B. DES RÉSULTATS FRAGILES, SUR LESQUELS PÈSERA SANS DOUTE LE COÛT DES 35 HEURES
Le
chiffre d'affaires consolidé du groupe La Poste s'est
élevé à 93,4 milliards de francs en 1998. Le
résultat d'exploitation a atteint 2,543 milliards en francs, et
le résultat net 337 millions de francs
, soit
0,36 %
du chiffre d'affaires
.
Ce chiffre témoigne certes
d'un redressement,
puisque le
résultat n'atteignait que 58 millions de francs en 1998 et qu'il
était négatif (-614 millions de francs) en 1997.
Mais son montant relativement peu élevé montre la
faiblesse
structurelle de la rentabilité de La Poste
.
En outre, alors qu'il est désormais acquis que l'opérateur ne
pourra bénéficier d'aide de l'Etat à cette fin,
le
passage aux 35 heures de travail hebdomadaires
risque d'être
lourd de conséquences pour la compétitivité de La Poste.
Votre rapporteur pour avis tient à formuler deux observations
:
- d'une part, de l'aveu même du Président et du Directeur
général de la Poste lors de leur audition devant votre Commission
-dont un compte-rendu est fourni en annexe du présent rapport-, la
signature de l'accord du 17 février 1999 sur la
réduction du temps de travail n'entraînera pas une hausse du
niveau global d'emplois à la Poste
;
- d'autre part, son financement -le coût étant estimé
par le rapport d'information
" Sauver La Poste : est-il encore
temps pour décider ? "
de notre collègue
Gérard Larcher à
3 milliards de francs
- devra
être assuré par une
augmentation de la productivité
de l'opérateur ce qui, compte tenu des sommes en jeu et des gains qu'il
faudrait réaliser pour en compenser le coût, ne laisse pas
d'inquiéter !
C. UNE POSTE À " PETITE VITESSE " DANS LES TOURNANTS STRATÉGIQUES
Le
manque d'ambition de la tutelle, manifestée dans le contrat de plan
dit d'objectif et de progrès, dont votre rapporteur pour avis avait
largement commenté les lacunes l'an passé, n'a pas permis
à l'opérateur de mettre au point de stratégie
résolument offensive s'agissant des sujets qui intéressent plus
particulièrement son avenir : la mise en place d'une alliance
internationale dans la messagerie et le développement du commerce
électronique notamment.
Certes,
le plan stratégique 1998-2002
déterminé par
le Conseil d'administration a fixé l'objectif d'un chiffre d'affaires
consolidé de 110 milliards de francs en 2002, avec un doublement
à l'international, pour atteindre 10 milliards de francs, soit
près de 10 % du chiffre d'affaires du groupe.
Dans le colis, la Poste souhaite détenir 10 % du marché
européen du monocolis en 2002 et atteindre à cet horizon,
1.400 milliards de francs d'encours pour ses services financiers.
1. Les alliances internationales : le " dinosaure Poste " face aux " gazelles européennes " ?
" Rien ne sert de courir, il faut partir à
point ".
Bien que semblant désormais convaincue de la nécessité de
conclure des partenariats ou des alliances lui permettant de parer aux
offensives de croissance externe tous azimuts de ses concurrents, La Poste n'a
toutefois pas atteint
son objectif de conclure, d'ici à la fin de
1999, une alliance internationale stratégique
. Il faut dire que
l'opérateur est singulièrement dépourvu de moyens, devant
trouver, d'après les termes employés par M. Christian
Pierret lors du colloque " Poste, Europe, Territoires " au
Sénat en juin dernier,
en elle-même
, c'est-à-dire
sans dotation en capital de sa tutelle, et donc sans les moyens qu'auraient
conférés une possible ouverture dudit capital, les ressources de
son développement international. Dans ce contexte, que représente
la marge brute d'autofinancement de La Poste face aux sommes impressionnantes
-plusieurs dizaines de milliards de francs- dégagées par ses
concurrents pour leur croissance externe ?
Même en prenant l'hypothèse d'une titrisation de ses actifs
immobiliers, les moyens à la disposition de l'opérateur ne
changent pas réellement d'échelle.
La Poste n'est certes pas restée totalement immobile. Mais les
résultats semblent bien fluets dans la course actuelle aux parts de
marché européennes. On peut notamment citer :
- dans l'express, l'accord avec l'Espagnol Correos y Telegrafos et la
création d'une filiale commune ; le partenariat avec Der Kurier,
spécialiste allemand du J+1 ; l'acquisition par Chronopost de la
majorité du britannique Panic Link ;
- dans le colis, la prise de contrôle de l'allemand Deukhaus, de la
société Bikart et d'Interspe, qui permettent une
pénétration sur le marché allemand.
Soulignons que La Poste est également sur le point de s'implanter
outre-atlantique en acquérant la société de transport
international de presse INSA.
Votre rapporteur pour avis considère toutefois que la création
de la holding Coélo (colis et logistique) par la Poste le 18 mai
dernier est une avancée positive.
Cette évolution -qui n'a d'ailleurs pas vraiment, pour l'instant,
amené les développements attendus- ne saurait remplacer la
capitalisation de l'établissement que réclame votre commission.
Elle offre toutefois certaines perspectives. Cette société
anonyme détient en effet l'ensemble des participations du groupe La
Poste dans les sociétés opérant sur le marché du
colis et de la logistique.
Outre l'objectif industriel de rapprochement des filiales, de rationalisation
de leur offre, et de développement de synergies,
la création
de Coélo met en place un véhicule juridique pour la constitution
d'une alliance par une éventuelle ouverture du capital à des
partenaires financiers et industriels, parmi lesquels, le cas
échéant, d'autres opérateurs postaux ou un grand
intégrateur de messagerie.
Si la structure juridique est en place, aucun accord significatif n'a toutefois
encore été conclu.
2. Le commerce électronique : un moteur de croissance à embrayer
Alors
que notre pays compte déjà sans doute près de
8 millions d'internautes, et que ceux-ci devraient représenter, au
plan mondial, 300 millions de personnes
6(
*
)
en 2003, toutes les projections
s'accordent à estimer que
le commerce électronique est en
passe de devenir l'un des principaux support des transactions commerciales
.
Le développement fulgurant qui est attendu en la matière
représente une opportunité de croissance pour les
opérateurs de messagerie et de logistique.
En effet, les transactions électroniques se concrétisent par des
flux physiques de biens qui doivent être acheminés dans des
délais rapides jusqu'au client final.
C'est plus globalement toute la gamme des activités de logistique qui
est appelée à se développer, c'est-à-dire non
seulement l'acheminement mais également le stockage, l'emballage et la
préparation de la commande.
Les opérateurs postaux européens tendent d'ailleurs à
mettre en place -à l'instar des grands intégrateurs
spécialistes de la messagerie- une offre de plus en plus globale,
incluant la logistique, ce qui leur permet, en outre, de capter la
clientèle des grandes entreprises.
Certains postiers européens proposent même aux entreprises qui
vendent des produits sur Internet de prendre en charge le stockage, l'envoi et
le paiement de leurs articles.
La Poste, si elle se fixe l'objectif de réaliser, à
l'horizon 2002, 2 milliards de francs de chiffre d'affaires
grâce aux nouvelles technologies, ne fait toutefois pas de leur
développement l'un des axes majeurs de sa stratégie.
Les initiatives en la matière ne sont certes pas inexistantes, mais
restent encore largement expérimentales ou embryonnaires.
Ainsi, certains projets -certes prometteurs- sont largement inaboutis :
C'est le cas du service
" PostECS "
, développé
en collaboration avec les postes américaine et canadienne, qui devrait
fournir des fonctionnalités de chiffrement du document, de protection
par mot de passe et de suivi en temps réel. La Poste se donne l'objectif
de servir ses clients en matière de courrier électronique avec le
même impératif de rapidité, de confidentialité et
d'identification des émetteurs et destinataires que pour le courrier
physique. Après une phase pilote menée en 1998 et début
1999, le produit devrait être commercialisé en 2000.
Certinomis
est une filiale en cours de création entre la Poste et
la SAGEM, qui s'apprête à commercialiser des services de
certification. Cette autorité de certification permettra de
développer la confiance et la sécurité sur Internet en
émettant des certificats électroniques pour identifier un
individu, un " cybercommerçant " ou une organisation
quelconque sur Internet.
La Poste envisage de développer l'
horodatage
des documents
électroniques qui servirait de commencement de preuve, en droit, dans le
cadre des relations commerciales électroniques. Il permet au client de
disposer d'un moyen de prouver l'existence et la date d'une communication
électronique ou d'une transaction de commerce électronique.
Le
lancement d'une phase pilote
est prévu pour 2000. Ce service est une
transposition dans l'univers de la société de l'information du
cachet de La Poste faisant foi dans le monde du papier.
Enfin, la Poste va lancer, sans doute avec un partenaire, un portail sur
Internet. Outre l'accès à des services partenaires de La Poste,
l'un des objectifs de ce service est d'offrir à chaque français
une adresse électronique stable, permettant à chacun
ultérieurement de choisir le type de courriers qu'il souhaite recevoir
et d'y domicilier ses courriers électroniques officiels.
Rappelons également l'offre EDI (échange de données
informatiques) de Télépost auprès de clients importants de
plusieurs secteurs.
Votre commission pour avis estime que La Poste doit résolument
prendre le tournant des nouvelles technologies, qui lui offrent des
opportunités nouvelles en matière notamment de logistique et de
certification.