N° 407
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 juin 2001 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Jean BIZET au nom de la délégation pour l'Union européenne sur le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire (E-1405) et sur les propositions de règlements et de directives du Parlement européen et du Conseil relatives à l'hygiène des denrées alimentaires (E-1529),
Par M. Jean BIZET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Aymeri de Montesquiou, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Voir le numéro :
Sénat : 24 (2000-2001)
Union européenne. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La Commission des Affaires économiques est saisie d'une proposition de résolution, renvoyée par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, et relative à deux documents européens : le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire et un ensemble de quatre propositions de règlements et d'une proposition de directive réformant la législation européenne sur l'hygiène des denrées alimentaires, rassemblés dans le document E-1529.
Dans un contexte marqué par la survenue d'un certain nombre de crises alimentaires et sanitaires, au premier rang desquelles la crise de l'ESB, cette proposition de résolution vise à soutenir l'objectif de renforcement de la sécurité alimentaire qui est actuellement à l'oeuvre dans un vaste programme européen de réformes.
Présenté par la Commission européenne en janvier 2000, le Livre Blanc annonce, de manière prospective, un ensemble de réformes visant à renforcer la sécurité à tous les stades de la chaîne alimentaire, « de la fourche à la fourchette ».
Les initiatives qu'il propose s'articulent autour de cinq grands axes, dont le premier est la création d'une Autorité alimentaire européenne. Cet important projet ne doit pas conduire à éluder les autres thèmes abordés par le Livre Blanc : celui-ci prévoit également diverses réformes de la législation alimentaire européenne, relatives notamment à l'hygiène alimentaire et à l'alimentation animale, aux contrôles alimentaires, à l'information des consommateurs, en particulier par l'étiquetage, et enfin à une meilleure prise en compte de la dimension internationale, de plus en plus présente dans le domaine alimentaire, comme l'attestent les normes élaborées au sein du Codex Alimentarius.
Parmi les réformes annoncées, certaines ont d'ores et déjà donné lieu à la présentation par la Commission et à la discussion par le Conseil et le Parlement européen de propositions de règlements et de directives.
La plus importante d'entre elles est sans conteste la proposition de règlement instituant l'Autorité alimentaire européenne. Présenté par la Commission au Conseil le 8 novembre 2000, ce texte déjà examiné par le Parlement européen est inscrit à l'ordre du jour du prochain Conseil extraordinaire Marché intérieur, consommation et tourisme.
Si la mise en place de cette Autorité alimentaire européenne constitue la pièce maîtresse des mesures annoncées par le Livre Blanc, il convient également de saluer d'autres initiatives, comme celles visant à rendre plus sûre l'alimentation des animaux. Des projets de texte ont été présentés à cet égard, relatifs aux substances et produits indésirables dans l'alimentation animale, aux contrôles officiels dans ce secteur ou encore à la sécurisation des sous-produits animaux, ce dernier texte ayant été présenté avant la décision de l'Union européenne de suspendre l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale.
Il convient d'évoquer, par ailleurs, la mise en place d'une vaste réforme de la réglementation européenne sur l'hygiène alimentaire, qui fait l'objet des cinq propositions de règlements et directive contenus dans le document E-1529.
La proposition de résolution qui vous est soumise invite le Gouvernement à prendre position à l'égard de certains sujets visés par ces textes.
C'est ainsi qu'elle appelle à tout mettre en oeuvre pour mettre en place l'autorité alimentaire européenne avant la fin de l'année 2001 et à veiller également à ne pas conférer à l'Autorité la responsabilité de la gestion des risques.
De même, cette proposition de résolution demande que la liste des ingrédients ne pouvant entrer dans l'alimentation animale soit rapidement complétée, dans l'attente de l'élaboration d'une véritable liste positive des matériaux admis dans l'alimentation des animaux.
Elle souligne, par ailleurs, les difficultés soulevées par une autre réforme en cours dans le domaine de l'alimentation animale, qui vise à imposer l'énumération sur l'étiquette des aliments composés de toutes les matières premières, avec leur taux d'incorporation en pourcentage du poids.
Enfin, sans mettre à mal l'objectif de sécurité alimentaire qui guide l'ensemble des réformes qui vous sont présentées ici, elle soutient une disposition figurant dans deux propositions de règlements relatives à l'hygiène des denrées alimentaires, qui prévoit des adaptations aux règles énoncées, en faveur des petits établissements réalisant des fabrications traditionnelles.
Votre Commission des affaires économiques approuve tout à fait les dispositions de la présente proposition de résolution.
Elle vous propose toutefois d'en actualiser la rédaction afin de tenir compte de l'avancement des travaux et des négociations autour de certains projets de textes européens, et de formuler des considérations relatives à l'organisation et au fonctionnement de la future Autorité alimentaire européenne.
Sous cette réserve, il vous est proposé d'adopter la proposition de résolution n°24.
I. LE LIVRE BLANC SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET SES PREMIÈRES APPLICATIONS
A. LE LIVRE BLANC SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
Adopté par la Commission européenne le 12 janvier 2000, le Livre Blanc sur la sécurité alimentaire se donne pour objectif essentiel de garantir aux consommateurs européens le niveau le plus élevé possible de sécurité des produits alimentaires. Cette sécurité alimentaire doit reposer sur une approche intégrée « de la ferme à la table ».
Tout en rappelant l'importance des contraintes économiques, sociales et environnementales qui entourent la production des denrées alimentaires, le Livre Blanc affirme le caractère prioritaire de la protection de la santé des consommateurs. Dans cette optique, il propose un certain nombre d'initiatives qui s'articulent autour de cinq grands axes.
1. La création d'une autorité alimentaire européenne indépendante
L'une des propositions les plus marquantes du Livre Blanc est la création au niveau européen d'une « Autorité » indépendante pour la sécurité alimentaire, afin de restaurer la confiance des consommateurs.
Des organismes semblables existent d'ores et déjà dans certains Etats membres, comme l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Créé par la loi du 1 er juillet 1998, l'AFSSA est un établissement public placé sous la triple tutelle des ministères chargés de l'agriculture, de la santé et de la consommation.
Le projet d'une Autorité alimentaire européenne se fonde sur le constat de lacunes dans l'organisation actuelle. Malgré sa réforme en 1997, le système européen d'avis scientifiques souffre d'un manque de moyens entraînant des retards préjudiciables, et d'un défaut de coordination entre les différentes sources d'information. Les avis scientifiques sont actuellement fournis par huit comités scientifiques sectoriels 1 ( * ) , dont cinq couvrent, directement ou non, les domaines de l'alimentation humaine et animale.
Les comités se trouvent coordonnés par un comité scientifique directeur.
Les membres de ce comité sont choisis pour leur excellence scientifique, et leur indépendance est garantie par la stricte application des déclarations d'intérêts. Les mêmes principes (excellence et indépendance) sont repris dans le projet d'Autorité dessiné par le Livre Blanc.
Annoncée pour 2002, cette autorité d'évaluation scientifique serait appelée à devenir une référence en formulant des avis indépendants sur tous les aspects touchant à la sécurité alimentaire, et en communiquant dans une grande transparence avec les consommateurs.
Elle aurait pour mission de constituer des réseaux avec les agences nationales et les organismes scientifiques et de gérer les systèmes d'alerte rapide.
L'Autorité alimentaire européenne fournirait à la Commission l'évaluation du risque ; il incomberait à la Commission de décider de la réponse adaptée à donner à cette évaluation.
La Commission, dans son Livre Blanc, propose de ne pas transférer de compétences de gestion des risques à l'Autorité, pour deux raisons, l'une politique, l'autre juridique :
- le transfert de pouvoirs réglementaires à une autorité indépendante risquerait de diluer la responsabilité démocratique ;
- pour s'acquitter des responsabilités que leur confèrent les traités, les organes politiques (conseil, Parlement européen et Commission) doivent conserver le pouvoir réglementaire et le pouvoir de contrôle (sauf à modifier les traités).
2. La réforme de la législation européenne relative à l'alimentation
Dans la droite ligne du Livre vert sur les principes généraux de la législation alimentaire, adopté par la Commission en avril 1997, le livre Blanc prévoit la refonte et la modernisation de l'ensemble des règles européennes alimentaires en vigueur.
A cet effet, il propose plus de 80 actions, détaillées dans un plan d'actions présenté en annexe. Les questions abordées sont très diverses. Elles concernent notamment :
- la réforme de l'ensemble de la législation de l'hygiène alimentaire ;
- les additifs et les arômes alimentaires;
- les contaminants et résidus de pesticides ;
- les matériaux d'emballage ;
- les aliments diététiques ;
- l'ionisation des denrées alimentaires.
Le nouveau cadre juridique concernera toute la chaîne alimentaire, y compris l'alimentation animale. C'est pourquoi le plan d'action prévoit la modification d'un certain nombre de textes communautaires relatifs à l'alimentation animale, mais aussi plus largement à la santé animale, puisque des maladies animales telles que la brucellose, la tuberculose et la listériose peuvent avoir un impact, par l'intermédiaire de l'alimentation, sur la santé humaine.
3. Une réforme des contrôles
Le Livre Blanc entend harmoniser l'application de la législation alimentaire européenne dans l'ensemble des Etats membres par un renforcement de l'efficacité des contrôles.
Dans cette optique, il propose, en premier lieu, une mise à jour des textes communautaires relatifs aux contrôles officiels.
Il annonce également la mise en place d'un encadrement communautaire des systèmes de contrôles nationaux, fondé sur :
- la définition, à l'échelon européen, de critères opérationnels, qui s'imposeront aux autorités nationales de contrôle ;
- l'établissement, également au niveau communautaire, d'orientations à suivre, définissant des priorités ainsi que des indicateurs de performance ;
- une plus grande coopération entre Etats membres, notamment par des échanges d'information.
Enfin, le Livre Blanc établit la nécessité de renforcer les contrôles sanitaires aux frontières de l'Union européenne, par une extension du champ de ces contrôles, limité pour l'heure aux produits d'origine animale, et par une meilleure coordination entre les postes d'inspection frontaliers.
4. Une meilleure information des consommateurs
Selon le Livre Blanc, l'amélioration de l'information des consommateurs implique :
- la mise en oeuvre d'une communication des risques transparente et interactive ;
- le renforcement et la clarification des règles d'étiquetage des aliments, s'agissant en particulier de la mention de l'ensemble des ingrédients entrant dans la composition d'un produit, des allégations nutritionnelles ou encore de la présence d'organismes génétiquement modifiés ;
- l'actualisation de la directive sur la publicité trompeuse.
5. La prise en compte de la dimension internationale
Le Livre Blanc met, enfin, l'accent sur la nécessité de tenir compte de la dimension internationale que revêtent désormais les questions de sécurité alimentaire . Il évoque ainsi les normes internationales élaborées dans des enceintes telles que le Codex Alimentarius, au sein desquelles l'Union européenne se doit de s'impliquer . Il recommande également une analyse approfondie de l'évaluation des risques sur laquelle se fondent certains pays tiers pour refuser l'accès à leurs marchés de produits européens.
Par ailleurs, le principe d'équivalence doit être correctement appliqué. De même que l'Union européenne ne doit exporter que des denrées soumises aux exigences applicables pour les produits destinés au marché intracommunautaire, elle est en droit d'exiger que les denrées importées soient produites dans des conditions sanitaires équivalentes à celles qu'elle s'impose .
Le 25 octobre 2000, le Livre Blanc a été adopté à une très large majorité par le Parlement européen, sur le fondement du rapport réalisé par M. John Bowis au nom de la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs.
* 1 Alimentation humaine, alimentation animale, mesures vétérinaires en rapport avec la santé publique, plantes, santé et bien-être des animaux, produits cosmétiques et produits non alimentaires, médicaments et dispositifs médicaux, toxicité, écotoxicité et environnement.