CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
SUR LA PROPOSITION DE LOI
Article premier
Il est inséré, après l'article L. 3511-2 du code de la santé publique, un article L. 3511-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511-2-1. - Il est interdit de vendre ou d'offrir gratuitement, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, des produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans. »
Article 2
L'article L. 3511-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de l'éducation à la santé, une sensibilisation au risque tabagique est organisée, sous forme obligatoire, dans les classes de l'enseignement primaire et secondaire. »
Article 3
Il est inséré, après l'article L. 3512-1 du code de la santé publique, un article L. 3512-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3512-1-1. - La vente ou l'offre à titre gratuit, dans les débits de tabac et tous commerces ou lieux publics, de produits du tabac à des mineurs de moins de seize ans est punie de 3.750 euros d'amende.
« En cas de récidive, l'infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende.
« Si la récidive est le fait d'un débitant de tabac, cette peine s'accompagne de la résiliation de son traité de gérance.
« Dans les cas prévus au présent article, le prévenu pourra prouver qu'il a été induit en erreur sur l'âge du mineur. S'il fait cette preuve, aucune peine ne lui sera applicable de ce chef. »
Article 4
Dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant, d'une part, l'intérêt, en termes de santé publique, de la prise en charge, par l'assurance maladie, des substituts nicotiniques en faveur des mineurs de moins de dix-huit ans et, d'autre part, le coût de cette mesure.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR
LE MARDI 4 FÉVRIER 2003
Mme Sylviane Ratte , chargée de mission Tabac à la Ligne nationale contre le cancer
M. Michel Arnaud , président, et M. Jean-Paul Vaslin , délégué général à la Confédération des débitants de tabac de France
Professeur Gérard Dubois , président d'honneur du Comité national contre le tabagisme
Mme Véronique Nahoum-Grappe , présidente du groupe de travail relatif à l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans
TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le jeudi 6 février 2003, sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique Larifla sur la proposition de loi n° 77 (2002-2003) visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes.
M. Dominique Larifla, rapporteur , a présenté les grandes lignes de son rapport (cf. avant propos).
M. Gilbert Chabroux a fait part de sa perplexité en ce qui concerne l'efficacité et l'effectivité de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs, qui relève, selon lui, d'une approche trop partielle. Il a estimé que la lutte contre le tabagisme devait s'inscrire dans un cadre plus général et s'attacher, notamment, à garantir la protection des non-fumeurs et à renforcer les mesures réellement dissuasives, telle l'augmentation régulière du prix du tabac.
M. Alain Vasselle, évoquant l'exemple de l'Allemagne cité par le rapporteur, s'est interrogé sur les règles régissant dans notre pays, notamment pour les mineurs, la possibilité de fumer en public. Ayant souligné les effets pervers auxquels pourrait donner lieu l'entrée en vigueur d'une interdiction de vente de tabac aux mineurs, il a également estimé qu'il est nécessaire de déterminer avec précision les avantages et les inconvénients des mesures de cet ordre avant d'en envisager l'adoption.
M. Alain Gournac a avoué sa perplexité quant aux multiples difficultés pratiques auxquelles donnera lieu l'application de l'interdiction de vente de tabac aux mineurs. Il a estimé que cette interdiction ne pourra qu'inciter les jeunes à vouloir braver l'interdit et, donc, à se mettre à fumer. Il a regretté, par ailleurs, que d'autres fléaux qui menacent la jeunesse, comme les drogues illicites, ne fassent pas l'objet d'actions prioritaires. D'une manière plus générale, il a exprimé sa crainte que l'adoption de telles mesures législatives, qui ne sont généralement pas appliquées, aboutisse à priver la loi de toute autorité aux yeux de nos concitoyens.
M. Jean-Louis Lorrain a attiré l'attention du rapporteur sur les conclusions de la commission d'évaluation de la « loi Evin », notamment en ce qui concerne les problèmes liés au contrôle de l'identité des mineurs. Il a également souhaité l'harmonisation, au niveau européen, de la lutte contre le tabagisme et la contrebande, cette dernière affectant plus particulièrement les régions frontalières de notre pays, avant de s'interroger sur le rôle de certains fabricants de tabac en ce domaine. Enfin, il a estimé que la lutte contre le tabagisme des mineurs ne pouvait se limiter à des mesures ponctuelles comme l'interdiction de vente, mais devait, plutôt, s'inscrire dans le cadre d'une démarche globale et cohérente de santé publique.
En réponse, M. Dominique Larifla, rapporteur, a notamment fait part des observations suivantes :
- si l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs ne prétend pas résoudre, à elle seule, le problème complexe du tabagisme des jeunes, elle permet, néanmoins, « d'attaquer le mal à la racine » ;
- son succès et son efficacité devront, bien entendu, être renforcés par d'autres mesures et, notamment, le respect des interdictions de fumer en milieu scolaire. A cet égard, on ne peut donc que regretter qu'il ait fallu près de dix ans à l'éducation nationale pour publier une circulaire d'application de la « loi Evin » ;
- dix ans après l'adoption de cette loi, l'opinion publique paraît désormais prête à accepter ce type de mesure ;
- sans sous-estimer les difficultés liées à l'appréciation de l'âge des mineurs par les débitants de tabac, il convient de rappeler que ces derniers sont des commerçants de proximité, connaissant « de visu » environ 80 % de leur clientèle selon les propres termes de leurs représentants professionnels. Dès lors, le rôle pédagogique des débitants auprès des jeunes sera essentiel pour le succès du dispositif prévu ;
- le Gouvernement réfléchissait également, dans le cadre du projet de loi de programmation quinquennale de santé publique, à la question de l'interdiction de la vente de tabac aux mineurs associée à d'autres mesures de lutte contre le tabagisme.
M. Nicolas About, président , a rappelé que le Sénat avait déjà adopté, en 1990, une disposition visant à interdire la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans. Il a également indiqué que le débat parlementaire devrait permettre de préciser la position du législateur à ce sujet, que ce soit lors de l'examen de la proposition de loi ou du projet de loi de programmation.
Puis la commission a adopté les propositions du rapporteur qui constituent les conclusions de la commission sur la proposition de loi .