Projet de loi d'orientation pour l'outre-mer
REUX (Victor)
RAPPORT 394 (1999-2000) - commission des affaires culturelles
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Table des matières
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
I. LE CONSTAT : UN SYSTÈME SCOLAIRE EN RETARD
PAR RAPPORT À CELUI DE LA MÉTROPOLE
- A. LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DU SYSTÈME SCOLAIRE DES DOM
- B. LES CARACTÉRISTIQUES PARTICULIÈRES DE LA GUYANE EN MATIÈRE D'ÉDUCATION ET DE FORMATION
- C. LES PLANS DE RATTRAPAGE SCOLAIRE POUR L'OUTRE-MER
- D. LA RECONNAISSANCE DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES D'OUTRE-MER
- E. L'ADAPTATION DES PROGRAMMES SCOLAIRES AUX SPÉCIFICITÉS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER
- II. UN VOLET CULTUREL DÉCEVANT
-
I. LE CONSTAT : UN SYSTÈME SCOLAIRE EN RETARD
PAR RAPPORT À CELUI DE LA MÉTROPOLE
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
- AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
N°
394
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 juin 2000
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, d' orientation pour l'outre-mer ,
Par M.
Victor REUX,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.
Voir
les numéros :
Assemblée nationale (11
ème
législ.) :
2322
,
2355
,
2356
,
2359
et
T.A.
507
Sénat : 342
et
393
(1999-2000)
Outre-mer. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Votre commission a souhaité exprimer son avis sur le projet de loi
d'orientation sur l'outre-mer, qui comporte un titre IV consacré au
développement de la culture et des identités outre-mer.
Cette demande de saisine est justifiée moins par le contenu des cinq
articles du titre IV, qui relèvent à des degrés divers,
à l'exception de l'article 17, d'un droit que le Conseil d'Etat qualifie
justement de " gazeux ", que par la nécessité
évidente de mieux reconnaître les identités
régionales, notamment par la valorisation de la langue créole
à l'école et par un enseignement moins centralisé.
Certes, la modestie d'un tel dispositif peut s'expliquer par le souci du
gouvernement de ne pas modifier le cadre législatif actuel
régissant le développement culturel et l'organisation du
système d'enseignement et de ne pas bouleverser la répartition
actuelle des compétences.
Il reste que ces dispositions apparaissent sensiblement en retrait, notamment
dans le domaine de l'éducation, par rapport aux propositions
formulées dans le récent rapport de mission remis en juin 1999 au
Premier ministre par notre collègue Claude Lise, sénateur de la
Martinique, et M. Michel Tamaya, député de la
Réunion
1(
*
)
.
• S'agissant de l'adaptation de la
politique éducative
dans les DOM
, ce rapport proposait en effet :
- un plan de développement des cultures locales et de la langue
créole, en y associant très en amont les collectivités
locales ;
- un accès privilégié aux langues de l'environnement
régional dans l'enseignement ;
- une définition de la carte scolaire et une répartition des
postes d'enseignants entre les établissements par les
collectivités locales ;
- un usage des créoles dans l'enseignement primaire, avec un recrutement
spécifique destiné aux seuls créolophones, la
création d'un CAPES de créole, l'élargissement aux
créoles du champ d'application de la loi du 11 janvier 1951 relative
à l'enseignement des langues et dialectes locaux, la formation à
l'enseignement d'une langue créole aux étudiants des IUFM.
Force est de constater que les trois articles concernés
n'épuisent pas toutes les perspectives ouvertes par ces
propositions :
-
l'article 17
a pour objet de permettre la création d'un
institut universitaire de formation des maîtres en Guyane ;
-
l'article 18
se propose de valoriser les langues régionales des
départements d'outre-mer ;
-
l'article 18 bis
(nouveau), introduit par l'Assemblée
nationale, sur proposition de M. Camille Darsières, député
de la Martinique, tend à créer une commission d'adaptation des
programmes scolaires.
Ces dispositions quelque peu disparates sont encore loin de répondre aux
problèmes et aux besoins constatés en matière
d'éducation dans nos départements d'outre-mer, qui avaient
d'ailleurs suscité la mise en place d'un plan pluri-annuel de
développement, annoncé à grand bruit à l'automne
1997 par le ministre de l'éducation nationale de l'époque, M.
Claude Allègre, lequel succédait à un plan de rattrapage
pour la Guyane mis en place par son prédécesseur, M. Bayrou,
après le mouvement lycéen de l'automne 1996.
• En ce qui concerne la volonté de
développer la
culture et les identités en outre-mer
, le projet de loi
d'orientation souffre d'un manque d'audace évident, restant très
en deçà des propositions formulées par MM. Lise et
Tamaya.
Certes, les objectifs généraux fixés par le gouvernement
correspondent aux aspirations des départements d'outre-mer :
favoriser l'égalité d'accès à la culture et
valoriser les identités locales. Mais les dispositions proposées
se révèlent très modestes : d'une portée
limitée, elles ne prévoient qu'un engagement limité de
l'Etat.
Outre l'article 18 relatif aux langues régionales, le projet de loi
d'orientation prévoit trois mesures dans le domaine culturel :
-
l'article 19
pose le principe de mesures progressives, pour
réduire les écarts de prix entre la métropole et les
départements d'outre-mer pour les biens culturels et, à ce titre,
prévoit un alignement du prix du livre au 1
er
janvier
2002 ;
-
l'article 20
corrige la non-application de la taxe
spéciale sur le prix des places de cinéma pour le calcul du
soutien automatique dont bénéficie la production
cinématographique dans les départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon ;
-
l'article 21
prévoit la création d'un fonds de
promotion des échanges à but éducatif, culturel et sportif
pour compenser l'isolement géographique des départements
d'outre-mer.
Comme dans le domaine de l'éducation, ces mesures -opportunes pour
certaines- ne répondent encore qu'imparfaitement aux aspirations des
départements et ne peuvent prétendre apporter une réponse
définitive aux inégalités d'accès à la
culture dont ils pâtissent en raison de leur insularité comme de
leur situation économique et sociale difficile.
*
* *
I. LE CONSTAT : UN SYSTÈME SCOLAIRE EN RETARD PAR RAPPORT À CELUI DE LA MÉTROPOLE
Après avoir exposé brièvement la situation de ces départements en matière d'éducation, ainsi que les mesures prises au titre des deux plans de rattrapage, votre commission tentera de situer les enjeux d'une reconnaissance des langues et cultures régionales d'outre-mer et rappellera les dispositions d'ores et déjà existantes permettant d'adapter les programmes scolaires aux spécificités de chaque département.
A. LES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DU SYSTÈME SCOLAIRE DES DOM
1. L'évolution des effectifs scolarisés
Compte
tenu de l'évolution démographique récente, les effectifs
scolarisés dans les DOM, dans le premier degré, tendent à
augmenter régulièrement depuis plusieurs années, alors
qu'ils se réduisent de manière très sensible en
métropole, cette réduction se propageant à tous les
degrés d'enseignement.
Cette tendance devrait se poursuivre à moyen terme, et même
jusqu'en 2006, notamment en Guyane où affluent de manière
incontrôlée des familles en provenance des pays voisins, et en
particulier du Surinam.
Pour l'enseignement secondaire, alors que les effectifs scolarisés en
métropole baissent de manière continue depuis quatre ans, ceux
des départements d'outre-mer enregistrent une forte croissance ;
celle-ci est appelée à se poursuivre dans les années
à venir, en particulier en Guyane.
Dans ce département, la population scolaire devrait passer de
50 000 à 100 000 élèves d'ici 2012, ce qui
implique de faire passer le nombre des écoles de 130 à 230 et
celui des lycées de 7 à 14.
2. Un taux de scolarisation inférieur à celui de la métropole
Les taux
de pré-scolarisation en maternelle, même à partir de trois
ans, sont très inférieurs à ceux constatés en
métropole ; en Guyane, seuls les deux tiers des enfants de trois
ans sont scolarisés.
Il en est de même pour les taux de scolarisation, au-delà de
l'obligation scolaire, c'est-à-dire pour l'essentiel dans le second
cycle du second degré.
Le taux de scolarisation de la Guyane est le plus bas de toutes les
académies métropolitaines et d'outre-mer : même si des
actions ont été engagées pour les jeunes de plus de 16
ans, le taux d'accès d'une classe d'âge au niveau du
baccalauréat n'est que de 33 %, soit un taux inférieur
à la moitié de la moyenne nationale.
Dans le second degré, qui accueille près de 20 000
élèves, la moitié des élèves ne sont pas
francophones et l'académie de Guyane est contrainte d'accueillir des
primo arrivants de tous âges, et de mettre en place des classes
d'alphabétisation dans tous les collèges.
3. La faiblesse des taux d'encadrement
Les taux
d'encadrement, tels qu'ils résultent du nombre d'emplois pour 100
élèves dans le premier degré et du nombre d'heures par
élèves dans le secondaire, étaient avant 1998,
inférieurs à la Réunion, et à un moindre
degré en Guadeloupe, à ceux constatés en
métropole .
Par ailleurs, des inégalités sociales subsistent encore entre la
métropole et l'outre-mer comme en témoignent les écarts
observés quant aux proportions d'élèves boursiers et
d'élèves situés en zone d'éducation prioritaire.
4. Un système éducatif moins performant
Les
tests d'évaluation effectués à l'entrée en classe
de sixième montrent, à niveau social identique, que le niveau
scolaire des élèves est plus faible dans les DOM-TOM qu'en
métropole, que les retards scolaires sont plus importants à
l'entrée et à la sortie du collège et que les taux de
réussite aux examens sont moins bons en outre-mer qu'en métropole.
C'est le cas pour tous les examens des filières générales,
technologiques et professionnelles.
B. LES CARACTÉRISTIQUES PARTICULIÈRES DE LA GUYANE EN MATIÈRE D'ÉDUCATION ET DE FORMATION
Une
délégation
2(
*
)
de la commission
d'enquête sur la gestion des personnels de l'éducation
3(
*
)
a effectué un déplacement en Guyane
entre le 5 et le 7 mars 1999.
Votre commission reprendra les grandes lignes de ces observations.
Sur un plan général, l'académie de Guyane est
confrontée à l'obligation d'accueillir au titre de la
scolarité obligatoire un nombre d'élèves toujours
croissant et de supporter l'arrivée quotidienne d'une immigration
importante provenant des Etats voisins et notamment du Surinam, ce qui
nécessite toujours plus de constructions scolaires, souvent
occupées et remplies avant même leur achèvement : la
population scolaire, qui peut être évaluée à
50 000 élèves augmente de 10% chaque année, le
système scolaire doit alphabétiser de nombreux enfants
étrangers le plus souvent non francophones, les conditions de vie et de
travail des enseignants sont extrêmement difficiles en forêt et sur
le fleuve, les personnels souvent jeunes et inexpérimentés
enregistrent un taux de rotation très rapide.
1. La faiblesse du niveau de formation
Moins de
15 % de la population guyanaise possède un diplôme de niveau
supérieur au baccalauréat et 60 % n'ont aucun diplôme,
alors que ces pourcentages pour la métropole sont respectivement de 30
et de 37 %.
En outre, 40 % des jeunes Guyanais de moins de 25 ans ne disposent d'aucune
qualification professionnelle tandis que seulement 20 % sortent du
système scolaire avec un diplôme professionnel de niveau V (BEP ou
CAP).
2. Les problèmes rencontrés dans l'enseignement primaire
Il
convient d'abord de rappeler que les élèves d'origine
étrangère représentent près du tiers des effectifs
et que, comme il a été dit, seulement les deux tiers des enfants
de trois ans sont scolarisés.
Depuis 25 ans, les effectifs du premier degré ont été
multipliés par quatre.
S'agissant des enseignants, leur taux d'absentéisme dépasse 10 %,
enregistre des pointes à certaines périodes de l'année et
résulte pour beaucoup de congés de longue maladie demandés
fréquemment par les nouveaux arrivants souvent mal
préparés et peu motivés pour enseigner dans des conditions
aussi difficiles.
Le corps enseignant dans le premier degré est constitué de
65 % de Martiniquais et la plupart des professeurs des écoles,
martiniquais ou guadeloupéens qui ont été affectés
en Guyane aspirent à un retour rapide dans leur département
d'origine.
Afin de résoudre le volant trop important des instituteurs
suppléants dans l'académie, le décret du 22 juin 1998 a
prévu l'organisation, pour une durée de quatre ans de concours
spéciaux d'instituteurs : 100 emplois ont été ouverts
à ce titre.
Le concours de recrutement organisé précédemment dans le
cadre interacadémique des Antilles et de la Guyane, qui se traduisait
par le fait que les premiers reçus choisissaient leur département
d'origine, tandis que les derniers lauréats étaient
affectés en Guyane, s'effectuera désormais à
l'échelon académique de la Guyane.
3. Les problèmes constatés dans le second degré
Pour le
second degré, la moitié des élèves ne sont pas
francophones et les collèges sont contraints d'accueillir des
primo-arrivants de tous âges en mettant notamment en place des classes
d'alphabétisation.
Il convient de remarquer que la moitié des postes mis au mouvement
national ne sont pas pourvus, ce qui conduit le rectorat à recruter des
enseignants à partir d'un vivier local existant et à des
contractuels rémunérés pour une période de dix
mois ; la Guyane est ainsi très déficitaire en titulaires et
possède en conséquence une proportion anormalement
élevée de personnels à statut précaire et notamment
des maîtres auxiliaires, qui ne peuvent ainsi être affectés
à des tâches de remplacement.
La commission d'enquête a pu constater que les deux tiers des enseignants
connaissaient un taux de rotation extrêmement rapide et demandaient
très vite leur affectation dans d'autres départements d'outre-mer.
Dans leur grande majorité, les enseignants ne sont pas originaires de
Guyane et les métropolitains qui y sont affectés ont souvent
effectué des séjours en Afrique au titre de la
coopération. Certains ne rejoignent même pas leur poste ou
demandent leur mutation avant même leur affectation en Guyane, ce court
séjour leur permettant cependant d'accumuler des points " de
barème " avant de rejoindre un lycée français
à l'étranger ou de bénéficier d'une affectation
plus confortable aux Antilles.
Enfin, l'éducation nationale affecte en Guyane trop d'enseignants
" à problèmes ", psychologiquement fragiles et ayant
même des comportements discutables.
Le maintien d'un noyau suffisamment large d'enseignants guyanais apparaît
donc indispensable pour assurer le fonctionnement des établissements qui
est trop souvent perturbé par ces " enseignants de
passage ".
4. Le nécessaire maintien d'un dispositif incitatif pour les enseignants
Compte
tenu des conditions de vie particulièrement difficiles imposées
aux enseignants affectés dans des villages de l'intérieur ou du
fleuve (logements souvent rudimentaires, loyers et prix élevés,
eau et électricité rationnées, couverture limitée
du département par la télévision, la radio et le
téléphone, difficultés de ravitaillement, isolement,
transports en pirogue longs et difficiles par voie fluviale...) les
candidatures sont rares et le système d'incitation financière
existant doit être maintenu, tous les enseignants n'ayant pas une
vocation d'aventurier, de père missionnaire, de pêcheur ou de
chasseur pour subsister au quotidien, voire de seul représentant de
l'Etat au milieu des tribus amérindiennes.
Il convient à cet égard de rappeler que l'affectation des
enseignants en Guyane leur ouvre droit à une majoration de 40 % du
traitement à compter de la rentrée scolaire ou de la prise
officielle de fonction.
Les enseignants affectés ou mutés en Guyane perçoivent
également une indemnité d'éloignement égale
à une année de traitement.
Une indemnité forfaitaire d'isolement est par ailleurs attribuée
aux professeurs des écoles affectés dans neuf communes du fleuve
Maroni, cette indemnité étant de l'ordre de 7 500 F.
En outre, les frais de transports sont pris en charge à 80 ou à
100 %.
Le maintien de ces justes compensations apparaît indispensable pour
conforter des vocations incertaines d'enseignants dans les écoles ou
établissements de Maripassoula, d'Apatou, voire de villages encore plus
isolés...
5. La nécessité d'une formation spécifique en IUFM
En
raison des contraintes imposées aux nouveaux enseignants, ceux-ci
devraient bénéficier d'une formation spécifique en IUFM,
sous forme de stages ou de périodes d'adaptation avant la rentrée
scolaire, notamment pour les 120 enseignants en sites isolés ou les 15
instituteurs en sites très isolés qui sont affectés sur le
fleuve ou à l'intérieur des terres.
S'agissant des enseignants de métropole, ceux-ci devraient être
initiés à la diversité linguistique et culturelle de la
Guyane au cours de stages organisés par l'IUFM avant chaque
rentrée scolaire.
La création d'un IUFM de plein exercice devrait donc permettre de mettre
en place une filière de formation de professeurs guyanais, dans l'esprit
des anciennes écoles normales départementales, le recrutement
d'aides éducateurs étant sans doute de nature à faire
naître des vocations.
Il reste que le problème de l'immigration incontrôlée devra
être envisagé dans sa vraie dimension, c'est-à-dire par des
accords passés avec les Etats voisins.
C. LES PLANS DE RATTRAPAGE SCOLAIRE POUR L'OUTRE-MER
1. Le plan de rattrapage scolaire pour la Guyane
A la
suite des violentes manifestations lycéennes du mois de novembre 1996,
suscitées par de mauvaises conditions d'enseignement et soutenues par
les parents d'élèves et l'opinion publique guyanaise, le
gouvernement de l'époque a décidé de mettre en place un
plan de rattrapage scolaire sur deux années. Ses principales mesures
peuvent être ainsi résumées :
- création d'un rectorat et d'une académie de plein exercice
à Cayenne ;
- programme de constructions scolaires financé par une dotation de plus
de 60 millions de francs permettant de financer une centaine de classes
nouvelles dans le premier degré et de construire des logements pour les
enseignants ;
- taux de subvention majoré pour les communes dans le cadre de ce
programme, pouvant atteindre 100 % pour celles dépourvues de toutes
ressources ;
- enveloppe de 200 millions de francs de prêts à taux
réduit pour les programmes d'investissement réservés aux
collèges et aux lycées ;
- mise en place ultérieure des postes d'enseignants nécessaires.
Ce plan de rattrapage a permis de compléter le contrat de plan
Etat-région en cours qui a pris en compte le financement d'écoles
notamment dans les communes de l'intérieur et du fleuve, ainsi que les
aides accordées par le FEDER qui ont contribué au financement des
collèges.
2. Le plan pluriannuel de développement pour les DOM
Annoncé à l'automne 1997, le plan pluriannuel de
développement scolaire pour les départements d'outre-mer
consistait en un programme important de créations d'emplois :
- 841 emplois d'enseignants et de personnels ATOS à la rentrée
1998 ;
- 1 113 emplois à la rentrée 1999 ;
- 736 emplois à la rentrée 2000, dont 145 dans le 1
er
degré et 591 dans le second degré (427 enseignants et 164
personnels d'encadrement).
Ce premier effort quantitatif a permis d'améliorer les taux
d'encadrement dans le second degré, qui sont désormais
supérieurs en Guyane et en Martinique à ceux constatés en
métropole, très proches ou supérieurs en Guadeloupe, et de
réduire l'écart subsistant encore dans l'enseignement primaire
à la Réunion.
A ces créations d'emplois, il convient d'ajouter les 2 527 emplois
d'aides-éducateurs créés en 1998 dans les quatre DOM et un
nouveau contingent de 1 150 emplois en 1999. Ce nombre élevé
d'emplois-jeunes a été fixé en tenant compte du taux de
chômage des jeunes qui est particulièrement important
outre-mer : le recteur de la Martinique est ainsi devenu le premier
employeur de diplômés de l'université du
département.
D. LA RECONNAISSANCE DES LANGUES ET CULTURES RÉGIONALES D'OUTRE-MER
1. Le principe
La
création d'un IUFM en Guyane traduit le souci d'améliorer la
formation des enseignants et de mettre l'accent sur la maîtrise de la
langue française comme condition de la réussite scolaire des
élèves, notamment dans le premier degré et dès
l'école maternelle.
Pour les initiateurs du projet de loi, l'amélioration de la
maîtrise du français est liée au problème de la
reconnaissance des langues et cultures régionales d'outre-mer.
Cette reconnaissance s'inscrit dans la démarche du gouvernement qui
s'est traduite par la signature par la France de la Charte du Conseil de
l'Europe sur les langues régionales et minoritaires, laquelle n'a pas
encore été ratifiée par le Parlement, le Conseil d'Etat
ayant estimé que cette ratification supposait une révision
constitutionnelle préalable.
2. L'alignement sur le droit commun
Le
projet de loi précisait dans son texte initial que les langues
régionales en usage dans les DOM font partie du patrimoine linguistique
de la Nation et bénéficient du renforcement des politiques en
faveur de ces langues afin d'en faciliter l'usage.
Pour renforcer encore la portée de cette disposition, l'Assemblée
nationale a ajouté que les langues régionales d'outre-mer
devraient entrer désormais dans le champ d'application de la loi dite
" Deixonne " du 11 janvier 1951 relative à
l'enseignement des langues et dialectes locaux qui visait à l'origine le
breton, le basque, le catalan et la langue occitane.
A ces langues se sont ajoutés le corse en 1974, le tahitien en 1981 et
les quatre langues mélanésiennes de la
Nouvelle Calédonie en 1992.
Près d'un demi siècle après la promulgation de la
loi Deixonne, les langues régionales des DOM devraient ainsi
bénéficier d'une véritable reconnaissance.
3. Les conséquences de cette reconnaissance
Envisagées comme un outil pour améliorer
l'enseignement de la langue française, la reconnaissance des langues
régionales d'outre-mer devrait se traduire notamment par les mesures
suivantes :
- introduction d'une épreuve optionnelle de langue et culture
créoles dans le concours de professeur des écoles ;
- formations à la connaissance de la langue et de la culture
créoles dans la formation initiale et continue des enseignants ;
- renforcement des enseignements optionnels dans les collèges et
lycées où se manifeste une demande ;
- mise à l'étude d'une option dans les CAPES de lettres modernes
et d'histoire-géographie.
E. L'ADAPTATION DES PROGRAMMES SCOLAIRES AUX SPÉCIFICITÉS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER
1. Une adaptation déjà autorisée
Soucieuse d'adapter les programmes scolaires à la
spécificité des départements de la Guadeloupe, de la
Guyane, de la Martinique et de la Réunion, l'éducation nationale
vient adresser aux recteurs de ces académies et aux enseignants
concernés des instructions permettant d'adapter les programmes scolaires
en histoire et en géographie.
Deux notes de service publiées le 16 février dernier
permettront d'adapter les programmes dans les départements
concernés et de modifier les programmes nationaux dans l'ensemble des
établissements à compter de la prochaine année scolaire.
Sur un plan général, les programmes nationaux devraient mieux
tenir compte de l'outre-mer et de sa contribution au patrimoine national, qu'il
s'agisse de son histoire et de sa culture.
Le rappel dans les manuels de l'histoire de l'esclavage et de la traite des
noirs effectué en 1998, année du
150
e
anniversaire de l'abolition de l'esclavage, a revêtu
une dimension particulière et ce souci pédagogique rejoint sans
doute l'aspiration de nombreux jeunes d'outre-mer à une plus grande
reconnaissance de leur identité et des réalités auxquelles
ils sont confrontés.
2. Les limites d'une adaptation plus étendue
L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin
en ce
domaine en proposant qu'une commission, dans chaque département
d'outre-mer, ait pour mission d'adapter les programmes d'enseignement et les
méthodes pédagogiques aux spécificités propres
à chaque département.
Une telle proposition est de nature à porter incontestablement atteinte
au caractère national des programmes et à leur mode
d'élaboration.
II. UN VOLET CULTUREL DÉCEVANT
A. UNE ASPIRATION A L'EGALITÉ CULTURELLE
En dépit des améliorations introduites récemment notamment grâce à la décentralisation et aux efforts consentis dans le domaine culturel par les collectivités territoriales, subsistent entre les départements d'outre-mer et la métropole d'importantes inégalités d'accès à la culture auxquelles il importe de remédier avec le souci de mieux prendre en compte l'aspiration de ces départements à la reconnaissance de leurs identités propres.
1. Rompre l'éloignement
Les
handicaps auxquels sont confrontés les départements d'outre-mer
en matière culturelle sont nombreux.
L'
éloignement géographique
est sans aucun doute le plus
pénalisant. Il se traduit par un renchérissement des prix des
biens culturels, livres, presse ou encore multimédia, mais
également par les difficultés rencontrées par les
habitants de ces départements pour bénéficier des
ressources culturelles de la métropole, qu'il s'agisse des institutions
culturelles elles-mêmes ou des services, à l'image de l'offre
télévisuelle et radiophonique.
Au delà de cette donnée physique, ces départements
souffrent d'une
situation économique et sociale très
dégradée
, situation qui aggrave sans aucun doute les
inégalités culturelles résultant de l'insularité.
Il importe de rappeler que les derniers tableaux économiques
régionaux publiés par l'INSEE font apparaître des taux de
chômage de deux à trois fois supérieurs à ceux de la
métropole et que le revenu moyen des ménages y atteint à
peine 60 % de celui des ménages métropolitains.
Ces constats d'ordre économique et géographique imposent à
l'évidence qu'une attention particulière soit accordée aux
actions destinées à promouvoir une égalité
culturelle.
Or, bien que l'insularité les place au coeur de tous les débats
relatifs à l'environnement socioculturel, la
situation
financière très fragile des collectivités locales
de
ces départements ne leur permet guère de consentir des efforts
dans la même proportion que celles de la métropole. Cette
donnée prend tout son sens lorsque l'on considère l'augmentation
sans précédent des budgets consacrés à la culture
par les communes, les départements et les régions de la
métropole au cours des deux dernières décennies et le
rôle qui est désormais le leur dans la conduite de la politique
culturelle.
Ainsi, si dans certains domaines la situation peut être
considérée comme relativement satisfaisante, notamment pour
l'exploitation cinématographique, quoiqu'on relève une forte
concentration de l'offre, on constate généralement dans les
départements d'outre-mer un
sous-équipement culturel.
C'est le cas notamment pour la lecture publique, secteur pour lequel, au cours
des dernières années, a été consenti au plan
national un considérable effort d'investissement - en particulier de la
part des collectivités territoriales. A l'exception de la
Réunion, où la situation est plus favorable, la Martinique, la
Guadeloupe et la Guyane apparaissent très nettement
défavorisées, qu'il s'agisse des collections ou de la
qualité des équipements. Pour ces trois départements, les
indicateurs d'activité des bibliothèques municipales se
révèlent être très en deçà de la
moyenne nationale comme en témoignent les chiffres figurant dans le
tableau ci-dessous.
|
Nombre de bibliothèques municipales |
Dépenses pour le personnel par habitant
desservi
|
Nombre d'imprimés par habitant desservi |
Dépenses d'acquisition par habitant
desservi
|
Inscrits en pourcentage de la population desservie |
Nombre de mètres carrés pour 100 habitants desservis |
Guadeloupe |
21 |
36,78 |
1,1 |
4,47 |
1,5 |
1,72 |
Martinique |
26 |
43,14 |
1,03 |
5,83 |
0,9 |
3,08 |
Réunion |
18 |
54,20 |
1 |
10,31 |
2,5 |
2,46 |
Guyane |
1 |
15,39 |
0,77 |
8,47 |
0,9 |
1,87 |
Moyenne nationale |
NS |
75,64 |
2,68 |
13,25 |
4 |
4,64 |
(Source ministère de la culture)
Le réseau de lecture publique apparaît donc peu
développé, cela d'autant plus qu'à la différence de
l'évolution constatée en métropole, il s'ouvre peu aux
nouveaux médias.
Des déséquilibres comparables se retrouvent dans le domaine des
enseignements artistiques, le réseau des écoles de musique et de
danse y étant beaucoup moins dense qu'en métropole, ce qui
handicape le développement des pratiques amateurs. Ce
sous-équipement culturel se traduit mécaniquement par la
faiblesse des coopérations entre les institutions culturelles et les
établissements scolaires.
2. Valoriser les identités locales
Au
delà de ces difficultés qui, à l'évidence,
appellent des mécanismes de compensation afin de
" rapprocher " les départements d'outre-mer de la
métropole, ces derniers aspirent, comme dans le domaine éducatif,
à de nouvelles responsabilités.
Lors des débats à l'Assemblée constituante de la loi
du 19 mars 1946, Gaston Monnerville plaidait pour l'assimilation
des actuels départements d'outre-mer au territoire métropolitain
en rappelant qu'ils constituaient des foyers de culture française dans
des zones où elle était singulièrement peu
présente, qu'il s'agisse du continent américain ou de
l'Océan indien, aspirant ainsi à une plus large présence
de la culture française dans ces départements.
Désormais, au delà de cette revendication qui demeure toujours
d'actualité et dont votre rapporteur souligne l'importance, les
départements d'outre-mer aspirent à la reconnaissance de leurs
identités culturelles propres.
MM. Lise et Tamaya notent ainsi dans leur rapport : "
L'une des
caractéristiques les plus marquées, partagée par tous nos
départements, réside sans doute dans la profondeur et dans la
vivacité de nos identités. La découverte (...) de
réalités très diversifiées dans chaque
département n'a pu masquer un point commun fondamental de nos quatre
univers : l'enracinement de nos cultures. L'histoire et la
géographie se liguent, chez nous, pour forger notre
identité
".
La promotion de leurs cultures propres apparaît comme un levier de la
politique de coopération régionale que souhaitent conduire les
départements d'outre-mer dans leur zone géographique d'influence
mais également comme un moyen de réaffirmer leur existence au
sein de la Nation.
Cette volonté de réaffirmer leurs identités se manifeste
par le souci légitime de développer des politiques de
valorisation du patrimoine linguistique, véhicule fondamental des
cultures régionales.
Ainsi le rapport de MM. Lise et Tamaya contenait plusieurs propositions
destinées à développer une véritable politique
culturelle d'ensemble autour de ces identités locales :
création de deux instituts de langues créoles aux Antilles et
à la Réunion, actions dans le domaine du livre et de la lecture
(réalisation de " médiathèques
caribéennes ", soutien à l'édition locale),
organisation de festivals et soutien aux structures théâtrales et
musicales.
La dimension régionale d'une telle politique est soulignée par
les auteurs du rapport qui expriment le souhait de la voir jouer un rôle
de ciment entre les quatre départements d'outre-mer, en dépit de
leur éloignement, mais qui y voient également un moyen de
promouvoir les échanges entre ces derniers et leur environnement
régional grâce à des mesures destinées à
faciliter les coopérations culturelles, notamment, au travers d'un
renforcement des liens entre les structures culturelles de ces
départements et les centres culturels français installés
dans les pays voisins. Les nouvelles compétences accordées par le
titre V du projet de loi d'orientation aux départements d'outre-mer
en matière d'action internationale devraient permettre la mise en oeuvre
des actions en ce domaine.
Il leur apparaît également opportun de favoriser une meilleure
prise en compte collective des identités ultramarines en
métropole, notamment grâce à une amélioration de la
connaissance de l'histoire et des réalités
socio-économiques de ces départements, qui apparaît encore
à bien des égards insuffisante. L'organisation de manifestations
culturelles temporaires recommandée par MM. Lise et Tamaya
constituerait sans doute en ce domaine un vecteur pertinent.
B. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI D'ORIENTATION
Face
à la nécessité d'assurer un accès plus large des
départements d'outre-mer à la culture et de prendre en compte
leur aspiration à la valorisation de leurs identités, les
dispositions du projet de loi d'orientation déçoivent.
Le projet de loi d'orientation se fixe dans le domaine culturel deux
objectifs ambitieux mais légitimes: d'une part, favoriser le
rapprochement culturel entre les départements d'outre-mer et la
métropole et, d'autre part, promouvoir les identités locales.
Cependant, force est de constater la modestie des mesures proposées pour
y parvenir.
1. Favoriser le rapprochement culturel entre les départements d'outre-mer et la métropole : des mesures partielles
Le
projet de loi propose à ce titre deux mesures :
• la réduction des écarts de prix des biens culturels
(article 19) ;
• et le soutien aux échanges éducatifs, culturels et
sportifs (article 21).
Ces deux mesures visent à permettre aux habitants des
départements d'outre-mer d'accéder dans les mêmes
conditions que ceux de la métropole aux biens et manifestations
culturels. En effet, les écarts de prix engendrés par
l'éloignement comme le coût des déplacements constituent,
nous l'avons vu, une des raisons principales des inégalités
culturelles dont ils souffrent. Si l'objectif poursuivi est louable, il
convient de s'interroger sur l'efficacité des mesures proposées.
L'article 19
prévoit des
mesures tendant à la
réduction des écarts de prix en matière de biens
culturels
. Cependant, le contenu de ces mesures dont la
nécessité avait été soulignée par MM. Lise
et Tamaya n'est pas précisé, à l'exception de celle
concernant le livre. Le projet de loi apparaît donc bien timide et
l'engagement de l'Etat, pour le moins limité. En effet, à la
différence de ce que prévoyait le rapport précité,
le financement de ces mesures incombe à l'Etat mais également aux
collectivités territoriales, dont l'équilibre financier est
pourtant comme nous l'avons précédemment souligné
déjà très précaire. Par ailleurs, ces mesures
devront être mises en place " progressivement ". On ne saurait
être plus prudent.
Votre rapporteur ne pourra que le regretter compte tenu des difficultés
auxquelles sont confrontés les habitants des départements
d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon pour accéder, notamment,
à des services clés que sont les nouvelles technologies de
l'information.
Une seule mesure concrète est prévue par le projet de loi
d'orientation : l'extension à compter du 1
er
janvier
2002 de la loi du 10 août 1981 relative au prix unique du
livre -dite loi Lang- dans les départements d'outre-mer où,
jusqu'à présent, étaient appliqués des coefficients
de majoration destinés à tenir compte des
"
sujétions dues à leur éloignement
".
Cependant, sur ce point, on regrettera que ne figure pas dans la loi
l'essentiel, c'est-à-dire l'engagement du gouvernement de compenser le
coût de cette légitime mesure d'équité. En effet, le
coût des transports -très élevé et en constante
augmentation- comme les diverses contraintes économiques
spécifiques liées à l'éloignement ne permettent pas
l'application d'une telle disposition sans la mise en place de
mécanismes appropriés de subventions à l'importation qui,
selon les informations fournies à votre rapporteur, devraient être
rapidement étudiés.
Faute de tels mécanismes, il y a fort à craindre, en effet, que
l'équilibre financier, déjà très précaire
des libraires d'outre-mer, soit gravement menacé, et que les effets
économiques induits par cette mesure d'équité n'annulent
le bénéfice culturel à en attendre.
La création d'un
fonds destiné à promouvoir les
échanges éducatifs, culturels ou sportifs des départements
d'outre-mer vers la métropole ou les pays situés dans leur
environnement régional prévue par l'article 21
constitue
en revanche une mesure pragmatique, et à ce titre, une avancée
intéressante, si du moins l'engagement financier de l'Etat se confirme.
Il existe d'ores et déjà de nombreuses initiatives en ce sens
mais il convient de souligner qu'elles relevaient davantage des
collectivités territoriales qui y consacraient souvent un effort
financier très important, conscientes de l'importance de l'ouverture des
départements d'outre-mer vers l'extérieur. Il s'agit là
d'un soutien bienvenu.
2. Promouvoir l'expression culturelle des identités locales : une réponse symbolique
Comme en
témoignent les propositions de MM. Lise et Tamaya, il existe aujourd'hui
dans les départements d'outre-mer une aspiration à la
valorisation des identités locales et à leur expression
culturelle. Une politique culturelle bien comprise ne saurait ignorer cette
donnée, même si on peut débattre des modalités de la
prise en compte de ces cultures.
Bien qu'en ce domaine l'initiative revienne naturellement aux
collectivités locales et que l'essentiel des mesures ne relève
pas du domaine de la loi, la mesure prévue par l'article 20 du
projet de loi d'orientation apparaît pour le moins symbolique.
Cette disposition a pour objet de compenser, pour le calcul du soutien
financier auquel peuvent prétendre les entreprises de production
établies dans les départements d'outre-mer et à
Saint-Pierre-et-Miquelon, l'absence d'assujettissement de leurs salles à
la taxe spéciale sur les places de cinéma.
L'effet à attendre de cette mesure est en réalité
très limité dans la mesure où, d'une part, ces entreprises
de production bénéficient d'ores et déjà du
dispositif de soutien automatique au titre des entrées
réalisées en métropole, cela depuis l'extension aux
départements d'outre-mer du code de l'industrie cinématographique
par une loi du 4 janvier 1993, et, d'autre part, où le
nombre des entrées réalisées outre-mer est par
définition limité. Par ailleurs, on rappellera que les
entreprises établies dans les départements d'outre-mer sont au
nombre d'une petite vingtaine et n'ont produit au cours des dernières
années que très peu de longs métrages.
Si l'on peut approuver la volonté du gouvernement de remédier
à l'insuffisance de l'expression des identités ultramarines, on
peut se demander légitimement si la mesure proposée est à
la hauteur des difficultés rencontrées par les
départements d'outre-mer en ce domaine et si le projet de loi
d'orientation emprunte le vecteur le plus pertinent, à savoir la
création cinématographique, média coûteux et qui
exige, en raison de l'exiguïté de ces départements comme de
la concentration des industries techniques, de recourir aux ressources de la
métropole.
EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IV
-
DU DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE
ET DES IDENTITÉS
OUTRE-MER
Article 17
Création d'un IUFM en Guyane
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Rédigé en des termes accessibles aux seuls initiés, cet
article tend à compléter le premier alinéa de
l'article 17 de la loi d'orientation sur l'éducation du 10
juillet 1989 afin de permettre la création d'un IUFM en Guyane.
En effet, la loi d'orientation pose le principe du rattachement des IUFM
créés dans chacune des académies à une ou plusieurs
universités de l'académie.
Or, si le département de la Guyane est doté d'une académie
et d'un recteur, il ne possède pas d'université de plein exercice
et ne dispose actuellement que d'une antenne locale de l'IUFM des
Antilles-Guyane, dont le siège se trouve en Guadeloupe.
Comme il a été vu, le plan de rattrapage scolaire engagé
à la suite des graves manifestations lycéennes de novembre 1996
avait prévu la création d'une académie en Guyane.
Le décret du 26 décembre 1996 a ainsi permis de
créer, à compter du 1
er
janvier 1997, des
académies en Martinique, à la Guadeloupe et en Guyane, lesquelles
se sont substituées à l'ancienne académie des Antilles et
de la Guyane dont le siège était situé à la
Martinique, à 2 000 km de Cayenne.
Il convient d'ailleurs de rappeler que la gestion des personnels de
l'éducation était dans le passé encore plus lointaine et
relevait, avant d'être assurée par la Martinique, de
l'académie de Bordeaux.
Le décret précité confère également au
recteur de chacune de ces trois nouvelles académies les fonctions de
directeur des services départementaux de l'éducation nationale
qui sont exercées en métropole par un inspecteur
d'académie.
Ce nouveau dispositif institutionnel n'emportait aucune conséquence sur
l'existence ou le fonctionnement de l'IUFM des Antilles et de la Guyane, ni
pour l'université des Antilles-Guyane.
Au cours de l'année 1998-1999, l'IUFM des Antilles a accueilli
738 étudiants en formation, dont 568 professeurs des écoles,
tandis que le seul " pseudopode " de l'IUFM de Guyane, tel que le
qualifie M. Christian Duverger, recteur de l'académie, dispensait
une formation des maîtres à 183 élèves, dont
178 professeurs des écoles.
Ces effectifs doivent être rapportés au nombre des
étudiants inscrits à l'Institut d'études
supérieures de la Guyane, qui s'élevait à 547 en 1999, les
autres formations post-baccalauréat étant limitées
à quatre sections de techniciens supérieurs accueillant
120 élèves et à un IUT implanté à
Kourou recevant 78 étudiants, dont seulement un tiers de
Guyanais ; les candidats aux classes préparatoires aux grandes
écoles sont, pour leur part, condamnés à l'exil en
métropole.
Si le nombre des étudiants suivant une formation à l'antenne de
l'IUFM de Guyane a légèrement progressé depuis deux ans,
il reste que la presque totalité des places au sein de cette antenne
sont occupées par des non Guyanais (85 %), en l'espèce par
des étudiants antillais.
Comme le souligne le rapport d'information de MM. Yves Durand et Jacques
Guyard, sur l'enseignement scolaire en Guyane
4(
*
)
, la pérennité de l'antenne de l'IUFM de
Guyane est menacée par le recrutement d'étudiants venus pour
l'essentiel des Antilles et qui aspirent à y retourner ; les
auteurs préconisaient ainsi de détacher cette structure des
Antilles et la mise en place d'une filière de formation de professeurs
guyanais.
Compte tenu de la très forte croissance démographique guyanaise
(50 000 élèves pour une population estimée à
70 000 habitants, avec une augmentation de la population scolaire de plus
de 5 000 élèves entre 1996 et 1998), de la forte
natalité et d'une immigration massive et incontrôlée, le
système éducatif guyanais rencontre des difficultés toutes
particulières, notamment pour la formation des enseignants.
La création d'un IUFM de plein exercice en Guyane, outre qu'elle
s'inscrit dans la logique de la mise en place d'une académie et d'un
rectorat, traduit ainsi la priorité qui devrait être donnée
au recrutement et à la formation de maîtres guyanais.
La dérogation au principe de rattachement d'un IUFM à une
université de l'académie, tel qu'il résulte de l'article
17 de la loi d'orientation de 1989 apparaît donc particulièrement
fondée.
II. Le texte adopté par l'Assemblée Nationale
L'Assemblée nationale a adopté l'article 17 du projet de loi sans
modification après avoir repoussé, à la demande du
gouvernement, deux amendements ayant le même objet et tendant à
subordonner la création d'un IUFM en Guyane à la création
d'une université dans un délai de deux ans.
III. Position de la commission
Tout en souscrivant au principe de la création d'un IUFM de plein
exercice en Guyane et à une " guyanisation " des enseignants,
notamment dans le premier degré, mais aussi dans les collèges et
les lycées, votre commission tient à souligner qu'une plus grande
stabilité des enseignants dans le département suppose aussi une
formation en IUFM adaptée aux difficultés qu'ils auront à
rencontrer et qui ont été rappelées
précédemment.
Il n'est en effet plus question d'envoyer des maîtres ayant une formation
au rabais sur des postes extrêmement difficiles et leur formation devra
leur permettre de prendre en compte toutes les dimensions, notamment
linguistiques et ethniques des populations à scolariser.
Il reste que cet effort de formation sera voué à l'échec
s'il n'est pas accompagné de conditions matérielles
décentes pour ces enseignants, tant en terme de logement que
d'incitations financières.
Enfin, la Guyane, compte tenu de l'attraction qu'elle exerce au-delà de
frontières toutes théoriques, n'a pas vocation à devenir
le lieu d'accueil et de scolarisation obligée de toutes les populations
des Etats voisins.
Etant rappelé que la communauté surinamienne est estimée
à 10 000 personnes, notamment dans la région du Maroni, et
que la communauté brésilienne en Guyane est évaluée
à 20 000 personnes, il importe de développer une
coopération avec les Etats frontaliers qui a déjà
été engagée au travers de la création d'un
secrétariat permanent de la coopération avec le Surinam, et par
un accord de coopération régionale, avec l'Amapa, qui est l'Etat
fédéré du Brésil frontalier avec la Guyane.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande
d'adopter cet article sans modification.
Article 18
Reconnaissance des langues
régionales
des départements d'outre-mer
I.
Commentaire du texte du projet de loi
Dans son texte initial, cet article disposait que
" les langues
régionales en usage dans les départements d'outre-mer font partie
du patrimoine linguistique de la nation. Elles bénéficient du
renforcement des politiques en faveur des langues régionales afin d'en
faciliter l'usage
. "
1. L'importance des langues régionales des départements
d'outre-mer
Comme le rappelle le rapport de M. Bernard Poignant
5(
*
)
, remis au Premier ministre le
1
er
juillet 1998, les créoles sont les langues
maternelles les plus répandues sur le territoire de la République.
En usage dans les départements de la Guyane, de la Guadeloupe, de la
Martinique et de la Réunion, ces langues régionales seraient
couramment utilisées par environ un million de locuteurs
créolophones.
En Guyane, si plus de 50 % de la population étrangère est
francophone, et si 15 langues étrangères sont
pratiquées, la population d'origine créole représente
encore 40 % de la population totale.
Outre le français, langue officielle, on y pratique :
- le
créole guyanais
, qui possède une base lexicale
française comme les créoles des Antilles et de la
Réunion ;
- les six langues amérindiennes relevant de trois ensembles
linguistiques sud-américains : le
galibi (
ou
kalina)
et le
wayana
de la famille caribe, le
palikur
et le
lokono
de la famille arawak, le
wayampi
et
l'émérillon
de la famille
tupi-guarani
;
- les quatre
créoles bushinenge
(parlés par les noirs
marrons) dont trois,
l'aluku
(ou
boni)
, le
ndjuka
et le
paramaca
sont d'origine anglophone et très proches sur le plan
linguistique, tandis que le
saramaca
s'en distingue par son origine
anglo-lusitanienne
;
- des langues d'Asie, essentiellement le
chinois
et le
hmong,
l'usage de cette dernière langue s'étant développé
depuis une vingtaine d'années dans deux villages quasi
mono-ethniques en se rapprochant des langues amérindiennes ;
- des langues des nouveaux migrants :
portugais, brésilien,
créole
haïtien, sranan tongo
ou
créole
surinamien
.
A la Réunion, 95 % des enfants seraient créolophones, et
pratiquent deux créoles très différents, celui des
Hauts et celui des Bas.
En dépit de l'importance de ces langues régionales, leur statut
n'est pas encore consacré comme l'a été celui des langues
régionales métropolitaines et des territoires outre-mer.
2. Un statut mineur par rapport aux langues régionales de la
métropole et des territoires d'outre-mer
La loi dite Deixonne du 11 janvier 1951 relative à l'enseignement
des langues et dialectes locaux reconnaît par langues régionales
des langues de culture de la République autres que le français,
le qualificatif " régional " les distinguant des langues
vivantes étrangères.
Son article 10 ne retient que les zones d'influence du breton, du basque, du
catalan et de la langue occitane.
S'agissant de l'alsacien-mosellan, celui-ci comporte des variétés
linguistiques en usage dans les académies de Strasbourg et de
Nancy-Metz : l'alémanique et le francique ; la forme
écrite retenue pour l'enseignement est l'allemand et l'alsacien, en tant
que dialecte germanique spécifique, fait l'objet d'une mention au CAPES
d'allemand.
Le champ d'application de la loi de 1951 a été étendu
à la zone d'influence du corse par le décret du
16 janvier 1974 et à celle du tahitien par le décret du
12 mai 1981.
Il a été élargi à la Nouvelle-Calédonie pour
la zone d'influence des langues mélanésiennes : le
décret du 20 octobre 1992 consacre ainsi l'usage de
l'
ajië
, du
drehu
, du
neugone
et du
paicî.
Des circulaires du 21 juin 1982 du 30 décembre 1983 et du
7 avril 1995 précisent les modalités de l'enseignement
des langues et cultures régionales dans le service public de
l'éducation nationale, cet enseignement bénéficiant d'un
véritable statut et étant fondé sur le volontariat des
élèves et des enseignants dans le respect de la cohérence
du service public pour chaque niveau d'enseignement.
En dépit de l'extension de la loi Deixonne, les langues
régionales des DOM restent donc à l'écart du dispositif de
droit commun appliqué à la métropole et aux TOM et le
statut des créoles n'est pas consacré par la loi.
Certes, un enseignement de créole est dispensé dans certaines
écoles de Martinique sous la forme d'une initiation, ainsi que dans
quelques lycées et une option créole peut être
présentée au baccalauréat, mais sans fondement juridique.
La promotion de l'usage des langues régionales d'outre-mer s'inscrit par
ailleurs dans l'engagement pris par la France, lors de la signature de la
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le
7 mai 1999, de mettre en oeuvre 39 des 98 mesures
concrètes prévues par cette Charte, lesquelles entrent dans le
cadre de la loi de 1951.
Si cette charte ne peut pour l'instant être ratifiée, faute de
révision préalable de la Constitution, le Premier ministre a
cependant confirmé un tel engagement le 16 novembre 1999
devant le Conseil supérieur de la langue française.
3. La nécessité d'une reconnaissance
Comme le souligne le rapport de mission précité de MM.
Claude Lise et Michel Tamaya, remis au Premier ministre en juin 1999,
la reconnaissance des identités des DOM, et notamment des Antilles et de
la Guyane, est étroitement liée à la valorisation de
l'enseignement de la langue créole à l'école.
Un enseignement prenant mieux en compte la langue créole dès les
plus petites classes a été réclamé, notamment par
leurs interlocuteurs des conseils de la culture, de l'éducation et de
l'environnement, qui sont des instances spécifiques dépendant des
conseils régionaux des départements d'outre-mer.
Un tel enseignement permettrait ainsi aux jeunes enfants en âge
d'être scolarisés, ne parlant parfois que le créole, de
mieux s'intégrer au système scolaire.
Ce souci rejoint les préoccupations de linguistes éminents, comme
le professeur Hagège, qui estiment depuis longtemps que la
maîtrise d'une langue régionale est un atout pour l'apprentissage
des autres langues ; le rapprochement de deux mondes qui ne se rencontrent
qu'accidentellement, celui de l'école et de la maison, permettrait de
lutter plus efficacement contre les échecs scolaires et de
remédier au mutisme des enfants dans les classes.
Les parlementaires en mission ont ainsi proposé un plan de
développement des cultures locales et de la langue créole
associant les collectivités locales des DOM, un accès
privilégié aux langues de l'environnement régional dans
l'enseignement, l'usage des créoles dans le premier degré,
un recrutement particulier des maîtres destiné aux seuls
créolophones, la création d'un CAPES de créole,
l'élargissement aux créoles de la loi de 1951 et la formation des
enseignants des IUFM à l'enseignement d'une langue créole.
II. Le texte voté par l'Assemblée Nationale
Sur proposition de sa commission, et avec l'accord du gouvernement,
l'Assemblée nationale a complété l'article 18 du
projet de loi en précisant que la loi du 11 janvier 1951, relative
à l'enseignement des langues et dialectes locaux est applicable aux
langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer.
Elle a en revanche repoussé un amendement visant à
reconnaître l'usage du créole dans les relations publiques, ainsi
qu'un amendement tendant à actualiser les dispositions obsolètes
de la loi Deixonne.
III. Position de la commission
La commission estime qu'il est légitime d'accorder, un demi
siècle après la loi de 1951, leur juste place aux langues
régionales des départements d'outre-mer dans le service public de
l'éducation nationale, en les alignant sur le droit commun de la
métropole et des territoires de la Polynésie française et
de la Nouvelle Calédonie.
Elle observe cependant que la loi Deixonne, qui a été
promulguée sous le septennat du Président Vincent Auriol,
comporte de nombreuses dispositions désuètes -on y fait
référence aux " élèves-maîtres ",
aux " écoles normales ", au folklore régional...- et
aurait besoin d'un toilettage qui est susceptible d'être effectué
dans le cadre du Code de l'éducation.
Si elle estime que le développement de l'enseignement des langues
régionales est en effet de nature à mieux permettre aux jeunes
élèves de s'intégrer dans le système scolaire et
à réduire l'échec scolaire, elle considère
cependant que cet usage ne doit pas se réaliser au détriment de
l'apprentissage et de la maîtrise de la langue française, qui
reste la langue officielle de la République, et encourager un repliement
identitaire qui serait préjudiciable à l'unité de la
nation, au développement économique de nos départements
d'outre-mer, et à la politique de la francophonie.
Elle tient ensuite à rappeler que cet enseignement devra rester
fondé sur le principe du volontariat, qui est expressément
prévu dans la loi de 1951 et qu'il convient aussi de prendre en compte
la situation des enseignants et des élèves d'origine
métropolitaine qui sont nombreux dans nos départements
d'outre-mer.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous demande
d'adopter cet article sans modification.
Article 18 bis (nouveau)
Adaptation des
programmes
scolaires
I.
Le texte voté par l'Assemblée nationale
Sur proposition de M. Camille Darsières, député de la
Martinique, dont l'amendement a reçu un avis favorable de la commission,
l'Assemblée nationale a adopté après l'article 18,
contre l'avis du gouvernement, un article nouveau tendant à créer
dans chaque région de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de la
Réunion, une commission qui aurait pour mission d'adapter les programmes
scolaires et les méthodes pédagogiques aux
spécificités propres aux zones géographiques, culturelles
et économiques des départements d'outre-mer.
Cette commission comprendrait des représentants de l'Etat, des syndicats
d'enseignants, de l'université, des fédérations de parents
d'élèves et des collectivités en charge de la construction
des écoles primaires et des établissements d'enseignement
secondaire.
Le gouvernement s'est opposé à cet amendement en rappelant que
des instructions de l'éducation nationale, publiées en
février dernier, permettaient déjà d'adapter les
programmes scolaires, notamment en histoire et en géographie, aux
spécificités des départements d'outre-mer.
La note de service n° 2000-024 du 16 février 2000
prévoit par exemple aux Antilles et en Guyane, en classe de
cinquième, de développer en histoire la découverte du
nouveau monde et d'étudier les empires amérindiens et
l'installation des empires coloniaux, tandis qu'à la Réunion
seront évoquées la diffusion de l'islam dans l'Océan
Indien et la découverte des Mascareignes.
En classe de quatrième, le programme d'histoire prévoit des
développements sur les îles à sucre et la traite au XVIIIe
siècle, une évocation de la Révolution française et
de l'Empire aux Antilles et en Guyane, ainsi qu'une étude de
l'économie et de la société coloniales insistant sur
l'esclavage et son abolition ; pour la Réunion, on évoquera
l'Ile Bourbon au temps de la monarchie au cours des XVIIe et XVIIIe
siècles et on étudiera l'impact de la Révolution et de
l'Empire aux Mascareignes.
Par ailleurs, la note de service n° 2000-025 du 16 février
dernier demande aux professeurs d'histoire de quatrième dans l'ensemble
des collèges de présenter brièvement, dans le cadre des
programmes nationaux l'exploitation des îles à sucre en insistant
sur la traite, l'esclavage et les révoltes qui ont
précédé son abolition définitive.
En géographie, lors de l'étude des régions
françaises, il sera demandé aux professeurs des classes de
quatrième et de première générale et technologique,
d'exposer la situation de la Réunion dans l'Océan Indien, celle
des Antilles et de la Guyane dans l'espace américain caraïbe.
Ces deux instructions sont applicables à compter de l'année
scolaire 2000-2001.
Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer s'est opposé à
l'amendement proposé en rappelant qu'il existe déjà dans
chaque région et département d'outre-mer, en vertu du
décret du 28 novembre 1985, un conseil de l'éducation nationale
constitué des représentants des parents d'élèves,
des enseignants, de l'université, de l'Etat, des conseillers
régionaux et généraux, des maires : celui-ci peut
formuler des voeux et des avis sur toute question relative à
l'organisation et au fonctionnement du service public de l'éducation
nationale dans le département.
Il a donc estimé que ce conseil représentatif pouvait avoir
vocation à proposer des adaptations aux programmes scolaires en fonction
des réalités régionales et s'est opposé à la
création d'une nouvelle structure. En vain.
II. Position de la Commission
Votre commission est évidemment favorable au principe d'une adaptation
raisonnable des programmes scolaires nationaux aux spécificités
de chaque département d'outre-mer, cette adaptation participant à
l'évidence à la reconnaissance de son identité historique,
sociale, économique et géographique.
Elle estime à cet égard que les aménagements
autorisés par les deux textes précités permettent d'ores
et déjà de prendre largement en compte ces
spécificités.
Faut-il aller plus loin au risque de porter atteinte, via la création
d'une commission spécifique dotée d'une véritable mission
d'adaptation, au caractère national des programmes et à leur mode
d'élaboration, qui assurent en fait une égalité de chances
pour tous les élèves de la République dans la construction
de leur parcours scolaire, universitaire et professionnel ?
Votre commission tient à rappeler que l'article 4 de la loi
d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 précise que
"
la scolarité est organisée en cycles pour lesquels sont
définis des objectifs et des programmes nationaux de
formation... "
.
Son article 5 stipule que les programmes "
constituent le cadre
national au sein duquel les enseignants organisent leurs enseignements en
prenant en compte les rythmes d'apprentissage de chaque
élève
".
Son article 6 dispose qu'"
un conseil national des programmes donne des
avis et adresse des propositions au ministre de l'éducation nationale
sur la conception générale des enseignements, les grands
objectifs à atteindre, l'adéquation des programmes et des champs
disciplinaires à ces objectifs et leur adaptation au
développement des connaissances
".
Votre commission estime donc que l'article 18 bis introduit par
l'Assemblée nationale est de nature à porter atteinte au
caractère et au processus d'élaboration de nos programmes
scolaires nationaux.
Elle considère cependant que les spécificités des DOM
peuvent être prises en compte au-delà des seuls
aménagements non négligeables déjà autorisés.
Plutôt que de créer une nouvelle structure, elle proposera que le
conseil de l'éducation nationale, existant dans les départements
et les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la
Réunion, ait la faculté de rendre tout avis sur les programmes
des enseignements dispensés dans les écoles, collèges et
lycées, implantés dans ces départements et régions
et puisse émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci
aux spécificités locales.
Elle vous demande d'adopter cet article dans cette nouvelle
rédaction.
Article 19
Réduction des écarts
de
prix entre la métropole et les départements d'outre-mer en
matière de biens culturels
I.
Texte du projet de loi
MM. Lise et Tamaya dans leur rapport au Premier ministre proposaient
" une contribution de l'Etat pour aligner le prix du livre sur le
niveau de la métropole, et diminuer les tarifs de la presse
écrite et du disque, avec un appui particulier vers les ouvrages pour la
jeunesse ".
Le projet de loi ne répond que partiellement à cette
préoccupation.
En effet, au-delà de la disposition figurant au paragraphe I, de
portée normative incertaine, qui fixe en termes très
généraux un objectif de réduction des écarts de
prix entre la métropole et l'outre-mer pour les biens culturels, cet
article a pour seul objet de prévoir l'application, à compter du
1
er
janvier 2002 dans les départements d'outre-mer,
de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix
du livre -dite " loi Lang ".
En effet, si le paragraphe I reprend l'objectif de réduction des
écarts de prix en matière culturelle entre la métropole et
les départements d'outre-mer, il prévoit des mesures dont les
modalités ne sont pas précisées -sauf qu'elles auront un
caractère progressif-, et dont le financement incombe non pas seulement
à l'Etat, comme le prévoyait le rapport de MM. Lise et
Tamaya, mais également aux collectivités territoriales.
Jusqu'à présent, par dérogation au principe de
l'assimilation législative qui veut que le régime
législatif des départements d'outre-mer soit le même que
celui des départements métropolitains, l'article 10 de la
loi de 1981 prévoyait des modalités particulières
d'application pour ces départements "
compte tenu des
sujétions dues à (leur) éloignement
".
Le décret n° 83-5 du 5 janvier 1983
6(
*
)
a précisé que les coefficients de
majoration applicables aux prix de vente des livres au public dans les
départements d'outre-mer sont fixés par arrêtés
préfectoraux.
Ces coefficients sont les suivants :
- pour la Guadeloupe et la Martinique : 1,17
- pour la Guyane : le coefficient va de 1,135 pour les livres scolaires
à 1,3 pour les livres transportés par avion, en passant par 1,19
pour les livres acheminés par bateau.
- et pour la Réunion : 1,22.
Cette harmonisation du prix du livre constitue à l'évidence un
progrès pour " rapprocher " en matière culturelle la
métropole et les départements d'outre-mer, même si on
pourrait être tenté d'en relativiser l'importance à l'heure
du commerce électronique.
Cependant, cette disposition, aussi légitime soit-elle dans son
principe, nécessite la mise en place d'un mécanisme de
compensation dans la mesure où les majorations pratiquées
actuellement ont pour objet de compenser les " sujétions
d'éloignement " qui recouvrent à l'évidence les
coûts de transports -en constante augmentation- mais, au-delà, les
spécificités des circuits de distribution et les
difficultés de gestion des stocks auxquelles sont confrontés
outre-mer les libraires (conditions de stockage, coût des retours
d'ouvrages vers les maisons d'édition par exemple).
Le coût de l'application de la loi de 1981 dans les départements
d'outre-mer n'a pas pour l'heure fait l'objet d'évaluation. Afin
d'apprécier les conséquences de cette disposition et d'estimer le
montant de la compensation financière nécessaire, les ministres
de l'économie, des finances et de l'industrie, de l'équipement,
des transports et du logement, de la culture et de la communication et de
l'outre-mer ont mandaté une mission confiée à un
inspecteur des finances, dont les résultats devraient être connus
d'ici la fin de l'année.
Votre rapporteur ne peut que souligner l'importance de la compensation de
l'alignement du prix du livre sur la métropole, qui correspond à
un objectif culturel mais également économique. Il importe que la
mesure prévue par le projet de loi ne compromette pas l'existence d'une
offre de lecture diversifiée et indépendante, risque qui n'est
pas à exclure sur des marchés de taille restreinte
déjà caractérisés par une forte concentration des
distributeurs.
D'après les informations communiquées à votre rapporteur,
à la différence de ce que prévoit le paragraphe I de
cet article pour les autres biens culturels, le financement de la
réduction des écarts de prix devrait incomber à l'Etat. On
rappellera qu'actuellement, l'Etat verse d'ores et déjà une
subvention pour l'aide au transport des livres, de l'ordre de 2 millions de
francs, à la Centrale d'édition, groupement
d'intérêt économique qui sert d'intermédiaire entre
les éditeurs et les libraires d'outre-mer.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a étendu le champ du paragraphe I de
cet article sans pour autant en préciser le contenu.
Outre un amendement de précision rédactionnelle, elle a en effet
inclus dans les biens visés par le paragraphe I les "
biens
éducatifs et
scolaires
", catégorie dont la
définition n'est pas aisée à établir et qui, en
tout état de cause, recouvre des biens très variés (y
compris des biens d'équipement).
Si l'objectif poursuivi est louable, la mise en oeuvre de telles mesures
s'avérera délicate dans la mesure où, à la
différence du livre, les prix sont libres et où les écarts
constatés entre la métropole et les départements
d'outre-mer tiennent non seulement au coût des transports mais
également, dans des proportions variables, aux
spécificités des circuits de la distribution et aux conditions
d'exploitation particulières imposées par l'éloignement
géographique.
III. Position de la commission
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose
d'adopter cet article sans modification.
Article 20
Compensation de la non-application
de la
taxe spéciale
sur le prix des places de spectacles
cinématographiques dans
les départements d'outre-mer pour les
entreprises de production
qui y sont établies
I.
Texte du projet de loi
Cet article répond à une préoccupation exprimée
à maintes reprises par les producteurs de films établis dans les
départements d'outre-mer.
Depuis l'extension du code de l'industrie cinématographique aux
départements d'outre-mer, opérée par l'article 65 de
la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993
7(
*
)
, ces entreprises bénéficient dans les
mêmes conditions que celles implantées sur le territoire
métropolitain du soutien financier à la production
cinématographique, qu'il s'agisse du soutien automatique ou du soutien
sélectif.
Cependant, l'application du régime d'aides au cinéma dans les
départements d'outre mer, qui n'est intervenue au demeurant que trop
tardivement, ne s'est pas pour autant accompagnée de l'abrogation du
dernier alinéa de l'article 1609 duovicies du code
général des impôts qui prévoit que la taxe
spéciale sur le prix des places de cinéma n'est pas perçu
dans ces mêmes départements. On rappellera que cette
exonération avait été prévue par la loi de finances
pour 1963.
En raison du maintien de cette spécificité, les entrées
dans les salles des cinémas d'outre-mer ne génèrent pas de
droits au soutien automatique.
Le soutien automatique qui représente la part la plus importante du
soutien financier au secteur du cinéma constitue une des
spécificités de l'intervention de l'Etat dans l'économie
du cinéma. Il a pour objet d'imposer à la profession un effort
d'épargne en instituant un prélèvement obligatoire sur les
recettes d'exploitation des films grâce à la taxe sur les places
de cinéma : le montant du soutien financier auquel peuvent
prétendre les producteurs mais également les distributeurs et les
exploitants est ensuite calculé en fonction du produit de cette taxe.
Afin de remédier aux inconvénients de cette
spécificité du régime juridique des départements
d'outre-mer, l'article 20 propose non pas d'étendre la taxe aux
départements d'outre-mer, solution qui ne semblait pas présenter
d'intérêt particulier pour la situation du cinéma en
outre-mer -en particulier pour le secteur de l'exploitation- mais de
créer un mécanisme destiné à compenser pour les
entreprises de production qui y sont établies l'absence de perception de
cette taxe.
Il faut souligner que cette compensation, dont les modalités seront
fixées par décret, ne concerne que le secteur de la production,
ceux de la distribution et de l'exploitation étant exclus de ce
mécanisme. Au sein du secteur de la production, il
bénéficie aux seules entreprises établies dans les
départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La portée de ce dispositif demeure cependant limitée : les
films produits par les entreprises établies dans les départements
d'outre-mer, peu nombreux au demeurant, réalisant l'essentiel de leurs
entrées en métropole, le soutien susceptible d'être
généré par les entrées outre-mer sera en tout
état de cause d'un faible montant.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
III. Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article un amendement d'ordre
rédactionnel.
Article 21
Fonds destiné à promouvoir les échanges
éducatifs, culturels ou sportifs
des habitants des
départements d'outre-mer vers la métropole
I.
Texte du projet de loi
L'article 21 prévoit la création d'un fonds de promotion des
échanges éducatifs, culturels et sportifs entre les
départements d'outre-mer et la métropole.
Ce fonds permettra de diminuer les coûts de transport supportés
par les fédérations et clubs sportifs mais également les
associations de jeunesse et d'éducation populaire afin de permettre aux
habitants des départements d'outre-mer, et en particulier aux jeunes, de
participer à des manifestations sportives ou culturelles en
métropole ou encore à l'étranger.
Un dispositif comparable existe déjà, sous la forme associative,
à la Réunion. A la différence de ce dernier, qui
relève quasi exclusivement des collectivités territoriales et ne
bénéficie que d'un modeste soutien financier de l'Etat, le fonds
prévu par cet article sera mis en place et financé par
l'Etat ; cependant, il pourra également être alimenté
par des contributions des collectivités territoriales des
départements d'outre-mer ou du secteur privé.
Dans chaque département d'outre-mer, devrait être constitué
un groupement d'intérêt public qui définira les
critères d'intervention de ce fonds. Cette structure juridique
présente l'avantage de pouvoir associer de manière souple les
différentes collectivités publiques mais également les
partenaires privés qui souhaiteraient y participer.
Afin d'abonder ce fonds, des mesures nouvelles significatives devraient
être inscrites dès le projet de loi de finances pour 2001 au
budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
II. Position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
Cependant, il convient de relever que l'article 40 du projet de loi
d'orientation a été complété afin d'étendre
à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon le
bénéfice de ce dispositif,
" sous réserve des
adaptations nécessaires qui sont précisées par
décret "
.
III. Position de la commission
Votre rapporteur ne peut que se féliciter de l'engagement de l'Etat dans
des actions qui revêtent une grande importance pour les habitants des
départements d'outre-mer en leur permettant de participer à la
vie culturelle et sportive de la Nation. Actuellement, ce type d'actions est
essentiellement à la charge des collectivités territoriales pour
lesquelles, compte tenu notamment du niveau très élevé des
tarifs aériens, elles représentent une lourde charge.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
d'une réunion tenue le 7 juin 2000 sous la présidence de
M. James Bordas, vice-président
, la commission a
examiné le rapport pour avis de
M. Victor Reux
sur le titre IV du
projet de loi n° 342 (1999-2000), adopté par l'Assemblée
nationale en première lecture après déclaration d'urgence,
d'
orientation
pour l'outre-mer
.
A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, un large débat
s'est instauré.
M. André Maman
a souhaité obtenir des précisions
complémentaires sur le système scolaire en Guyane et notamment
sur le nombre d'enfants non scolarisés, sur l'origine des enseignants et
sur les avantages dont ceux-ci bénéficiaient.
Il s'est enquis des langues régionales qui faisaient déjà
l'objet d'un enseignement en Guyane dans le cadre de l'éducation
nationale et a demandé si l'obligation de scolarité s'appliquait
à tous les enfants issus de l'immigration clandestine.
Il a par ailleurs évoqué la situation générale de
l'ensemble des départements d'outre-mer dans le domaine de
l'éducation.
M. Jacques Legendre
s'est étonné de la proportion
d'élèves non francophones en Guyane dans le second degré
et s'est demandé si les établissements avaient l'obligation de
les accueillir. Il s'est interrogé sur la responsabilité de
l'enseignement primaire en ce domaine. Après avoir exprimé ses
plus vives réserves quant à une ratification de la charte du
Conseil de l'Europe sur les langues régionales et minoritaires, il a
manifesté son accord pour faire entrer les langues régionales
ultramarines dans le champ d'application de la loi Deixonne.
Il a en revanche exprimé son scepticisme quant aux effets
bénéfiques de l'instrumentalisation des langues régionales
pour l'apprentissage et la maîtrise du français.
Il a souhaité que la mise en oeuvre de la loi de 1951 dans les DOM fasse
l'objet d'un suivi, via un rapport au Parlement et a rappelé que
l'enseignement des langues régionales devait rester fondé sur le
volontariat.
Il a par ailleurs estimé que des mesures devraient être prises
à l'encontre des enseignants qui se distinguent par un
absentéisme excessif.
Après avoir évoqué les circonstances qui ont
suscité l'éclatement de l'ancienne académie des
Antilles-Guyane, il s'est demandé si les enseignants d'origine
métropolitaine avaient contribué à freiner le
développement des langues régionales dans ces départements.
Il a enfin souhaité obtenir des précisions sur les
aménagements susceptibles d'être introduits dans les programmes
d'histoire.
M. René-Pierre Signé
a fait observer que la culture
française avait été imposée à nos anciennes
colonies sans référence à leur histoire, contrairement
à l'attitude observée par le Royaume-Uni à l'égard
de son empire colonial.
M. Louis de Broissia
a rappelé que cette politique unificatrice
avait été engagée surtout après Jules Ferry mais
que des adaptations aux programmes existaient en fait dans nos anciennes
colonies comme l'Indochine.
M. Alain Dufaut
a fait observer que la situation de Cayenne et de Kourou
ne pouvait être comparée à celle des villages du Maroni qui
ne sont difficilement accessibles qu'en pirogue, et qui subissent une
immigration permanente de familles du Surinam attirées par notre
système sanitaire, social et éducatif, notre administration
étant bien en peine de contrôler ces mouvements de population au
plan local.
Soulignant les difficultés des conditions de vie et d'enseignement en
forêt et sur le fleuve, il a estimé que le système actuel
d'incitations financières devait être maintenu au
bénéfice des enseignants concernés.
M. Serge Lagauche
a estimé que l'échec scolaire outre-mer
résultait davantage des conditions économiques et sociales que
d'une absence de reconnaissance des langues créoles dans
l'éducation nationale.
Répondant à ces interventions,
M. Victor Reux, rapporteur pour
avis
, a notamment apporté les précisions suivantes :
- les enseignants exerçant en Guyane bénéficient d'une
prime d'éloignement correspondant à un an de traitement, qui est
susceptible d'être supprimée par l'article 12 bis du projet
de loi, d'une surrémunération et d'une prime spécifique
lorsqu'ils exercent dans certains villages du fleuve, ces avantages devant
être préservés pour maintenir la qualité de
l'enseignement ;
- les communautés surinamienne et brésilienne représentent
environ 30.000 personnes en Guyane ;
- tous les enfants d'âge scolaire, même issus de l'immigration
clandestine doivent être scolarisés en vertu de l'obligation
scolaire ;
- les plans de rattrapage ont permis d'améliorer l'encadrement des
élèves mais leurs effets sont obérés en Guyane du
fait de la croissance démographique et d'une immigration
incontrôlée ;
- l'usage du créole à l'école, qui constitue la langue
maternelle de la majorité des enfants est de nature à
réduire l'échec scolaire et le mutisme des élèves
mais son enseignement doit rester optionnel et fondé sur le volontariat
des maîtres et des familles ;
- l'usage de la langue vernaculaire dans l'enseignement, comme le
préconisent des linguistes éminents, crée un lien entre la
maison et l'école et doit contribuer à la maîtrise de la
langue française.
- la place de la langue française doit être
préservée dans une perspective de développement de la
francophonie ;
- la création d'un IUFM de plein exercice à Cayenne est
essentielle pour " guyaniser " le corps professeurs des écoles et les
stabiliser ; les conditions de vie et d'enseignement difficiles sont à
l'origine du fort absentéisme des enseignants et de leur court passage
en Guyane ;
- l'adaptation des programmes scolaires a été
réclamée par de nombreux élus des DOM qui demandent une
plus grande reconnaissance des identités ultramarines ; il convient de
rappeler que les instructions officielles existantes autorisent d'ores et
déjà des aménagements substantiels aux programmes ;
- une coopération doit être développée avec les
Etats voisins de la Guyane pour tenter de contrôler l'immigration ;
La commission a ensuite abordé l'examen des articles au cours duquel
sont notamment intervenus, outre
le rapporteur pour avis
et
M. James
Bordas, président de séance, MM. Louis de Broissia, Serge
Lagauche, Jacques Legendre
et
Jean-Luc Miraux.
Après avoir adopté les amendements proposés par son
rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à
l'adoption des dispositions du titre IV du projet de loi ainsi
modifiées.
AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LA COMMISSION
Article 18 bis (nouveau)
Amendement
Rédiger ainsi cet article :
Le conseil de l'éducation nationale institué dans les
départements et les régions de Guadeloupe, de Guyane, de
Martinique et de la Réunion, peut rendre tout avis sur les programmes
des enseignements dispensés dans les écoles, collèges et
lycées, implantés dans ces départements et régions
et émettre toute proposition en vue de l'adaptation de ceux-ci aux
spécificités locales.
Article 20
Amendement
Rédiger ainsi cet article :
Pour le calcul du soutien financier dont peuvent bénéficier les
entreprises de production établies dans les départements
d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, à raison de la
représentation en salles des oeuvres cinématographiques de longue
durée qu'elle produisent, l'absence de perception de la taxe
spéciale sur le prix des places de spectacles cinématographiques
dans les salles de ces départements est compensée dans des
conditions fixées par décret.
1
" Les départements
d'outre-mer
aujourd'hui : la voie de la responsabilité " - juin 1999
2
Cette délégation, conduite par M. le
Président Adrien Gouteyron, était composée de
MM. Jean-Léonce Dupont, Jean-Claude Carle, Xavier Darcos et Pierre
Martin.
3
" Mieux gérer, mieux éduquer, mieux
réussir. Redonner sens à l'autorisation budgétaire ".
N° 328 (1998-1999)
4
A.N. n° 1477, 18 mars 1999
5
Langues et cultures régionales -Rapport au Premier ministre
- La Documentation française.
6
Décret n° 83-5 du 5 janvier 1983 pris pour
l'application dans les départements d'outre-mer de la loi n° 81-766
du 10 août 1981 relative au prix du livre.
7
Loi portant dispositions relatives aux départements
d'outre-mer, aux territoires d'outre-mer et aux collectivités
territoriales de Mayotte et de St-Pierre et Miquelon.