B. AUDITION DU PROFESSEUR AXEL KAHN, DIRECTEUR DE L'INSTITUT COCHIN, DIRECTEUR DE RECHERCHE À L'INSTITUT NATIONAL DE LA SANTÉ ET DE LA RECHERCHE MÉDICALE (INSERM)
M.
Nicolas ABOUT, président - Mes chers collègues, nous avons le
plaisir d'accueillir le professeur Axel Kahn, pour la deuxième fois dans
le cadre de ce travail puisque le professeur Giraud, notre rapporteur, l'a
déjà entendu. Mais, il a jugé nécessaire que le
professeur puisse revenir devant l'ensemble de la commission en audition
publique nous faire part de ses observations. Monsieur le rapporteur, sur quels
points souhaitez-vous particulièrement interroger à nouveau le
professeur Axel Kahn ?
M. Francis GIRAUD, rapporteur - Mon cher collègue nous sommes heureux de
vous entendre à nouveau. Nous vous avons communiqué, hier, le
canevas des points importants que nous aimerions que vous exposiez devant la
commission. Nous connaissons tous vos travaux et votre rôle important
dans la recherche en France par le biais de l'INSERM. Vous êtes l'un des
rares à pouvoir nous donner des réponses très
précises.
Le sujet le plus important est, nous l'avons vu lors de la première
audition, la recherche sur l'embryon. Quelles réflexions vous inspirent
les dispositions votées par l'Assemblée nationale en janvier
2002 ? Que pensez-vous de la possibilité offerte par le projet de
loi de créer des embryons dans un but d'évaluation des nouvelles
techniques de PMA ?
Ensuite, nous voudrions connaître où en sont, dans les pays ayant
une législation peu ou pas contraignante, les recherches menées
sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souche adultes.
L'objet de notre débat est de connaître les résultats
même s'ils ne sont pas immédiats. En effet, le système
médiatique brouille un peu les pistes et comme nous entendons parler de
cellules de l'espoir, nous voudrions connaître le délai dans
lequel il peut se réaliser. Nos collègues sont avertis de ces
problèmes mais ils ont besoin de réponses précises et je
sais que vous pouvez nous les apporter. Ensuite nous évoquerons le
problème d'organisation de l'APEGH, à savoir si c'est le
politique ou un conseil d'administration qui doit décider. Cependant ce
n'est pas aussi fondamental que le problème de l'utilisation d'un
embryon. Une autre question abordera le transfert d'embryons
post mortem
et les dons d'organes, mais je ne mets pas sur le même plan ces
réponses. Enfin, nos collègues vous interrogeront plus en
détail.
Pr. Axel KAHN - Merci beaucoup, monsieur le rapporteur, monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs. D'abord, concernant
le texte sur la recherche sur l'embryon voté en première lecture
par l'Assemblée nationale, ma première observation est que, de
toute façon, une relecture de la loi de 1994 était
indispensable. Cette modification se justifie non seulement du fait de
l'évolution des techniques, mais également parce que la loi de
1994 n'était pas totalement satisfaisante. En effet, elle se fondait sur
l'idée que toute recherche sur l'embryon était interdite mais que
certaines études ne nuisant pas à son développement
pouvaient être autorisées.
Bien évidemment, la différence entre une recherche et une
étude est élusive. La manière simple de raisonner en
lisant ce texte était que l'on pouvait mener des études sur
l'embryon mais qu'il devait, ensuite, être déposé dans
l'utérus d'une femme. D'une certaine manière, le résultat
de cette recherche serait visible à l'état de l'enfant tel qu'il
naîtrait. Cela était une horreur absolue...
Par conséquent, cette loi devait être réécrite et
seules deux positions sont envisageables. La première est que toute
recherche sur l'embryon est interdite et la seconde est l'autorisation de la
recherche sur l'embryon dans des conditions précises. Il est normal, par
conséquent, que le législateur se soit ressaisi de ce texte.
Dès 1994, (personnellement ce n'est pas un élément
scientifique mais une position morale que je défends depuis huit ans),
il m'a semblé que l'interdiction de la recherche sur l'embryon, quel que
soit le sentiment quant à la singularité de l'embryon,
n'était pas bien fondée. Même en considérant que
l'embryon était une personne de pleine humanité, cela
n'était pas suffisant pour le disqualifier de toute recherche dès
lors que nous menons de la recherche à tous les âges de la vie
humaine. Mais on me rétorquait immédiatement, que la recherche
sur les personnes humaines n'aboutit pas à la mort du patient, alors que
la recherche sur cet embryon conduirait à sa destruction.
Dès lors, se pose le problème de ces embryons
surnuméraires. Certains ont proposé, et je le dénie
totalement, que dès qu'il ne fait plus l'objet d'un projet parental, il
ne soit plus considéré comme un embryon. En effet, à
fonder la réalité d'un objet biologique, son humanité
potentielle, et à le baser sur la volonté nous pouvons aboutir
à des conceptions parfaitement abominables. Nous pourrions tout aussi
bien débuter une grossesse que l'on va interrompre à trois ou
quatre mois dès lors que la volonté n'est pas de faire
naître un enfant mais d'obtenir des organes pour des greffes. Bien
évidemment, il faut arriver à une possibilité de
définir un objet biologique indépendamment de sa destination. Or,
un embryon peut éventuellement se développer pour donner un
enfant. Au minimum cette possibilité de transformation en un objet
biologique, dont le but de l'éthique est de reconnaître le droit
à la dignité, exige la reconnaissance d'une singularité de
l'embryon. Elle m'amène à considérer que le
législateur a été sage en refusant la création, par
quelque procédé, d'embryons pour les détruire. En effet,
dès lors que l'embryon serait créé afin de le
détruire, plus aucun obstacle réel n'existerait entre cet embryon
et une chose aussi utile fut-elle. Cette singularité de l'embryon
justifie qu'il ne soit créé que dans l'espoir de faire un enfant,
ce qui est le cas de ces embryons surnuméraires.
Cela dit, je vous rappelle, mesdames et messieurs les sénateurs, que
lorsqu'un homme et une femme essayent d'avoir un enfant par les
procédés les plus traditionnels -mes chiffres peuvent être
discutés sur la marge- sur dix embryons conçus, deux ou trois
donneront un enfant. La condition normale est que huit sur dix des embryons
conçus disparaissent. La situation ne diffère pas tellement des
conditions de l'assistance médicale à la procréation
où, sur dix embryons créés pour faire un enfant, sept ou
huit ne seront pas utilisés dans ce but. Dès lors, leur
destruction, ou plutôt leur non-évolution vers une personne
humaine, n'est pas le résultat de la recherche mais du fait que, quoique
ayant été procréés dans le but de faire un enfant,
ils n'ont pas été utilisés pour cela. Dès lors, il
y a déconnexion entre la recherche que l'on peut mener et le
non-développement vers une personne humaine. Il me semble singulier de
considérer que le seul âge de la vie humaine sur lequel nous ne
pourrions pas mener de recherche soit l'âge embryonnaire. On ne m'a
jamais démontré la lucidité et la sagesse de cette
affirmation. C'est donc vraiment une position de principe que je
développe depuis 1994.
Est-il utile de faire une recherche sur l'embryon ? Je ne vais pas parler
des buts scientifiques même si beaucoup pourraient être poursuivis
sur des embryons animaux, de primates notamment. En revanche, si la recherche
sur les cellules souches doit être menée, l'utilisation d'un
embryon humain et de cellules humaines dérivées de cet embryon
est un passage obligatoire. En effet, il n'existe aucune possibilité de
prédire les propriétés d'une cellule souche embryonnaire
à partir des connaissances acquises grâce aux travaux menés
sur une espèce particulière. Ainsi, nous travaillons depuis vingt
ans sur les cellules souches embryonnaires de souris que nous maîtrisons
parfaitement bien mais nous sommes encore incapables d'établir des
cellules souches embryonnaires de rats, espèce de rongeur pourtant
proche. De la même manière, la connaissance que nous pourrions
acquérir sur des cellules souches embryonnaires de primates serait
intéressante mais ne nous permettrait pas d'en prédire des
propriétés particulières pour les cellules souche
embryonnaires humaines. Donc, si l'on considère la
légitimité de cette recherche, cela exigerait de travailler avec
des cellules souches embryonnaires prélevées d'embryons humains
provenant soit de France, soit d'ailleurs. Alors se poserait le problème
de l'importation de cellules souches.
A ce stade, je voudrais livrer un élément de définition
important car parfois, quoique certainement pas au sein de cette
assemblée très informée, une ambiguïté existe
entre la cellule souche embryonnaire et l'embryon. Un embryon est un stade du
développement qui, dans des conditions favorables et par lui-même,
peut donner un organisme indépendant, un petit bébé dans
le cas d'un embryon humain. A ce titre, une cellule souche embryonnaire n'est
en aucun cas un embryon humain puisqu'elle est totalement incapable, dans
quelque condition que ce soit, de donner un petit bébé.
Greffées sur une personne, elles donnent un cancer et certainement pas
un petit bébé. En revanche, la cellule souche embryonnaire est
prélevée sur un embryon humain. Il est bon d'établir la
distinction entre ces deux objets biologiques définis par un
qualificatif important et signifiant puisqu'ils sont tous les deux humains.
Maintenant, voyons quelles sont les perspectives de la médecine
régénératrice qui pourrait utiliser des cellules souches
adultes ou embryonnaires. D'abord, où en sommes-nous de la recherche sur
les cellules souches embryonnaires humaines ? Elle est menée dans
trois pays et deux sont particulièrement en avance, Israël et la
Chine, quoique les publications scientifiques restent rares. En Israël,
deux équipes ont réussi, dans des conditions
in vitro,
à commander à ces cellules souches embryonnaires de devenir du
muscle, notamment cardiaque, mais également des cellules
hématopoïétiques dont nous ne savons pas si elles pourraient
s'établir
in vivo
après leur transplantation chez un
malade ; et aussi, récemment, des cellules vasculaires,
appelées cellules endothéliales. Je vous rappelle que ces
cellules souches embryonnaires sont prélevées sur un embryon six
jours environ après la procréation, à partir de la masse
cellulaire interne qui se trouve au fond de la cavité de l'embryon qui,
à ce stade, a la forme d'un kyste, d'où son nom de blastocyste.
Nous savons qu'en Chine, les progrès sont importants, cependant aucune
publication n'est parue dans une revue scientifique. Ce sont des bruits de
couloir et une enquête menée par un journaliste de la grande revue
américaine
Science
, qui nous permettent d'en savoir un peu plus.
Une activité très importante semble y être menée
quant à la commande à volonté de la différenciation
des cellules souches embryonnaires humaines en cellules
différenciées et même quant à un, -entre guillemets-
clonage thérapeutique, c'est-à-dire la fabrication d'embryons
humains par transfert de noyau à partir d'une cellule somatique. Ces
cellules souches embryonnaires humaines sont-elles totipotentes ? Ce terme
s'applique, par exemple, à une cellule souche embryonnaire de souris
qui, ajoutée à l'embryon de souris, peut contribuer à la
fabrication de tous les organes de l'animal. Bien évidemment,
l'expérience n'a pas été menée chez l'homme. C'est
la raison pour laquelle on a pu parler, dans la grande presse, d'êtres
hybrides souris-hommes. En effet, certains ont proposé, avec
légèreté tant sur le plan moral que scientifique, de
rajouter des cellules souches embryonnaires humaines à un embryon de
souris et de regarder si elles contribuaient également à la
fabrication humanisée, en l'occurrence, des organes de souris. Sans
même discuter l'aspect moralement choquant de l'expérience, elle
n'est pas raisonnable d'un point de vue scientifique. Effectivement, l'embryon
de souris se développe en vingt et un jours et l'embryon humain en neuf
mois, si bien que lors de la naissance du souriceau, je ne vois pas à
quel stade de développement pourraient se trouver les cellules souches
embryonnaires humaines. Cela me permet de vous montrer que nous ne savons pas
si les propriétés des cellules souches embryonnaires humaines
sont équivalentes à celles des souris que l'on connaît
depuis bien plus longtemps.
Aujourd'hui, quelles sont les perspectives thérapeutiques ? Nous
savons que ces cellules souches embryonnaires humaines sont difficiles à
cultiver mais nous arrivons à maîtriser, petit à petit, ce
processus. Nous réussissons de mieux en mieux à commander leur
différenciation et, pour le reste, nous sommes obligés de nous
fier au résultat chez l'animal. Chez lui, pour résumer, ces
cellules souches possèdent un inconvénient majeur. En effet,
quand on les transfère avant leur différenciation en cellules de
foie, de poumon ou de cerveau, suivant la maladie à soigner, elles sont
très cancérigènes. Le seul projet thérapeutique
passerait par le contrôle de la transformation de ces cellules
embryonnaires en cellules de l'organe à soigner puis, par le transfert
de ces cellules, en s'efforçant d'éliminer toutes celles non
correctement différenciées. D'autre part, la possibilité
in vitro
de fabriquer des cellules adultes d'organes capables de
fonctionner normalement est très incertaine et varie selon les organes.
Des résultats intéressants ont été obtenus,
récemment, sur des greffes de cellules neuronales dérivées
de cellules embryonnaires de souris sur des modèles animaux de maladie
de Parkinson. En revanche, les essais menés pour guérir des
diabètes ou pour rétablir le système
hématopoïétique, c'est-à-dire les cellules fabriquant
le sang, à partir de cellules dérivées de cellules
embryonnaires, se sont soldés au mieux par des demi-succès. En
effet, les cellules de pancréas sécrétant de l'insuline
obtenue à partir de cellules embryonnaires ne produisaient que 2 %
de l'insuline fabriquée par les cellules pancréatiques normales.
En outre, cette sécrétion de l'insuline disparaissait au bout de
quelques mois. De même, sur le système
hématopoïétique et immunologique, dans une expérience
célèbre et popularisée d'un éminent collègue
allemand travaillant aux Etats-Unis, Rudolf Joenisck, le rétablissement
immunitaire n'a été que de 2 %.
En résumé, une voie intéressante est à suivre ici.
Il faut certainement apprendre à maîtriser la
différenciation de ces cellules mais des obstacles importants demeurent,
éléments jouant en faveur de la poursuite de la recherche. Bien
évidemment, nous sommes très loin de prévoir le moment
où les essais cliniques utilisant un tel matériel pourront
être menés. Vous avez parlé, monsieur le rapporteur d'un
délai de quelques années ou de quelques dizaines d'années.
Je ne saurais pas vous répondre. Mais je ne le vois pas à court
terme, improbablement à moyen terme et donc plutôt à long
terme. L'hypothèse d'une dizaine d'années me semble plus
raisonnable que celle de quelques années.
Les cellules souches dites adultes sont de deux types. D'abord existent les
cellules siégeant au sein de nos organes et à la
réparation desquelles elles contribuent (refabrication du foie,
cicatrisation de la peau, rétablissement d'un système sanguin
après une hémorragie ou une aplasie médullaire d'un malade
soigné pour cancer ou leucémie). Nous les connaissons fort bien
et l'utilisation de ces cellules souches caractéristiques d'organes est
déjà entrée en clinique (greffe de moelle, de peau,
certains essais de greffes de cellules pancréatiques, et même
d'hépatocytes pour des maladies du foie). Des milliers de malades ont
bénéficié de ce type de thérapie cellulaire.
L'autre catégorie de cellules souches existe chez l'adulte et plus
généralement dans les organismes différenciés. Nous
pouvons en trouver dans le sang de cordon. Ces cellules sont singulières
et ressemblent étrangement à celles progénitrices de la
couche inférieure de la peau, des tendons, des os et des muscles que
l'on appelle les cellules mésenchymateuses. Nous savons que ces
dernières peuvent être également les progénitrices
des vaisseaux sanguins. Certains ont proposé de les appeler les
mésangioblastes, « mé- » comme
mésenchymateuses et angioblaste comme les cellules progénitrices
des vaisseaux sanguins. Ces cellules ont déjà
démontré un intérêt dans deux types d'essais
cliniques chez l'homme récemment.
Plusieurs dizaines de malades en Allemagne et en Angleterre ont
bénéficié d'un transfert de ces cellules originaires de la
moelle pour renforcer et hâter la guérison du coeur affecté
par un infarctus du myocarde. Ces résultats, encore très
préliminaires, ont été rapportés récemment
au dernier congrès international de la pathologie cardio-vasculaire aux
Etats-Unis. Des résultats expérimentaux chez l'animal ont
également été annoncés récemment quant
à l'intérêt de ces cellules pour améliorer les
suites d'une attaque cérébrale ou bien de certaines maladies de
la rétine. Les perspectives semblent, ici, tout à fait
intéressantes. Personnellement les résultats me semblent
convaincants mais ils méritent d'être confirmés. Il
pourrait même se faire que, dans certaines conditions, ces cellules
mésangioblastiques ne se limitent pas à fabriquer des cellules de
vaisseaux ou de muscle mais qu'elles soient capables de produire pratiquement
toutes les cellules de l'organisme. Je fais référence, ici, entre
autres, aux travaux de Catherine Verfaillie.
Aujourd'hui, dans le monde, quatre équipes ont rapporté que ces
cellules de type mésangioblastique, d'origines diverses suivant les
chercheurs, auraient la capacité d'engendrer des cellules
caractéristiques de tous les organes. Certains connaissent des
difficultés à obtenir des résultats semblables mais
d'autres, au contraire, les confirment. Nous sommes au coeur du domaine de la
recherche. En conséquence, nous nous trouvons avec deux ou trois
familles de cellules progénitrices. La thérapie cellulaire
à partir des cellules progénitrices d'organes est
déjà une réalité clinique. Cette dernière
accélère le passage à l'essai clinique à partir de
ces cellules disposant d'un avantage considérable par rapport aux
cellules embryonnaires puisqu'elles ne sont pas cancérigènes.
Elles ont un inconvénient s'il s'agit de soigner des maladies
dégénératrices de personnes très
âgées. Il est probable, voire presque sûr, que l'abondance
de ces cellules souches adultes est moins importante chez le grand vieillard
qui en aurait le plus besoin. C'est, d'ailleurs, un problème
éthique sous-tendant l'activité commerciale des
sociétés suggérant de prélever des cellules souches
à la naissance de l'enfant parce que, plus tard, il pourrait en avoir
besoin.
Sur l'embryon, le dernier point très important se réfère
à une possible exception à cette conviction selon laquelle la
reconnaissance d'une singularité de l'embryon interdisait d'en
créer pour les besoins de la recherche. Mais qu'en est-il de la
recherche sur l'infécondité ? Ces dernières
années des situations tout à fait anormales ont pu être
relevées alors même que M. Huriet et ses collègues
avaient très précisément indiqué les conditions
dans lesquelles de la recherche sur l'homme pouvait être menée
avec la création des CCPPRB. Des faits absolument aberrants ont
été rapportés. Un collègue nous a fait part qu'une
biopsie testiculaire avait été réalisée chez un
homme incapable de produire non seulement des spermatozoïdes mais
même leurs précurseurs. Une maturation artificielle de ce
bout de testicule par traitement hormonal a été obtenu et des
cellules éventuellement fécondantes ont été
injectées dans des ovules. Suite à cela, trois enfants seraient
nés, quoique l'information soit douteuse. Bien évidemment, les
risques pris pour l'enfant sont absolument considérables.
Je ne peux pas entrer dans le détail mais nous savons que le temps
nécessaire à la maturation des spermatozoïdes, délai
où s'établit ce que l'on appelle le sceau parental, où
s'échangent les fragments d'un chromosome à l'autre, est
probablement indispensable à la qualité des gamètes. Il se
trouve que les conditions dans lesquelles les chercheurs peuvent se lancer dans
des essais d'Homme restent peu codifiées. Bien évidemment, il est
légitime d'essayer d'améliorer les moyens de lutte contre
l'infertilité. Cela passe nécessairement, à un moment
donné, par le test du caractère fécondant d'un
gamète traité pour améliorer son potentiel de
fécondation.
Ces démarches supposent effectivement la création d'embryons
à des fins de recherche. Alors, de deux choses l'une, ou bien la
recherche n'est pas un succès. Ces embryons n'ont aucune capacité
de donner un bébé parce que l'on se rend compte très
rapidement qu'ils ont, par exemple, trois jeux de chromosomes ou que, pour une
autre raison, ils n'ont aucune possibilité de se développer en
petit bébé. Ils ne correspondent alors pas à la
définition que j'ai donnée de l'embryon et leur destruction
dès lors ne pose aucun problème.
Ou alors, la recherche semble être un succès, c'est-à-dire
qu'à la suite d'un traitement pour améliorer le potentiel
fécondant de gamètes, un embryon est créé qui
commence à se développer, en culture, dans de bonnes conditions.
Lorsque cet embryon a quatre cellules, on peut prélever un
blastomère et vérifier que son lot chromosomique est normal. Il
serait possible que, dans de tels cas, l'embryon ne soit pas détruit et
qu'il soit congelé. Et, la science progressant, il pourrait être
proposé au couple donneur de gamètes de le recevoir, après
l'acquisition d'autres informations sur ses chances de se développer
normalement. Cela pourrait constituer une des possibilités pour
concilier ce besoin absolu de recherche et la non-création d'embryons
humains à des fins uniquement scientifiques.
J'aborde immédiatement le sujet de l'APEGH. Sur la « recherche
d'hommes », un CCPPRB doit être mis en place rapidement.
M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le professeur, nous devons
rappeler pour tous ceux qui nous écoutent que l'APEGH est l'Agence de la
procréation, de l'embryologie et de la génétique humaine.
Pr. Axel KAHN - Cette Agence s'est vu conférer, dans le texte
voté en première lecture, différents rôles. Celui
d'un CCPPRB pour les recherches de lutte contre l'infécondité est
incontestable. Une étude technique jugeant la recevabilité d'un
protocole de recherche dont le but est d'améliorer la
fécondité d'un couple stérile est nécessaire, mais
n'est pas bien organisée aujourd'hui. Une agence créée
dans ce but est une absolue nécessité. En revanche, nous pouvons
considérer que les autres prérogatives confiées à
l'APEGH sont très larges. Elle a également un rôle
important dans l'évolution de la considération éthique des
problèmes et sa composition ne la prépare pas bien à cette
tâche. De l'extérieur, la présence importante des
professionnels dans cette Agence pourrait entraîner l'accusation qu'ils
sont juge et partie dans l'évaluation du caractère
légitime d'une innovation. Je ne serais pas personnellement
choqué par une relecture des prérogatives de cette Agence.
Je voudrais maintenant aborder rapidement la brevetabilité,
problème d'une extrême difficulté. L'article 12 bis
voté en première lecture, si vous me permettez d'être un
peu brutal, ne convient pas. Il dit : «
Un
élément isolé du corps humain ou autrement produit par un
procédé technique, y compris la séquence ou la
séquence partielle d'un gène ne peut constituer une invention
brevetable.
» Cet article ne me choque pas mais il est un peu
dangereux. En effet, dans l'histoire des biotechnologies, une des
premières grandes innovations ayant nécessité une
très grande créativité intellectuelle a été
de reconnaître l'érythropoïétine, de cloner son
gène, de le fabriquer par un procédé technique utilisant
l'ADN recombinant et de l'employer en thérapeutique. Est-il anormal de
demander, suivant la logique des brevets, que je ne veux pas ici remettre en
cause, à ce titre, un brevet sur l'erythropoïétine
recombinante ? Je ne le crois pas et si jamais nous devions en arriver à
rendre impossible cela, ce serait un obstacle très important à
l'évolution des biotechnologies. En revanche, le texte de la loi
antérieure me semblait tout à fait correct. Il disait qu'en tant
que telle, la connaissance totale ou partielle d'un gène ne pouvait
faire l'objet d'un brevet.
J'en arrive aux contradictions entre le nouvel article 12 bis et
l'article 5 de la directive 98/44 CE. Selon cette dernière,
lorsqu'on a trouvé la fonction d'un gène et qu'il se trouve hors
de sa situation naturelle, il peut faire l'objet d'un brevet. De plus, il est
ajouté que la revendication d'un brevet sur la séquence du
gène en tant que telle est légitime. La loi française,
quant à elle, déclarait qu'un brevet dérivé de la
séquence du gène peut être légitime, en revanche en
tant que telle la connaissance du gène doit rester libre pour pouvoir
réaliser tout ce qui n'a pas été prévu par le
premier breveté. Cette position est scientifiquement juste. En
effet, l'idée selon laquelle un gène n'a qu'une fonction est
scientifiquement fausse : un gène a une très grande
quantité de fonctions. Un inventeur peut isoler un gène, en
trouver une fonction importante, fabriquer un médicament, par exemple
une protéine recombinante et demander, à mon avis
légitimement, une propriété industrielle sur cette
invention. En revanche, qu'il en arrive à considérer que le
gène en lui-même, ou la séquence du gène, est un
objet brevetable pour toute utilisation possible, même celle dont la
plausibilité n'a pas été établie par le premier
breveté, n'est pas légitime et me semble contraire à
l'intérêt bien compris des biotechnologies.
La situation est difficile, parce qu'en 1998, cette directive a
été votée notamment avec l'appui soutenu de la France.
Cela ne la met, d'ailleurs, pas dans une position facile lors de ces
discussions avec la Commission de Bruxelles pour la renégociation de
cette directive. Aujourd'hui, elle n'a été transposée que
par six pays et donc pas par les neuf autres, ce qui montre l'extraordinaire
réticence des Etats. Parmi ceux n'ayant pas procédé
à la transposition, au moins deux sont sur la même longueur
d'onde, à savoir l'Allemagne et la France. L'idée selon laquelle
cette directive n'est pas bonne me semble aujourd'hui gagner du terrain. Tout
travail législatif laissant ouverte la possibilité de
préciser la signification ou de réviser la directive me semble
extrêmement bénéfique.
Vous m'avez également demandé de m'exprimer sur le transfert
d'embryons
post mortem
. Le Comité d'Ethique en a
été saisi et a raisonné de la manière suivante. Une
femme décide avec son conjoint d'avoir un enfant, le conjoint meurt.
Cette femme, dans un premier temps, n'a pas effectué son deuil et n'a
pas une idée très claire de son existence probable si elle
décide d'avoir cet enfant. Il faut empêcher, ici, tout acte
précipité. Toutes les dispositions doivent également
être prises pour permettre à cette femme d'avoir un commerce
intellectuel lui permettant de faire son deuil, de comprendre
l'intérêt de l'enfant à naître, le sien et
d'envisager d'avoir un nouvel enfant de l'amour avec un père vivant.
Cela étant dit, malgré tout, la femme peut
persévérer dans ce désir que l'embryon soit
déposé dans son utérus. Nous en arrivons ici à
quelque chose nous rappelant l'eugénisme. Pendant une période, la
société a considéré que, dans certains cas, elle en
savait assez pour décréter ce que l'on devait faire des embryons
de qualité insuffisante pour naître. Nous sommes revenus de cela.
Je me méfie beaucoup d'une situation où la société,
pour quelque raison que ce soit, considère que son droit sur un embryon
est supérieur à celui de la mère. En cas de
difficulté, le Comité d'Ethique s'est demandé, qui avait
plus de droits que cette femme pour déterminer ce qu'il convenait de
faire. En ce sens, je suis favorable au texte tel que voté en
première lecture.
M. Francis GIRAUD, rapporteur - Je crois que nous avons tous été
très satisfaits de votre exposé. Avant de laisser la parole
à nos collègues, je voudrais revenir sur une question
précise. Aujourd'hui, combien d'équipes travaillent en France
à l'étude des cellules souches adultes ? De quels moyens
financiers disposent-elles ?
Pr. Axel KAHN - Je ne vais pas vous donner un chiffre exact, il
s'élève certainement à plusieurs dizaines. En revanche, si
vous me demandez si ces équipes disposent de moyens financiers
suffisants, je vous dirais certainement non. D'ailleurs, je vous dirais
également non si vous me demandez si les équipes, à
l'heure actuelle, travaillant globalement dans la recherche médicale en
France, disposent de moyens suffisants. En outre, la situation s'est
aggravée dernièrement, permettez-moi tout de même de le
dire. Cela est vrai notamment pour ce qui concerne le travail sur les cellules
souches adultes. En revanche, une incitation européenne et nationale,
parfaitement légitime est apparue, suggérant une priorité
double, scientifique et sanitaire on l'espère, mais aussi un choix
politique en faveur de la recherche sur les cellules souches adultes. Nous ne
pouvons l'affirmer à ce jour mais s'il s'avère, dans quelques
années, que nous pouvons réaliser sur des cellules souches
adultes ce que nous pouvons imaginer ne pouvoir faire aujourd'hui que sur des
cellules souches embryonnaires, cela serait parfaitement satisfaisant.
M. Jean-Louis LORRAIN - Après un aussi brillant exposé nos
questions peuvent apparaître quelque peu simples. Néanmoins nous
sommes aussi les vecteurs de nos concitoyens et nous essayons de traduire ce
qui les préoccupe. Vous vous êtes largement prononcé sur le
clonage reproductif. Y a-t-il une marge aussi large que cela entre le clonage
thérapeutique et le clonage reproductif ? Pourriez-vous
repréciser l'approche du clonage thérapeutique ? Dans
l'opinion publique, se développe la notion de clonage notamment pour la
constitution de réserves d'organes. Après avoir
décrypté le génome nous voulons savoir comment tout
fonctionne mais beaucoup de problèmes apparaissent.
Quid
des
ovocytes ? Comment se les procurer ? D'où viennent-ils ?
N'avez-vous pas le sentiment que dans tous les débats auxquels, bien
sûr, vous participez, vos collègues adoptent de plus en plus une
démarche utilitaire ? Ce discours est bien sûr sous-tendu par
les demandes et les souffrances existantes. Nous débordons
peut-être ici l'approche du texte, néanmoins j'essayais de vous
exprimer une préoccupation forte.
Pr. Axel KAHN - Monsieur le sénateur, je vais répondre à
votre question d'abord de manière purement scientifique et
médicale en procédant comme nous le faisons habituellement pour
juger de l'acceptabilité d'une technique médicale. Les
médecins sont forcément utilitaristes puisque le but de leur
activité est de minimiser la douleur et d'optimiser les chances de
guérison, véritable référence morale de
l'utilitarisme. Ce que je dis là ne vaut pas pour toute ma philosophie
morale mais un médecin est forcément utilitariste. Cela nous
amène, à un moment, à dresser le bilan des avantages et
des inconvénients. L'avantage théorique des cellules souches
embryonnaires prélevées d'un embryon non point obtenu par
procréation mais après transfert de noyau est qu'elles seraient,
en pratique, compatibles sur le plan immunologique. Après avoir
été transplantées, elles ne seraient pas l'objet d'un
rejet de greffe. Cela ne correspond pas, aujourd'hui, à un espoir
vraiment important notamment si nous lisons les articles sur le clonage
thérapeutique parus dans
Science
ou
Nature
ou les
écrits des spécialistes du domaine comme Janet Rossant et Roger
Pederson. Aujourd'hui, les partisans du clonage thérapeutique sont
obligés de le justifier pour des raisons de recherche et non plus par
l'urgence d'une utilisation à visée médicale. En effet,
imaginons qu'il faille renforcer mon coeur affaibli par un infarctus du
myocarde en me greffant des cardiomyocytes différenciés aux
dépens de cellules embryonnaires prélevées sur mon embryon
jumeau. On m'aurait alors prélevé des cellules de la peau et on
se serait procuré probablement des centaines d'ovules. Je dis cela parce
que si l'on se réfère au mammifère que l'on connaît
le mieux, la souris, la fréquence avec laquelle des lignées de
cellules souches embryonnaires sont obtenues à partir d'embryons
clonés est de l'ordre de 2 à 3 %. Chez les primates, tout le
monde sait que c'est beaucoup plus difficile. Faisons l'hypothèse que
nous accomplissions de grands progrès chez les primates et que, dans de
nombreuses années, nous acquérions la même
technicité que chez la souris. Pour obtenir trois embryons, chiffre peu
élevé pour entreprendre une recherche de ce type, chaque malade
aurait besoin de 100, 200 ou 300 ovules. A ce stade, je ne me pose pas la
question de leur origine. Ensuite, ces ovules seraient
énucléés et leur noyau remplacé par un noyau de ces
cellules de ma peau. Nous obtiendrions, dans un petit nombre de cas, des
blastocystes, nous prélèverions des cellules embryonnaires, et
leur commanderions de se transformer en cardiomyocytes, tout en rappelant que
l'incertitude sur la fonctionnalité de ces cardiomyocytes reste totale.
D'autre part, l'élimination des cellules non différenciées
serait également impérative, d'autant plus qu'ici il n'y aurait
aucun rejet de cellules, notamment de cellules tumorigènes. Nous en
arrivons donc à une technique si lourde, compliquée et incertaine
qu'il est impossible aujourd'hui de l'investir de perspectives médicales
réalistes. Cela étant dit, si aucun inconvénient n'est
relevé, nous pourrions éventuellement mener une telle
expérience sur des personnes très riches.
En fait, les éléments négatifs existent et sont de trois
types. Le premier, pour ceux qui, et j'ai dit que je n'étais pas loin
d'en faire partie, considèrent que la reconnaissance de la
singularité de l'embryon requiert de ne pas le fabriquer pour le
détruire. Or, dans cet exemple, ce serait le cas. Le deuxième
élément est que la nécessité, pour soigner ces
malades richissimes et cacochymes de nos pays, de disposer de centaines
d'ovules, risque de faciliter l'établissement d'un trafic d'ovules aux
dépens de femmes impécunieuses, éventuellement de pays en
voie de développement. Le troisième élément se
rapproche de M. Antinori, de Mme Boiselier et des raëliens que vous
avez évoqués tout à l'heure avec Claude Huriet.
Aujourd'hui, ils se vantent mais, comme Claude Huriet, malheureusement, je suis
persuadé que naîtront un jour des enfants clonés.
Cependant, je ne crois pas qu'ils arriveront dans quelques mois, puisque
jusqu'à preuve du contraire, la plupart des gens ayant essayé de
fabriquer des embryons clonés humains ou de singes n'y sont pas
parvenus. Des progrès techniques, si j'ose appeler cela des
progrès, ont été réalisés dans ce domaine
à Singapour sur des primates et probablement en Chine sur des embryons
humains. Le premier scientifique qui, soi-disant pour les besoins d'un clonage
thérapeutique dont l'utilité thérapeutique n'est pas
claire, publiera dans une grande revue scientifique la technique
« clés en main » pour fabriquer des embryons
humains, donnera rapidement et très simplement à M. Antinori
et aux raëliens la technique qui leur manque peut-être aujourd'hui
pour passer à l'acte. Finalement, l'utilité thérapeutique
paraît incertaine et celle pour la recherche possible. Les
éléments négatifs me semblent donc, aujourd'hui,
l'emporter de loin sur les éléments positifs.
M. Jean CHERIOUX - Monsieur le professeur, j'ai une observation et une
question. L'observation est que, contrairement à ce que vous semblez
penser, le législateur de 1994 était, surtout, modeste. C'est
pourquoi il a pris les positions qui ont été retenues. Je vous
rappelle que ce texte portait, en ce qui concerne l'embryon, essentiellement
sur la procréation médicalement assistée. L'aspect de
l'utilisation de l'embryon était tout à fait secondaire et a
été introduit dans le texte uniquement à cause de l'ajout
du DPI. C'est la raison pour laquelle, ne voulant pas fermer toute
possibilité nous avions retenu la notion d'étude. A partir de
cette réflexion vient ma question. Que voulez-vous dire quand vous
déclarez mener des recherches sur l'embryon ? Cela signifie-t-il
que des études sont menées uniquement sur les cellules de
l'embryon, ou peut-on aller jusqu'à cultiver l'embryon et le pousser
plus loin dans son développement ? Le législateur est
modeste parce qu'il est conscient qu'il va ouvrir la boîte de Pandore et
il ne perçoit pas tous les risques. Nous savons que, le jour où
la porte est ouverte, c'en est terminé.
Pr. Axel KAHN - Monsieur le rapporteur, tout d'abord, j'ai bien suivi, comme
vous le savez, votre discussion parlementaire en 1992-1994. Je connais
très bien les conditions dans lesquelles cet article de loi a
été écrit. Il n'y avait dans mes propos aucune
condamnation. Je remarquais simplement que, naturellement aujourd'hui, ce texte
méritait d'être repris. Pour ce qui est de la recherche sur
l'embryon, j'appellerai de mes voeux, si jamais les parlementaires choisissent
de l'autoriser, que les conditions dans lesquelles elle peut être
menée soient clairement précisées. Toute culture d'embryon
au-delà d'un stade vraiment à préciser et impératif
devra être interdite. Comme je vous l'ai dit, la singularité de
cet embryon ne m'échappe point et elle doit commander l'action du
législateur. L'utilisation d'un embryon surnuméraire voué
à n'être jamais un bébé pour prélever ces
cellules dans un but de recherche me semble moralement acceptable et
scientifiquement justifiable. En revanche, une expérience de culture
expérimentale de l'embryon qui le rapprocherait d'un petit
bébé, même de quelques semaines, serait sur le plan moral
parfaitement inacceptable.
M. Louis SOUVET - Monsieur le professeur, je ne suis ni médecin, ni
chercheur et vous voudrez bien me le pardonner. Je ne pourrais vous poser
qu'une question d'ordre purement général. Vous avez parlé
de la législation française, j'éviterai de la qualifier en
précisant qu'elle est ce qu'elle est. Vous avez cité les exemples
de l'Angleterre et de l'Allemagne où des chercheurs ont pu conduire des
travaux sur des cellules semble-t-il mésangioblastiques, encore que mes
propos peuvent être entachés d'imprécision. Je voudrais
savoir si, dans votre esprit, notre pays court un risque de voir ses chercheurs
les plus en pointe partir dans d'autres pays où la législation
serait plus souple.
Pr. Axel KAHN - Je vous apporterai une réponse en deux temps, monsieur
le sénateur. D'abord, je me méfie toujours de ce type d'arguments
en permanence proposés. Ils ont tellement servi qu'ils gagneraient
à n'être avancés qu'avec discernement. En outre, la raison
principale pour laquelle des jeunes scientifiques français partent
à l'étranger et ne reviennent pas, n'est pas parce qu'ils ne
peuvent pas travailler sur l'embryon mais parce que les carrières en
France s'avèrent insuffisamment attractives. L'aide à la
recherche est trop faible et, dans bien des pays, les moyens de recherche
offerts sont globalement supérieurs à ceux proposés en
France. L'argument que vous évoquez peut toutefois être
considéré en soi mais je ne crois pas qu'il soit important. Une
recherche fondamentale sur le développement embryonnaire peut être
menée sur le monde animal, sur les primates. D'autre part, j'appelle de
mes voeux une recherche sur la cellule souche embryonnaire humaine.
L'hypothèse selon laquelle des légions de chercheurs
français se mettent à émigrer parce que l'on ne
considère pas légitime de les autoriser à fabriquer des
embryons humains clonés me semble tout à fait irréaliste.
M. Nicolas ABOUT, président - Monsieur le professeur, il me reste juste
à vous remercier. Nous avons plaisir à vous écouter et ce
que vous avez à dire se révèle toujours très
intéressant.