Directive 1999/64/CE de la Commission du 23 juin 1999
modifiant la directive
90/388/CEE en vue de garantir que les réseaux
de
télécommunications et les réseaux câblés de
télévision appartenant
à un seul et même
opérateur constituent des entités juridiques
distinctes
La
Commission des Communautés européennes,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et
notamment son article 86, paragraphe 3, considérant ce qui suit :
(1) La directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à
la concurrence dans les marchés des services de
télécommunications(1), modifiée en dernier lieu par la
directive 96/19/CE(2), fait obligation aux États membres de lever, au
plus tard le 1erjanvier 1998, sauf délai supplémentaire
accordé à certains États membres, les droits
spéciaux ou exclusifs sur les services et infrastructures de
télécommunications. Il est notamment prévu à
l'article 4, tel que modifié par la directive 95/51/CE de la
Commission(3), que les États membres " suppriment toutes les
restrictions à la fourniture de la capacité de transmission sur
les réseaux câblés de télévision et
permettent l'utilisation de ces réseaux pour la fourniture de services
de télécommunications autres que le service de
téléphonie vocale " et " veillent à ce que
l'interconnexion des réseaux câblés de
télévision avec le réseau public de
télécommunications soit autorisée à cette fin, en
particulier l'interconnexion avec des lignes louées, et à ce que
les restrictions à l'interconnexion directe des réseaux
câblés de télévision par les
câblo-opérateurs soient supprimées ".
(2) La directive 95/51/CE traitait de deux problèmes posés par
l'octroi à une même entreprise, par un État membre, du
droit d'établir à la fois des réseaux câblés
de télévision et des réseaux de
télécommunications. D'une part, il y était indiqué
que cela met l'entreprise concernée dans une situation où elle
n'a aucun intérêt à attirer les utilisateurs vers le
réseau qui convient le mieux à la fourniture du service
considéré. Il y était souligné que l'instauration
d'une concurrence non faussée exigera souvent des mesures
spécifiques tenant compte des circonstances spécifiques des
marchés concernés. Lors de l'adoption de la directive 95/51/CE,
la Commission avait conclu que, étant donné que la situation de
fait varie d'un État membre à l'autre, les autorités
nationales étaient le mieux à même d'apprécier
quelles étaient les mesures les plus appropriées, et notamment si
la séparation desdites activités s'imposait. D'autre part, elle
avait conclu que dans les premières phases de la libéralisation,
un contrôle détaillé des subventions croisées et la
transparence comptable sont essentiels. L'article 2 de la directive 95/51/CE
invitait, en conséquence, les États membres à faire
notamment en sorte que les organismes de télécommunications
fournissant l'infrastructure du réseau câblé de
télévision tiennent une comptabilité financière
distincte en ce qui concerne la fourniture du réseau public de
télécommunications et du réseau câblé de
télévision et leurs activités en tant que fournisseurs de
services de télécommunications. Il était par ailleurs
indiqué que les États membres devaient imposer au moins une
comptabilité financière distincte pour les deux activités,
même si une séparation structurelle complète était
préférable.
(3) La Commission a ajouté que, faute de voir apparaître des
systèmes concurrents dans la boule locale d'abonnés, elle
réexaminerait la question de savoir s'il suffit d'une
comptabilité distincte pour éviter les pratiques abusives et
apprécierait si la fourniture de ces deux types de réseaux par un
même opérateur n'aboutit pas à limiter la fourniture
potentielle de la capacité de transmission aux dépens des
fournisseurs de services du secteur considéré, ou si des mesures
ultérieures sont justifiées. Dans ce contexte, l'article 2,
troisième alinéa de la directive 95/51/CE prévoyait que la
Commission devait procéder, avant le 1er janvier 1998, à une
évaluation globale de l'incidence, au regard des objectifs de ladite
directive, de la fourniture de réseaux câblés de
télévision et de réseaux publics de
télécommunications par un seul opérateur.
(4) La présente directive s'appuie sur les résultats de
l'évaluation à laquelle la Commission a procédé en
application de l'article 2 de la directive 95/51/CE. En vue de cette
évaluation, la Commission a réalisé deux études sur
les incidences sous l'angle de la concurrence, sur les marchés des
télécommunications et du multimédia, d'une part de la
fourniture de réseaux de télécommunications et
réseaux câblés de télévision par un seul et
même opérateur en position dominante, et d'autre part des
restrictions à l'utilisation des réseaux de
télécommunications pour la fourniture de services de
télévision câblée. Ces études ont notamment
abouti à la conclusion que le fait qu'une seule et même entreprise
soit à la fois propriétaire de réseaux de
télécommunications et de réseaux câblés de
télévision, en l'absence d'une concurrence forte au niveau de la
boucle locale, ralentit le développement d'une infrastructure
multimédia complète au détriment des consommateurs, des
fournisseurs de services et de l'économie européenne en
général.
(5) La Commission a adopté une communication relative à
l'évaluation requise par les directives 95/51/CE et 96/19/CE(4). Dans
son évaluation, la Commission a établi que le
développement optimal des marchés des
télécommunications et du multimédia dépend de
quatre facteurs : concurrence entre services, concurrence au niveau des
infrastructures, modernisation des infrastructures et innovation. Elle a
constaté que, dans la Communauté, la fourniture de réseaux
de télécommunications et de réseaux câblés de
télévision par un même opérateur crée une
situation de déséquilibre dès le départ entre les
opérateurs de télécommunications en position dominante et
leurs nouveaux concurrents, ce qui constitue un obstacle majeur au
développement optimal des marchés des
télécommunications. Le Parlement européen a
confirmé également cette analyse dans sa résolution du 9
février 1999(5) concernant le projet de la présente directive.
(6) Le traité, et notamment son article 86, charge la Commission de
veiller à ce que les États membres, en ce qui concerne les
entreprises publiques et les entreprises auxquelles ont été
accordés des droits spéciaux ou exclusifs, remplissent leurs
obligations au regard du droit communautaire. Conformément à
l'article 86, paragraphe 3, la Commission peut, d'une part, préciser et
clarifier les obligations découlant de cet article et, d'autre part,
définir les conditions qui sont nécessaires afin de permettre
à la Commission d'accomplir le devoir de surveillance qui lui incombe en
vertu dudit paragraphe.
(7) La plupart des organismes de télécommunications
européens sont encore des compagnies contrôlées par
l'État et, partant, des entreprises publiques au sens de la directive
80/723/CEE de la Commission(6), modifiée en dernier lieu par la
directive 93/84/CEE(7). En outre, alors que le droit communautaire
prévoit la suppression des droits exclusifs pour la fourniture de
réseaux et de services de télécommunications, il
n'interdit pas aux organismes de télécommunications de continuer
à bénéficier de certains droits spéciaux
définis par la directive 90/388/CEE, telle que modifiée par la
directive 94/46/CE(8), au-delà de la date de la libéralisation
complète. C'est le cas, par exemple, dans le domaine des
radiofréquences utilisées pour la fourniture de réseaux de
télécommunications et de capacité de transmission de
télédiffusion. Cela est dû au fait que les organismes de
télécommunications continuent à bénéficier
des droits en matière d'utilisation de radiofréquences qu'ils se
sont vu octroyer par le passé selon des critères autres
qu'objectifs, proportionnés et non discriminatoires. De tels avantages
réglementaires renforcent la position de ces opérateurs et
continuent à avoir un impact important sur la possibilité qu'ont
les autres entreprises de concurrencer les organismes de
télécommunications dans le domaine des infrastructures de
télécommunications. Par conséquent, ces opérateurs
de télécommunications demeurent des entreprises au sens de
l'article 86, paragraphe 1, du traité. En outre, la Commission a
accordé des périodes additionnelles de mises en oeuvre à
certains États membres, qui ne sont pas encore arrivées à
échéance, pour l'abolition des droits exclusifs en matière
de téléphonie vocale et d'établissement et de fourniture
de réseaux publics de télécommunications.
(8) La plupart des États membres ont adopté des mesures accordant
des droits spéciaux ou exclusifs pour la fourniture de réseaux
câblés de télévision aux organismes de
télécommunications. Ces droits peuvent prendre la forme d'une
autorisation exclusive ou non, lorsque le nombre d'autorisations est
limité autrement que selon des critères objectifs,
proportionnés et non discriminatoires. (9) L'article 82 du traité
interdit le fait pour une ou plusieurs entreprises en position dominante
d'exploiter de façon abusive cette position dominante sur le
marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.
(10) Lorsque les États membres ont accordé à un organisme
de télécommunications des droits exclusifs ou spéciaux
pour l'établissement et l'exploitation de réseaux
câblés de télévision dans une zone
géographique où il se trouve déjà en position
dominante sur le marché des services utilisant les infrastructures de
télécommunications, cet organisme ne sera en aucune façon
incité à moderniser son réseau public de
télécommunications à bande étroite ou son
réseau câblé de télévision à large
bande pour faire un réseau intégré de communications
à large bande ( " réseau tous services ") capable de transmettre
des communications vocales, des données et des images à une
largeur de bande élevée. En d'autres termes, cet organisme se
trouve dans une situation de conflit d'intérêts, dans la mesure
où toute amélioration substantielle, soit de son réseau de
télécommunications, soit de son réseau câblé
de télévision pourrait entraîner des pertes commerciales
pour l'autre réseau. Il serait nécessaire dans ces circonstances
d'attribuer la propriété de ces deux réseaux à deux
sociétés distinctes, dans la mesure où le fait qu'un seul
organisme soit propriétaire des deux réseaux conduit celui-ci
à retarder l'émergence de nouveaux services de communications
plus perfectionnés et entrave ainsi le progrès technique aux
dépens des utilisateurs, ce qui est contraire à l'article 86,
paragraphe 1, du traité, en liaison avec l'article 82, deuxième
alinéa, point b). La condition minimale requise serait, toutefois, que
l'ensemble des États membres garantissent que les organismes de
télécommunications qui se trouvent en position dominante pour la
fourniture de réseaux publics de télécommunications et de
services publics de téléphonie vocale et qui ont établi
leurs réseaux câblés de télévision en vertu
de droits spéciaux ou exclusifs exploitent ceux-ci via une entité
juridique distincte.
(11) À cela s'ajoute que, lorsque les États membres accordent
à une entreprise des droits spéciaux ou exclusifs pour
l'établissement de réseaux câblés de
télévision dans la même zone géographique que celle
où elle fournit déjà des réseaux publics de
télécommunications, diverses formes de comportements
anticoncurrentiels risquent d'apparaître, faute d'assurer une
transparence suffisante des activités de ces entreprises. Malgré
les exigences du droit communautaire au regard de la séparation
comptable, dont certaines ne sont entrées en vigueur qu'à
l'occasion de la mise en oeuvre du paquet de mesures générales
pour l'ouverture du marché des télécommunications dans la
plupart des États membres à partir du 1er janvier 1998, dans une
situation où de sérieux conflits d'intérêts existent
du fait de l'appartenance des types de réseaux à un même
opérateur, une telle séparation n'assure pas les sauvegardes
nécessaires contre toutes les formes de comportement anticoncurrentiels.
En outre, la séparation comptable rendra seulement les flux financiers
plus transparents, tandis que l'exigence d'entités juridiques distinctes
conduira à une plus grande transparence des actifs et des coûts et
facilitera le contrôle de la gestion de l'exploitation des réseaux
câblés. La fourniture de réseaux de
télécommunications et de réseaux câblés de
télévision sont des activités connexes. La position d'un
opérateur sur l'un de ces marchés a un impact sur sa position sur
l'autre et la surveillance de ses activités sur ces marchés est
plus difficile. De plus, lorsqu'un organisme de
télécommunications en position dominante a des
intérêt dans la télédistribution par câble,
cela a pour effet de décourager toute autre entreprise en raison de la
puissance financière de l'opérateur de
télécommunications. À cela s'ajoute que les perspectives
financières futures d'un réseau câblé de
télévision qui n'a pas encore été construit sont
incertaines pour une société qui n'est pas encore établie
sur le marché des services de télécommunications ou sur
celui des services de la télévision à péage. Par
conséquent, il est essentiel qu'un organisme de
télécommunications qui se trouve en position dominante organise
ses activités d'exploitation de réseaux câblés de
télévision de sorte qu'il puisse être contrôlé
afin d'exclure qu'il utilise ses ressources en abusant de sa position. Pendant
la phase cruciale de l'ouverture totale du secteur à la concurrence, une
séparation juridique entre l'exploitation du réseau public de
télécommunications et celle du réseau câblé
de télévision, y compris les liaisons du réseau principal,
constitue la condition minimale nécessaire pour garantir le respect de
l'article 86. Cette transparence passe obligatoirement par l'exploitation des
deux réseaux par des entités juridiques distinctes pouvant, en
principe toutefois, appartenir à une même entreprise. L'exigence
de séparation juridique est par conséquent remplie lorsque les
activité de télévision par câble d'un organisme de
télécommunications sont cédées à une filiale
à 100% de cet organisme.
(12) La Commission examinera cas par cas s'il serait compatible avec le
principe de proportionnalité d'imposer aux États membres
l'obligation de prendre des mesures supplémentaires. Les
décisions à prendre dans des cas particuliers pourraient
prévoir des mesures allant jusqu'à l'ouverture du capital du
câblo-opérateur à des tiers ou l'obligation de céder
l'entreprise en totalité.
(13) La distribution, via les réseaux de
télécommunications, de programmes audiovisuels destinés au
grand public et le contenu de ces programmes continueront à être
régis par des règles spécifiques adoptées par les
États membres conformément au droit communautaire et ne doivent
donc pas être visés par les dispositions de la présente
directive. Ceci est également conforme au principe selon lequel la
réglementation du transport et celle du contenu doivent être
maintenues distinctes, ce qui est un point essentiel de la communication de la
Commission du 9 mars 1999(9) concernant les résultats de la consultation
publique sur le livre vert intitulé " La convergence entre les secteurs
des télécommunications, des médias et des technologies de
l'information et les implications pour la réglementation ".
(14) Vu l'évolution actuelle du marché et l'émergence de
technologie nouvelles, il est possible que des systèmes concurrents
apparaissent au niveau de la boucle locale dans certains États membres.
Il conviendrait alors de déterminer si l'exigence relative à la
séparation des entités juridiques pour les réseaux de
télécommunications et les réseaux câblés de
télévision appartenant à une seule et même
entreprise doit être maintenue pour atteindre les objectifs poursuivis.
Étant donné que la situation du marché est
différente dans chaque État membre et qu'elle est susceptible
d'évoluer de manière différente, ce réexamen
devrait être mené avec suffisamment de souplesse pour pouvoir
prendre en considération la situation prévalant sur chacun des
marchés nationaux. Les autorités nationales de
réglementation devraient être habilitées à demander
à la Commission de procéder à un tel réexamen, en
particulier si celui-ci est souhaité par l'opérateur
concerné. La demande présentée à cet effet devrait
comprendre une description circonstanciée de l'évolution de la
structure du marché dans l'État membre en question. Eu
égard aux intérêts légitimes des concurrents sur les
marchés en cause, les informations communiquées seraient alors
mises à la disposition de toute partie intéressée qui en
ferait la demande, tout en tenant compte de l'intérêt
légitime qu'ont les entreprises à ce que leurs secrets d'affaires
soient protégés.
(15) Il y a lieu de modifier la directive 90/388/CEE en conséquence.
(16) Les États membres doivent s'abstenir de prendre de nouvelles
mesures ayant pour objet ou pour effet de compromettre la réalisation de
l'objectif visé par la présente directive, a arrêté
la présente directive :
Article premier
L'article 9 de la directive 90/388/CEE est remplacé par
le
texte suivant :
"Article 9
Chaque État membre veille à ce que tout organisme de
télécommunications ne fasse pas appel, pour l'exploitation de son
réseau cablé de télévision, à la même
entité juridique que pour son réseau public de
télécommunications lorsque l'organisme en question : a) est
contrôlé par cet État membre ou bénéfice de
droits spéciaux ;
b) détient une position dominante dans une partie substantielle du
marché commun pour fourniture de réseaux de
télécommunications publics et de services publics de
téléphonie vocale et
c) exploite un réseau câblé de télévision
établi en vertu de droits spéciaux ou exclusifs dans la
même zone géographique."
Article 2
La Commission réexamine l'application de la présente directive lorsqu'elle estime que les exigences qui y sont fixées sont satisfaites et que les objectifs poursuivis sont atteints et, dans tous les cas, au plus tard le 31 décembre 2002. Les États membres qui considèrent que la fourniture d'infrastructures de boucle locale et de services font l'objet d'une concurrence suffisante sur leur territoire en informent la Commission. Ils fournissent à cet effet une description circonstanciée de la structure du marché. Les informations communiquées sont mises à la disposition de toute partie intéressée qui en fait la demande, tout en tenant compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués. La Commission décide, dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance des observations des autres parties, s'il y a lieu de supprimer l'obligation de séparation juridique en vigueur dans l'État membre concerné.
Article 3
Les États membres communiquent à la Commission, dans un délai de neuf mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente directive, les informations lui permettant de constater que les dispositions de l'article 1er sont respectées.
Article 4
La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Article 5
Les
États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 23 juin 1999.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission
(1) JO L 192 du 24.7.1990, p. 10.
(2) JO L 74 du 22.3.1996, p. 13.
(3) JO L 256 du 26.10.1995, p. 49.
(4) JO C 71 du 7.3.1998, p. 4.
(5) JO C 150 du 28.5.1999, p. 33.
(6) JO L 195 du 29.7.1980, p. 35.
(7) JO L 254 du 12.10.1993, p. 16.
(8) JO L 268 du 19.10.1994, p. 15.
(9) COM(1999) 108 final.