II. PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU RÉGIME DES ZFU ET ZRU

Plus que des querelles de chiffres stériles, l'avenir des ZFU constitue l'un des enjeux majeurs de la politique de la ville.

A. ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT

En se fondant sur les conclusions de l'IGF, de l'IGA et de l'IGAS, le Gouvernement dresse un triple constat :

- le dispositif ZFU-ZRU est porteur d'effets pervers tels que des délocalisations ou l'apparition de comportements de " chasseurs de prime " ;

- les ZFU et ZRU n'auraient eu qu'un impact limité sur l'activité et l'emploi en 1997, le dispositif ZFU n'ayant que " légèrement accentué le dynamisme préexistant dans les zones concernées " 16( * ) [ sic ] et " les habitants n'ont profité qu'à la marge de ces emplois, la clause d'embauche prévue de 20 % n'intervenant qu'à partir du 3 e salarié, sans durée de travail hebdomadaire minimale et n'étant pas facilement vérifiable ".

Enfin, les résultats les plus probants ont été obtenus " lorsque le dispositif est inscrit dans le contexte d'une politique de la ville active au service d'un projet plus global articulant les dimensions urbaine, sociale et économique. "

Se fondant sur ce constat, le Gouvernement n'envisage pas de supprimer purement et simplement le dispositif : " la gravité des problèmes d'emploi dans les quartiers en difficulté justifiant le maintien et l'accentuation des efforts de l'Etat " 17( * ) . Il veut, par conséquent, seulement " limiter les effets pervers et renforcer l'efficacité sociale " et " concevoir une batterie diversifiée d'outils adaptés à la revitalisation économique et à la lutte contre l'exclusion, par le travail, dans chacun des territoires des futurs contrats de ville " 18( * ) . C'est pourquoi, il se propose de :

- limiter les effets d'aubaine du dispositif ZFU (en renforçant les contrôles et fixant des exigences de durée hebdomadaire applicable aux contrats de travail ouvrant droit à l'exonération des charges sociales) ;

- renforcer l'efficacité sociale en réservant les exonérations aux entreprises qui contribuent à la revitalisation du quartier et à l'emploi des habitants et en modulant, le cas échéant, les exonérations de charges sociales selon que les emplois sont délocalisés ou créés ;

- rechercher pour les contrats de ville couvrant la période 2000-2006 des outils adaptés aussi bien à la revitalisation économique des quartiers qu'à leur insertion dans la dynamique économique de la ville qu'à l'accès à l'emploi des habitants des quartiers en difficulté.

B. APPRÉCIATION DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Votre Commission des Affaires économiques regrette les a priori dont le Gouvernement a fait preuve dans l'analyse des résultats obtenus dans les zones franches urbaines, tout en observant que le même Gouvernement ne parvient pas à trouver une alternative et se résout, par conséquent, à conserver le dispositif existant.

C'est clair, depuis l'été 1997, l'exécutif a manifesté sa défiance vis-à-vis du Pacte de Relance. On se souvient, en particulier, de l'annonce impromptue -et heureusement rapidement démentie- d'une suppression des ZFU. Sans nul doute, cette attitude réservée, voire même hostile, n'est pas pour rassurer les entrepreneurs qui souhaitent investir. De ce fait même, l'attitude du Gouvernement est de nature à porter préjudice à la réussite du Pacte de Relance pour la Ville.

En outre, ce que le rapport au Parlement sur les ZFU ne dit pas -et qui avait cependant, si l'on en croit la presse, été souligné par le rapport de l'Inspection des Finances-, c'est que l'important volet du Pacte de relance pour la Ville tendant au renforcement de la sécurité n'a, pour l'essentiel, pas été mis en oeuvre.

Cette carence est d'autant plus inacceptable que le rapport Sueur de 1998 ou le rapport IGF-IGA de 1999 ont, si l'on en croit la presse, insisté sur l'importance de ces dispositions destinées à rétablir la sécurité.

Cette carence n'est, malheureusement, pas une exception et votre rapporteur pour avis reviendra, ci-après, sur les autres mesures prévues en 1996 qui n'ont pas vu le jour, à commencer par la création de l'EPARECA qui n'a, -faute de volonté politique, s'agissant d'un établissement public d'aménagement sous la tutelle de l'Etat-, été suivie d'aucun résultat . Cette indolence n'est pas à mettre au débit du Pacte de Relance, mais de ses détracteurs.

En ce qui concerne les délocalisations , votre Commission des Affaires économiques considère, comme le Gouvernement, qu'il faut tout faire pour limiter les purs " effets d'aubaine ". Cependant, elle estime que les délocalisations ne sont pas en soi nécessairement néfastes : ne seraient-elles pas susceptibles d'intervenir tout autant si l'on crée une " PAT ville ", comme le souhaite le Gouvernement ? L'essentiel est de savoir si l'on entend ou non favoriser le retour de l'activité vers les secteurs défavorisés dans un esprit d'aménagement du territoire. A l'heure où le Gouvernement s'attache à mettre en oeuvre le " partage du travail " en instaurant les 35 heures, on voit mal comment il peut critiquer le " partage des richesses " dont s'inspire le Pacte de relance !

La création d'une " prime d'aménagement du territoire "  (PAT) ville ", destinée à favoriser l'implantation d'entreprises à effectifs importants pose, quant à elle, un double problème. En premier lieu, l'installation de grosses structures industrielles est susceptible de susciter des difficultés lorsque la ZFU est dotée d'une faible surface : qui a visité un quartier en difficulté peut légitimement s'interroger sur l'opportunité d'y implanter des " boîtes à chaussures " au pied des barres d'immeubles, elles mêmes situées à proximité des rocades et des bretelles d'autoroute qui ceinturent les grandes villes ! En second lieu, la PAT-ville devrait être versée sans préjudice de la taille de l'entreprise, faute de quoi on n'apporterait plus d'aides aux petites structures qui, rappelons-le, ont connu le plus grand développement depuis 1996.

L'expérience a prouvé, en zone rurale, que la PAT était inadaptée aux besoins des petites entreprises. Prenons donc garde à ne pas créer un dispositif analogue en ville ! Faute de cela, le Gouvernement serait en contradiction avec les conclusions de Mme Robin-Rodrigo et de M. Bourguignon selon lesquels il faut " définir le territoire d'intervention pour soutenir la création d'activité par les habitants des quartiers " et " adopter une démarche active pour dépister les porteurs de projets " et notamment pour aider les projets conduits par les femmes 19( * ) .

Enfin, le Gouvernement pourrait se trouver pris dans une contradiction s'il entend modifier le régime d'exonérations sociales applicables au personnel non sédentaire en ZFU. En effet, le rapport parlementaire précité lui recommande, tout au contraire, de " s'appuyer sur les entreprises de travail temporaire [ qui peuvent ] permettre de franchir par étapes les barrières à l'emploi [...] " 20( * ) .

Comme elle l'a souligné en 1998, votre Commission des Affaires économiques estime également que des efforts doivent être poursuivis afin d'améliorer l'employabilité des chômeurs qui résident dans les quartiers en difficulté. En effet, selon plusieurs sources, même si -contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement- les entreprises respectent et dépassent bien souvent la norme de 20% fixée par le Pacte de relance pour la ville, l'institution de normes plus strictes n'est envisageable que si le secteur productif peut entrer en contact avec la main d'oeuvre dont il a besoin.

Au total, le principal problème qui se pose aujourd'hui n'est pas celui de l'amélioration du dispositif envisagée par le Gouvernement, mais celui de l'avenir des ZFU.

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