II. LES LOIS PROMULGUÉES AU COURS DES XIIe ET XIIIe LÉGISLATURES PRÉSENTENT DES TAUX DE MISE EN APPLICATION TRÈS SATISFAISANTS

A. SIX LOIS PARTIELLEMENT MISES EN APPLICATION LE SONT DEVENUES TOTALEMENT AU COURS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE

• LOI N° 2002-1138 DU 09/09/2002 D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION POUR LA JUSTICE

Les mesures nécessaires pour l'application des dispositions relatives aux conditions de garde, d'escorte et de transport des détenus hospitalisés en raison de troubles mentaux prévues par l'article 48 de la présente loi ont été prises.

Le décret du 18 mai 2010 relatif aux modalités de garde, d'escorte et de transport des personnes détenues hospitalisées en raison de troubles mentaux a inséré trois sections spécifiques dans le code de la santé publique comprenant les articles R. 3214-1 à R. 3214-23.

Les articles R. 3214-1 à R. 3214-4 précisent les principes de fonctionnement des unités d'hospitalisation pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Des unités spécialement aménagées au sein d'un établissement de santé prennent en charge les hospitalisations, avec ou sans leur consentement, des personnes détenues dans des établissements pénitentiaires relevant de sa compétence territoriale. Si l'unité spécialement aménagée n'a pas de place disponible, l'hospitalisation est recherchée dans un autre établissement. Lorsque le détenu ne donne pas son accord pour être hospitalisé, il revient au préfet de prendre la décision d'hospitalisation.

Les articles R. 3214-5 à R. 3214-20 précisent les conditions de garde des personnes détenues hospitalisées atteintes de troubles mentaux et de surveillance des unités spécialement aménagées.

La garde de ces personnes est assurée par l'administration pénitentiaire dans le respect de la confidentialité des soins. L'administration pénitentiaire indique à l'unité spécialement aménagée les éléments nécessaires à l'appréciation de la dangerosité et de la vulnérabilité de ces personnes. Les décisions judiciaires en matière d'isolement, de séparation de détenus ou d'interdiction de communiquer s'appliquent dans l'unité spécialement aménagée.

Le personnel pénitentiaire assure la surveillance des locaux et en contrôle l'accès. Un dispositif de vidéosurveillance est mis en oeuvre pour protéger les abords et les locaux de l'établissement. Les personnels pénitentiaires peuvent fouiller les personnes hospitalisées dans les conditions fixées par l'article 57 de la loi pénitentiaire. Ils ne peuvent procéder à la fouille générale des locaux qu'avec l'accord du directeur de l'établissement. Cette fouille ne doit pas faire obstacle au bon déroulement des soins.

Pendant leur hospitalisation, les personnes continuent d'exécuter leur peine ou leur détention provisoire. Elles demeurent soumises au régime disciplinaire des établissements pénitentiaires lorsqu'elles se trouvent sous la surveillance exclusive du personnel pénitentiaire. Aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée plus d'un mois après les faits ni pendant l'hospitalisation. Le personnel médical est informé de la volonté d'engager des poursuites disciplinaires.

Les personnes hospitalisées peuvent  recevoir des visites et de la correspondance dans les conditions fixées par le code de procédure pénale.

Les articles R. 3214-21 à R. 3214-23 précisent les conditions de transport et d'escorte des personnes détenues hospitalisées. Le transport de la personne de l'établissement pénitentiaire à l'unité spécialement aménagée, incombe, avec son consentement, à l'administration pénitentiaire, ou, sans son consentement, à l'unité spécialement aménagée. Le transport de l'unité spécialement aménagée à l'établissement pénitentiaire incombe dans tous les cas à l'administration pénitentiaire. Lorsque la personne est particulièrement signalée, il est fait appel aux forces de police. Les déplacements entre l'unité spécialement aménagée et un autre établissement de santé pour des raisons somatiques incombent à l'établissement de santé.

La loi est donc désormais entièrement mise en application.

• LOI N° 2007-711 DU 19/02/2007 INSTITUANT LA FIDUCIE

Issue d'une proposition de loi d'origine sénatoriale, la loi n° 2007-711 a introduit en droit français le mécanisme juridique de la fiducie, qui permet, à des fins de gestion, de garantie ou de transmission à titre onéreux, de confier temporairement à une personne (le fiduciaire) la propriété de biens appartenant à une autre personne (le constituant), au bénéfice d'une troisième personne (le bénéficiaire).

Bien que la loi soit entrée en vigueur dans les conditions de droit commun, c'est-à-dire le lendemain de sa publication, le 22 février 2007, elle nécessitait l'intervention de deux décrets pour être pleinement applicable.

Un premier décret, décret simple, mentionné à l'article 6 de la loi (article 223 VH du code général des impôts) et relatif à la déclaration d'existence de la fiducie, a été pris dans des délais très rapides. Il a été publié dans les trois mois de la publication de la loi ( décret n° 2007-725 du 7 mai 2007 , paru au Journal officiel du 8 mai 2007).

En revanche, la parution de l'autre décret prévu par le texte, décret en Conseil d'État, mentionné à l'article 1 er (article 2020 du code civil) et relatif à la création d'un registre national des fiducies , a été attendue longuement. En instituant ce registre, le législateur souhaitait créer un instrument recensant les contrats de fiducie qui ne serait accessible qu'à l'administration fiscale, aux juridictions ainsi qu'aux services chargés de la lutte contre le blanchiment de capitaux. Il a été suggéré au cours des travaux parlementaires que les services fiscaux, par ailleurs chargés de l'enregistrement des contrats de fiducie, alimentent eux-mêmes, au fur et à mesure, ce registre. Alors que le champ d'application de la fiducie a été significativement élargi par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, l'absence de ce décret était nuisible à la pleine réalisation de la volonté du législateur d'assurer une réelle transparence des fiducies et de lutter contre l'évasion fiscale, pour laquelle les fiducies dont les constituants ou bénéficiaires ne sont pas connus peuvent constituer des instruments de premier choix.

Paru au Journal officiel du 4 mars 2010, soit plus de trois ans après la loi elle-même, le décret n° 2010-219 du 2 mars 2010 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Registre national des fiducies », après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 17 septembre 2009, institue enfin ce registre destiné à « centraliser les informations relatives aux contrats de fiducie nécessaires pour faciliter les contrôles permettant la lutte contre l'évasion fiscale, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ».

Comportant tous les éléments d'identification du constituant, du fiduciaire et du bénéficiaire, qu'il s'agisse de personnes physiques ou, depuis la réforme de 2008, morales, le registre conserve les informations dix ans après l'extinction du contrat de fiducie. Sont autorisés à accéder aux informations figurant dans ce registre les agents habilités de la direction générale des finances publiques, chargés de son alimentation, ainsi que les juges d'instruction, procureurs de la République, officiers de police judiciaire et agents des douanes, du service TRACFIN et du fisc. Il convient, en outre, de noter que le droit d'opposition attribué aux personnes concernées par un traitement de données à caractère personnel, par l'article 38 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, n'est pas applicable, à juste raison.

Si le grand retard pris dans l'élaboration et la publication de ce décret reste à déplorer, force est de constater qu'il respecte dans son contenu la volonté du législateur.

Par conséquent, la loi n° 2007-711 du 19 février 2007 instituant la fiducie est pleinement mise en application depuis le 5 mars 2010.

• LOI N° 2007-1544 DU 29/10/2007 DE LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON

La loi de lutte contre la contrefaçon est désormais pleinement mise en application.

Les deux derniers décrets (n° 2009-1204 et n° 2009-1205 95 ( * ) ) ont été pris le 9 octobre 2009 . Ils portent sur la spécialisation des juridictions en matière de propriété intellectuelle (articles 3, 23 et 31 de la loi).

Rappelons qu'à l'initiative du Sénat, la loi a, d'une part, transféré la compétence en matière de propriété intellectuelle des tribunaux de commerce vers les tribunaux de grande instance (TGI), et d'autre part, renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de spécialiser certains d'entre eux, étant précisé que le rapport de première lecture de M. Laurent Béteille 96 ( * ) appelait de ses voeux une spécialisation par décret d'un nombre aussi réduit que possible de TGI.

Il s'agissait de poursuivre le mouvement de concentration des compétences en matière de propriété intellectuelle. Non seulement cette spécialisation améliore le fonctionnement de l'institution judiciaire, mais elle est, surtout, un élément essentiel du rayonnement du droit français dans le monde et de l'attractivité juridique du territoire français.

Si l'on ne peut que regretter la publication tardive des décrets, intervenue près de deux ans après la promulgation de la loi, leur contenu est, en revanche, très satisfaisant et va même plus loin que les préconisations -pourtant ambitieuses- du rapport « Guinchard » 97 ( * ) sur la répartition du contentieux.

Ces décrets prévoient :

- une juridiction unique , à Paris, pour le contentieux des brevets d'invention, des produits semi-conducteurs et des obtentions végétales ;

- neuf TGI compétents pour le contentieux des marques, dessins et modèles, indications géographiques et celui de la propriété littéraire et artistique.

Le siège et le ressort de ces TGI sont désormais fixés comme suit dans le code de la propriété intellectuelle (tableau VI figurant en annexe de ce code) :

1. Bordeaux : ressort des cours d'appel d'Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse

2. Lille : ressort des cours d'appel d'Amiens, Douai, Reims et Rouen

3. Lyon : ressort des cours d'appel de Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom

4. Marseille : ressort des cours d'appel d'Aix-en-Provence, Bastia, Montpellier et Nîmes

5. Nanterre : ressort de la cour d'appel de Versailles

6. Nancy : ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy

7. Paris : ressort des cours d'appel de Bourges, Paris, Orléans, Nouméa, Papeete, Saint-Denis et des tribunaux supérieurs d'appel de Mamoudzou et Saint-Pierre

8. Rennes : ressort des cours d'appel d'Angers, Caen, Poitiers et Rennes

9. Fort-de-France : ressort des cours d'appel de Basse-Terre et Fort-de-France

Le tableau ci-dessous présente la spécialisation des juridictions issue de la réforme législative et réglementaire :

Juridictions compétentes en matière de marques, dessins et modèles, indications géographiques et de propriété littéraire et artistique

Juridictions compétentes en matière de brevets d'invention et de produits semi-conducteurs

Avant la réforme

- toutes les juridictions d'instance (TI et TGI)

- tous les tribunaux de commerce

7

Après la réforme

seuls 9 TGI

seul le TGI de Paris

Pour mémoire, ces 2 décrets s'ajoutent aux 4 précédents pris en 2008-2009 :

- le décret en Conseil d'État n° 2008-522 du 2 juin 2008 portant refonte de la partie réglementaire du code de l'organisation judiciaire, qui précise le tribunal compétent en matière de dessins et modèles communautaires , à savoir le tribunal de grande instance de Paris ;

- les décrets en Conseil d'État n° 2008-624 et n° 2008-625 du 27 juin 2008 qui ont respectivement pour objet de fixer les délais pour saisir les juridictions du fond à la suite de mesures probatoires et d'encadrer la procédure de retenue douanière, tant en matière de dessins et modèles qu'en matière de marques ;

- le décret en Conseil d'État n° 2009-511 du 5 mai 2009 relatif à la vente des biens meubles saisis au cours des enquêtes.

Enfin, signalons que la commission des lois a décidé de créer en son sein, le 14 octobre 2009, une mission d'information sur l'évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, qui va au-delà de son application réglementaire.

Ont été désignés deux co-rapporteurs issus de la majorité et de l'opposition, respectivement M. Laurent Béteille et M. Richard Yung qui devraient rendre leurs conclusions à la fin de l'année 2010.

• LOI N° 2007-1631 DU 20/11/2007 RELATIVE À LA MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION, À L'INTÉGRATION ET À L'ASILE

Cette loi est issue d'un projet de loi adopté à la suite d'un accord en commission mixte paritaire après déclaration d'urgence.

Elle comporte 65 articles. Huit dispositions, parmi les plus importantes, requièrent des mesures d'application.

Certaines mesures d'application qui n'avaient pas été prises au 30 septembre 2009, ne le sont toujours pas au 30 septembre 2010.

Ainsi, le rapport du Gouvernement, prévu à l'article 57 sur l'adaptation du régime d'entrée et de séjour à Saint-Pierre-et-Miquelon des ressortissants canadiens, n'a pas encore été remis au Parlement.

Par ailleurs, l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis-et-Futuna, à Mayotte, à Saint Barthélémy et à Saint-Martin n'a pas été utilisée dans les délais fixés par la loi du 20 novembre 2007. L'article 58 disposait en effet que l'ordonnance devait être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de cette loi. Néanmoins, cette ordonnance peut toujours être prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution qui habilite de manière permanente le Gouvernement à prendre de telles ordonnances d'extension dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de nature législative en vigueur en métropole et demeurant de la compétence de l'État. Cette faculté a été utilisée uniquement pour adapter certaines mesures de la loi à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy (ordonnance n°2009-536 du 14 mai 2009, ratifiée par la loi n° 2009-970 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances) .

Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas pris l'ordonnance prévue à l'article 59 de la loi, qui habilite le gouvernement à procéder par ordonnance à l'adoption de la partie législative du CESEDA dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. L'ordonnance devait être prise au plus tard le 31 décembre 2008. En revanche, le projet de loi relatif à l'immigration , à l'intégration et à la nationalité, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, comporte dans son titre VI des mesures d'adaptation du CESEDA aux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, notamment en ce qui concerne les recours juridictionnels contre les décisions d'éloignement.

Enfin, rappelons que l'article 13 de la loi relatif aux tests ADN dans le cadre des demandes de regroupement familial demeure non mise en application et devrait le rester : en septembre 2009, M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, a déclaré qu'il renonçait à signer le projet de décret jugeant ne pas être « en mesure, dans les délais impartis par la loi, le 31 décembre 2009, de respecter l'esprit et la lettre de la loi ».

• LOI N° 2008-644 DU 01/07/2008 CRÉANT DE NOUVEAUX DROITS POUR LES VICTIMES ET AMÉLIORANT L'EXÉCUTION DES PEINES

Les dispositions de cette loi créant sont d' application directe .

Néanmoins, son article 2 renvoie à un arrêté, pris par le ministre chargé des assurances, la détermination de la pénalité -qui est appliquée au condamné par le fonds de garantie lorsque ce dernier recouvre les sommes qu'il a versées à la victime. Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 28 novembre 2008 relatif à l'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions, assuré par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, cette pénalité est fixée à 30 % des dommages et intérêts et des sommes allouées à la victime.

Par ailleurs, un décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 relatif au recouvrement des amendes forfaitaires et à certains frais de justice criminelle et assimilés, non prévu par la loi, reprend pour l'essentiel les dispositions de l'article 11 qui prévoit une baisse de 20 % du montant du droit fixe de procédure ou de l'amende lorsque le condamné s'acquitte du paiement dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle le jugement a été prononcé.


* 95 Le premier décret, n° 2009-1204, est un décret en Conseil d'État et le second, n° 2009-1205, est un décret simple.

* 96 Rapport n° 420 (2006-2007) de M. Laurent BÉTEILLE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 26 juillet 2007 : http://www.senat.fr/rap/l06-420/l06-420.html

* 97 Rapport du groupe de travail, présidé par le recteur Serge Guinchard, sur une nouvelle répartition des contentieux. Rapport rendu public le 30 juin 2008.

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