3. L'évolution récente des effectifs
Les emplois budgétaires autorisés par le Parlement gérés par la police nationale (cf. tableau ci-après 29 ( * ) ) se sont accrus de 12.965 unités entre 1997 et 2002 (soit une progression de 9,5 %), et le nombre total d'emplois gérés par la police nationale , y compris les surnombres (au nombre de 2.162 en 2002), s'est accru de 15.127 unités au cours de la même période (soit une progression de 11,1 %).
Le tableau ci-après établit toutefois que la hausse des emplois de la police nationale intervenue sur la période 1997-2002 résulte aux deux-tiers de la progression du nombre total de policiers auxiliaires et d'emplois jeunes (porté de 10.475 en 1997 à 20.000 en l'an 2002).
En effet, les emplois de personnels actifs ne se sont accrus au cours de la même période que de 4.687 unités (soit une progression de 4,1 %).
EMPLOIS BUDGETAIRES DE LA
POLICE NATIONALE 1960-2002
CORPS |
1960 |
1970 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1989 |
1991 |
1993 |
1995 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
I - PERSONNELS ACTIFS |
||||||||||||||||||
Hauts fonctionnaires |
47 |
51 |
68 |
68 |
66 |
66 |
66 |
66 |
73 |
73 |
73 |
77 |
85 |
85 |
89 |
90 |
90 |
90 |
Commissaires |
1.747 |
1.801 |
1.992 |
1.988 |
1.996 |
2.056 |
2.057 |
2.057 |
2.084 |
2.135 |
2.133 |
2.129 |
2.092 |
2.076 |
2.051 |
2.039 |
2.037 |
2.032 |
Inspecteurs Cdt et officiers de paix Officiers de police |
11.857 1.208 13.065 |
13.087 1.479 14.566 |
13.839 1.942 15.781 |
14.139 1.960 16.099 |
14.381 2.089 16.470 |
15.081 2.131 17.212 |
15.106 2.131 17.237 |
15.106 2.131 17.237 |
15.679 2.151 17.830 |
15.708 2.203 17.911 |
15.846 2.203 18.049 |
15.946 2.203 18.149 |
17.559 |
16.900 |
16.414 |
15.920 |
15.683 |
15.283 |
Gradés et gardiens Sergents, caporaux et gardes Contractuels |
58.630 113 |
72.236 1.082 |
84.950 331 |
84.662 331 |
89.613 171 |
90.648 171 |
90.651 171 |
90.651 171 |
92.470 11 31 |
92.960 11 31 |
92.958 11 31 |
92.834 12 31 |
93.379 12 31 |
94.043 12 31 |
94.491 12 31 |
94.960 12 31 |
95.160 12 31 |
98.235 12 31 |
Sous-total actifs |
73.602 |
89.736 |
103.122 |
103.148 |
108.316 |
110.153 |
110.182 |
110.182 |
112.499 |
113.121 |
113.255 |
113.232 |
113.158 |
113.147 |
113.088 |
113.052 |
113.013 |
115.683 |
Surnombres |
234 |
1.190 |
2.190 |
3.162 |
2.162 |
|||||||||||||
Sous-total actifs avec surnombres |
112.499 |
113.121 |
113.255 |
113.232 |
113.158 |
113.381 |
114.278 |
115.242 |
116.175 |
117.845 |
||||||||
II - PERSONNELS ADMINISTRATIFS TECHNIQUES ET SCIENTIFIQUES |
||||||||||||||||||
Titulaires Contractuels Ouvriers cuisiniers |
10.013 241 273 |
9.915 331 276 |
11.677 103 281 |
12.130 127 291 |
12.770 147 301 |
12.657 160 301 |
12.579 160 301 |
12.703 163 301 |
13.381 163 317 |
13.619 197 317 |
||||||||
Sous-total administratifs |
3.630 |
2.933 |
8.488 |
9.417 |
11.225 |
11.658 |
11.680 |
11.656 |
10.527 |
10.522 |
12.061 |
12.548 |
13.218 |
13.118 |
13.040 |
13.167 |
13.861 |
14.133 |
Total police nationale |
77.232 |
92.669 |
111.610 |
112.565 |
119.541 |
121.811 |
121.862 |
121.838 |
123.026 |
123.643 |
125.316 |
125.780 |
126.376 |
126.265 |
126.128 |
126.219 |
126.874 |
129.816 |
Total avec surnombres |
123.026 |
123.643 |
125.316 |
125.780 |
126.376 |
126.499 |
127.318 |
128.409 |
130.036 |
131.978 |
||||||||
III - POLICIERS AUXILIAIRES |
3.000 |
3.925 |
5.325 |
8.325 |
8.825 |
8.325 |
4.150 |
2.075 |
||||||||||
IV - ADJOINTS DE SÉCURITÉ |
1.650 |
8.250 |
15.850 |
20.000 |
20.000 |
20.000 |
Source : Police nationale, DAPN
La progression des effectifs réels de la police nationale entre le 1 er janvier 1997 et le 1 er janvier 2002 (+ 10.923 personnes) fut toutefois nettement moindre que celle des emplois budgétaires entre 1996 et 2001 (+14.333) ou entre 1997 et 2002 (+15.127).
Cela résulte notamment de ce que les postes d'adjoint de sécurité sont loin d'être tous pourvus : au 1 er janvier 2002, seuls 77,8 % des emplois d'adjoint de sécurité étaient effectivement pourvus.
Evolution des effectifs réels des personnels de la police nationale (élèves compris)
Du 1 er janvier 1995 au 1 er janvier 2002
CORPS |
1995 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Direction et Contrôle |
79 |
80 |
86 |
77 |
90 |
88 |
90 |
Commissaires |
2.104 |
2.078 |
2.059 |
2.028 |
2.009 |
1.986 |
1.955 |
Officiers |
17.968 |
17.339 |
16.996 |
16.643 |
16.237 |
15.871 |
15.445 |
Gradés et Gardiens |
92.146 |
93.320 |
94.126 |
94.512 |
96.129 |
97.089 |
98.581 |
Total actifs |
112.297 |
112.817 |
113.267 |
113.260 |
114.465 |
115.034 |
116.071 |
Administratifs et Ouvriers |
11.701 |
12.532 |
12.831 |
12.700 |
12.758 |
12.696 |
13.060 |
Policiers auxiliaires |
6.385 |
8.423 |
6.520 |
4.680 |
3.408 |
1.126 |
|
Adjoints de sécurité |
1.208 |
7.348 |
12.628 |
15.936 |
15.564 |
||
Total général |
130.383 |
133.772 |
133.826 |
137.988 |
143.259 |
144.792 |
144.695 |
Source : Police nationale, DAPN
Par ailleurs, votre rapporteur avait montré dans le cadre de l'examen de la LOPSI que cette hausse des effectifs était pour partie un trompe-l'oeil.
En effet, les hausses d'effectif ont principalement concerné les emplois jeunes (adjoints de sécurité ou gendarmes adjoints) et les volontaires, notamment sur la période 1997-2000 : ce n'est qu'en toute fin de législature que le précédent gouvernement a tiré les leçons qui s'imposaient et infléchi ses priorités en recrutant des fonctionnaires titulaires supplémentaires qui, compte tenu de leurs délais de formation, ne sont d'ailleurs pour la plupart pas encore opérationnels.
Or, comme le soulignait récemment une note de la fondation Robert Schumann 30 ( * ) « le recrutement des emplois-jeunes suscite de nombreuses difficultés... Même si la durée de formation des adjoints de sécurité a été portée à quatorze semaines en septembre 2001, elle reste inférieure à celle des fonctionnaires titulaires (un an pour les agents du corps de maîtrise et d'application). Il en est de même pour les gendarmes adjoints. Jeunes, inexpérimentés et peu qualifiés, ils doivent être encadrés de fonctionnaires titulaires ; mais, concrètement, la multiplication des missions des forces de l'ordre, le régime de récupération ou le poids des tâches administratives sont peu compatibles avec l'observation stricte de ce principe. La question est d'autant plus importante que les emplois-jeunes sont concentrés dans les départements sensibles qui ont nécessité des renforts en effectifs. ».
L'exemple de la police aux frontières (PAF) est d'ailleurs emblématique de la perte de capacité opérationnelle liée à la déformation de la structure des emplois au profit des emplois jeunes au cours de la législature 1997-2002. En effet, les effectifs de la PAF se sont accrus de 530 personnes entre le 1 er janvier 1998 et le 5 juin 2002 (soit une progression de 8,1 %), mais cette hausse est plus qu'en totalité imputable à la progression des effectifs d'adjoints de sécurité (au nombre de 838 au 5 juin 2002 contre 0 au 1 er janvier 1998). Or contrairement aux anciens policiers auxiliaires, les adjoints de sécurité n'ont juridiquement pas le droit de consulter les fichiers informatisés, de sorte que le nombre de fonctionnaires de la PAF habilités à le faire s'est en fait réduit au cours de la période considérée !
Par ailleurs, les capacités opérationnelles potentielles de la police nationale ont été considérablement réduites par la décision de principe prise par le précédent gouvernement, de lui appliquer l'aménagement-réduction du temps de travail (« les 35 heures »).
Les principales modalités de l'ARTT dans la police nationale Le régime d'aménagement-réduction du temps de travail (ARTT) de la police nationale distingue principalement 31 ( * ) deux régimes de travail : - les personnels dont le travail est réparti sur une base hebdomadaire, qui sont aujourd'hui majoritaires, bénéficient en principe soit de 30 jours, soit de 23 jours d'ARTT selon qu'ils effectuent 40h30 ou 39h00 par semaine. Les 10 jours anciennement d'hiver et les 2 jours dits « ministre » s'imputent toutefois sur ces jours d'ARTT. Ces agents bénéficient donc respectivement de 18 jours et de 11 jours de congés supplémentaires ; - les personnels dont le temps de travail est cyclique ont obtenu une dotation forfaitaire de 12 jours d'ARTT. Source : ministère de l'intérieur. |
Dès l'examen du projet de loi de finances pour 2002, votre rapporteur spécial s'inquiétait pourtant du risque que « les 35 heures » faisaient peser sur la disponibilité des forces de police.
Avec le recul, ces craintes apparaissent hélas fondées : en réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur, le ministère de l'intérieur évalue aujourd'hui les effets potentiels de l'ARTT à une perte équivalant à 7.968 agents .
Cette perte avait été partiellement compensée par le précédent gouvernement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2002, au travers de deux types de mesure :
- le rachat de 3 jours d'ARTT pour certains personnels, pour un nombre total de jours équivalent à 1.476 équivalent-temps plein annuels ;
- le paiement de certaines astreintes en lieu et place de leur récupération sous la forme de jours de congés, pour un nombre total de jours équivalent à 949 équivalent-temps plein annuels.
Au total, ces mesures ont donc limité la perte de capacités opérationnelles potentielles liées à l'ARTT à « seulement » 5.543 équivalent-temps plein annuels.
On peut toutefois s'interroger sur le sens d'une réforme conduisant à offrir des jours de congés supplémentaires à des fonctionnaires pour leur en racheter immédiatement une partie : l'ARTT s'est ainsi traduite pour les fonctionnaires de police par une réduction du temps de travail et par une hausse des rémunérations mensuelles, alors que le précédent gouvernement invitait les salariés du secteur privé à échanger bon gré mal gré la réduction du temps de travail contre des efforts de modération salariale.
Par surcroît, ces mesures de rachat n'étaient en fait financées que pour les ¾ de l'année.
Quoi qu'il en soit, le précédent gouvernement avait également « affecté » 1 700 des emplois d'actifs créés en loi de finances initiale à la « compensation des effets des 35 heures », contrevenant ainsi à ses engagements formels selon lesquels la mise en oeuvre de l'ARTT dans la fonction publique de l'Etat s'effectuerait à effectifs constants.
Enfin, l'ARTT a aggravé un problème récurrent de la police nationale : les heures supplémentaires sont pour la plupart non rémunérées et les agents ont la faculté de capitaliser les heures supplémentaires qu'ils ne peuvent pas ou ne souhaitent pas récupérer de manière à anticiper leur départ en fin de carrière.
Près de 70 % des départs sont ainsi anticipés et l'âge moyen effectif de départ à la retraite est proche de 53 ans. Or il n'est pas possible de pourvoir le poste de ces « pré-retraités » car il n'est pas administrativement vacant, ce qui perturbe considérablement le fonctionnement des services.
* 29 Le tableau ci-après qui présente l'avantage de recouvrir une longue période, ne retrace toutefois que les seuls emplois gérés directement par la direction de l'administration de la police nationale (DAPN), alors que l'agrégat « police nationale » comprend également, en l'an 2002, 416 personnels techniques et spécialisés et 1.118 ouvriers d'Etat gérés par d'autres directions du ministère de l'intérieur. En outre, ce tableau ne prend pas en compte les 754 emplois de contractuels créés par la loi de finances initiale pour 2002 en application de l'article 34 de la loi du 12 avril 2002 à la suite de l'arrêt Berkani du Conseil d'Etat. Au total, les emplois budgétaires de l'agrégat police nationale s'élevaient donc à 132.104 en 2002 + 2.162 surnombres en gestion.
* 30 Cf. « Les moyens de la sécurité publique : éléments d'analyse comparative », février 2002.
* 31 Les commissaires relèvent d'un régime dérogatoire.