EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IV
-
DU DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE
ET DES IDENTITÉS
OUTRE-MER
Article 17
Création d'un IUFM en Guyane
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Rédigé en des termes accessibles aux seuls initiés, cet
article tend à compléter le premier alinéa de
l'article 17 de la loi d'orientation sur l'éducation du 10
juillet 1989 afin de permettre la création d'un IUFM en Guyane.
En effet, la loi d'orientation pose le principe du rattachement des IUFM
créés dans chacune des académies à une ou plusieurs
universités de l'académie.
Or, si le département de la Guyane est doté d'une académie
et d'un recteur, il ne possède pas d'université de plein exercice
et ne dispose actuellement que d'une antenne locale de l'IUFM des
Antilles-Guyane, dont le siège se trouve en Guadeloupe.
Comme il a été vu, le plan de rattrapage scolaire engagé
à la suite des graves manifestations lycéennes de novembre 1996
avait prévu la création d'une académie en Guyane.
Le décret du 26 décembre 1996 a ainsi permis de
créer, à compter du 1
er
janvier 1997, des
académies en Martinique, à la Guadeloupe et en Guyane, lesquelles
se sont substituées à l'ancienne académie des Antilles et
de la Guyane dont le siège était situé à la
Martinique, à 2 000 km de Cayenne.
Il convient d'ailleurs de rappeler que la gestion des personnels de
l'éducation était dans le passé encore plus lointaine et
relevait, avant d'être assurée par la Martinique, de
l'académie de Bordeaux.
Le décret précité confère également au
recteur de chacune de ces trois nouvelles académies les fonctions de
directeur des services départementaux de l'éducation nationale
qui sont exercées en métropole par un inspecteur
d'académie.
Ce nouveau dispositif institutionnel n'emportait aucune conséquence sur
l'existence ou le fonctionnement de l'IUFM des Antilles et de la Guyane, ni
pour l'université des Antilles-Guyane.
Au cours de l'année 1998-1999, l'IUFM des Antilles a accueilli
738 étudiants en formation, dont 568 professeurs des écoles,
tandis que le seul " pseudopode " de l'IUFM de Guyane, tel que le
qualifie M. Christian Duverger, recteur de l'académie, dispensait
une formation des maîtres à 183 élèves, dont
178 professeurs des écoles.
Ces effectifs doivent être rapportés au nombre des
étudiants inscrits à l'Institut d'études
supérieures de la Guyane, qui s'élevait à 547 en 1999, les
autres formations post-baccalauréat étant limitées
à quatre sections de techniciens supérieurs accueillant
120 élèves et à un IUT implanté à
Kourou recevant 78 étudiants, dont seulement un tiers de
Guyanais ; les candidats aux classes préparatoires aux grandes
écoles sont, pour leur part, condamnés à l'exil en
métropole.
Si le nombre des étudiants suivant une formation à l'antenne de
l'IUFM de Guyane a légèrement progressé depuis deux ans,
il reste que la presque totalité des places au sein de cette antenne
sont occupées par des non Guyanais (85 %), en l'espèce par
des étudiants antillais.
Comme le souligne le rapport d'information de MM. Yves Durand et Jacques
Guyard, sur l'enseignement scolaire en Guyane
4(
*
)
, la pérennité de
l'antenne de l'IUFM de Guyane est menacée par le recrutement
d'étudiants venus pour l'essentiel des Antilles et qui aspirent à
y retourner ; les auteurs préconisaient ainsi de détacher
cette structure des Antilles et la mise en place d'une filière de
formation de professeurs guyanais.
Compte tenu de la très forte croissance démographique guyanaise
(50 000 élèves pour une population estimée à
70 000 habitants, avec une augmentation de la population scolaire de plus
de 5 000 élèves entre 1996 et 1998), de la forte
natalité et d'une immigration massive et incontrôlée, le
système éducatif guyanais rencontre des difficultés toutes
particulières, notamment pour la formation des enseignants.
La création d'un IUFM de plein exercice en Guyane, outre qu'elle
s'inscrit dans la logique de la mise en place d'une académie et d'un
rectorat, traduit ainsi la priorité qui devrait être donnée
au recrutement et à la formation de maîtres guyanais.
La dérogation au principe de rattachement d'un IUFM à une
université de l'académie, tel qu'il résulte de l'article
17 de la loi d'orientation de 1989 apparaît donc particulièrement
fondée.
II. Le texte adopté par l'Assemblée Nationale
L'Assemblée nationale a adopté l'article 17 du projet de loi sans
modification après avoir repoussé, à la demande du
gouvernement, deux amendements ayant le même objet et tendant à
subordonner la création d'un IUFM en Guyane à la création
d'une université dans un délai de deux ans.
III. Position de la commission
Tout en souscrivant au principe de la création d'un IUFM de plein
exercice en Guyane et à une " guyanisation " des enseignants,
notamment dans le premier degré, mais aussi dans les collèges et
les lycées, votre commission tient à souligner qu'une plus grande
stabilité des enseignants dans le département suppose aussi une
formation en IUFM adaptée aux difficultés qu'ils auront à
rencontrer et qui ont été rappelées
précédemment.
Il n'est en effet plus question d'envoyer des maîtres ayant une formation
au rabais sur des postes extrêmement difficiles et leur formation devra
leur permettre de prendre en compte toutes les dimensions, notamment
linguistiques et ethniques des populations à scolariser.
Il reste que cet effort de formation sera voué à l'échec
s'il n'est pas accompagné de conditions matérielles
décentes pour ces enseignants, tant en terme de logement que
d'incitations financières.
Enfin, la Guyane, compte tenu de l'attraction qu'elle exerce au-delà de
frontières toutes théoriques, n'a pas vocation à devenir
le lieu d'accueil et de scolarisation obligée de toutes les populations
des Etats voisins.
Etant rappelé que la communauté surinamienne est estimée
à 10 000 personnes, notamment dans la région du Maroni, et
que la communauté brésilienne en Guyane est évaluée
à 20 000 personnes, il importe de développer une
coopération avec les Etats frontaliers qui a déjà
été engagée au travers de la création d'un
secrétariat permanent de la coopération avec le Surinam, et par
un accord de coopération régionale, avec l'Amapa, qui est l'Etat
fédéré du Brésil frontalier avec la Guyane.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande
d'adopter cet article sans modification.
Article 18
Reconnaissance des langues
régionales
des départements d'outre-mer
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Dans son texte initial, cet article disposait que
" les langues
régionales en usage dans les départements d'outre-mer font partie
du patrimoine linguistique de la nation. Elles bénéficient du
renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d'en
faciliter l'usage
. "
1. L'importance des langues régionales des départements
d'outre-mer
Comme le rappelle le rapport de M. Bernard Poignant
5(
*
)
, remis au Premier ministre le
1
er
juillet 1998, les créoles sont les langues
maternelles les plus répandues sur le territoire de la République.
En usage dans les départements de la Guyane, de la Guadeloupe, de la
Martinique et de la Réunion, ces langues régionales seraient
couramment utilisées par environ un million de locuteurs
créolophones.
En Guyane, si plus de 50 % de la population étrangère est
francophone, et si 15 langues étrangères sont
pratiquées, la population d'origine créole représente
encore 40 % de la population totale.
Outre le français, langue officielle, on y pratique :
- le
créole guyanais
, qui possède une base lexicale
française comme les créoles des Antilles et de la
Réunion ;
- les six langues amérindiennes relevant de trois ensembles
linguistiques sud-américains : le
galibi (
ou
kalina)
et le
wayana
de la famille caribe, le
palikur
et le
lokono
de la famille arawak, le
wayampi
et
l'émérillon
de la famille
tupi-guarani
;
- les quatre
créoles bushinenge
(parlés par les noirs
marrons) dont trois,
l'aluku
(ou
boni)
, le
ndjuka
et le
paramaca
sont d'origine anglophone et très proches sur le plan
linguistique, tandis que le
saramaca
s'en distingue par son origine
anglo-lusitanienne
;
- des langues d'Asie, essentiellement le
chinois
et le
hmong,
l'usage de cette dernière langue s'étant développé
depuis une vingtaine d'années dans deux villages quasi
mono-ethniques en se rapprochant des langues amérindiennes ;
- des langues des nouveaux migrants :
portugais, brésilien,
créole
haïtien, sranan tongo
ou
créole
surinamien
.
A la Réunion, 95 % des enfants seraient créolophones, et
pratiquent deux créoles très différents, celui des
Hauts et celui des Bas.
En dépit de l'importance de ces langues régionales, leur statut
n'est pas encore consacré comme l'a été celui des langues
régionales métropolitaines et des territoires outre-mer.
2. Un statut mineur par rapport aux langues régionales de la
métropole et des territoires d'outre-mer
La loi dite Deixonne du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement
des langues et dialectes locaux reconnaît par langues régionales
des langues de culture de la République autres que le français,
le qualificatif " régional " les distinguant des langues
vivantes étrangères.
Son article 10 ne retient que les zones d'influence du breton, du basque, du
catalan et de la langue occitane.
S'agissant de l'alsacien-mosellan, celui-ci comporte des variétés
linguistiques en usage dans les académies de Strasbourg et de
Nancy-Metz : l'alémanique et le francique ; la forme
écrite retenue pour l'enseignement est l'allemand et l'alsacien, en tant
que dialecte germanique spécifique, fait l'objet d'une mention au CAPES
d'allemand.
Le champ d'application de la loi de 1951 a été étendu
à la zone d'influence du corse par le décret du
16 janvier 1974 et à celle du tahitien par le décret du
12 mai 1981.
Il a été élargi à la Nouvelle-Calédonie pour
la zone d'influence des langues mélanésiennes : le
décret du 20 octobre 1992 consacre ainsi l'usage de
l'
ajië
, du
drehu
, du
neugone
et du
paicî.
Des circulaires du 21 juin 1982 du 30 décembre 1983 et du
7 avril 1995 précisent les modalités de l'enseignement
des langues et cultures régionales dans le service public de
l'éducation nationale, cet enseignement bénéficiant d'un
véritable statut et étant fondé sur le volontariat des
élèves et des enseignants dans le respect de la cohérence
du service public pour chaque niveau d'enseignement.
En dépit de l'extension de la loi Deixonne, les langues
régionales des DOM restent donc à l'écart du dispositif de
droit commun appliqué à la métropole et aux TOM et le
statut des créoles n'est pas consacré par la loi.
Certes, un enseignement de créole est dispensé dans certaines
écoles de Martinique sous la forme d'une initiation, ainsi que dans
quelques lycées et une option créole peut être
présentée au baccalauréat, mais sans fondement juridique.
La promotion de l'usage des langues régionales d'outre-mer s'inscrit par
ailleurs dans l'engagement pris par la France, lors de la signature de la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le
7 mai 1999, de mettre en oeuvre 39 des 98 mesures
concrètes prévues par cette Charte, lesquelles entrent dans le
cadre de la loi de 1951.
Si cette charte ne peut pour l'instant être ratifiée, faute de
révision préalable de la Constitution, le Premier ministre a
cependant confirmé un tel engagement le 16 novembre 1999
devant le Conseil supérieur de la langue française.
3. La nécessité d'une reconnaissance
Comme le souligne le rapport de mission précité de MM.
Claude Lise et Michel Tamaya, remis au Premier ministre en juin 1999,
la reconnaissance des identités des DOM, et notamment des Antilles et de
la Guyane, est étroitement liée à la valorisation de
l'enseignement de la langue créole à l'école.
Un enseignement prenant mieux en compte la langue créole dès les
plus petites classes a été réclamé, notamment par
leurs interlocuteurs des conseils de la culture, de l'éducation et de
l'environnement, qui sont des instances spécifiques dépendant des
conseils régionaux des départements d'outre-mer.
Un tel enseignement permettrait ainsi aux jeunes enfants en âge
d'être scolarisés, ne parlant parfois que le créole, de
mieux s'intégrer au système scolaire.
Ce souci rejoint les préoccupations de linguistes éminents, comme
le professeur Hagège, qui estiment depuis longtemps que la
maîtrise d'une langue régionale est un atout pour l'apprentissage
des autres langues ; le rapprochement de deux mondes qui ne se rencontrent
qu'accidentellement, celui de l'école et de la maison, permettrait de
lutter plus efficacement contre les échecs scolaires et de
remédier au mutisme des enfants dans les classes.
Les parlementaires en mission ont ainsi proposé un plan de
développement des cultures locales et de la langue créole
associant les collectivités locales des DOM, un accès
privilégié aux langues de l'environnement régional dans
l'enseignement, l'usage des créoles dans le premier degré,
un recrutement particulier des maîtres destiné aux seuls
créolophones, la création d'un CAPES de créole,
l'élargissement aux créoles de la loi de 1951 et la formation des
enseignants des IUFM à l'enseignement d'une langue créole.
II. Le texte voté par l'Assemblée Nationale
Sur proposition de sa commission, et avec l'accord du gouvernement,
l'Assemblée nationale a complété l'article 18 du
projet de loi en précisant que la loi du 11 janvier 1951, relative
à l'enseignement des langues et dialectes locaux est applicable aux
langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer.
Elle a en revanche repoussé un amendement visant à
reconnaître l'usage du créole dans les relations publiques, ainsi
qu'un amendement tendant à actualiser les dispositions obsolètes
de la loi Deixonne.
III. Position de la commission
La commission estime qu'il est légitime d'accorder, un demi
siècle après la loi de 1951, leur juste place aux langues
régionales des départements d'outre-mer dans le service public de
l'éducation nationale, en les alignant sur le droit commun de la
métropole et des territoires de la Polynésie française et
de la Nouvelle Calédonie.
Elle observe cependant que la loi Deixonne, qui a été
promulguée sous le septennat du Président Vincent Auriol,
comporte de nombreuses dispositions désuètes -on y fait
référence aux " élèves-maîtres ",
aux " écoles normales ", au folklore régional...- et
aurait besoin d'un toilettage qui est susceptible d'être effectué
dans le cadre du Code de l'éducation.
Si elle estime que le développement de l'enseignement des langues
régionales est en effet de nature à mieux permettre aux jeunes
élèves de s'intégrer dans le système scolaire et
à réduire l'échec scolaire, elle considère
cependant que cet usage ne doit pas se réaliser au détriment de
l'apprentissage et de la maîtrise de la langue française, qui
reste la langue officielle de la République, et encourager un repliement
identitaire qui serait préjudiciable à l'unité de la
nation, au développement économique de nos départements
d'outre-mer, et à la politique de la francophonie.
Elle tient ensuite à rappeler que cet enseignement devra rester
fondé sur le principe du volontariat, qui est expressément
prévu dans la loi de 1951 et qu'il convient aussi de prendre en compte
la situation des enseignants et des élèves d'origine
métropolitaine qui sont nombreux dans nos départements
d'outre-mer.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande
d'adopter cet article sans modification.
Article 18 bis (nouveau)
Adaptation des
programmes
scolaires
I.
Le texte voté par l'Assemblée nationale
Sur proposition de M. Camille Darsières, député de la
Martinique, dont l'amendement a reçu un avis favorable de la commission,
l'Assemblée nationale a adopté après l'article 18,
contre l'avis du gouvernement, un article nouveau tendant à créer
dans chaque région de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la
Réunion, une commission qui aurait pour mission d'adapter les programmes
scolaires et les méthodes pédagogiques aux
spécificités propres aux zones géographiques, culturelles
et économiques des départements d'outre-mer.
Cette commission comprendrait des représentants de l'Etat, des syndicats
d'enseignants, de l'université, des fédérations de parents
d'élèves et des collectivités en charge de la construction
des écoles primaires et des établissements d'enseignement
secondaire.
Le gouvernement s'est opposé à cet amendement en rappelant que
des instructions de l'éducation nationale, publiées en
février dernier, permettaient déjà d'adapter les
programmes scolaires, notamment en histoire et en géographie, aux
spécificités des départements d'outre-mer.
La note de service n° 2000-024 du 16 février 2000
prévoit par exemple aux Antilles et en Guyane, en classe de
cinquième, de développer en histoire la découverte du
nouveau monde et d'étudier les empires amérindiens et
l'installation des empires coloniaux, tandis qu'à la Réunion
seront évoquées la diffusion de l'islam dans l'Océan
Indien et la découverte des Mascareignes.
En classe de quatrième, le programme d'histoire prévoit des
développements sur les îles à sucre et la traite au XVIIIe
siècle, une évocation de la Révolution française et
de l'Empire aux Antilles et en Guyane, ainsi qu'une étude de
l'économie et de la société coloniales insistant sur
l'esclavage et son abolition ; pour la Réunion, on évoquera
l'Ile Bourbon au temps de la monarchie au cours des XVIIe et XVIIIe
siècles et on étudiera l'impact de la Révolution et de
l'Empire aux Mascareignes.
Par ailleurs, la note de service n° 2000-025 du 16 février
dernier demande aux professeurs d'histoire de quatrième dans l'ensemble
des collèges de présenter brièvement, dans le cadre des
programmes nationaux l'exploitation des îles à sucre en insistant
sur la traite, l'esclavage et les révoltes qui ont
précédé son abolition définitive.
En géographie, lors de l'étude des régions
françaises, il sera demandé aux professeurs des classes de
quatrième et de première générale et technologique,
d'exposer la situation de la Réunion dans l'Océan Indien, celle
des Antilles et de la Guyane dans l'espace américain caraïbe.
Ces deux instructions sont applicables à compter de l'année
scolaire 2000-2001.
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer s'est opposé à
l'amendement proposé en rappelant qu'il existe déjà dans
chaque région et département d'outre-mer, en vertu du
décret du 28 novembre 1985, un conseil de l'éducation nationale
constitué des représentants des parents d'élèves,
des enseignants, de l'université, de l'Etat, des conseillers
régionaux et généraux, des maires : celui-ci peut
formuler des voeux et des avis sur toute question relative à
l'organisation et au fonctionnement du service public de l'éducation
nationale dans le département.
Il a donc estimé que ce conseil représentatif pouvait avoir
vocation à proposer des adaptations aux programmes scolaires en fonction
des réalités régionales et s'est opposé à la
création d'une nouvelle structure. En vain.
II. Position de la Commission
Votre commission est évidemment favorable au principe d'une adaptation
raisonnable des programmes scolaires nationaux aux spécificités
de chaque département d'outre-mer, cette adaptation participant à
l'évidence à la reconnaissance de son identité historique,
sociale, économique et géographique.
Elle estime à cet égard que les aménagements
autorisés par les deux textes précités permettent d'ores
et déjà de prendre largement en compte ces
spécificités.
Faut-il aller plus loin au risque de porter atteinte, via la création
d'une commission spécifique dotée d'une véritable mission
d'adaptation, au caractère national des programmes et à leur mode
d'élaboration, qui assurent en fait une égalité de chances
pour tous les élèves de la République dans la construction
de leur parcours scolaire, universitaire et professionnel ?
Votre commission tient à rappeler que l'article 4 de la loi
d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 précise que
"
la scolarité est organisée en cycles pour lesquels sont
définis des objectifs et des programmes nationaux de
formation... "
.
Son article 5 stipule que les programmes "
constituent le cadre
national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en
prenant en compte les rythmes d'apprentissage de chaque
élève
".
Son article 6 dispose qu'"
un conseil national des programmes donne des
avis et adresse des propositions au ministre de l'éducation nationale
sur la conception générale des enseignements, les grands
objectifs à atteindre, l'adéquation des programmes et des champs
disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au
développement des connaissances
".
Votre commission estime donc que l'article 18 bis introduit par
l'Assemblée nationale est de nature à porter atteinte au
caractère et au processus d'élaboration de nos programmes
scolaires nationaux.
Elle considère cependant que les spécificités des DOM
peuvent être prises en compte au-delà des seuls
aménagements non négligeables déjà autorisés.
Plutôt que de créer une nouvelle structure, elle proposera que le
conseil de l'éducation nationale, existant dans les départements
et les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la
Réunion, ait la faculté de rendre tout avis sur les programmes
des enseignements dispensés dans les écoles, collèges et
lycées, implantés dans ces départements et régions
et puisse émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci
aux spécificités locales.
Elle vous demande d'adopter cet article dans cette nouvelle
rédaction.
Article 19
Réduction des écarts
de
prix entre la métropole et les départements d'outre-mer en
matière de biens culturels
I.
Texte du projet de loi
MM. Lise et Tamaya dans leur rapport au Premier ministre proposaient
" une contribution de l'Etat pour aligner le prix du livre sur le
niveau de la métropole, et diminuer les tarifs de la presse
écrite et du disque, avec un appui particulier vers les ouvrages pour la
jeunesse ".
Le projet de loi ne répond que partiellement à cette
préoccupation.
En effet, au-delà de la disposition figurant au paragraphe I, de
portée normative incertaine, qui fixe en termes très
généraux un objectif de réduction des écarts de
prix entre la métropole et l'outre-mer pour les biens culturels, cet
article a pour seul objet de prévoir l'application, à compter du
1
er
janvier 2002 dans les départements d'outre-mer,
de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix
du livre -dite " loi Lang ".
En effet, si le paragraphe I reprend l'objectif de réduction des
écarts de prix en matière culturelle entre la métropole et
les départements d'outre-mer, il prévoit des mesures dont les
modalités ne sont pas précisées -sauf qu'elles auront un
caractère progressif-, et dont le financement incombe non pas seulement
à l'Etat, comme le prévoyait le rapport de MM. Lise et
Tamaya, mais également aux collectivités territoriales.
Jusqu'à présent, par dérogation au principe de
l'assimilation législative qui veut que le régime
législatif des départements d'outre-mer soit le même que
celui des départements métropolitains, l'article 10 de la
loi de 1981 prévoyait des modalités particulières
d'application pour ces départements "
compte tenu des
sujétions dues à (leur) éloignement
".
Le décret n° 83-5 du 5 janvier 1983
6(
*
)
a précisé que les
coefficients de majoration applicables aux prix de vente des livres au public
dans les départements d'outre-mer sont fixés par
arrêtés préfectoraux.
Ces coefficients sont les suivants :
- pour la Guadeloupe et la Martinique : 1,17
- pour la Guyane : le coefficient va de 1,135 pour les livres scolaires
à 1,3 pour les livres transportés par avion, en passant par 1,19
pour les livres acheminés par bateau.
- et pour la Réunion : 1,22.
Cette harmonisation du prix du livre constitue à l'évidence un
progrès pour " rapprocher " en matière culturelle la
métropole et les départements d'outre-mer, même si on
pourrait être tenté d'en relativiser l'importance à l'heure
du commerce électronique.
Cependant, cette disposition, aussi légitime soit-elle dans son
principe, nécessite la mise en place d'un mécanisme de
compensation dans la mesure où les majorations pratiquées
actuellement ont pour objet de compenser les " sujétions
d'éloignement " qui recouvrent à l'évidence les
coûts de transports -en constante augmentation- mais, au-delà, les
spécificités des circuits de distribution et les
difficultés de gestion des stocks auxquelles sont confrontés
outre-mer les libraires (conditions de stockage, coût des retours
d'ouvrages vers les maisons d'édition par exemple).
Le coût de l'application de la loi de 1981 dans les départements
d'outre-mer n'a pas pour l'heure fait l'objet d'évaluation. Afin
d'apprécier les conséquences de cette disposition et d'estimer le
montant de la compensation financière nécessaire, les ministres
de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'équipement,
des transports et du logement, de la culture et de la communication et de
l'outre-mer ont mandaté une mission confiée à un
inspecteur des finances, dont les résultats devraient être connus
d'ici la fin de l'année.
Votre rapporteur ne peut que souligner l'importance de la compensation de
l'alignement du prix du livre sur la métropole, qui correspond à
un objectif culturel mais également économique. Il importe que la
mesure prévue par le projet de loi ne compromette pas l'existence d'une
offre de lecture diversifiée et indépendante, risque qui n'est
pas à exclure sur des marchés de taille restreinte
déjà caractérisés par une forte concentration des
distributeurs.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur,
à la différence de ce que prévoit le paragraphe I de
cet article pour les autres biens culturels, le financement de la
réduction des écarts de prix devrait incomber à l'Etat. On
rappellera qu'actuellement, l'Etat verse d'ores et déjà une
subvention pour l'aide au transport des livres, de l'ordre de 2 millions de
francs, à la Centrale d'édition, groupement
d'intérêt économique qui sert d'intermédiaire entre
les éditeurs et les libraires d'outre-mer.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a étendu le champ du paragraphe I de
cet article sans pour autant en préciser le contenu.
Outre un amendement de précision rédactionnelle, elle a en effet
inclus dans les biens visés par le paragraphe I les "
biens
éducatifs et
scolaires
", catégorie dont la
définition n'est pas aisée à établir et qui, en
tout état de cause, recouvre des biens très variés (y
compris des biens d'équipement).
Si l'objectif poursuivi est louable, la mise en oeuvre de telles mesures
s'avérera délicate dans la mesure où, à la
différence du livre, les prix sont libres et où les écarts
constatés entre la métropole et les départements
d'outre-mer tiennent non seulement au coût des transports mais
également, dans des proportions variables, aux
spécificités des circuits de la distribution et aux conditions
d'exploitation particulières imposées par l'éloignement
géographique.
III. Position de la commission
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
Article 20
Compensation de la non-application
de la
taxe spéciale
sur le prix des places de spectacles
cinématographiques dans
les départements d'outre-mer pour les
entreprises de production
qui y sont établies
I.
Texte du projet de loi
Cet article répond à une préoccupation exprimée
à maintes reprises par les producteurs de films établis dans les
départements d'outre-mer.
Depuis l'extension du code de l'industrie cinématographique aux
départements d'outre-mer, opérée par l'article 65 de
la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993
7(
*
)
, ces entreprises
bénéficient dans les mêmes conditions que celles
implantées sur le territoire métropolitain du soutien financier
à la production cinématographique, qu'il s'agisse du soutien
automatique ou du soutien sélectif.
Cependant, l'application du régime d'aides au cinéma dans les
départements d'outre mer, qui n'est intervenue au demeurant que trop
tardivement, ne s'est pas pour autant accompagnée de l'abrogation du
dernier alinéa de l'article 1609 duovicies du code
général des impôts qui prévoit que la taxe
spéciale sur le prix des places de cinéma n'est pas perçu
dans ces mêmes départements. On rappellera que cette
exonération avait été prévue par la loi de finances
pour 1963.
En raison du maintien de cette spécificité, les entrées
dans les salles des cinémas d'outre-mer ne génèrent pas de
droits au soutien automatique.
Le soutien automatique qui représente la part la plus importante du
soutien financier au secteur du cinéma constitue une des
spécificités de l'intervention de l'Etat dans l'économie
du cinéma. Il a pour objet d'imposer à la profession un effort
d'épargne en instituant un prélèvement obligatoire sur les
recettes d'exploitation des films grâce à la taxe sur les places
de cinéma : le montant du soutien financier auquel peuvent
prétendre les producteurs mais également les distributeurs et les
exploitants est ensuite calculé en fonction du produit de cette taxe.
Afin de remédier aux inconvénients de cette
spécificité du régime juridique des départements
d'outre-mer, l'article 20 propose non pas d'étendre la taxe aux
départements d'outre-mer, solution qui ne semblait pas présenter
d'intérêt particulier pour la situation du cinéma en
outre-mer -en particulier pour le secteur de l'exploitation- mais de
créer un mécanisme destiné à compenser pour les
entreprises de production qui y sont établies l'absence de perception de
cette taxe.
Il faut souligner que cette compensation, dont les modalités seront
fixées par décret, ne concerne que le secteur de la production,
ceux de la distribution et de l'exploitation étant exclus de ce
mécanisme. Au sein du secteur de la production, il
bénéficie aux seules entreprises établies dans les
départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La portée de ce dispositif demeure cependant limitée : les
films produits par les entreprises établies dans les départements
d'outre-mer, peu nombreux au demeurant, réalisant l'essentiel de leurs
entrées en métropole, le soutien susceptible d'être
généré par les entrées outre-mer sera en tout
état de cause d'un faible montant.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article un amendement d'ordre
rédactionnel.
Article 21
Fonds destiné à promouvoir les échanges
éducatifs, culturels ou sportifs
des habitants des
départements d'outre-mer vers la métropole
I.
Texte du projet de loi
L'article 21 prévoit la création d'un fonds de promotion des
échanges éducatifs, culturels et sportifs entre les
départements d'outre-mer et la métropole.
Ce fonds permettra de diminuer les coûts de transport supportés
par les fédérations et clubs sportifs mais également les
associations de jeunesse et d'éducation populaire afin de permettre aux
habitants des départements d'outre-mer, et en particulier aux jeunes, de
participer à des manifestations sportives ou culturelles en
métropole ou encore à l'étranger.
Un dispositif comparable existe déjà, sous la forme associative,
à la Réunion. A la différence de ce dernier, qui
relève quasi exclusivement des collectivités territoriales et ne
bénéficie que d'un modeste soutien financier de l'Etat, le fonds
prévu par cet article sera mis en place et financé par
l'Etat ; cependant, il pourra également être alimenté
par des contributions des collectivités territoriales des
départements d'outre-mer ou du secteur privé.
Dans chaque département d'outre-mer, devrait être constitué
un groupement d'intérêt public qui définira les
critères d'intervention de ce fonds. Cette structure juridique
présente l'avantage de pouvoir associer de manière souple les
différentes collectivités publiques mais également les
partenaires privés qui souhaiteraient y participer.
Afin d'abonder ce fonds, des mesures nouvelles significatives devraient
être inscrites dès le projet de loi de finances pour 2001 au
budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Cependant, il convient de relever que l'article 40 du projet de loi
d'orientation a été complété afin d'étendre
à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon le
bénéfice de ce dispositif,
" sous réserve des
adaptations nécessaires qui sont précisées par
décret "
.
III. Position de la commission
Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'engagement de l'Etat dans
des actions qui revêtent une grande importance pour les habitants des
départements d'outre-mer en leur permettant de participer à la
vie culturelle et sportive de la Nation. Actuellement, ce type d'actions est
essentiellement à la charge des collectivités territoriales pour
lesquelles, compte tenu notamment du niveau très élevé des
tarifs aériens, elles représentent une lourde charge.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.