pensions, dans la limite de 20 % du
traitement et que cette assiette était suffisamment large pour toucher
la quasi-totalité des situations.
M. Dominique Leclerc, rapporteur
, a constaté que les orientations
retenues par le Gouvernement pour garantir l'avenir des retraites ne
s'écartaient guère des préconisations des
différents rapports officiels publiés depuis 1991 et des pistes
annoncées par le précédent gouvernement. Il a
regretté, en conséquence, que le projet de loi ne réunisse
pas une forme de consensus.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis de la commission des finances,
a tenu à rappeler que l'horizon envisagé pour un transfert
des cotisations à l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse
était 2020 et non 2008 comme se plaisaient à le dire certains
membres de l'opposition à l'Assemblée nationale.
Il a également souligné l'importance de la formation
professionnelle, objet d'un projet de loi annoncé par le Gouvernement,
pour l'équilibre de la réforme des retraites.
Il a toutefois observé, s'agissant de la fonction publique, que le
projet de loi ne permettait de financer que la moitié du besoin de
financement prévisionnel à l'horizon 2040. Il a enfin
souhaité connaître les intentions du Gouvernement quant à
l'avenir de la « Préfon ».
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis de la
délégation aux droits des femmes
, s'est interrogé sur
les perspectives de simplification et d'unification des différents
régimes de retraite et sur le rôle qui pourrait être
confié au COR dans cet objectif.
Il a également voulu savoir si la règle permettant, dans la
fonction publique, aux mères ayant élevé trois enfants de
liquider leur pension après 15 ans d'activité continuerait
à s'appliquer sans décote.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité,
a indiqué que, dans la perspective d'une
augmentation de la durée d'activité, la formation professionnelle
était effectivement la clé de voûte de la réforme
des retraites et qu'il était nécessaire, à cet
égard, de changer la mentalité des entreprises vis-à-vis
des salariés âgés.
Il a souligné que les entreprises avaient entre les mains les
clés de la réforme, dans la mesure où, en l'absence de
changement d'attitude de leur part à l'égard des seniors, une
augmentation des cotisations deviendrait indispensable.
S'agissant plus précisément de la formation, il a
précisé que l'objectif du Gouvernement, à travers le futur
projet de loi, était de donner à chaque salarié un choix
individuel à la formation, indépendant de l'entreprise ou de son
secteur d'activité.
Concernant la « Préfon », il a observé que ce
système était loin d'être le seul système
d'épargne retraite en France et qu'il était temps de donner
à chaque Français la possibilité d'en
bénéficier.
S'agissant des inégalités entre les hommes et les femmes, il a
souligné qu'il était inconcevable de déconnecter
totalement la retraite de la durée d'assurance et que, par
conséquent, la résorption de ces inégalités devait
surtout passer par le règlement des inégalités au travail,
notamment en matière de rémunération.
Il a enfin précisé que le projet de loi allait permettre un
progrès significatif pour les agriculteurs avec l'instauration de la
mensualisation.
M. Dominique Leclerc, rapporteur,
s'est interrogé sur
l'articulation des amendements adoptés par l'Assemblée nationale
en matière d'avantages familiaux dans la fonction publique avec les
dispositions du texte initial du Gouvernement.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la
réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire,
a
précisé que la modification des règles régissant
les avantages familiaux avait été provoquée par la
jurisprudence européenne. Il a indiqué que deux paramètres
avaient été pris en compte pour cette réforme : la
nécessité d'aider aujourd'hui les femmes désireuses de
concilier vie familiale et travail et celle d'éviter une fragilisation
de leurs carrières vis-à-vis des droits à la retraite.
Il a donc souligné que la solution choisie par le Gouvernement,
c'est-à-dire le temps partiel familial, permettrait de répondre
à ces deux impératifs, dans la mesure où ce temps partiel
permettrait aux femmes de continuer à se constituer des droits à
la retraite, sans que leur durée d'assurance soit réduite au
prorata des heures travaillées.
Il a précisé que l'amendement adopté par
l'Assemblée nationale visait le cas des femmes qui ne souhaiteraient pas
entrer dans le système du temps partiel familial : elles pourraient
alors majorer de six mois par enfant leur durée d'assurance.
S'agissant des inégalités entre les hommes et les femmes, il a
tenu à rappeler que les inégalités en termes de retraite
observées aujourd'hui reflétaient la situation du travail des
femmes dans les années 60 et que les retraites des femmes
s'amélioreraient dans les années à venir.
Il a ensuite précisé que la décote s'appliquerait
dorénavant aux femmes ayant élevé trois enfants qui
prendraient leur retraite après quinze ans d'activité. Il a
toutefois observé qu'en pratique, peu de femmes utilisent aujourd'hui
cette possibilité.
M. Alain Vasselle
s'est interrogé sur les perspectives de
réformes des régimes spéciaux. Il a également voulu
connaître les intentions du Gouvernement concernant le rôle du
fonds de solidarité vieillesse (FSV). Il a constaté que ses
excédents, qui étaient initialement supposés alimenter le
fonds de réserve des retraites, avaient été
prélevés pour financer le fonds de financement des trente-cinq
heures et l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Claude Domeizel
a dénoncé la volonté du
Gouvernement d'imposer une réforme des retraites qui ne recueille pas
l'assentiment des Français. Il a estimé que le projet de loi
conduisait à remettre en cause la retraite à 60 ans, qu'il
faisait reposer l'ensemble des efforts sur les seuls salariés et qu'il
contenait des dispositions particulièrement inéquitables pour les
femmes.
M. Serge Franchis
s'est félicité de la prise en compte,
dans la loi, de la notion de pénibilité au travail. Il a
regretté que le projet de loi n'aille pas plus loin en matière de
rachat des années d'études. Il a enfin insisté sur la
nécessité d'offrir un accès privilégié au
système d'épargne retraite aux personnes dont la durée
d'assurance est particulièrement faible.
Mme Michelle Demessine
a contesté le fait que le débat
à l'Assemblée nationale ait fait l'objet d'une obstruction et a
plaidé pour qu'un temps d'examen suffisant soit également
laissé au Sénat.
Elle a estimé que le projet de loi était déconnecté
des préoccupations manifestées par les Français depuis
plusieurs semaines et a regretté l'obstination du Gouvernement à
imposer sa réforme.
Elle a dénoncé un risque d'appauvrissement des retraités
et la mise en danger du système par répartition.
Elle a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen
proposait un projet alternatif, fondé notamment sur une mise à
contribution des entreprises dans le financement de la réforme.
M. Paul Vergès
a fait part de son inquiétude quant
à l'application de la réforme des retraites dans les
départements d'outre-mer. Il a notamment indiqué que
l'évolution démographique dans ces territoires était
exactement inverse de celle de la métropole et que cette réforme
aurait pour conséquence un système de retraite à deux
vitesses et une augmentation importante du nombre de personnes réduites
au minimum vieillesse.
M. Jean-Pierre Fourcade
a observé que le principal
intérêt du projet de loi était sa progressivité et
les possibilités de pilotage qu'il offrait. Il s'est interrogé
sur les conséquences des modifications apportées par
l'Assemblée nationale pour la souplesse du dispositif.
Il a regretté que le Gouvernement ne soit pas allé jusqu'au bout
de sa logique en élargissant la CNRACL à l'ensemble des
fonctionnaires, y compris ceux de l'Etat.
Il a enfin fait part de son inquiétude au regard de la situation de la
France en matière de prélèvements obligatoires. Il a
notamment relevé que le projet de loi ne permettait de financer qu'un
tiers du besoin de financement prévisionnel à l'horizon 2040. Il
a demandé au ministre quelles étaient les pistes
envisagées pour aller plus loin en la matière.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité,
a confirmé que le projet de loi ne concernait
pas les régimes spéciaux. S'agissant du FSV, il a souligné
la difficulté à remettre à plat les circuits de
financement qui avaient été mis en place pour financer les 35
heures. Il a fait remarquer que le Gouvernement avait, d'ores et
déjà, accompli un progrès en mettant un terme à la
création de nouvelles « tuyauteries ».
Il a précisé que le fonds de réserve des retraites aurait
un rôle important pour la période 2020-2040. Il a indiqué
que le Gouvernement se refusait à créer un
prélèvement supplémentaire pour l'alimenter mais qu'il
continuerait à l'abonder, au fur et à mesure des futures
privatisations.
Il a contesté l'absence de concertation sur la réforme des
retraites. Il a rappelé que le projet de loi avait été
mûri pendant un an et qu'il avait été
précédé de plus de trois années de concertation
avec les partenaires sociaux. Il a observé que malgré tous les
efforts de conciliations et de pédagogie, certaines organisations
syndicales n'auraient de toute façon jamais voulu conclure un accord.
S'agissant de la prise en compte de la pénibilité, il a
rappelé que la France faisait figure de précurseur en la
matière. Il a estimé que la détermination précise
de la pénibilité et sa compensation en termes de retraite
devaient reposer sur des accords de branche, de façon à
responsabiliser les entreprises.
Concernant l'épargne retraite, il a estimé que l'accès des
salariés les plus modestes à ce système devait relancer le
débat sur le crédit d'impôt mais il a émis des
doutes quant à cette solution, du fait de la situation des finances
publiques.
Il a concédé que le groupe communiste, républicain et
citoyen proposait un véritable projet alternatif en matière de
retraites mais il a estimé que la solution qu'il préconisait
était dangereuse en termes de compétitivité et d'emploi.
Il a observé que le mouvement social des dernières semaines
avait, en grande majorité, touché le secteur public, ce qui
était difficilement évitable dans la mesure où les
retraites de ce secteur n'avaient pas été réformées
depuis 1964. Il a appelé l'ensemble des groupes à avoir une
position claire et à prendre leurs responsabilités en
matière d'allongement de la durée de cotisation.
S'agissant du pilotage à long terme de la réforme, il s'est
félicité que l'Assemblée nationale ait renforcé le
dispositif et il a estimé que le projet de loi constituerait une
réforme durable précisément parce qu'il offrait des outils
utilisables dans les années à venir quelles que soient les
alternances.
Il a enfin estimé, s'agissant de la compensation de l'augmentation des
cotisations vieillesse par une baisse des cotisations chômage, que le
simple jeu de la démographie devrait permettre à la fois une
baisse du chômage et une augmentation de deux ans de la durée
moyenne d'activité des Français.
M. Jean-Pierre Cantegrit
a plaidé pour une adaptation de certains
aspects du projet de loi à la situation spécifique des
Français de l'étranger, notamment en matière de rachat des
années d'études, de surcote et d'accès à
l'épargne retraite.
M. Roland Muzeau
a fait part de son étonnement devant le peu
d'évolution des propos du ministre après quatre semaines de
débat à l'Assemblée nationale.
Il s'est inquiété des velléités de certains membres
de la majorité de démanteler les régimes spéciaux.
Il a enfin dénoncé la pratique du Gouvernement consistant
à légitimer ses réformes par des accords minoritaires. Il
a rappelé que les derniers sondages faisaient d'ailleurs toujours
état d'une proportion de 56 % des Français opposés
à la réforme des retraites.
M. Guy Fischer
s'est interrogé sur le niveau des retraites qui
serait garanti en échange de l'augmentation de la durée de
cotisation.
S'agissant du travail des seniors, il a mis en avant la contradiction qu'il y
avait à encourager leur maintien en activité tout en laissant aux
entreprises l'outil des préretraites pour gérer les plans
sociaux. Il a estimé qu'il s'agissait en réalité d'un jeu
de vases communicants, consistant à transférer les
salariés âgés du système de l'assurance
chômage vers la préretraite.
Mme Nelly Olin
a salué le courage du Gouvernement, dans la mesure
où la réforme des retraites avait été constamment
repoussée ces dernières années, et elle a
dénoncé la désinformation pratiquée par
l'opposition vis-à-vis d'un projet de loi qu'elle a estimé
généreux et solidaire.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de
la solidarité,
a d'abord estimé que les adaptations
demandées à l'égard des Français de
l'étranger lui semblaient justes et il a invité M. Jean-Pierre
Cantegrit à faire part de ses propositions précises au
Gouvernement.
S'agissant des accords minoritaires, il a tenu à rappeler que le
défaut dénoncé par l'opposition était dû
à un système de représentativité syndicale
obsolète et, à bien des égards, confortable pour certaines
centrales syndicales car il leur permettait de conserver leurs positions
contestataires.
Il a, à nouveau, insisté sur l'importance de la formation
continue pour l'activité des seniors. Il a précisé que le
futur projet de loi du Gouvernement créerait une
« portabilité » des droits à la formation
professionnelle, tout en espérant que ce texte pourrait s'appuyer sur un
accord des partenaires sociaux.
Il a enfin souligné que l'équilibre du projet de loi, compte tenu
de son horizon temporel, ne pouvait pas ne pas comporter une part
d'incertitudes et de paris.
M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme
de l'Etat et de l'aménagement du territoire,
a enfin estimé
que la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances
permettrait de mieux repérer les masses financières
représentées par les pensions dans la fonction publique de l'Etat
et qu'en cela, elle représentait une solution alternative à
l'extension de la CNRACL.