CHAPITRE V
-
DISPOSITIONS PÉNALES

Article 21
Dispositions pénales

Objet : Cet article fixe les conséquences, en matière pénale, des modifications apportées notamment aux dispositions relatives à l'embryon.

I -Le dispositif proposé


Le présent article précise le régime des peines applicables aux infractions en matière d'assistance médicale à la procréation, de manipulations sur l'embryon ou de cellules et tissus foetaux.

Le propose une modification de l'article 511-1 du code pénal, article qui rend aujourd'hui la pratique de l'eugénisme passible d'une peine de réclusion de vingt années.

La rédaction proposée par le présent article propose de maintenir cette peine pour réprimer les pratiques eugéniques (1°) et de l'étendre au clonage reproductif (2°) défini juridiquement comme « le fait de procéder à une intervention en vue de faire naître un enfant qui ne serait pas directement issu des gamètes de l'homme et de la femme ».

Le tire les conséquences, au sein de l'article 511-1 du code pénal, de la renumérotation des articles L. 2141-4 et 2141-5 du code de la santé publique décidée à l'article 18 du projet de loi selon une pratique contre laquelle votre commission s'élève vainement depuis trois ans.

Le propose une modification de l'article 511-19 du code pénal sanctionnant le non-respect des dispositions régissant les études ou les expérimentations sur l'embryon.

La peine aujourd'hui prévue est de sept ans de prison et 106.715 euros (700.000 francs) d'amende.

La modification vise à prendre en compte l'introduction par l'article 19 du projet de loi, de l'autorisation de mener des recherches sur l'embryon. Ces dernières étant très strictement encadrées, la violation des dispositions prévues pour cet encadrement doit nécessairement être lourdement sanctionnée. L'article prévoit en conséquence la même peine -sept ans de prison et 100.000 euros d'amende- pour le fait de se livrer à des recherches sur l'embryon hors d'un protocole validé par l'APEGH (1° de la rédaction proposée pour l'article 511-19) ou si ces recherches ne respectent pas les dispositions dudit protocole (2° de la rédaction proposée pour l'article 511-19).

Le propose la création d'un nouvel article 511-19-1 du code pénal qui fixe le régime de peine applicable au non-respect du régime juridique des prélèvements, conservation et utilisation des tissus ou cellules embryonnaires ou foetales, régime juridique prévu par l'article 20 du présent projet de loi. Ce non-respect est puni de deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.

Le modifie l'article 511-22 du code pénal qui réprime la poursuite d'activité d'AMP sans être titulaire de l'autorisation prévue à l'article L. 2142-1 du code de la santé publique. La rédaction proposée par le 5° de cet article vise à punir les mêmes faits ou celui qui consisterait à ne pas se conformer aux dispositions dudit article (obligations applicables aux activités cliniques d'assistance médicale à la procréation). L'ancienne peine est maintenue, soit deux ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende.

Le 6 ° propose un nouveau contenu pour l'article 511-23 du code pénal. Celui-ci prévoyait précédemment une peine de deux ans d'emprisonnement et 200.000 francs d'amende pour la divulgation d'informations nominatives visant à identifier les couples ayant consenti à l'accueil d'un embryon et le couple l'ayant accueilli.

La nouvelle rédaction prévoit de punir de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende le fait d'introduire ou de faire sortir du territoire des embryons sans l'accord préalable du ministre de la santé.

L'ancienne rédaction est reproduite au II de l'article 511-25 du même code (cf. 7° ci-dessous).

Le modifie les articles 511-25 et 511-26 du code pénal.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 511-25 punit le fait de réaliser un transfert d'embryons sans avoir respecté une règle de sécurité sanitaire essentielle -avoir pris connaissance des résultats des tests de dépistage de maladies infectieuses- d'une peine de deux ans de prison et 200.000 francs d'amende.

Le I de la nouvelle rédaction proposée pour cet article prévoit cette même peine pour les infractions suivantes :

- le transfert d'embryon hors de l'autorisation donnée par un juge (2°) à un couple d'accueillir cet embryon ;

- le fait de n'avoir pas pris connaissance des tests cités ci-dessus (3°). Il s'agit de l'ancien article 511-25 ;

- le fait de n'avoir pas eu recours à un établissement dûment habilité.

Le II de cet article reproduit l'ancienne rédaction du code pénal pour l'article 511-23 (cf. ci-dessus) .

L'article 511-26 punit des mêmes peines la tentative des faits incriminés ci-dessus.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié cet article à sept reprises.

Sur proposition de sa commission spéciale, elle a adopté un amendement modifiant le 2° du texte proposé pour l'article 511-1 du code pénal pour y préciser l'incrimination relative au clonage (cf. ci-dessous) .

Sur proposition de sa commission spéciale, elle a adopté un amendement durcissant la répression du clonage reproductif en prévoyant l'incrimination du donneur de gamètes à cette fin (article 511-1-1) et l'extraterritorialité de la répression de ce dernier (article 511-1-2) .

Les couples de nationalité française ou résidant habituellement en France, qui tenteraient de faire naître un enfant par clonage, risqueraient ainsi une peine de cinq ans de prison.

Sur proposition de sa commission spéciale, elle a adopté un amendement étendant l'incrimination prévue par l'article 511-19 du code pénal au cas où une recherche sur l'embryon serait réalisée sans respecter les prescriptions législatives et réglementaires posées pour autoriser cette recherche.

Sur proposition de sa commission spéciale, elle a étendu la peine prévue par l'article 511-19-1 du code pénal aux cas où le protocole prévu par l'article 20 du présent projet a été interdit ou suspendu.

Sur proposition de sa commission spéciale et de M. Jean-François Mattei et plusieurs de ses collègues, elle a adopté un amendement visant à doubler la peine prévue à l'article 511-19-1.

Elle a enfin, à l'initiative de sa commission spéciale, adopté un amendement corrigeant une erreur matérielle.

III - La position de votre commission

Le durcissement du régime pénal des infractions à la législation sur l'AMP et l'embryon


Les dispositions proposées par le présent article relatif au régime pénal des infractions à la législation sur l'AMP et l'embryon établissent les barrières qu'une société doit nécessairement poser à ce type d'activité.

Les lois bioéthiques de 1994 prévoyaient déjà, pour leur part, des dispositions essentielles tendant à éviter certaines des plus effroyables dérives. Votre rapporteur pense ici notamment à l'eugénisme.

La science et les techniques ont, en cinq ans, formidablement évolué. Ces évolutions justifient aujourd'hui un meilleur encadrement qui doit, pour être respecté, être assorti de sanctions pénales plus en rapport avec les transgressions que ces sujets peuvent susciter.

Dans bien des cas, il est donc prévu par cet article de préciser des régimes pénaux afin de les rendre plus adéquats.

Ce présent projet de loi propose trois innovations nécessaires.

Les deux premières visent à assurer le respect de dispositions nouvelles qui entourent le transfert hors frontières d'embryons et l'utilisation des tissus et cellules issus d'une interruption de grossesse. Ces dispositions étaient nécessaires. La sanction accompagnant leur non-respect l'est également.

La troisième vise à pénaliser lourdement la notion de clonage reproductif. Sans revenir sur les difficultés soulevées par la rédaction proposée, qui sont exposées à l'article 15, votre commission s'interroge sur la peine qu'il est nécessaire d'infliger à ce type de pratiques. Le droit en vigueur ne prévoyait pas de peine. C'est en effet par déduction qu'il était convenu que ces dispositions contrevenaient à l'article 16-10 du code civil.

Quelle peine pour le clonage reproductif ?

La question qui a été in fine posée devant l'Assemblée nationale était de savoir si cette pratique relevait d'une variante de la notion de crime contre l'humanité ou non.

Pour sa part, M. Jean-François Mattei a précisé devant votre commission son souhait de voir créer la notion de « crime contre la dignité de l'homme ».

« Pour moi, le clonage reproductif est, au niveau de la personne, l'équivalent de ce qu'est le crime contre l'humanité au niveau collectif.

« Le crime contre l'humanité est un crime contre l'espèce humaine en ce sens que, d'une façon massive et organisée, on vient porter atteinte à la dignité de la personne.

« Concevoir quelqu'un en l'enfermant dans un destin génétiquement programmé, choisi et délibéré, c'est le priver de sa liberté et, le privant de sa liberté, c'est porter atteinte à sa dignité !

« Je pense donc -et j'ai l'accord du Garde des Sceaux- vous proposer une nouvelle incrimination, basée par comparaison sur les peines les plus lourdes dans des champs voisins, en ayant d'une part, à partir de la majorité éventuelle de l'enfant cloné, une prescription trentenaire, ce qui équivaut quasiment à une imprescriptibilité, et en instituant, d'autre part, une extraterritorialité, car on peut être Français et aller se faire cloner dans des zones internationales, puis revenir en France.

« Comme pour le tourisme sexuel -pardonnez-moi la comparaison, mais c'est comme cela et je peux justifier que ceci existe déjà- le clonage sera condamné en France pour des citoyens français vivants en France, quand bien même il aurait eu lieu à l'étranger !

« C'est à mon avis la seule force que nous ayons pour continuer à mener notre croisade internationale et déboucher sur une interdiction formelle par les Nations-Unies. »


Votre Commission partage pleinement la préoccupation exprimée par le ministre et soutiendra l'initiative qu'il annonce. Dans l'immédiat, elle propose deux amendements au présent article. En effet, ce dernier :

- ne prévoit plus d'incrimination pour le non-respect des dispositions entourant la conduite d'études sur l'embryon expressément mentionnées à l'amendement que votre commission vous propose pour l'article L. 2151-3 du code de la santé publique (article 19) . Par coordination, votre commission vous propose de maintenir cette incrimination ;

- comporte une erreur de référence, les dispositions visées à l'article 123-6 du code pénal figurant en réalité à l'article 113-6 du code pénal.

Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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