II. LE TRAITEMENT DES PROBLÈMES FONCIERS, D'URBANISME ET DE LOGEMENT
Depuis le milieu des années 1970, la France n'a plus de politique foncière. Les moyens qui y étaient naguère consacrés ont été progressivement divisés par dix ! Or, la résolution des problèmes fonciers constitue l'un des éléments essentiels de la politique de la ville puisqu'elle conditionne aussi bien la restructuration des espaces urbanisés que la réalisation d'équipements collectifs et de logement.
A. AMBITIONS ET MOYENS
Lors de la rencontre nationale des élus de la politique de la ville, le 6 mai 1999, M. Claude Bartolone affirmait sa volonté d'engager un " grand programme de renouvellement urbain " prenant la forme de " Grands projets de ville ". Cette ambition, qu'approuve votre Commission des Affaires économiques, repose cependant sur la mise en oeuvre de moyens financiers importants.
1. Les financements accordés par la Caisse des Dépôts
La
Caisse des Dépôts et des Consignations contribue au financement de
la politique de la ville en octroyant des prêts projets urbains (PPU) et
des prêts-démolition-reconstruction.
Les
PPU
sont destinés au financement d'investissements
nécessaires au développement économique et social des
zones urbaines sensibles (à l'exclusion du logement) tels que :
- la restructuration de centres commerciaux, l'implantation de commerces
ou de services de proximité en pied d'immeubles ;
- les équipements publics de proximité (antennes de CCAS,
équipements sportifs, ou scolaires) ;
- les infrastructures de transport, de réseau ou les acquisitions
foncières.
Leur taux a été ramené de 5 % en 1997 à 3,5%
en 1999. Le montant total de prêts versé s'élevait à
2,9 milliards de francs en 1998, comme en 1997, contre 2,1 milliards
en 1996.
Les
prêts démolition-reconstruction
ont été
créés à la suite d'une décision du CIV du
30 juin 1998
. L'enveloppe de ces prêts est de 10 milliards
de francs, et leur taux fixé à 3,8 %.
On notera qu'en
août 1999, seuls 388 millions de francs avaient été
engagés au titre de ces prêts, montant qui, selon les informations
transmises à votre rapporteur pour avis, pourrait croître
rapidement du fait de l'application progressive de la circulaire du
2 mars 1999 relative à l'utilisation de ces prêts.
Votre Commission des Affaires économiques souhaite que le
Gouvernement mette en oeuvre un ambitieux programme de
reconstruction-démolition, dont la réussite repose sur la
connaissance des besoins et l'établissement d'un
échéancier des travaux à réaliser sur le territoire
national.
2. Préoccupations résultant de la budgétisation du FARIF
Créé par la loi de finances pour 1990 et
alimenté par une taxe sur les bureaux, le compte d'affectation
spéciale intitulé " fonds d'aménagement pour la
région Ile-de-France (FARIF) a apporté une contribution
importante à la politique de la ville. Ses chapitres 9 et 10 recevaient
chaque année environ 120 millions de francs de crédits
d'investissement et 80 millions de francs de crédits de
fonctionnement.
Or, la loi de finances pour 2000 prévoit une
budgétisation de ce compte qui n'est pas sans danger.
Votre Commission des Affaires économiques craint que la disparition du
FARIF n'ait des effets néfastes sur la capacité de l'Etat
à mener une politique foncière active en Ile-de-France.
En effet, le régime du compte d'affectation spéciale (CAS)
permettait d'obtenir une grande souplesse dans la gestion des crédits,
en vertu de l'application du principe selon lequel pour les CAS les
autorisations de programme sont égales aux crédits de paiement.
En d'autres termes, les crédits du FARIF pouvaient être
mobilisés très rapidement pour réaliser des achats
à l'amiable. Ceux-ci sont particulièrement souhaitables en amont
des grandes opérations d'urbanisme (construction de gares de RER ou de
métro par exemple) qui ont pour effet de renchérir la valeur des
terrains avoisinant les infrastructures.
Le risque est grand de voir les moyens naguère affectés au FARIF
-qui sont très modestes si on les rapporte aux grandes masses du budget
du ministère de l'Equipement- " noyés " dans celui-ci
et progressivement rognés sous l'effet de régulations
budgétaires successives.
Votre rapporteur pour avis estime, en outre, que le Gouvernement doit
prendre l'engagement solennel d'affecter le produit des cessions de biens
acquis par le passé, soit grâce au fonds national
d'aménagement foncier et urbain (FNAFU), soit grâce au FARIF
à des investissements fonciers de même nature.
Faute de cela, la budgétisation du FARIF n'aurait qu'un seul
intérêt : abonder la trésorerie de l'Etat.
B. BILAN DES GRANDS PROJETS URBAINS
Lancés à l'initiative de M. Michel Delabarre,
alors
ministre chargé de la ville, les grands projets urbains (GPU) ont pour
objet la restructuration profonde de grands ensembles. Entamée en 1994,
celle-ci se déroulera sur dix, voire quinze ans, dans le cadre
d'une étroite coopération entre l'Etat et les
collectivités locales (sous des formes variables : groupement
d'intérêt public, établissement public ou
société d'économie mixte).
Aux quatorze sites choisis initialement pour accueillir un GPU, le CIV du
30 juin 1998 a ajouté la commune de
Chanteloup-lès-Vignes. Le tableau suivant présente quelques
exemples des opérations réalisées grâce aux GPU
auxquels ont été consacrés une enveloppe pluriannuelle de
605 millions de francs à compter de 1994, ainsi que
2,25 milliards de francs de crédits au titre des contrats de plan
qui viennent à échéance en 1999. S'y sont ajoutés
880 millions de francs provenant du budget consacré à la
politique de la ville entre 1994 et 1998.
BILAN SOMMAIRE DES GPU (1994-1998)
Clichy-sous-Bois, Montfermeil |
Mise en sécurité de la tour Utrillo, restructuration commerciale du Chêne pointu, création de locaux d'activité. |
Argenteuil |
Restructuration de l'espace central de la dalle, restructuration des commerces. |
Epinay-sur-Seine |
Achèvement des travaux de transformation de la RN14 en
boulevard urbain dans la traversée du centre-ville ;
|
Mantois |
Projet
" habitat " du Val Fourré autour de l'ancien centre commercial
Mantes 2 en voie d'achèvement ;
|
Marseille |
Premières opérations prenant place dans le
projet de
l'Estaque ;
|
Grigny/Viry-Chatillon |
Création d'équipements publics de
proximité,
aménagement de voies permettant le désenclavement et
l'amélioration des flux au sein des quartiers de la Grande Borne et de
Grigny.
|
Meaux |
Amélioration de l'éclairage public, résidentialisation des espaces des immeubles d'habitat social, construction d'un équipement public de proximité, requalification d'un boulevard structurant |
Vaulx-en-Velin |
Restructuration du centre-ville ;
|
Vénissieux |
Aménagement envisagé des voies et
réalisation
du maillage du réseau viaire principal aux Minguettes ;
|
Gennevilliers |
Développement économique d'insertion et d'emploi
dans
le cadre d'un plan local d'insertion par l'économique qui met en
cohérence des outils de l'insertion ;
|
Aulnay-sous-Bois |
L'aménagement des espaces extérieurs des résidences de l'Europe et des Merisiers se poursuivent en 1999 sur le grand ensemble de " La rose des vents " dans le quartier de la Brise. |
Le CIV
du 30 juin 1988 a décidé que les villes bénéficiant
d'un GPU seraient également signataires d'un contrat de ville couvrant
la période 2000-2006.
Votre rapporteur pour avis souhaite que l'action entreprise dans le cadre
des GPU soit poursuivie sur le long terme. En effet, bien que l'action
entamée en 1994 par M. Delebarre, ait pu être qualifiée par
certains de " semi-échec " causé par le fait que
"
l'Etat ne s'est pas vraiment engagé
"
et que
"
les investissements étaient souvent trop importants pour des
communes en difficulté "
21(
*
)
,
les GPU sont, avec les ZFU,
l'un des piliers de la politique de la ville.
Compte tenu des difficultés spécifiques rencontrées par
les communes confrontées au problème des " grands
ensembles " l'Etat doit continuer à leur apporter son soutien dans
la durée.
C. L'EPARECA : DE LA GESTATION PROLONGÉE À LA NAISSANCE TARDIVE ?
Créé par les articles 25 à 28 de la loi du
14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du Pacte de Relance
pour la ville, l'Etablissement public d'aménagement et de
restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) a pour objet de
faciliter le remembrement des espaces commerciaux et artisanaux dans les sites
urbains en difficulté.
Il a été doté de 130 millions de francs de budget en
1998, grâce à un prélèvement opéré sur
le produit de la taxe additionnelle sur les grandes surfaces et peut recourir
à l'emprunt dans la limite de sa dotation initiale. Sa " force de
frappe " financière totale aurait donc pu avoisiner
230 millions de francs par an... Si sa création n'avait pas tant
tardé !
Depuis trois ans, la création de l'EPARECA traîne en
longueur.
Selon les informations communiquées à votre
rapporteur pour avis, l'équipe de cet établissement public
-composée d'une dizaine de personnes- n'a été
constituée qu'entre le courant 1998 et le début 1999.
L'EPARECA a reçu 90 dossiers. Sur ce total, 22 "
n'ont pas
été considérés comme devant relever de
[sa]
compétence ".
Sur les 68 dossiers restant, six seulement sont en phase
opérationnelle. Ils concernent :
- le Val d'Argent (Argenteuil) ;
- les Gibjoncs (Bourges) ;
- le Palais (Créteil) ;
- Les Belles portes (Hérouville-Saint-Clair) ;
- le Pôle des Nations (Mulhouse) ;
- La Rafale (Reims)
Enfin, 31 autres dossiers seraient au "
stade d'études
approfondies ".
Votre rapporteur pour avis regrette que deux ans après sa
création, l'EPARECA n'ait pas élaboré de rapport annuel.
Il souhaite connaître les raisons pour lesquelles l'Etat, autorité
de tutelle de cet établissement public, s'est avéré si peu
capable de mettre effectivement en oeuvre un instrument important
créé par le Pacte de relance pour la ville.