INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La détérioration des statistiques de la criminalité en
1998 est en phase avec le sentiment d'insécurité de nos
concitoyens, alimenté par la recrudescence de la violence urbaine, du
trafic de drogue et de la délinquance des mineurs.
Les grandes orientations du Gouvernement en matière de politique de
sécurité sont désormais arrêtées par le
Conseil de sécurité intérieure créé le
18 novembre 1997. Ce conseil s'est réuni trois fois en 1998, les
27 avril, 8 juin et 22 octobre, et deux fois en 1999, les
27 janvier et 19 avril.
A ces occasions, le Gouvernement a réaffirmé, dans la
lignée des réflexions conduites au colloque de Villepinte, en
octobre 1997, sa volonté de mettre l'accent sur la politique de
proximité.
La police doit ainsi faire face à des défis multiples tant sur le
front de la délinquance de proximité que sur celui des trafics
internationaux qui exigent une coopération internationale active.
Depuis 1995, elle a connu une profonde réorganisation initiée par
la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995. Mais force est de
constater que les objectifs de cette loi, qui entrait en 1999 dans sa
dernière année d'application, sont très loin d'être
atteints aussi bien concernant les recrutements de personnels que les
crédits de fonctionnement et d'équipement dont a
bénéficié la police pendant cette période.
En 1998, la police a constaté, avec la gendarmerie nationale, plus de
3,5 millions d'infractions et procédé à 8 040
mesures de reconduite à la frontière.
Le budget de la police pour 1999 qui s'élève à 29,992
milliards de francs, soit 3% de plus que l'année
précédente, augmente nettement plus que l'ensemble du budget dont
la progression est limitée à 0,9%.
Malgré cela, ce budget ne suffit pas pour répondre aux grandes
inquiétudes générées par les départs
à la retraite massifs devant toucher près du quart des effectifs
dans les cinq prochaines années ni pour résorber le retard
accumulé en matière d'équipements.
Le ministère de l'intérieur devra ainsi faire face à un
considérable besoin de formation. Au 1
er
janvier 2000, plus
de 6 000 agents seront en formation en école, soit trois fois plus
qu'en 1995.
Si on ne peut que souscrire à la priorité donnée par le
Gouvernement à la politique de sécurité de
proximité, on peut s'interroger sur la validité de sa mise en
oeuvre reposant, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont le recrutement
semble problématique et l'avenir incertain et sur la
" fidélisation " de forces mobiles dont les modalités
semblent encore imprécises.
Les 20 000 adjoints des sécurité qui devraient être en
place à la fin de l'année 2000 représenteront plus du
cinquième des effectifs du corps de maîtrise et d'application.
D'un niveau d'études très inférieur à celui des
gardiens de la paix, il pourront, en application du décret du
19 octobre dernier, bénéficier néanmoins de 40% des
postes aux concours de recrutement de gardien de la paix.
Il faut espérer que les 300 contrats locaux de sécurité
signés, et les 400 sur le point de l'être, mobiliseront
efficacement au niveau local l'ensemble des intervenants publics et
privés en matière de prévention et de répression de
la délinquance.
On peut s'interroger également sur les perspectives de
redéploiements d'effectifs, après l'abandon, le 20 janvier
dernier, du programme très contesté de redéploiement
global des effectifs de police et de gendarmerie sur le territoire.
Mais avant d'aborder l'examen des crédits de la police pour 2000, votre
rapporteur tient, après avoir rappelé les conditions souvent
très périlleuses dans lesquelles les policiers se dévouent
au service de la sécurité de notre pays, ainsi que le
caractère psychologiquement de plus en plus éprouvant de
l'exercice de leur métier, à rendre hommage aux 7 policiers
tués et aux 3740 policiers blessés en mission de police au cours
de l'année 1998.
I. UNE CRIMINALITÉ EN HAUSSE
Inversant la tendance constatée les trois années
précédentes, l'année 1998 a enregistré une
détérioration des statistiques globales de la délinquance
et de la criminalité.
Cette évolution est en phase avec la perception par les Français
d'un fort sentiment d'insécurité alimenté par une
délinquance de proximité de plus en plus violente mettant en
cause un nombre croissant de mineurs.
Par ailleurs, les conditions d'une mobilisation efficace contre le trafic de
drogue, le terrorisme et l'immigration irrégulière n'ont pas
toujours été réunies.
A. UNE DÉTÉRIORATION DES STATISTIQUES DE LA CRIMINALITÉ
En 1998,
les services de police et de gendarmerie ont constaté
3.565.525
crimes ou délits
, soit environ 72 000 de plus que
l'année précédente.
La criminalité globale se caractérise donc par une
augmentation de 2,06 %
par rapport à l'année
précédente, la criminalité moyenne pour
1.000 habitants s'établissant à
60,7
contre 59,97 en
1997.
ÉVOLUTION DÉCENNALE DE LA CRIMINALITÉ EN FRANCE
Années |
Nombre d'infractions |
Evolution
|
Taux pour 1000 habitants |
1989 |
3.266.442 |
+ 4,27 |
58 |
1990 |
3.492.712 |
+ 6,93 |
62 |
1991 |
3.744.112 |
+ 7,20 |
66 |
1992 |
3.830.996 |
+ 2,32 |
67 |
1993 |
3.881.894 |
+ 1,33 |
67 |
1994 |
3.919.008 |
+ 0,96 |
67 |
1995 |
3.665.320 |
- 6,47 |
63 |
1996 |
3.559.617 |
- 2,88 |
61 |
1997 |
3.493.442 |
- 1,86 |
60 |
1998 |
3.565.525 |
+2,06% |
61 |
La
hausse de la criminalité reflète pour l'essentiel celle des
vols
qui représentent plus de 64% de l'ensemble et augmentent de
2,1%.
La délinquance dite de voie publique augmente de 1,3% et
représente plus de la moitié (54,9%) de la délinquance
enregistrée.
Les statistiques restent orientées à la hausse au
premier
semestre 1999,
avec
2%
d'augmentation globale au niveau national
et
3,9% à Paris.
Sur le
plan géographique
, quatre régions, Ile-de-France,
Provence-Alpes-Côte d'azur, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais,
concentrent à elles seules plus de la moitié (55,11%) des crimes
et délits constatés en France métropolitaine.
Par ailleurs, la hausse globale de la criminalité observée en
1998 n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire.
Parmi les 22
régions
métropolitaines,
9 ont
enregistré une baisse
de la criminalité et 9 autres ont
enregistré une hausse supérieure à la moyenne.
Parmi les onze grandes circonscriptions de sécurité publique de
plus de 250 000 habitants quatre ont enregistré une baisse de leur
criminalité, à savoir, Bordeaux (-6,73%), Rouen (-3,95%) et, dans
une moindre mesure, Lyon et Grenoble.
On rappellera que, sur longue période, les chiffres de la
criminalité ont été
multipliés par plus de 6
depuis 1950
, la croissance ayant été constante depuis cette
date, à des rythmes plus ou moins élevés, avec
néanmoins un premier retournement de tendance de 1984 à 1988, et
un autre de moindre ampleur de 1994 à 1997.
Pendant cette période on a pu assister à une explosion de la
petite délinquance liée au développement de la
société de consommation et à une forte augmentation de la
criminalité en matière de stupéfiants.
L'augmentation des vols est particulièrement spectaculaire. On comptait
moins de 200 000 vols en 1950 pour plus de 2 millions en 1998. Les vols
d'automobile, très symptomatiques de notre époque, ont
été multipliés par plus de 100 passant de 2500 en 1950
à plus de 300 000 en 1998.
En matière de stupéfiants les faits constatés ont
été multipliés par mille en trente ans, passant d'une
centaine en 1968 à près de 100 000 en 1998, la progression
ayant dépassé les 80% dans les dix dernières
années.
B. UN FORT SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS
La détérioration des statistiques de la criminalité en 1998 est en phase avec l'accroissement du sentiment d'insécurité de nos concitoyens. Mais en tout état de cause, comme votre commission l'a souligné les années précédentes, les statistiques officielles ne sont pas véritablement adaptées pour retracer l'insécurité réellement subie ou perçue par les citoyens dans leur vie quotidienne.
1. Le " chiffre noir " de la délinquance
Les
chiffres officiels résultent de la tenue par les services de police
judiciaire des états statistiques dits " états 4001 "
qui reflètent plus l'activité des services de police que la
délinquance réelle.
Ils ne recensent en effet que les
faits signalés par leurs
victimes
. Or, de nombreux facteurs, déjà relevés par
votre rapporteur les années précédentes dissuadent les
citoyens de porter plainte.
Il en est ainsi de la
faiblesse des taux d'élucidation
des
infractions de proximité. Alors que le taux d'élucidation des
homicides approche les 85%, et qu'il est en moyenne de 28,66% pour l'ensemble
des infractions (contre 30,20% en 1996 et 29,47% en 1997), il s'établit
à 13 % pour les vols et à moins de
10% (9,6%) pour l'ensemble
de la délinquance de voie publique
.
La faiblesse de la réponse pénale aggrave encore ce
phénomène puisque, en moyenne,
80 % des affaires
élucidées en ces matières sont classées sans
suite
par les parquets faute de moyens pour les traiter. Votre commission a
fréquemment déploré cette rupture de la chaîne
répressive estimant que le classement sans suite ne devait pas
être une solution pour pallier l'encombrement des tribunaux.
Par ailleurs, les statistiques ne recensent que les crimes et délits et
non les
contraventions
. Or, on observe, depuis plusieurs années,
l'apparition, à côté d'une réelle
délinquance, de comportements provocants, dits
"
incivilités
", qui sont durement ressentis par les
populations concernées. Il convient cependant de ne pas adhérer
à la tendance consistant à
cacher sous le terme
d'incivilités des comportements qui seraient tout à fait
susceptibles d'être réprimés pénalement, ne
serait-ce que par une simple contravention.
Même sans aboutir
à la " tolérance zéro ", de mise en
Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, il ne faut pas laisser croire que certains
agissements peuvent échapper à toute sanction.
Une
enquête de " victimation "
conduite par l'Institut
des hautes études de la sécurité intérieure
(IHESI), associé à l'INSEE, a révélé, au
mois d'octobre dernier, que les faits de délinquance commis en 1998
seraient
cinq fois supérieurs
à ceux des statistiques
officielles. La meilleure adéquation entre les faits commis et ceux
déclarés apparaît quand les victimes peuvent espérer
être dédommagées par les assurances à la suite du
préjudice subi, ce qui est le cas en matière de vol d'automobile,
par exemple. L'enquête met en lumière, au contraire, un nombre de
menaces ou chantages 66 fois plus important que celui déclaré, et
115 fois plus d'atteintes à la dignité des personnes.
Cette étude confirme que
les statistiques de la délinquance de
proximité sont certainement minimisées
et qu'il est
justifié d'évoquer le "
chiffre noir de la
criminalité
".
2. La forte croissance de la violence de proximité
La
violence affecte de plus en plus les Français dans leur vie quotidienne.
Depuis 1988, alors que les infractions dites de masse, qui sont les plus
courantes, ont augmenté de 20%, les
dégradations
et
les
coups et blessures volontaires
ont plus que doublé et les
vols
avec violence
ont augmenté de 75%. En 1998, ces infractions ont
continué à croître de 5 à 6%, soit très
nettement plus que moyenne, ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessous.
ÉVOLUTION DÉCÉNNALE DES INFRACTIONS DE MASSE
Infractions |
1988 |
1992 |
1996 |
1997 |
1998 |
Evolution 1998/1997
|
Evolution 1998/1988
|
Coups et
blessures
|
42 512 |
55 613 |
75 425 |
81 910 |
86 796 |
5,97% |
104,17% |
Cambriolages |
375 851 |
462 497 |
436 414 |
407 385 |
409 212 |
0,45% |
8,88% |
Vols avec violence |
43 409 |
60 324 |
70 031 |
72 203 |
76 191 |
5,52% |
75,52% |
Vols à l'étalage |
63 355 |
70 856 |
59 627 |
57 055 |
60 395 |
5,85% |
-4,67% |
Vols à la tire |
99 305 |
102 990 |
80 984 |
79 747 |
93 081 |
16,72% |
-6,27% |
Vols de véhicules |
360 509 |
504 939 |
443 767 |
417 360 |
415 930 |
-0,34% |
15,37% |
Vols Roulotte |
675 032 |
886 011 |
704 955 |
672 101 |
687 362 |
2,27% |
1,83% |
Recels |
26 963 |
34 089 |
34 324 |
35 381 |
38 857 |
9,82% |
44,11% |
Falsifications |
173 891 |
180 721 |
163 698 |
154 675 |
149 929 |
-3,07% |
-13,78% |
Dégradations |
204 218 |
374 569 |
447 376 |
454 180 |
474 978 |
4,58% |
132,58% |
Total Infractions masse |
2 065 045 |
2 732 609 |
2 516 601 |
2 431 997 |
2 492 731 |
2,50% |
20,71% |
Criminalité |
3 132 694 |
3 830 996 |
3 559 617 |
3 493 442 |
3 565 525 |
2,06% |
13,82% |
Part de la criminalité |
65,92% |
71,33% |
70,70% |
69,62% |
69,91% |
|
|
En 1998,
le service des renseignements généraux a comptabilisé
26 000 faits de
violence urbaine,
soit 10 000 faits de
plus qu'en 1997. La moitié de ces faits étaient des incendies de
biens, 8 000 voitures ayant ainsi été incendiées. Le
ministre de l'intérieur a minimisé ces chiffres en faisant
ressortir qu'il n'y avait "
rien de commun entre un feu de poubelle et
un meurtre
". Il n'en demeure pas moins que l'incendie volontaire ne
peut être considéré comme une attitude sociale normale....
L'ensemble de ces phénomènes de délinquance urbaine se
concentre principalement dans les banlieues et les quartiers
défavorisés dont les habitants ont le sentiment d'être
à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens
de deuxième rang, condamnés à vivre dans des
zones de
non-droit
en contact quotidien avec la violence urbaine et la
multiplication des trafics.
Le service des renseignements généraux a déterminé
749 quartiers sensibles
en proie à la violence urbaine.
Parmi ceux-ci,
167
, sont régulièrement le siège de
violences anti-policières, y rendant extrêmement difficile
toute intervention
.
Ce phénomène, autrefois concentré dans les zones les plus
urbanisées, tend à se
diluer géographiquement
et
à toucher des quartiers de petites villes. Il tend de plus à
s'exporter à l'extérieur des quartiers, les fauteurs de trouble
tendant de plus en plus à sortir de leur cité et à se
rendre notamment dans les centres villes. C'est ainsi que Paris, longtemps
épargné, est de plus en plus fréquemment confronté
aux exactions de bandes venant de banlieue.
Vingt-six
départements ont été
déterminés comme
très sensibles
et
vingt et
un
comme
sensibles.
La recrudescence de la
violence dans les
transports en commun
est
particulièrement emblématique, affectant les usagers comme les
personnels. Ces derniers n'acceptent plus, à juste titre, d'être
quotidiennement mis en danger dans l'exercice de leurs fonctions. Il convient
à cet égard de saluer les dispositions de l'article 14 de la loi
n° 99-505 du 18 juin 1999
aggravant les peines encourues
par
les auteurs d'infractions commises à l'encontre des agents des
exploitants de réseau de transport public de voyageurs, mesures
préfigurées par la proposition de loi adoptée par le
Sénat en décembre 1998 à l'initiative, et sur le rapport,
de M. Christian Bonnet.
Au-delà d'une violence quotidienne, se sont produites de très
inquiétantes
explosions de violence urbaine
en 1998 et 1999.
Certains quartiers, notamment à Strasbourg, Toulouse, Givors ou Vauvert,
ont connu des situations proches de l'émeute. Par ailleurs, les actes de
violence et de déprédation perpétrés dans le cadre
de
rencontres sportives
, notamment lors du match de football entre
l'Olympique de Marseille et le Paris Saint Germain, le 4 mai dernier à
Paris, conduisent à souhaiter qu'une plus grande fermeté soit de
mise aux abords des stades.
C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE
En 1998,
le nombre de mineurs impliqués dans des crimes ou des délits
s'est
accru de 11,23 %,
atteignant 171 787.
Leur part dans le total des personnes mises en cause a continué de
progresser. Elle s'établit à
21,77%
contre 19,37% en 1997,
11,96% en 1988 et 10% en 1970.
Il faut noter que la
part des filles
continue à augmenter dans la
population des mineurs mis en cause (11,1 % en 1998 pour 10,47% en 1997 et
9,32% en 1996), mais qu'elle reste inférieure à celle des femmes
adultes dans le total des mis en cause majeurs (15,1%).
Le caractère de plus en plus
précoce
de la
délinquance devient un véritable sujet de préoccupation
pour les services de police qui sont souvent confrontés à des
enfants de moins de 13 ans, voire même, de moins de 10 ans.
La participation des mineurs est particulièrement importante en
matière de vols. Ils représentent ainsi 60% des mis en cause pour
des vols de deux roues à moteur et 34,11 % sur l'ensemble des vols.
Mais
l'augmentation des actes de violences impliquant des mineurs
se
poursuit également de manière particulièrement alarmante.
La part des mineurs s'élève à 14,6% en matière de
crimes et délits contre les personnes. Leur part en matière de
délinquance de voie publique (36%) est également en augmentation.
Cette situation reflète la
faillite des modes de régulation
habituels
, l'approche éducative classique n'ayant pas de prise sur
les jeunes délinquants et l'emprisonnement (possible à partir de
13 ans selon des règles spécifiques) ne conduisant qu'à
fabriquer des récidivistes en puissance.
Les conclusions du rapport de la mission interministérielle
confiée à nos collègues députés,
Mme Christine Lazerges et M. Jean-Pierre Balduyck, avaient
été examinées par le conseil de sécurité
intérieure du 8 juin 1998 qui avait arrêté les grandes
orientations
d'un plan gouvernemental de lutte contre la délinquance
des mineurs ne remettant pas en cause les principes de l'ordonnance de
1945.
Ce plan, s'inscrivant dans une logique de programmation sur la
période 1999-2001, a été précisé par la
circulaire du 6 novembre 1998 du Premier ministre et par la circulaire
interministérielle du même jour.
Le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 a
souhaité intensifier les actions décidées en 1998. Il a
ainsi décidé d'assurer "
l'immédiateté et
la continuité de la prise en charge des mineurs notamment des plus
difficiles d'entre eux, au besoin dans le cadre d'une rupture avec leur
environnement
". A notamment été décidée
la création d'ici 2001 de
50 centres de placement
immédiat
d'une capacité de 900 places devant permettre
l'éloignement des délinquants les plus difficiles et leur prise
en charge renforcée nuit et jour. A également été
prévue une accélération du programme de
développement des
centres éducatifs renforcés
afin
de disposer de 100 unités à la fin de l'année 2000
à l'intention de mineurs pour lesquels un séjour de rupture de
quelques mois apparaît nécessaire.
Les modalités de mise en oeuvre des principes de traitement de la
délinquance juvénile ont été
précisées par une circulaire du garde des Sceaux en date du 24
février 1999.
Votre commission rappelle que la lutte contre la délinquance des
mineurs doit être commencée à la base par un
véritable apprentissage de la citoyenneté. Il ne faut pas laisser
sans réponse les petites infractions au risque d'accréditer
l'idée que leurs auteurs ne sont pas soumis à la loi commune.
Elle approuve les orientations consistant à impliquer davantage les
parents et à éloigner les meneurs de leur milieu d'origine pour
tenter de soustraire leurs camarades à leur influence.
D. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE DÉTERMINÉE DE LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS ET LA TOXICOMANIE
Votre
commission a eu maintes fois l'occasion de rappeler l'importance qu'elle
attachait à la lutte contre le fléau que représente la
drogue.
En 1998, on constate une augmentation de 6% des infractions constatées
en matière de consommation ainsi qu'un accroissement des
quantités de produits stupéfiants saisies.
Infractions à la législation sur les
stupéfiants
Type d'infractions |
Année 1997 |
Année 1998 |
Variation 98/97 |
TOTAL |
89 285 |
91 048 |
+1,97% |
- dont trafic |
6 560 |
5 541 |
-15,53% |
- usage-revente |
12 281 |
10 874 |
-11,46% |
- consommation |
70 444 |
74 633 |
+5,95% |
Saisies de produits stupéfiants
Substances |
1997 |
1998 |
Evolution |
Cannabis
|
55,12 tonnes |
55,7 tonnes |
+ 1,05% |
Héroïne |
415 kg |
344 kg |
- 17,26 % |
Cocaïne |
0,8 tonnes |
1,05 tonnes |
+ 24,27 % |
LSD |
5 983 doses |
18 680 doses |
+ 212,22 % |
Crack |
16,2 kg |
25 kg |
+ 54,32 % |
Ecstasy |
198 941 doses |
1 142 226 doses |
+ 474,15 % |
L'augmentation des saisies de produits stupéfiants n'a
pas
concerné l'héroïne, ce qui confirmerait la
désaffection constatée pour l'usage de cette drogue. A
l'opposé, l'évolution des saisies de
drogues de
synthèse
révèle la part alarmante que prennent ces
drogues dans la consommation. Leur production est assurée à 80%
par les Pays-Bas mais aussi par de nombreux laboratoires clandestins
installés en Pologne, en Hongrie et en Russie.
Votre rapporteur tient à rappeler que la lutte contre la drogue passe,
tant en ce qui concerne l'action interne que la coopération
internationale, par une
mobilisation permanente de tous les moyens
. Ceci
implique l'efficacité de l'action préventive et répressive
des pouvoirs publics entreprise sous l'égide de la mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT).
Mais ceci exige avant tout que la politique du Gouvernement en la
matière soit ferme et sans ambiguïté.
Sans remettre en
cause la nécessité de combattre les méfaits de
l'alcoolisme et du tabagisme, votre commission estime qu'il ne faut pas mettre
ces fléaux sur le même pied que la lutte contre la drogue qui
implique l'existence de trafics autrement plus dangereux.
E. UNE LUTTE CONTRE LE TERRORISME FOCALISÉE SUR LA CORSE
En 1998,
la lutte s'est poursuivie contre les mouvements terroristes d'origine
intérieure comme d'origine extérieure même
si la France
n'a subi aucun attentat d'origine extérieure
.
L'activité antiterroriste s'est principalement focalisée sur la
Corse après l'assassinat, le 6 février 1998, du
Préfet
de la
région corse
, M. Claude Erignac. Les
investigations de la brigade nationale anti-terroriste ont conduit à
l'interpellation de 430 personnes dont 55 ont été placées
sous mandat de dépôt. Les membres du commando ayant
assassiné le préfet ont pu être interpellés les 21
et 23 mai 1999, à l'exception de l'auteur présumé de
l'assassinat, Yvan Colonna, qui est en fuite. Le rapport de la commission
d'enquête sur la conduite de la politique de sécurité
menée par l'Etat en Corse détaille les multiples
dysfonctionnements révélés, au sein de la police, de la
gendarmerie et de la justice, à l'occasion de cette
enquête
1(
*
)
.
Le
terrorisme breton
s'est signalé par une dizaine d'attentats
depuis le début 1998, dont un à Belfort et un à
Cintegabelle.
La dernière action du
terrorisme basque
remonte au 5 août
1998, une trêve unilatérale illimitée ayant
été décrétée en septembre 1998. La lutte
contre l'organisation terroriste ETA dans le cadre d'une coopération
franco-espagnole renforcée a permis d'obtenir des résultats
significatifs. En 1998, 33 personnes liées à l'ETA ont
été interpellées et 6 écrouées. En 1999,
12 militants ont été arrêtés et 8
écroués et d'importantes caches d'armes ont été
découvertes au Pays Basque français.
La persistance de la menace d'une nouvelle vague d'attentats des
groupes
armés islamiques
(GIA) sur le territoire national à
l'approche de la coupe du monde de football a conduit les services
anti-terroristes à diligenter, en liaison avec d'autres pays
européens, une opération qui a abouti à la neutralisation
d'un réseau terroriste qui avait notamment projeté d'assassiner
le recteur de la grande mosquée de Paris. 140 personnes ont
été interpellées et 45 écrouées en 1998.
Le suivi de l'organisation du
parti des travailleurs du Kurdistan
(PKK)
a été intensifié du fait de l'errance puis de
l'arrestation par les services turcs du leader de l'organisation, Abdullah
Ocalan. Dans ce cadre, 74 personnes ont été
interpellées et 13 écrouées en 1998 et
23 personnes ont été interpellées et 15
écrouées en 1999.
F. UNE LUTTE PERTURBÉE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE.
L'année 1998 a été marquée par
trois
faits principaux en matière de contrôle de l'immigration : la
levée des contrôles fixes à la frontière italienne
le 1
er
avril 1998, la poursuite d'une forte pression migratoire
d'origine kurde et l'apparition d'un véritable exode lié à
la situation de guerre au Kosovo.
Globalement, en 1998, le nombre de mesures de non-admission aux
frontières s'est élevé à 40 608, en diminution
de 12% par rapport à 1997. Ces mesures ont concerné au premier
chef les Marocains et, lors de la coupe du monde de football, les Britanniques.
Le nombre des réadmissions a au contraire augmenté concernant
principalement les Yougoslaves du Kosovo et les Irakiens d'origine kurde.
La pression migratoire irrégulière la plus importante se situe
à la frontière franco-italienne.
Malgré un accroissement de la pression migratoire, et un nombre de
mesures d'éloignement (44 513) en augmentation, le nombre de
personnes effectivement éloignées du territoire ne s'est
élevé qu'à
8 040
contre
9 947 en
1997 et 12 571 en 1996.
Le taux d'exécution des mesures
d'éloignement est ainsi particulièrement bas,
s'établissant à 18 %.
La situation est similaire au
premier semestre 1999, au cours duquel ont été prononcées
19 810 mesures d'éloignement générant 3595
départs effectifs.
Cette faiblesse des éloignements exécutés peut s'expliquer
par l'expectative dans laquelle se sont trouvés les services pendant la
durée de
l'opération de régularisation
des
" sans papiers " initiée par la circulaire du 24 juin 1997,
prolongée par l'entrée en vigueur de
la loi du 11 mai 1998,
dite loi RESEDA,
qui a modifié une nouvelle fois les dispositions de
l'ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour des
étrangers.
S'agissant du
bilan de l'opération de régularisation
, sur
143 939 demandes, 80 085 (55,6%) ont été
acceptées et 62 808 (43,6%) ont été rejetées,
1 046 étant encore en instance d'examen.
M. José Balarello, dans son rapport établi au nom de la
commission d'enquête du Sénat sur les régularisations,
présidée par M. Paul Masson, avait stigmatisé
l'institution par cette procédure de
" clandestins
officiels
", personnes en situation irrégulière,
désormais connues des services de police, mais ne pouvant faire, ne
serait ce que du fait de leur nombre trop élevé, l'objet d'une
reconduite effective à la frontière
2(
*
)
.
Les dispositifs
d'aide au retour dans le pays d'origine
n'ont pas
rencontré le succès escompté, 717 personnes seulement
ayant bénéficié des dispositions du décret de
janvier 1998. Par ailleurs un dispositif spécial a été mis
en place en septembre 1998 en collaboration avec la mission
interministérielle au co-développement. Il s'agit des contrats de
réinsertion dans le pays d'origine (CRPO) donnant le
bénéfice d'une formation professionnelle en France et dans le
pays d'origine aux ressortissants marocains, maliens et
sénégalais.
Par une circulaire du 11 octobre 1999, le ministre de l'intérieur a tenu
à appeler les préfets à une plus grande vigilance en
matière d'exécution des décisions d'éloignement et
a déploré que près de la moitié des
étrangers non-régularisés en 1997 et 1998 n'aient fait
l'objet d'aucun arrêté de reconduite à la frontière.
Votre commission ne peut qu'approuver cet appel à la fermeté
conduisant à éloigner effectivement les personnes n'ayant pas
droit au séjour dans notre pays
.
Le premier Conseil européen consacré aux affaires
intérieures et à la justice, dans le cadre du Traité
d'Amsterdam entré en vigueur le 1
er
mai 1999, s'est tenu
à Tampere le 15 octobre dernier. Ont été esquissés
à cette occasion les
contours d'une politique commune d'asile et
d'immigration
largement inspirée des conceptions françaises
refusant la fixation de quotas d'immigrants mais mettant l'accent sur la
nécessité d'une politique de co-développement avec les
pays d'origine et d'une maîtrise des flux migratoires associée
à un souci d'intégration des étrangers en situation
régulière.