EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est invité à examiner en nouvelle lecture le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne que le Gouvernement a demandé aux assemblées d'examiner en urgence. La commission mixte paritaire, réunie le 5 juin 2001, n'est en effet pas parvenue à un accord. L'Assemblée nationale a examiné le projet de loi en nouvelle lecture les 26 et 27 juin. Elle a écarté la plupart des propositions formulées par le Sénat.
Dans ces conditions, après deux lectures à l'Assemblée nationale et une lecture au Sénat, 51 articles demeurent en discussion, 33 ayant été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées.
La discussion au Sénat intervient dans un contexte profondément différent de ce qu'il était lors des étapes précédentes de la procédure législative. Le 11 septembre dernier, les Etats-Unis d'Amérique ont en effet été victimes d'attentats terroristes particulièrement effroyables. Tout indique que notre pays pourrait également être frappé. La France a fait part de sa solidarité au peuple américain et a clairement manifesté sa volonté de s'engager aux côtés des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme.
Ces dramatiques événements ont mis en lumière que certains instruments manquaient dans l'arsenal législatif français pour combattre avec une pleine efficacité le terrorisme. Le Gouvernement a fait part de son intention de soumettre au Parlement plusieurs propositions destinées à renforcer l'efficacité du dispositif de lutte contre le terrorisme et a choisi, soucieux de voir ces mesures rapidement adoptées, de proposer des amendements au présent projet de loi.
Ces amendements tendent notamment à permettre, sur réquisitions du procureur de la République, la fouille des véhicules , à autoriser certaines perquisitions au cours d'enquêtes préliminaires , à permettre aux agents des entreprises privées de sécurité de procéder dans certaines circonstances à des fouilles de bagages ainsi qu'à des palpations de sécurité . Le Gouvernement souhaite également insérer dans le projet de loi des dispositions relatives à la conservation des données par les opérateurs de télécommunications et prévoir la possibilité pour les juridictions de faire appel à des services dont l'activité est couverte par le secret de la défense nationale pour décrypter des données recueillies au cours d'enquêtes ou d'informations judiciaires et ayant subi des transformations en vue de les rendre indéchiffrables. Le Gouvernement propose enfin de prévoir, dans le code de procédure pénale, la possibilité de procéder à des auditions, interrogatoires et confrontations à distance, par l'intermédiaire d'équipements de télécommunications adaptés.
Sur la procédure, la jurisprudence du Conseil constitutionnel limite à quelques circonstances l'adoption de dispositions nouvelles après la réunion de la commission mixte paritaire.
Par ailleurs, l'article 45 de la Constitution prévoit qu'après l'examen par le Sénat du projet de loi en nouvelle lecture, l'Assemblée nationale ne peut, en lecture définitive, que reprendre le texte qu'elle a adopté en nouvelle lecture, assorti, le cas échéant, d'amendements adoptés par le Sénat, y compris, s'il y a lieu, ceux déposés par le Gouvernement.
Compte tenu de la nécessité pour la France de compléter dans l'urgence son dispositif de lutte contre le terrorisme, votre commission accueille favorablement les propositions présentées par le Gouvernement malgré leur caractère tardif dans la procédure législative en cours. Elle considère en effet que la gravité de la situation actuelle justifie le recours à des procédés exceptionnels.
En ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi, que les récents événements font nécessairement passer au second plan, votre commission regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas retenu les propositions formulées par le Sénat en vue de mieux associer les maires à la lutte contre l'insécurité et d'améliorer le dispositif de lutte contre la délinquance juvénile, qui lui paraissent au coeur des problèmes de sécurité.
Après avoir rappelé les principales dispositions du projet de loi initial et les positions respectives de l'Assemblée nationale et du Sénat lors de la première lecture, votre rapporteur évoquera le sort réservé aux propositions du Sénat par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture avant de préciser les raisons qui conduisent votre commission à tenter une nouvelle fois de convaincre le Gouvernement et les députés qu'une politique plus réaliste en matière de sécurité est aujourd'hui nécessaire.
I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE : RENFORCER UN TEXTE UTILE MAIS INSUFFISANT
A. LE PROJET DE LOI INITIAL
Le projet de loi sur la sécurité quotidienne avait à l'origine pour objet de transcrire les mesures annoncées au Conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001. Le projet initial comportait quatre chapitres :
- un chapitre consacré à la réglementation du commerce de détail et de la conservation des armes prévoyant notamment la soumission à autorisation préfectorale de l'ouverture des établissements de commerce de détail des armes de 1 ère à 7 ème catégories ( article premier ) ainsi que le passage par un professionnel pour l'achat de toutes armes ou munitions de 1 ère à 7 ème catégories ( article 2 ) ;
- un chapitre relatif à la police judiciaire destiné à étendre la qualité d'agent de police judiciaire à tous les fonctionnaires titulaires du corps de maîtrise et d'application de la police nationale et celle d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité ( article 6 ) ;
- un chapitre consacré à la sécurité des paiements par chèque et par carte bancaire destiné notamment à permettre au titulaire d'une carte victime de fraude de faire opposition à un paiement par carte bancaire ( article 7 ) et à créer une nouvelle infraction permettant d'incriminer la fourniture de moyens utilisables pour effectuer une contrefaçon ou une falsification de moyens de paiement ( article 19 ) ;
- enfin, un chapitre comprenant d'autres dispositions relatives aux animaux dangereux et au contrôle par des agents britanniques des voyageurs de l'Eurostar en partance pour Calais dans les conditions prévues par le protocole additionnel au protocole de Sangatte.